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Droit Paru le 05 août 2022
JURIDIQUE

La sanction de la fausse information du marché à l'épreuve du droit processuel

C’est à tort que la cour d’appel s’est fondée, pour écarter l’application du principe Ne bis in idem, sur le motif que les poursuites administratives de l’Autorité des marchés financiers (AMF) pour manquement à l’information du public et les poursuites pénales pour les délits de présentation de comptes inexacts visaient des intérêts protégés différents. Mais il résulte des préventions ainsi que des constatations de la cour d’appel que les poursuites pénales du chef de présentation de comptes annuels inexacts, ainsi que celles de faux et usage, se fondent sur des faits différents en substance de ceux qui ont été sanctionnés par l’autorité administrative au titre des manquements en matière d’information du marché.

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Cass. crim., 13 avril 2022, n° 20-80524 F-D, X et autres c/ Ministère public

La notification des griefs par l’AMF pour diffusion d’informations fausses ou trompeuses, si elle entraîne l’extinction de l’action publique pour le délit de diffusion d’informations trompeuses, ne saurait donc avoir pour effet d’éteindre l’action publique pour les délits de faux et usage, et de présentation de comptes annuels inexacts.

Pour statuer sur l’action civile, la cour d’appel énonce que la sanction administrative de l’AMF, confirmée par la cour d’appel de Paris, a établi l’existence des manquements à l’information du public et leur imputabilité aux dirigeants et à la personne morale, caractérisant, sans qu’il soit nécessaire de reprendre les motivations de la décision, l’existence d’une faute, qui peut être le fondement de l’action indemnitaire des parties civiles. Elle conclut que l’ensemble des prévenus a commis une faute qui est en lien direct avec le préjudice des parties civiles, qu’il s’agisse d’une faute civile du chef de diffusion d’informations trompeuses ou d’une faute pénale du chef de présentation de comptes inexacts et de faux. En se déterminant ainsi, sans s’être préalablement prononcée sur

l’extinction de l’action publique concernant le délit d’informations fausses ou trompeuses ou de complicité de ce délit du fait de l’entrée en vigueur de l’article L. 465-3-6, IX du Code monétaire et financier, issu de la loi du 21 juin 2016 portant réforme du système de répression des abus de marché, retenue par les premiers juges, la cour d’appel a méconnu l’article 3 du Code de procédure pénale et le principe selon lequel les tribunaux répressifs ne sont compé-tents pour connaître de l’action civile en réparation du dommage né d’une infraction qu’accessoirement à l’action publique. Les arrêts rendus par la Chambre criminelle de la Cour de cas-sation en matière de délit de diffusion d’informations fausses ou trompeuses (délit de fausse information du marché, réprimé par l’article L. 465-3-2 du Code monétaire et financier)1 sont rares et doivent être signalés dans les colonnes de cette chronique. L’arrêt rapporté, rendu le 13 avril 2022, mérite d’autant plus de retenir l’attention que, dans le cadre d’une très longue affaire où se sont succédées poursuites et sanctions administratives de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et poursuites pénales, il se prononce, d’une part, sur l’application du principe Ne bis in idem et, d’autre part, sur l’action civile tendant à la réparation du préjudice causé par la diffusion d’informations fausses ou trompeuses.

En l’occurrence, à la suite d’une enquête initiale de la Commission des opérations de bourse (dont l’AMF a pris la suite), ainsi que d’une enquête puis d’une information judiciaires, des dirigeants d’une société cotée sur le marché réglementé d’Euronext-Paris, se sont vus reprocher d’avoir eu recours à des irrégularités comptables, dans le but de majorer artificiellement le chiffre d’affaires et le résultat, en enregistrant en comptabilité un chiffre d’affaires inexistant, et en s’abstenant de comptabiliser certaines provisions. Par une décision du 29 mars 2007, la Commission des sanctions de l’AMF a infligé, en application de l’article L. 621-15 du Code monétaire et financier et de l’ancien article 632-1 du Règlement général de l’AMF, des sanctions administratives du chef de manquement à l’information du public à cette société et à plusieurs de ses dirigeants. La Cour d’appel de Paris a confirmé ces sanctions par un arrêt définitif du 27 mai 2008.

