Grand Est Paru le 30 avril 2024
VITICULTURE DE MOSELLE

La Fête des vins revient à Sierck-les-Bains pour son 10e anniversaire

La Fête des vins de Moselle revient à Sierck-les-Bains pour célébrer cette année son 10e anniversaire. Elle y était déjà venue en 2019. Ce sera l’occasion de découvrir le millésime 2023, un peu compliqué en raison du climat. Présentation de cette édition pas comme les autres.

Claire Hamelin-Boyer, la jeune viticultrice qui vient d’acquérir 3,5 ha de vignes à Sierck-les-Bains, dans ses vignes
L’Affiche de la 10e Fête des vins de Moselle signée Loïc Lusnia
L’Affiche de la 10e Fête des vins de Moselle signée Loïc Lusnia

Elle a tout juste 30 ans. En ce jeudi estival d’avril, elle apparaît aux côtés de Norbert Molozay, président de l’Organisme de défense et de gestion de l’AOC Moselle et de Patrick Weiten, président du conseil départemental, lors de la présentation de cette 10e édition de la Fête des vins de Moselle. Claire Hamelin-Boyer vient d’ac­quérir 3,5 hectares de vignes d’un viticulteur luxembourgeois sur les coteaux mosellans, à Sierck-les-Bains, de l’autre côté de la Moselle. Elle vient d’achever son BTS de viticulture-oenologie à Beaune et fait l’acquisition d’une jeune jument ardennaise baptisée Kléo pour exploiter sa vigne. « Ce sera pour le traitement du sol, la gestion de l’enherbement et éventuellement tirer un traîneau pour transporter du matériel, pendant les vendanges » dit-elle. Elle se lance avec détermination dans ce défi sur ces 3,5 hectares de cépages différents : auxerrois, muller-thurgau, riesling, elbling, pinot blanc et pinot noir. « Je préfère voir petit et bien » dit-elle. Elle est le symbole de cette viticulture mosellane qui va de l’avant. Elle ne présentera pas encore de vin ce dimanche 5 mai, date retenue pour organiser cette dixième Fête des vins de Moselle, à Sierck où elle sera chez elle, dans son jardin.

« Le berceau de la viticulture mosellane »

Et Sierck-les-Bains est un des lieux emblématiques de la viticul­ture mosellane. « Je suis ravi de retourner à Sierck, pour moi ça reste le berceau de notre viticulture. Quand la vigne avait presque disparu de nos coteaux, le seul endroit où il restait encore de la vigne, c’était à Vezon, à Sierck-les-Bains ou à Contz » relève Norbert Molozay. Le dimanche 5 mai est le dixième rendez-vous des vignerons mosellans. C’est dire combien cette Fête des vins est désormais ancrée dans le calendrier des manifestations phares dans le département. C’est devenu un événement institutionnel. La Fête des vins avait commencé en 2014 du côté de Vaux avant d’aller à Contz-les-Bains, puis Marange-Silvange, Vic-sur-Seille, Ancy-Dornot, Sierck-les-Bains, Marieulles-Vezon en 2021, Scy- Chazelles puis à nouveau Vic-sur-Seille. Sierck récidive à la grande satisfaction de ses élus, en particulier Helen Hammond, maire de la ville : « C’est un honneur d’accueillir une nouvelle fois cette fête. Cela avait été une belle réussite en 2019, la météo y était, les pro­duits du terroir également. C’est vraiment un événement phare du Nord-Mosellan pour la promotion de notre belle AOC. Sierck c’est un endroit stratégique, au Pays des Trois-Frontières avec un cadre unique, ville médiévale avec le château, une ambiance particulière… Vous pourrez combiner la fête avec la marche des Seigneurs et ses parcours de 10 ou 20 kms, afin de compenser les dégustations de la Fête des vins. » L’office du tourisme de la ville proposera toute une palette de visites et dégustations commentées, une exposition viticole. « On croise les doigts pour avoir la météo avec nous ! De toute façon il fait toujours beau quand il se passe quelque chose chez nous » termine l’élue locale.

« La fête des vins, un marqueur de rayonnement »

Armel Chabane, président de la Communauté de communes des Trois-Frontières, n’a pas été en reste : « La Fête des vins et la filière viticole, c’est un marqueur de rayonnement et d’attractivité pour un territoire comme le nôtre. C’est aussi un moyen de façonner l’identité de notre territoire, de notre terroir, de contribuer à son dynamisme, de valoriser nos viticulteurs, les forces vives de ce territoire. » En clair pour l’élu communautaire, cet événement entre pleinement dans la stratégie du tourisme que développe le pays de Sierck afin de mettre en lumière « l’image positive de ce territoire, de son authenticité. »

À la table de chefs étoilés

Patrick Weiten a décliné avec soin l’historique de cette manifesta­tion. De 2011 avec l’obtention de l’AOC Moselle à 2014 première fête des vins à Vaux et bien sûr, chemin faisant, la réalisation des itinéraires du vin de Moselle avec ses Routes du vin, notamment dans le Pays messin, sans compter les nombreux succès médaillés des vins de Moselle au salon de l’Agriculture de Paris. Il a natu­rellement vanté la qualité des vins de Moselle. « Cet événement possède désormais une véritable assise. Le vin de Moselle est un des meilleurs de France et cela ne fait plus sourire quand je le répète, tant il a progressé en qualité. Il est aujourd’hui reconnu et apprécié. J’en veux pour preuve sa place à la table de grands chefs étoilés. » Il enfonce le clou en rappelant le poids de la Fête des vins et de la viticulture mosellane dans l’attractivité de la Moselle et pour son tourisme.

