Droit Paru le 08 septembre 2023
JURIDIQUE

Le réglement amiable des litiges et la césure du procès

Les rédacteurs du code de procédure civile ont, depuis longtemps, choisi de privilégier les solutions amiables des conflits, plutôt que de s’en remettre systématiquement à la décision du juge. Songeons à des mécanismes tels que la médiation, la conciliation, la procédure participative, la tentative de conciliation, qui est obligatoire avant la saisine du juge. Le décret du 29 juillet dernier ajoute une ierre à l’édifice, avec l’introduction dans le code du règlement amiable des litiges qui sont déjà pendants devant le juge, et la césure du procès, qui permet de parvenir à régler à l’amiable une partie d’un litige.

I. Le règlement amiable des litiges

Le recours à la procédure de règlement amiable

Les nouvelles dispositions sont applicables aux procès déjà en cours, ceux par conséquent qui n’ont pu faire l’objet d’une conciliation. L’assignation a été délivrée, mais il existe une possibilité que les parties s’entendent pour mettre fin à leur conflit, et pour écrire ensemble les termes de leur accord.

Lorsque le juge s’aperçoit que cette possibilité existe, il peut décider d’office qu’elles seront convoquées à une audience dite « audience de règlement amiable ». Bien entendu, il ne s’agit pas de contraindre des adversaires qui ne le souhaiteraient pas, à se trouver à nouveau face à face. Avant de prendre sa décision, le juge doit recueillir l’avis des plaideurs.

L’initiative de la demande d’audience de règlement amiable appartient également à chacune des parties. Le juge n’est cependant pas obligé d’y faire droit.

Le juge qui dispose de la faculté de recourir à la procédure de règlement amiable est le président du tribunal judiciaire lorsque l’affaire vient à l’audience d’orientation, mais aussi le juge de la mise en état, ou encore le juge des contentieux de la protection saisi en référé. Le juge de la mise en état peut même, après qu’une ordonnance de clôture ait été prise, révoquer cette ordonnance, après avoir recueilli l’avis des parties, et décider de les faire convoquer à une audience de règlement amiable.

Les contentieux, dans lesquels cette convocation à l’audience de règlement amiable est permise, sont ceux qui concernent les droits dont les parties ont la libre disposition, ceux qui, selon la vieille expression, sont dans le commerce. Il s’agit des litiges dont l’objet est pécuniaire, et qui porte sur des créances, des contrats (bail, vente, transport, dépôt, etc.) ou des droits réels (notamment la propriété). Les litiges qui concernent le droit de la famille (divorce, autorité parentale, etc.) sont exclus du recours au règlement amiable. Le juge, d’office ou à la demande d’une partie, dans les matières éligibles au règlement amiable, peut décider que les parties seront convoquées à une audience de règlement amiable. La convocation appartient au greffe de la juridiction, qui peut user pour ce faire de « tout moyen ».

La tenue de l’audience de règlement amiable

Les parties doivent comparaître en personne, c’est là une condition essentielle pour qu’elles puissent s’entendre directement, sans intermédiaire. Lorsque le litige est de ceux pour lesquels la représentation par un avocat est obligatoire, les avocats seront présents, mais seulement pour assister leurs clients. Dans les situations où la représentation n’est pas obligatoire, les parties ont la possibilité de se faire assister par un avocat, ou par certaines personnes qui leur sont liées par des relations de famille ou d’alliance, ou encore par leurs salariés. L’audience se tient en chambre du conseil, c’est-à-dire à huis clos, et sans la présence d’un greffier. Ce qui est dit, fait ou écrit au cours de cette audience est confidentiel. Il faut que les parties puissent s’exprimer sans retenue, ce qui serait impossible si l’on pouvait leur opposer dans la suite de la procédure, certaines de leurs déclarations ou des révélations qu’elles seraient amenées à faire. À ce principe, trois exceptions :

- l’accord des parties ;

- des raisons impérieuses d’ordre public, ou qui tiennent à l’intérêt supérieur de l’enfant ou à l’intégrité physique ou psychologique d’une partie ;

- enfin, bien sûr, si la révélation de l’existence de l’accord, ou la divulgation de son contenu est nécessaire pour sa mise en oeuvre ou son exécution.

Le deuxième cas d’exclusion de la confidentialité s’explique parce qu’à l’occasion d’un conflit dont l’enjeu est tout matériel, d’autres faits, qui ne concernent pas des intérêts pécuniaires, peuvent être découverts.

L’audience de règlement amiable, c’est un point essentiel, se tient sous la présidence d’un juge qui n’aurait pas été appelé à siéger dans la formation de jugement, si le conflit allait jusqu’à l’audience de jugement.

Le juge peut décider d’entendre les parties séparément.

L’audience de règlement amiable ne dessaisit pas le juge qui a décidé d’y avoir recours.

Il va de soi que la décision de faire convoquer les parties à une audience de règlement amiable interrompt l’instance en cours. Par ailleurs, au cas où le litige reviendrait devant le juge saisi au contentieux, la première audience tenue par ce juge interromprait le cours de la péremption d’instance.

Les suites de l’audience de règlement amiable

À l’issue de l’audience de règlement amiable, les parties peuvent demander au juge de constater leur accord. Cet accord peut être total ou partiel.

Le juge qui a tenu cette audience informe son collègue qui est saisi du litige, qu’il est mis fin à la phase de règlement amiable. Il lui transmet le procès-verbal d’accord si l’on a pu parvenir à un accord.

II. La césure du procès

Lorsque l’ensemble des parties sont parvenues à un accord partiel, elles peuvent demander au juge de la mise en état d’une clôture partielle de l’instruction de l’affaire.

Elles le font par un acte qui est contresigné par leurs avocats, et qui précise les prétentions pour lesquelles elles sollicitent que soit rendu un jugement partiel.

Ce jugement partiel peut être frappé d’appel. Le risque est faible qu’il le soit, s’agissant d’un jugement qui constatera un accord, mais il existe quand même. Le texte précise même que ce jugement est immédiatement susceptible d’appel, sans qu’il faille attendre que soit rendu le jugement sur les points du litige qui n’ont pu être réglés amiablement.

La clôture de l’instruction ne peut être prononcée avant l’expiration du délai d’appel contre le jugement rendu à la suite de l’audience de règlement amiable. Si un appel est interjeté contre ce dernier jugement, la clôture de l’instruction ne pourra intervenir avant le prononcé de l’arrêt d’appel.

Jean-Loup VIVIER, Avocat du Barreau du Gers, Docteur en droit