À l’issue de l’information judiciaire, la société et plusieurs de ses dirigeants ont été renvoyés devant le Tribunal correctionnel de Paris, des chefs de différents délits (diffusion d’informations fausses ou trompeuses, faux et usage, et présentation de comptes annuels inexacts) qui sont réprimés respectivement par l’article L. 465-2-3 du Code monétaire et financier (L. 465-2 à l’époque des faits), l’article L. 441-1 du Code pénal et l’article L. 242-6, 2° du Code de commerce. Par jugement du 30 mars 2017, le tribunal correctionnel a prononcé leur relaxe. Mais, sur appel du ministère public, la Cour d’appel de Paris, par un arrêt infirmatif du 10 mars 2020, a condamné, la société, pour faux et usage, à 100 000 euros d’amende et a condamné un premier dirigeant, pour présentation de comptes annuels inexacts et complicité de faux et usage, à deux ans d’emprisonnement avec sursis, et un deuxième dirigeant pour présentation de comptes inexacts et complicité de faux et usage, à un an d’emprisonnement avec sursis, et s’est prononcée sur les intérêts civils.

L’arrêt rapporté, statuant sur le pourvoi en cassation formé par les prévenus à l’encontre de cette décision, présente l’originalité de renfermer une triple censure de la motivation mais seulement une double cassation de la décision attaquée. La Chambre criminelle accueille, en effet, les pourvois en cassation formés par les prévenus en pointant la violation par les juges du fond de textes et principes fondamentaux tant s’agissant de l’action publique (I) qu’en ce qui concerne l’action civile (II).

I) Sur l’action publique et l’application du principe Ne bis in idem

La Chambre criminelle se prononce d’abord sur deux moyens, d’inégal intérêt pour les lecteurs de cette chronique. Le premier moyen, invoqué par un seul prévenu, faisait grief aux juges d’appel de l’avoir déclaré coupable de complicité de faux et d’usage de faux après avoir mis dans le débat une requalification possible en complicité de présentation de comptes inexacts et de faux, concernant l’ensemble des prévenus pour les sociétés dont ils n’avaient pas la qualité de mandataire social. Les juges du fond avaient ainsi retenu qu’il était établi que ce prévenu, en demandant la création de factures à établir à l’automne 2002 aux comptables des deux sociétés concernées, s’était rendu complice du délit de faux, et ils avaient requalifié les faits de faux et d’usage de faux pour les sociétés S et A qui lui étaient initialement reprochés, en complicité de faux et d’usage, et l’avaient déclaré coupable de ces délits.

La cassation est prononcée au visa de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des articles préliminaire et 388 du Code de procédure pénale (pts. 32-34): « S’il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c’est à la condition que le prévenu ait été mis en mesure de se défendre sur la nouvelle qualification envisagée… En prononçant ainsi, alors que M. X, qui était directeur général de la société A et président du conseil d’administration de la société S, était mandataire social de ces sociétés, et qu’il ne résulte ni d’une autre mention de l’arrêt, ni des pièces de procédure, que le prévenu ait été invité à se défendre sur cette nouvelle qualification, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ».

Cette censure doit être pleinement approuvée. Si en application de l’article 388 du Code de procédure pénale, le tribunal correctionnel est saisi in rem des infractions relevant de sa compétence, il ne peut requalifier les faits qui lui sont soumis sans avoir permis au prévenu de se défendre sur cette nouvelle qualification, sauf à violer les droits de la défense garantis par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme et l’article préliminaire du Code de procédure pénale2.

De manière plus remarquable, un autre moyen, articulé par plusieurs prévenus, invoquait la violation du principe Ne bis in idem, consacré par plusieurs textes3, par la cour d’appel qui avait exclu l’application de celui-ci en retenant que la poursuite du délit de présentation de comptes inexacts et du délit de faux, d’une part, et les poursuites déjà exercées antérieurement par l’AMF (en application de l’article L. 621-15 du Code monétaire et financier) pour manquement à l’information du public (qui ne concerne que les sociétés cotées), d’autre part, s’analysaient en des « poursuites mixtes visant des intérêts protégés différents » et que l’extinction de l’action publique pour le délit de diffusion d’information trompeuse (en raison des poursuites administratives engagées par l’AMF pour manquement à l’information du public4) était sans effet sur les délits de présentation de comptes inexacts et de faux. La Chambre criminelle refuse d’adhérer à ce raisonnement mais ne casse pas pour autant la décision des juges du fond sur ce point.

