Dossier Paru le 06 février 2024
NAISSANCE D’UN ENFANT ET CONGÉ

Tentative de lutte contre la baisse de la natalité

Des changements ont été annoncés par Monsieur Emmanuel Macron, président de la République lors de la conférence de presse du 16 janvier 2024, laquelle a été retransmise depuis l’Élysée. Pour tenir compte du faible nombre de naissances en France depuis les derniers mois (baisse de 20 % depuis 2010), à savoir de la chute inquiétante des grossesses et des accouchements en France, il a annoncé le remplacement du congé parental par le congé de naissance. Pour bien comprendre ces nouvelles mesures dont l’ambition est de relancer la natalité afin de soutenir la démographie française et combattre la baisse annuelle du nombre de naissances, il importe de faire le point sur la baisse de la natalité (I) et de relever les modifications opérées entre le congé parental actuel et le projet de congé de naissance (II).

Naissance d'un enfant et congé © kolinko_tanya-stock.adobe.com AdobeStock_73458561.jpeg

I - Les problèmes liés à la chute de la natalité

Il ressort de travaux que la France a enregistré en 2023 le plus faible nombre de naissances depuis la seconde guerre mondiale (données révélées lors du bilan démographique annuel de l’Insee). En 2023, il n’a été question que de 678 000 naissances, soit une baisse de 6,6% à savoir de 48 000 par rapport au bilan de 2022 (année déjà marquée par un recul de la natalité). Si en 2010 les femmes avaient plus de deux enfants, le nombre d’enfant par femme s’élève en 2023 à 1,68 contre 1,79 l’année précédente, la France passant pour la première fois sous la barre des 700 000 naissances annuelles. Ce phénomène qui s’aggrave est redoutable car la mise au monde de nombreux nouveau-nés change le monde et cela permettrait à la France de conserver sa place. Effectivement la baisse de la natalité aura de lourdes conséquences économiques et sociales mais aussi laissera des personnes âgées isolées.

Il est vrai que les grossesses sont aujourd’hui plus tardives, les femmes accouchant en moyenne seulement à 31 ans et beaucoup moins d’entre elles ont envie de devenir mères en raison des crises et du contexte environnemental mondial, anxiogène mais aussi économique.

Dans ce contexte, actuellement de nombreuses personnes, vivant ou non en couple, jeunes ou âgées ne souhaitent plus devoir élever des enfants. C’est leur soif de liberté qui explique leur intention de ne pas devenir parents mais aussi les difficultés financières que rencontrent pères et mères. En conséquence, la baisse de la natalité entraîne malheureusement une baisse de la population active et un vieillissement des Français, avec des risques de danger pour les futures retraites.

II – Les nouvelles mesures à prendre autour de la natalité

Pour lutter contre la dénatalité en France, Emmanuel Macron a annoncé un plan de lutte contre l’infertilité (A), ainsi que la mise en place d’un congé de naissance (B).

A. Prise en compte des enjeux d’infertilité

Face aux risques vécus par de nombreuses personnes et pour sensibiliser la population aux enjeux d’infertilité, il est question de généraliser un examen gynécologique pour les femmes et un spermogramme pour les hommes dès qu’ils atteignent tous l’âge de 25 ans, examens qui seront remboursés par la Sécurité sociale. Cela permettra d’accentuer le travail de recherche sur la fertilité en France et de prodiguer des conseils aux intéressés parce que la fréquence de l’infertilité masculine et féminine n’a cessé d’augmenter au fil du temps. Lors des travaux menés sur la dénatalité, mais aussi lors de la loi bioéthique de 2021, il a été relevé que de nombreuses personnes ayant un désir d’enfant n’ont malheureusement pas pu en avoir, soit les femmes ne pouvant pas démarrer une grossesse soit les femmes enceintes étant victimes de fausses couches, grande forme de souffrances (Julie Houriez, Fausse couche. De la souffrance à la découverte de soi, Éditions Le Souffle d’or, 2023). Il ne faut toutefois pas que l’infertilité, qui est un enjeu de santé publique majeur, soit négligée par les pouvoirs publics.

B. Remplacement du congé parental par un congé de naissance

Si les familles parviennent malgré tout à avoir un enfant car les membres du couple ne sont pas infertiles, des changements sont annoncés à propos de l’aide accordée par l’État. Pour relancer la natalité en France, le chef de l’État a prévu de remplacer en 2025 l’actuel congé parental par un congé de naissance, projet annoncé par lui lors de la conférence de presse du 16 janvier 2024. Pour le moment ce congé parental intervient après un congé maternité ou paternité ainsi qu’en cas d’adoption afin de permettre aux parents de cesser temporairement leur activité professionnelle en vue de pouvoir élever un enfant jusqu’à ses trois ans.

Cela concerne l’ensemble des salariés, à la fois pour leurs contrats de travail à durée indéterminée, leurs contrats de travail à durée déterminée ou leurs contrats temporaires, sachant que les parents ont toutefois l’obligation d’avertir leur employeur au moins un mois avant la date dudit congé. En cas de naissance de l’enfant avant la date prévue de l’accouchement, le congé parental peut être pris au cours du mois suivant la naissance, cependant chacun doit en informer préalablement son employeur.

