Droit Paru le 26 août 2022
DES INSECTES PROTÉGÉS ALLIÉS JURIDIQUES DES ARBRES !

Les pièces d’une belle mécanique

Aux termes de l’article L-411-1 du Code de l’environnement : l’altération, la dégradation ou la destruction des aires de repos ou des sites de reproduction des espèces protégées est interdite.

Pique-prune

Les principales espèces protégées, concernées par cet article, sont :

- les oiseaux (un arrêté du 29 octobre 2009 fixe la liste des oiseaux protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection);

- les chauves-souris (toutes espèces);

- ou encore certains coléoptères, comme la lucarne cerf-volant, le scarabée pique-prune ou le grand capricorne.

Le principe est celui de l’interdiction de toute destruction desdites espèces ou de leur habitat, sous réserve de dérogations pour des raisons impératives d’intérêt public majeur.

Les arbres, par nature habitat principal de ces espèces protégées, peuvent aussi profiter indirectement de cette protection juridique.

Présentation sommaire de deux exemples concrets, concernant la défense de deux coléoptères en voie de disparition, ayant permis, «par ricochet», la préservation des arbres qui les abritaient.

1- Les vieux arbres et les scarabées pique-prune capables de détourner... le tracé d’un projet d’autoroute !

Ces coléoptères vivent dans les creux et fissures de vieux arbres feuillus, comme les chênes, les frênes têtards, les hêtres, les tilleuls ou encore les châtaigniers. Ils sont casaniers, ne sortant que très peu et se nourrissent de petits champignons qui poussent à l’intérieur des vieux troncs. En voie d’extinction, les scarabées pique-prune sont protégés par la Directive Européenne 92/43 du Conseil des Communautés Européennes du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage.

De 1996 à 2004, par leur seule présence, les scarabées pique-prune ont bloqué le chantier de l’autoroute A 28 entre Alençon et Tours. Ce dernier aurait nécessité des arrachages de vieux feuillus, habitats privilégiés de ces coléoptères. Après de nombreuses oppositions pour faire respecter le Droit communautaire, le tracé de cette autoroute a été revu plus au nord, pour laisser intact les scarabées pique-prune et, par voie de conséquence, les très nombreux vieux arbres qui les abritaient.

2- Un chêne centenaire menacé par un chantier immobilier, sauvé en Justice... par le grand capricorne !

Tout récemment, cet autre coléoptère a été repéré sous l’écorce d’un chêne centenaire se trouvant sur la commune de Castelnau-le-Lez, dans le département de l’Hérault.

Pendant des mois, des camions d’un chantier immobilier ont roulé sur les racines du chêne se trouvant sur un terrain privé étouffant et endommageant ses racines. Après une longue et féroce bataille devant les tribunaux, les arguments des défenseurs du chêne centenaire ont porté principalement sur la présence, sous son écorce, de grands capricornes (ou cerambix cerdo) eux-mêmes protégés par la Convention de Berne du 19 septembre 1979 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe.

Par un arrêt en date du 16 décembre 2021, sous N° R.G. 21/03022, la 3ème Chambre civile de la Cour d’appel de Montpellier a donné raison aux défenseurs du chêne en interdisant le passage des camions. Les juges ont considéré comme recevables les arguments écologiques, notamment le fait que l’arbre abrite une espèce protégée par une convention internationale.

Si ces deux petits coléoptères sont très importants en terme de biodiversité, leur protection pourrait paraître disproportionnée, par rapport aux énormes enjeux économiques et financiers auxquels elle s’est heurtée.

Comment, en effet, la présence de coléoptères de quelques centimètres, fussent-ils en voie d’extinction, peut-elle sérieusement arrêter un chantier immobilier ou, pire, entraîner la révision d’un projet de tracé d’autoroute ?

Les entomologistes nous apportent une des réponses : «La Nature est une horloge dont les insectes sont l’un des plus petits rouages». Et les arbres en sont les aiguilles !

Me Benoît HARTENSTEIN, Notaire à METZERVISSE, Co-correspondant Moselle de l’association A.R.B.R.E.S.