Grand Est Paru le 23 avril 2024
BIEN EN ALSACE

L'Alsace en mode job dating collectif

L’Adira a lancé, le 4 avril dernier, la marque employeur « Bien en Alsace ». Objectif : alors que le recrutement demeure une des principales difficultés auxquelles se heurtent les entreprises alsaciennes, aider ces dernières à aller chercher leurs nouveaux talents au-delà des Vosges et du Rhin.

Le 19 septembre prochain, Link Group, un des leaders alsaciens du recrutement, organisera un job dating géant au Parc des Princes, à Paris. L’idée : rameuter une centaine d’entreprises alsaciennes pour qu’elles aillent ensemble séduire et convaincre leurs futurs talents. Le constat est simple : les entreprises alsaciennes ont de plus en plus de mal à recruter de nouveaux collaborateurs. Elles doivent donc aller les chercher ailleurs. Et cette raréfaction des candidatures ne concerne pas seulement les hauts dirigeants, membres des comités de direction des grands groupes. « Doréna­vant, nous faisons aussi de l’approche directe pour des techniciens de maintenance ou des charpentiers », explique Pascal Wespiser, patron de Link Group. Et Anne-Marie Jean, présidente de la Maison de l’Emploi de Strasbourg, confirme : « Dans l’Eurométropole, il manque cinq-cents informaticiens. »

Au-delà du coup de comm’, l’opération parisienne est révélatrice d’une prise de conscience. « Le recrutement est devenu telle­ment difficile que les entreprises se font de l’ombre entre elles, regrette Karine Rousseau, directrice des ressources humaines, chez Delpharm, à Mulhouse. Quand nous recherchons les mêmes ta­lents sur un aussi petit territoire, cela devient problématique. C’est malsain. » D’où la nécessité de « chasser en meute », insiste Pascal Wespiser. D’où la nécessité aussi de s’abriter sous une marque commune : « Bien en Alsace », lancée le 4 avril dernier par l’Adira, depuis l’usine Blue Paper, sur le Port Autonome de Strasbourg.

L’attractivité du territoire

Car pour attirer de nouveaux talents, l’entreprise ne peut plus seu­lement compter sur ses propres atouts, elle doit aussi compter sur l’attractivité du territoire où elle est implantée. Tout salarié réfléchis­sant à une éventuelle installation en Alsace se pose invariablement plus ou moins les mêmes questions. Mon conjoint va-t-il trouver lui aussi un emploi en Alsace qui corresponde à ses aspirations ? Où allons-nous habiter ? Où mes enfants vont-ils aller à l’école ou à l’université ? Où pourrais-je les inscrire au foot, à la danse, au piano ? L’offre culturelle, sportive, gastronomique est-elle au niveau ? Peut-on se déplacer facilement ? Conçue, réfléchie, tra­vaillée par quatre collectivités territoriales pilotes (Eurométropole de Strasbourg, Saint-Louis Agglomération, Alsace du Nord et Alsace Rhin-Brisach) et plus de soixante-dix entreprises, la marque employeur Alsace entend répondre à toutes ces questions.

Une charte d’engagements, un guide des bonnes pratiques, un guide des contacts utiles, un flyer de séduction ont déjà été édités. Et si elle est régionale, la marque est destinée à s’appliquer au plus près du terrain : territoire par territoire, entreprise par entreprise. L’exemple de Constellium sur le territoire d’Alsace Rhin-Brisach est à ce titre intéressant. « Depuis l’annonce de la fermeture de la centrale de Fessenheim, les entreprises présentes dans le terri­toire nous rappellent qu’elles ont des besoins propres en matière de recrutement, relate Gérard Hug, président de la Communauté de Communes. Elles doivent être accompagnées. D’autant plus que nos voisins allemands et suisses sont confrontés aux mêmes problèmes de rareté de la main d’oeuvre. » « Nous avons un gros besoin lié à une vague de départs à la retraite : un quart de nos effectifs sont à remplacer presqu’immédiatement, confirme Johann Gruat, DRH de l’usine Constellium, à Biesheim. C’est pour nous d’autant plus difficile que le nom de l’entreprise est peu connu. La marque employeur « Bien en Alsace » peut donc être un très bon complément pour attirer de nouveaux candidats et leurs familles. »

Et bien sûr, la marque employeur « Bien en Alsace » sera partenaire du job dating au Parc des Princes de la fin de cet été. Histoire d’aller droit au but.

Le recrutement selon LinkedIn

Le 9 avril dernier, le réseau social professionnel LinkedIn orga­nisait une conférence à Strasbourg dans le cadre de son Talent Connect France Tour. Le sujet : « Redéfinir le monde du travail à l’ère de l’IA ». LinkedIn, ce sont 1 milliard de membres dans le monde, 29 millions en France (soit 90 % de la population active), 1,26 million dans le Grand Est (en augmentation de 60,8 % depuis 2020). Dans la région, 90 300 offres d’emploi ont été publiées sur le réseau en un an. Les secteurs qui ont le plus recruté en 2023 sont les administrations publiques, la construction et les services aux professionnels.

Au-delà du nombre, LinkedIn sait qualifier les métiers les plus demandés par les recruteurs dans la région : métiers de la san­té, administrateurs système, responsable du développement commercial. Il décrit aussi les compétences en croissance : gestion du service client, connaissances informatiques, résolution de problèmes, capacité d’adaptation. Face à ces données, que va changer l’intelligence artificielle dans les pratiques de recrutement ?

Le réseau professionnel distingue quatre grandes tendances qui devraient modifier considérablement l’approche des re­cruteurs. D’ici 2030, 65 % des compétences actuelles vont être bouleversées, voire disparaître. L’IA va libérer des tâches répétitives et donc stimuler la productivité et la créativité. Les compétences qui feront la différence seront la commu­nication, l’empathie, l’intelligence culturelle et relationnelle et l’adaptabilité. Et donc les organisations devront se construire à partir de ces compétences.

Pour Caroline Nivelle, directrice du recrutement chez Hager Group, à Obernai, « l’IA va très concrètement nous aider à analyser le parcours du candidat sur le web, à faire les bonnes interviews. Nous devons tous apprendre à utiliser ChatGPT. Et cela ne se fait pas en un mois. »

Jean De MISCAULT