Elle affirme d’abord (pt. 24) que « c’est à tort que la cour d’appel s’est fondée, pour écarter l’application du principe Ne bis in idem, sur le motif que les poursuites visaient des intérêts protégés différents». Mais elle ajoute immédiatement (pts. 25-27): « Toutefois, l’arrêt n’encourt pas la censure. Il résulte en effet des préventions ainsi que des constatations de la cour d’appel que les poursuites pénales du chef de présentation de comptes annuels inexacts,ainsi que celles de faux et usage, se fondent sur des faits différents en substance de ceux qui ont été sanctionnés par l’autorité administrative au titre des manquements en matière d’information du marché. La notification des griefs par l’AMF pour diffusion d’informations fausses ou trompeuses, si elle entraîne l’extinction de l’action publique pour le délit de diffusion d’informations trompeuses, ne saurait donc avoir pour effet d’éteindre l’action publique pour les délits de faux et usage, et de présentation de comptes annuels inexacts ».

La Chambre criminelle souligne ainsi que les « intérêts protégés » – qu’elle ne précise pas au demeurant – par les différentes incriminations en cause sont indifférents et inopérants pour l’application du principe Ne bis in idem alors qu’ils sont au contraire visés par le Conseil constitutionnel, qui retient une conception plus étroite de l’interdiction du cumul de poursuites sur le fondement du principe de nécessité des peines5. Le critère tiré de l’absence d’identité substantielle des faits fondant les poursuites est celui retenu par la Cour européenne des droits de l’Homme pour l’application de l’article 4 du Protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne des droits de l’Homme6 et la Chambre criminelle y adhère à juste titre dans l’arrêt rapporté. Ce critère conduit en l’occurrence à considérer que l’extinction de l’action publique pour le délit de fausse information, en raison des poursuites administratives antérieures de l’AMF pour manquement à l’information du public, ne peut pas s’étendre aux poursuites pénales pour les deux autres délits de faux et usage et de présentation de comptes inexacts, dès lors que celles-ci sont fondées sur des faits différents de ceux ayant été visés par lesdites poursuites administratives antérieures. En revanche, l’extinction de l’action publique pour le délit de fausse information rejaillit nécessairement sur l’action civile exercée du chef de ce même délit.

II) Sur l’action civile

La Chambre criminelle devait se prononcer sur le moyen d’un prévenu7 qui critiquait aussi l’arrêt attaqué en ce qu’il l’avait condamné à payer, dans le cadre de l’action civile exercée en réparation des préjudices causés par le délit de fausse information, des dommages-intérêts, à une partie civile au titre d’une perte de chance, et à une autre partie civile au titre d’un préjudice moral.

Pour statuer sur l’action civile, la cour d’appel avait d’abord affirmé (ainsi que cela ressort des pts. 39-42 de l’arrêt rapporté) que le tribunal correctionnel, qui avait été saisi avant l’abrogation de la loi pénale, était compétent pour statuer sur les demandes des parties civiles, et que par l’effet dévolutif de l’appel, la cour était tenue de statuer sur les demandes des parties civiles sur le fondement de la diffusion d’informations trompeuses, quand bien même l’action publique de ce chef de prévention était éteinte. Elle avait ajouté qu’en l’absence de toute condamnation pénale du chef de diffusion d’informations fausses ou trompeuses, la cour était tenue, en raison de la demande des parties civiles, de rechercher l’existence d’une faute civile. Elle avait encore relevé que les prévenus n’ont pas été relaxés pour le délit de fausse information, l’absence de sanction pénale provenant de l’effet de l’abrogation de la loi, que les prévenus avaient été définitivement sanctionnés par l’AMF à ce titre, et qu’il n’était pas contesté que la responsabilité des personnes physiques en qualité de dirigeants de la société A, et celle de la personne morale, avaient été démontrées s’agissant de la diffusion des informations fausses et trompeuses. La cour d’appel avait enfin retenu que la sanction de l’AMF, devenue définitive après sa confirmation par la Cour d’appel de Paris, avait établi l’existence des manquements administratifs, et leur imputabilité aux dirigeants et à la personne morale, caractérisant ainsi, sans qu’il soit nécessaire de reprendre les motivations de la décision, l’existence d’une faute, qui pouvait être le fondement de l’action indemnitaire des parties civiles. Elle en avait conclu que l’ensemble des prévenus avait commis une faute en lien direct avec le préjudice des parties civiles, qu’il s’agisse d’une faute civile du chef de diffusion d’informations trompeuses ou d’une faute pénale du chef de présentation de comptes inexacts et de faux.

