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Droit Paru le 27 juin 2023
MODES ALTERNATIFS DE RÈGLEMENT DES LITIGES

Le régime des modes alternatifs de règlement des conflits préalables à certaines actions en justice est de nouveau précisé

Le décret n°2023-357 du 11 mai 2023 relatif à la tentative préalable obligatoire de médiation, de conciliation ou de procédure participative en matière civile réintroduit l’article 750-1 du code de procédure civile.

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Les Modes Alternatifs de Règlement des Conflits (MARC) sont des pratiques existant à côté des systèmes judiciaires mis en place pour permettre de régler des litiges entre les parties sans avoir recours aux tribunaux. Dans une volonté de désencombrer les juridictions, le législateur a prévu, à l’article 4 de la loi n° 2016- 1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle1, que certaines actions en justice, sauf exception, doivent être précédées d’un mode alternatif de règlement des conflits. Il est renvoyé à un décret en Conseil d’État le soin de préciser le régime de cette obligation.

Le Conseil constitutionnel a déclaré cet article 42 conforme à la Constitution, sous la réserve que le pouvoir réglementaire précise le régime dérogatoire à l’obligation de recourir préalablement à l’action en justice à un MARC3.

C’était chose faite, croyait-on, avec le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019. Mais, celui-ci a fait l’objet, par le Conseil d’État en 2022, d’une décision d’annulation partielle et notamment de l’article 750-1 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue de l’article 4 dudit décret4.

Le décret n° 2023-357 du 11 mai 2023 relatif à la tentative préalable obligatoire de médiation, de conciliation ou de procédure participative en matière civile5 tire donc les conséquences de la décision d’annulation partielle du décret de 2019 en réintroduisant l’article 750-1 du code de procédure civile qui précise le régime de l’obligation de principe de recourir préalablement à un MARC (I), qui connait toutefois des exceptions (II).

Le nouveau dispositif est applicable aux instances introduites à compter du 1er octobre 2023.

I) Le principe du recours préalable à un MARC

L’obligation préalable d’un recours à un MARC – Toute demande en justice doit être précédée d’une tentative soit de :

- conciliation menée par un conciliateur de justice ;

- de médiation6 ;

- de procédure participative.

L’auteur du choix du MARC – Le choix du MARC appartient aux parties.

Le domaine d’application de l’obligation – Cette obligation ne s’applique pas à toutes les demandes en justice. Elle concerne soit une action :

- tendant au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ;

- relative à un conflit de voisinage :

o mentionnée à l’article R. 211-3-4 du code de l’organisation judiciaire bornage : bornage ;

o mentionnée à l’article R. 211-3-8 :

- distance prescrite par la loi, les règlements particuliers et l’usage des lieux pour les plantations ou l’élagage d’arbres ou de haies ;

- constructions et travaux mentionnés à l’article 674 du code civil relatif à la distance et des ouvrages intermédiaires requis pour certaines construction et selon lequel :

• « Celui qui fait creuser un puits ou une fosse d’aisance près d’un mur mitoyen ou non,

• Celui qui veut y construire cheminée ou âtre, forge, four ou fourneau,

• Y adosser une étable,

• Ou établir contre ce mur un magasin de sel ou amas de matières corrosives,

Est obligé à laisser la distance prescrite par les règlements et usages particuliers sur ces objets, ou à faire les ouvrages prescrits par les mêmes règlements et usages, pour éviter de nuire au voisin.

- au curage des fossés et canaux servant à l’irrigation des propriétés ou au mouvement des usines et moulins ;

- des contestations relatives à l’établissement et à l’exercice des servitudes :

• d’aqueduc7;

• d’appui8 ;

• d’écoulement9 ;

• qui dérivent de la situation des lieux10

ainsi qu’aux indemnités dues à raison de ces servitudes ;

- des contestations relatives aux servitudes établies au profit des associations syndicales de propriétaires11.

- à un trouble anormal de voisinage

Toutefois, l’article 4 de la loi prévoit que cette obligation ne s’applique pas aux litiges relatifs à l’application des dispositions mentionnées à l’article L. 314-26 du code de la consommation,

à savoir les dispositions relatives au crédit à la consommation et au crédit immobilier.

Les sanctions du non-respect de l’obligation – Le défaut du respect de l’obligation est sanctionné par l’irrecevabilité de l’action en justice que le juge peut prononcer d’office.

II - Les exceptions à l’obligation de recourir à un MARC préalable

Les parties sont dispensées de l’obligation préalable à toute action judiciaire de recourir à un MARC :

- 1° Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;

- 2° Lorsque l’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision ;

- 3° Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable est justifiée par un motif légitime tenant soit à :

o l’urgence manifeste,

o aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement,

o à l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai supérieur à trois mois à compter de la saisine d’un conciliateur ; le demandeur justifie par tout moyen de la saisine et de ses suites ;

- 4° Si le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation ;

- 5° Si le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances12.

 

Notes :

1. Dont la dernière rédaction est issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021.

2. Dans sa rédaction résultant de l’article 3 de la loi du 22 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice

3. Conseil const., 21 mars 2019, n°2019-778 DC, §20 : « Cependant, s’agissant d’une condition de recevabilité d’un recours contentieux, il appartiendra au pouvoir réglementaire de définir la notion de « motif légitime » et de préciser le « délai raisonnable » d’indisponibilité du conciliateur de justice à partir duquel le justiciable est recevable à saisir la juridiction, notamment dans le cas où le litige présente un caractère urgent. Sous cette réserve, et compte tenu des garanties qui précèdent, le grief tiré d’une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif doit être écarté ».

4. CE, 22 septembre 2022, Décision n° 436939, JO n°0225 du 28 septembre 2022, Texte n°65.

5. JO n°0110 du 12 mai 2023, Texte n°11.

6. telle que définie à l’article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

7. instituées par les articles L. 152-14 à L. 152-16 du code rural et de la pêche maritime

8. instituées par les articles L. 152-17 à L. 152-19 du code rural et de la pêche maritime.

9. instituées par les articles L. 152-20 à L. 152-23 du code rural et de la pêche maritime.

10. instituées par les articles 640 & 641 du code civil.

11. prévues par l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires.
12. conformément à l’article L. 125-1 du code des procédures civiles d’exécution.

Patrice BATTISTINI