L’innovation du train

Cette édition recèle une nouveauté de taille. Elle est à caractère écologique, car il y est question de transport. De fait, on pourra se rendre ce dimanche 5 mai à Sierck… par le train, au prix de 5 euros depuis Metz, 3 euros depuis Thionville avec des arrêts à Basse-Ham, Koenigsmacker et Malling. (Lire les horaires par ailleurs). Une originalité qui devrait permettre d’éviter les embouteillages de voitures aux abords de Sierck et sans doute de drainer beaucoup plus de visiteurs. Rappelons que bon an, mal an, cette Fête des vins accueille entre 5 000 et 6 000 visiteurs, pour y consommer entre 3 000 et 4 000 plats et pour les vignerons y vendre de 10 000 à 15 000 bouteilles. « Oui, cette Fête des vins a une importance capitale pour nous, elle est très bien organisée, tout le monde vend bien son vin » assure Norbert Molozay.

« Un millésime compliqué »

Les 19 viticulteurs mosellans proposeront aux visiteurs le dernier millésime qu’a évoqué Norbert Molozay : « Ce millésime 2023 est un des plus compliqués que nous ayons connu. Nous avons vécu le changement climatique avec toute cette pluie du mois d’août. Nous avons perdu jusqu’à 30% de la production par rapport à 2022, voire jusqu’à 50 et 75% chez certains d’entre nous » constate, un peu amer, le président des viticulteurs du département. En clair, la production du millésime 2023 sera moins importante et il ne faudra pas manquer le rendez-vous du 5 mai pour en acquérir quelques échantillons, car malgré tout « nous avons réussi à faire un bon vin » assure le patron du Château de Vaux. Il a de fait souligné que la production mosellane se vend souvent dans l’année. « Tous les stocks sont vendus en 6 à 9 mois. Nous pourrions en écouler beaucoup plus. »

Pour finir Patrick Weiten a mis à l’honneur un jeune artiste mosellan, un talentueux illustrateur diplômé d’un Master en communication visuelle de l’École Supérieure d’Art de Lorraine de Metz, en la per­sonne de Loïc Lusnia. Ce dernier a pour domaine de prédilection et d’expression le milieu de la musique, de la presse, le packaging et la communication de marques. Il signe la très belle affiche de cette 10e édition de la Fête des vins.

Norbert Molozay fait le point sur l’AOC Moselle

Norbert Molozay a évoqué longuement l’AOC de Moselle, son potentiel et parlé d’une remise en question de son périmètre par une décision intercommunale de l’Eurométropole de Metz.

« Une AOC c’est un terroir unique non reproductible qui est au­jourd’hui cartographié au mètre près. Cette délimitation nous l’avons obtenue 5 ans après avoir acquis l’AOC en 2011. Ce sont 680 hectares de terres classés par l’INAO (ndlr : l’institut national des origines contrôlées). Sur ce périmètre presque 80 hectares sont aujourd’hui exploités par des viticulteurs mosellans. Mais il y a encore 30 ha de vigne d’exploitants luxembourgeois sur le territoire français » Norbert Molozay radiographie le vignoble mo­sellan à l’heure actuelle tout en faisant de la prospective. « Ces 680 ha on espère bien les conserver » dit-il en faisant référence à un petit problème entrevu à l’Eurométropole dont le PLUI (Plan local d’urbanisme intercommunal) pourrait amputer ce périmètre de 55 ha de terre. En évoquant ce sujet, le président des vignerons mosellans a montré un certain agacement.

55 ha de trame forestière

« Notre organisme se bat pour conserver ces 55 ha de terres. Il n’y a aucune raison que ces terres soient perdues compte tenu du travail considérable qui a été fait pour les obtenir. L’Eurométropole serait bien inspirée de nous aider comme le fait le Département depuis plusieurs décennies, plutôt que d’essayer de nous enlever des surfaces d’AOC. » De quoi s’agit-il. Le PLUI de l’Eurométropole classe en trame forestière 55 hectares de terrain se trouvant dans le périmètre de l’AOC, de ses 680 ha dont 210 ha sur le territoire de Metz Métropole. Une superficie qui offre à l’AOC de belles perspectives de développement et de nouvelles plantations de vignes en évitant de les urbaniser. « L’AOC c’est quand même quelque chose de suffisamment rare et qu’un vignoble de 680 ha, cela reste un des plus petits vignobles de France. Alors pourquoi l’amputer. » Sur le Val de Metz, l’expansion du vignoble est freinée parce que ce territoire « est extrêmement morcelé et en raison de la pression foncière qui est importante » explique le président. Il revient sur ces friches classées en AOC que les propriétaires ne souhaitent pas vendre. Il rappelle que la Métropole de Metz ne veut pas prendre ces 55 ha de l’AOC pour le transformer en urbanisable. « Ce n’est pas possible. C’est pour faire une trame forestière : elle veut laisser la friche, sur laquelle vous n’avez plus le droit d’abattre un arbre, pas le droit de clôturer, c’est comme une forêt primaire. Vous la laissez dans son état et ça va devenir un repaire de gibier. »

Vers un compromis ?