En d’autres termes, les juges du fond avaient considéré que l’existence d’une faute civile de nature à fonder l’action indemnitaire en réparation du préjudice causé par la diffusion d’informations trompeuses pouvait être déduite de la sanction prononcée par l’AMF du chef d’un manquement à l’information du public. Le pourvoi contestait précisément ce raisonnement en faisant valoir que, dans la mesure où elle était saisie du seul appel de la partie civile formé à l’encontre du jugement ayant constaté l’extinction de l’action publique du chef du délit de fausse information, la cour d’appel n’était pas compétente pour se prononcer sur la demande de réparation résultant de cette infraction.

La Chambre criminelle accueille ce moyen en cassant la décision d’appel sur ce point, au visa de l’article 3 du Code de procédure pénale. Elle énonce (pts. 37-38): « Selon ce texte, les tribunaux répressifs ne sont compétents pour connaître de l’action civile en réparation du dommage né d’une infraction qu’accessoirement à l’action publique. Il s’en déduit que, lorsqu’elle est saisie du seul appel de la partie civil formé à l’encontre d’un jugement ayant constaté l’extinction de l’action publique et débouté l’intéressée de ses demandes, la cour d’appel n’est compétente pour prononcer sur le droit à réparation de la partie civile à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, que si elle a préalablement constaté que c’est à tort que les premiers juges ont déclaré l’action publique éteinte. Elle en conclut (pt. 43): « En se déterminant ainsi, sans s’être préalablement prononcée sur l’extinction de l’action publique concernant le délit d’informations fausses ou trompeuses ou de complicité de ce délit du fait de l’entrée en vigueur de l’article L. 465-3-6, IX du code monétaire et financier, issu de la loi du 21 juin 2016, retenue par les premiers juges, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ».

La Chambre criminelle précise enfin (pts. 45-46) la portée de la cassation prononcée qui est limitée à la déclaration de culpabilité des chefs de complicité de faux et d’usage de faux, ainsi qu’aux peines concernant l’un des prévenus et aux dispositions relatives aux intérêts civils concernant la société A et deux autres prévenus. Mais «pour une bonne administration de la justice», en application de l’article 612-1 du Code de procédure pénale8, il est ordonné que l’annulation sur les dispositions civiles de l’arrêt d’appel aura aussi effet à l’égard des autres prévenus qui ne se sont pas pourvus.

La cassation, qui est d’une parfaite orthodoxie juridique, est donc prononcée, en application de l’article 3 du Code de procédure pénale9, sur le seul fondement du caractère accessoire de l’action civile et de la compétence de la cour d’appel lorsqu’elle statue sur cette action indemnitaire10, qui lui impose de se prononcer au préalable sur une extinction de l’action publique du délit dont la réparation est demandée. Ainsi, en l’espèce, la cour d’appel ne pouvait pas statuer sur l’action civile en réparation du préjudice causé par le délit de fausse information11 sans examiner si l’action publique de ce chef n’avait pas été éteinte par l’application de l’article L. 465-3-6, IX du Code monétaire et financier, introduit par la loi n° 2016-819 du 21 juin 2016 portant réforme du système de répression des abus de marché, qui a exclu le cumul de poursuites administratives et pénales pour les mêmes faits en matière d’abus de marché12. Il en résulte aussi qu’en cas d’extinction de l’action publique du chef du délit de fausse information, la cour d’appel ne peut pas indemniser le préjudice des parties civiles en se fondant sur une faute civile qui serait déduite du prononcé par l’AMF d’une sanction administrative du chef d’un manquement à l’information du public. Autrement dit, lorsqu’elle statue sur l’action civile du chef d’un délit de fausse information du marché, la cour d’appel ne peut pas allouer une réparation, lorsque l’action publique du chef du même délit est éteinte, en se fondant sur un manquement administratif.