Cela dit, le recours à ce congé parental est très peu utilisé, sur­tout par les pères (selon une étude de l’OFCE de 2021, 98 % des bénéficiaires sont des mères), raison pour laquelle les discussions en cours ont eu pour but de trouver d’autres modalités de sou­tien aux familles, notamment en vue d’éviter que les femmes qui accouchent s’éloignent pendant longtemps du marché du travail. Durant l’été 2023, Mme Aurore Bergé, alors ministre des Solidarités et des familles avait déjà évoqué une réforme du congé parental.

Ce congé de naissance va permettre de placer les pères et mères à égalité, car ils auront tous la possibilité de rester aux côtés de leur nouveau-né jusqu’à ses six mois. Il est prévu que ce congé soit indemnisé au prorata du salaire, jusqu’à 1 800 € maximum pour le volet Sécurité sociale par indemnité journalière, sachant que l’employeur pourra compléter ce montant pour couvrir les 100 % du salaire. La rémunération sera basée sur le salaire du parent, toutefois le montant n’est pas encore fixé officiellement, sans doute 50 % du salaire du parent, mais rien n’est encore calé concernant la prise en compte du pourcentage du salaire. Il ne s’agira pas en tout cas d’une prestation sociale avec un montant fixe pour tous, mais d’une somme en lien avec le salaire versé antérieurement à l’accouchement. Cela devrait éviter de créer autant d’angoisses qu’actuellement. Ce congé viendra en complément des congés paternité et maternité et permettra aux deux parents d’être libérés pendant six mois de leurs contraintes professionnelles, tout en étant soutenus financièrement.

En conséquence, le congé de naissance sera mieux indemnisé en 2025 que le congé parental actuel indemnisé à hauteur de 429 eu­ros par mois. Selon l’Élysée, le but est de « débloquer les freins économiques et sociaux au désir d’enfant ». Il ne s’agira donc plus d’un montant forfaitaire accordé indépendamment des revenus mais d’un montant en lien avec les salaires. Il s’agira peut-être toutefois seulement des revenus maternels parce que rien n’indique actuellement que les pères seront obligés de prendre ce congé.

Le président de la République, Emmanuel Macron a souhaité mettre en place cette mesure car le congé parental actuel, créé en 1977 et réformé en 2014, peut aller jusqu’à trois ans, néanmoins il est mal rémunéré. En effet, cela risque d’éloigner trop les femmes de leur lieu de travail et il leur est difficile de réussir leur retour au bu­reau après une aussi longue absence, plus pénible encore lorsque plusieurs grossesses se suivent rapidement.

Le nouveau congé de naissance bénéficiera de la même manière aux pères et mères, raison pour laquelle Aurore Bergé, alors ministre des Solidarités et à présent chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, évoquait la mise en place d’un nouveau droit pour les familles à savoir un congé familial. Ils pourront s’arrêter de travailler tout en étant bien indemnisés, ce qui leur permettra de s’occuper du nouveau-né.

Face à la baisse spectaculaire des naissances et au portrait d’une France vieillissante, les réflexions qui ont été menées en ce domaine pour relancer la natalité n’ont toutefois pas pour objectif d’imposer aux couples de faire des enfants.

On peut aussi se demander pourquoi il n’est question que de six mois pour être en congé avec le nouveau-né alors que la baisse de la natalité s’explique aussi par le manque de crèches (il ressort d’une étude UFC-Que choisir publiée le 26 septembre 2023 que quatre enfants sur dix n’ont pas de place pour être gardés dans notre pays). En conséquence, il n’est pas impertinent de s’interroger sur ce que deviendront les enfants une fois qu’ils auront atteint leurs six mois. Il est donc regrettable de ne pas laisser de choix aux familles concernant la durée du temps passé à la maison après l’accouchement de la mère. On peut dès lors souhaiter que les pères et mères ou les deux mères si l’une d’entre elles a bénéficié d’une procréation médicalement assistée possible depuis la loi bioéthique de 2021, fassent le choix de prendre leurs six mois de congé ensemble ou à la suite l’un de l’autre.

Surtout avec un montant aussi impressionnant, les hommes et femmes se mettront peut-être à égalité en s’occupant ensemble ou séparément du nouveau-né (pour le moment moins de 1% des pères réclament ce congé : étude de l’OFCE de 2021). Cela permettra assurément de « débloquer les freins économiques et sociaux au désir d’enfant ».

Emmanuel Macron ayant confirmé le 16 janvier 2024 la création du congé de naissance, espérons que cette avancée juridique soit favorable aux jeunes couples, la suppression de la baisse de la natalité étant attendue par de nombreuses personnes dont l’auteur de cet article, maman de trois fils (32, 31 et 27 ans) qui sont en couple, mais qui n’est pas encore grand-mère. Il faudra toutefois attendre 2025 et plus spécialement le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) de l’automne 2024.

Il faut se réjouir de cette nouvelle mesure qui aura des aspects positifs sur le travail des pères et mères ainsi que sur le montant des retraites, le moment venu.

Isabelle CORPART, Maître de conférences émérite en droit privé à l’Université de Haute Alsace