En tout cas aujourd’hui tous les avis sur ce PLUI sont négatifs : Chambre d’agriculture, préfecture, la Safer, le Département, l’INAO. « Aujourd’hui on ne sait plus quoi faire. Laissez-nous travailler. La seule chose que l’on demande est que quelques parcelles, viticoles ou pas, soient classées en A, que les viticulteurs puissent à un moment ou un autre, y construire un chai, car sans bâtiment on ne peut pas travailler. »

En clair identifier des zones agricoles non impactées par les trames afin de permettre de construire un chai nécessaire à leur activité. Face à ce problème, le groupement de viticulteurs mosellans semble perplexe, voire démuni. « Que ce soit de la vigne, que ce soit de la friche, ça reste vert ! Les 55 ha qu’ils veulent nous prendre c’est 1% de la trame forestière qu’ils veulent faire sur la Métropole et qui représente 5 500 hectares. » assène Norbert Molozay.

De son côté l’Eurométropole affirme ne pas souhaiter empêcher le développement de la viticulture mosellane. Par l’intermédiaire de Henri Hasser, vice-président de l’Eurométropole, cité dans le Républicain Lorrain, « il n’est pas question de priver les viticulteurs de ces 55 hectares (…) On veut sécuriser la destination de ces terrains et travailler avec tous les services de l’Etat pour trouver un point d’équilibre (…). » L’Eurométropole est visiblement en quête d’un compromis, d’un arrangement afin de ne pas léser les viticulteurs. Affaire à suivre.

Atteindre l’objectif des 100 ha

En attendant, Norbert Molozay espère bien faire évoluer et grandir le vignoble mosellan vers l’objectif des 100 ha. En passant sans doute par l’acquisition des vignes plantées sur le territoire et exploitées par les Luxembourgeois. « Ce sera plus facile et plus rapide de racheter ces vignes qui sont déjà plantées et exploitées par les Luxembourgeois que de replanter nous-mêmes. Ce serait bien d’y arriver dans les années qui viennent. Tout dépend du nombre de jeunes qui vont venir et revenir ici s’installer. » En la matière, les choses s’accélèrent. Bon nombre de viticulteurs luxembourgeois, présents en Moselle et proches de la retraite, envisagent de cesser leur exploitation. Sur la trentaine concernée, une bonne vingtaine d’entre eux pourraient le faire et mettre leurs vignes en vente, dans les années qui viennent. L’organisme de défense et de gestion de l’AOC envisage d’amender le cahier des charges de cet AOC Moselle, en le rendant plus souple afin de faciliter l’implantation de nouveaux viticulteurs. Il a pu constater à l’instar de Claire Hamelin- Boyer, que des Mosellans cherchent à se former à l’extérieur, sou­vent en Bourgogne, pour revenir s’installer et prendre des vignes. Néanmoins Norbert Molozay a aussi remarqué que peu de gens de l’extérieur venaient s’installer en Moselle pour grossir les rangs des viticulteurs.

Patrick Weiten entouré de Norbert Molozay (à droite) et à gauche d’Armel Chabane, président de la communauté de communes du Pays des Trois Frontières, et de Hélène Hammond, maire de Sierck-les-Bains.

Informations pratiques

• Entrée gratuite : la manifestation du 5 mai est ouverte gratuitement aux visiteurs. Cependant comme tous les ans pour faire une dégustation il faudra acheter un verre à 5 €.

• Viticulteurs étrangers : Cinq viticulteurs du terroir Moselle en provenance d’Allemagne et du Luxembourg seront également présents.

• Producteurs agricoles : Pour accompagner les dégustations de vins de Moselle, une quinzaine de producteurs agricoles et artisans Qualité MOSL seront présents. Il sera bien sûr possible de se restaurer sur place.

• Train : Patrick Weiten veut donner l’exemple. Il viendra à cette 10e Fête des vins de Moselle en train. Le Département de la Moselle avec la Communauté de communes des Trois Frontières s’est associé au Réseau TER Fluo Grand Est afin de proposer aux visiteurs une alternative plus responsable pour se rendre sur le site de l’événement, grâce à la ligne Metz-Trèves via Thionville. Trois trains partiront de Metz pour 5 € (8h42, 11h30 et 13h33) et de Thionville au prix de 3 € (9h12, 11h47 et 14h13). Quatre retours sont programmés de Sierck à 11h32, 13h27, 18h20 et 20h33. Un train partira aussi de Trèves à 10h42 avec un retour de Sierck à 18h22. Et pour booster l’opération, la présentation du ticket de TER vous offrira 1 € sur l’achat du verre !

* L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.

Bernard KRATZ