L’arrêt rapporté ne remet donc pas en cause la solution selon laquelle un manquement administratif, et en particulier un manquement d’abus de marché sanctionné par l’AMF, peut constituer une faute civile, au sens de l’article 1240 du Code civil13. La prochaine réforme de la responsabilité civile devrait du reste le confirmer clairement puisque la proposition de loi déposée au Sénat le 29 juillet 2020 énonce (article 1241 du Code civil) que « constituent une faute la violation d’une prescription légale ou réglementaire, ainsi que le manquement au devoir général de prudence ou de diligence ». Au-delà, il serait même cohérent de considérer que tout manquement à la réglementation financière, et notamment au règlement n° 596/2014 du 16 avril 2014 (règlement Abus de marché ou MAR) ou au Règlement général de l’AMF, est nécessairement constitutif d’une faute civile susceptible d’engager la responsabilité civile de son auteur14 devant la juridiction civile ou commerciale compétente (qui devra cependant constater le préjudice et le lien de causalité entre celui-ci et la faute), puisque la Commission des sanctions de l’AMF ne peut pas statuer sur une demande de réparation d’un préjudice résultant d’un manquement administratif ou disciplinaire15 .

En définitive, l’arrêt rapporté retient une juste conception du principe Ne bis in idem et apporte une remarquable précision quant à l’exercice de l’action civile en matière de délit de fausse information, et plus généralement d’abus de marché. Il faut savoir gré à la Chambre criminelle de veiller avec rigueur au respect de la légalité.

 

Notes

1. V. notamment D. Martin, E. Dezeuze, F. Bouaziz, R. Salomon, M. Françon, en collaboration avec G. Rivière, Les abus de marché, LexisNexis, 2ème éd., 2021, n° 264 et s. ; Lamy Droit pénal des affaires 2022, Délits boursiers, Chap. 9, Le délit de fausse information du marché par N. Rontchevsky, n° 2095 et s.

2. L’article préliminaire du Code de procédure pénale énonce notamment (I) : « La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties».

3. Le principe Ne bis in idem est posé par l’article 4 du Protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne des droits de l’Homme (énonçant : « Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État ») ; ce même principe est aussi posé par l’article 14, § 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté par les Nations Unies et par l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Ces différents textes étaient invoqués par les prévenus ; sur ce principe, V. notamment J. Lelieur-Fischer, La règle ne bis in idem : du principe de l’autorité de la chose jugée au principe d’unicité d’action répressive, Thèse Paris-I, 2005.

4. Il résulte de la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015 (n° 2014-453/454 QPC et n° 2015-462 QPC, D. 2015, p. 894, note A.-V. Le Fur et D. Schmidt ; JCP 2015, 368, note F. Sudre ; 369, note J.-H. Robert ; Bull. Joly Bourse 2015, p. 204, note Th. Bonneau ; RD banc. fin. 2015, n° 63, obs. P. Pailler ; RTDcom. 2015, p. 317, obs. N. R.) et de l’article L. 465-3-6, IX du Code monétaire et financier, issu de la loi n° 2016-819 du 21 juin 2016, que des poursuites pénales ne peuvent plus être engagées pour un abus de marché, comme un délit de fausse information du marché, lorsque des poursuites administratives auront déjà été engagées pour les mêmes faits et à l’encontre de la même personne par une notification des griefs du Collège de l’AMF saisissant la Commission des sanctions sur le fondement des dispositions de l’article L. 621-15 du Code monétaire et financier.

5. V. notamment Cons. constit., 18 mars 2015, n° 2014-453/454 QPC et n° 2015-462 QPC, préc. ; Cons. constit., 14 janvier 2016, n° 25-513/514 et 526 QPC ; adde D. Martin, E. Dezeuze, F. Bouaziz, R. Salomon, M. Françon, en collaboration avec G. Rivière, Les abus de marché, op. cit., n° 538-539.

6. V. notamment CEDH, 4 mars 2014, n° 18640/10, Grande Stevens et autres c/ Italie, D. 2014, p. 2050, note A.-V. Le Fur et D. Schmidt ; Bull. Joly Bourse 2014, p. 209, n° 111h1, note J. Chacornac ; Dr. sociétés 2014, n° 87, note S. Torck ; RTDF n° 2/2014, p. 149, obs. N. R., concluant à une violation de l’article 4 du Protocole n° 7 en considérant que les requérants, qui avaient fait l’objet de sanctions administratives définitives, relevant de la matière pénale, du chef de la diffusion de fausses informations ont ensuite été poursuivis devant les juridictions pénales du chef d’une infraction ayant pour origine des faits identiques. les requérants, qui avaient fait l’objet de sanctions administratives définitives, relevant de la matière pénale, du chef de la diffusion de fausses informations ont ensuite été poursuivis devant les juridictions pénales du chef d’une infraction ayant pour origine des faits identiques ; V. encore CEDH, 6 juin 2019, n° 47342/14, N. c/ France ; comp. CEDH, 15 novembre 2016, 24130/11 et 29758/11, A. et B. c/ Norvège, considérant que l’article 4 du Protocole n° 7 n’exclut pas la conduite de procédures mixtes, pénales et administratives (pour fraude fiscale) pourvu que certaines conditions soient remplies, l’État devant notamment établir de manière probante que les procédures mixtes en question étaient unies par un lien matériel et temporel suffisamment étroit.

7. Ce moyen était aussi soulevé d’office et mis dans le débat pour la société A et un autre prévenu.

8. L’article L. 612-1, alinéa 1 du Code de procédure pénale énonce qu’« En toute matière, lorsque l’intérêt de l’ordre public ou d’une bonne administration de la justice le commande, la Cour de cassation peut ordonner que l’annulation qu’elle prononce aura effet à l’égard des parties à la procédure qui ne se sont pas pourvues».

9. L’article 3 du Code de procédure pénale, rédigé en deux alinéas, dispose: « L’action civile peut être exercée en même temps que l’action publique et devant la même juridiction. Elle sera recevable pour tous chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découleront des faits objets de la poursuite».

10. Comme le souligne M. B. Bouloc (Droit pénal général, Dalloz, 27ème éd., 2021, n° 36), « l’action civile de la victime porte sur un préjudice d’origine délictueuse ; elle apparaît de ce fait comme un complément de la répression, elle prolonge l’effet répressif de la condamnation ».

11. Sur l’exercice de l’action civile en matière de fausse information du public, V. Lamy Droit pénal des affaires 2022, Le délit de fausse information du marché, op. cit., n° 2137.

12. V. notamment les commentaires de la loi n° 2016-819 du 21 juin 2016 portant réforme de la répression des abus de marché par Th. Bonneau, JCP E 2016, 1412 ; P. Pailler, RDBF 2016, n° 217, P.-H. Conac, Rev. sociétés 2016, p. 469 ; E. Dezeuze et N. Rontchevsky, RTDF n° 3/2016, p. 144.

13. V. notamment Cass. com., 22 novembre 2005, n° 03-20600 (affaire Eurodirect Marketing), Banque & Droit janvier-février 2006, p. 35, obs. H. de Vauplane et J.-J. Daigre ; RTDcom. 2006, p. 445, obs. M. Storck, considérant que la faute civile peut être déduite d’un manquement à l’obligation d’information du public prévue par le règlement COB n° 98-07 alors même que ce manquement n’avait pas été sanctionné antérieurement, en l’espèce, par l’autorité de marché; adde sur la caractérisation de la faute civile en matière de fausse information du marché, Lamy Droit pénal des affaires 2022, Le délit de fausse information du marché, op. cit., n° 2138.

14. V. très nettement en ce sens O. de Bailliencourt, obs. sur T. com. Paris, Paris, 7 juillet 2021, n° 2011027112, n° 2012033467, n° 2012029636, n° 2012056220, n° 2012028100 (affaire Vivendi), Dr. sociétés 2021, n° 135, qui considère que « rien ne s’oppose donc fondamentalement à ce que la qualification faite dans le cadre d’une procédure de sanction administrative s’impose au juge statuant sur la responsabilité civile ». L’auteur critique les cinq jugements ayant conclu à l’absence de faute civile de Vivendi malgré une communication financière ayant donné lieu à une sanction administrative de l’AMF; V. aussi les fortes critiques de P.-H. Conac sur ces jugements à la Rev. sociétés 2022, p. 270, I, spéc. n° 18-20, qui développe aussi un remarquable «plaidoyer pour une évolution du régime juridique de la reparation du préjudice boursier».
15. V. plus généralement sur cette question la thèse de J. Prorok, La responsabilité civile sur les marchés financiers, LGDJ, 2019, préf. H. Synvet.

Nicolas RONTCHEVSKY