Même quand on est encore enfant, évoquer la question du sexe peut avoir des conséquences personnelles et familiales. Cela peut paraître un peu gênant comme thématique, néanmoins parler du sexe ne renvoie pas seulement aux relations sexuelles ou au sex-appeal. Il importe d’insister sur le fait que le sexe est l’une des composantes de l’état des personnes.
Pour les enfants, il est essentiel de bien comprendre les exigences concernant le sexe au moment de la déclaration de leur naissance et les difficultés que peuvent rencontrer les enfants intersexexes (I). De plus, à tout âge, on peut se poser la question de savoir s’il est possible de changer de sexe (II) et comment veiller à l’éducation sexuelle des enfants (III). Dans des situations plus compliquées, les enfants peuvent aussi être victimes de maltraitances sexuelles (IV). Dans tous ces cas, il est essentiel de donner des explications claires et précises aux enfants et surtout de les soutenir, surtout lorsque les drames sexuels qu’ils vivent sont dus à des membres de leur famille ou aux personnes qui s’occupent d’eux, en crèche, à l’école ou lors de leurs loisirs.
I – La désignation obligatoire du sexe lors de la déclaration de naissance
Dès la naissance d’un nouveau-né, il faut que ses parents préparent son acte de naissance, lequel doit contenir nom, prénom et sexe. La mention du sexe sur les registres de l’état civil fait partie des éléments d’identification de la personne et le sexe du nouveau-né doit être officiellement mentionné dans son acte de naissance. En effet, l’article 57 du Code civil précise que ce document doit énoncer le jour, l’heure et le lieu de naissance de même que le sexe, le nom et les prénoms de l’enfant.
En droit français, seuls deux sexes sont reconnus, à savoir féminin et masculin, aussi est-il impossible d’opter pour un sexe neutre. Pour la Cour de cassation (Cass. 1re civ., 4 mai 2017, n° 16-17.189), « la loi française ne permet pas de faire figurer dans les actes de l’état civil, l’indication d’un sexe autre que masculin ou féminin ».
Il peut toutefois arriver que le sexe du nouveau-né soit incertain, si bien qu’il appartient à la catégorie des personnes intersexes (longtemps appelées hermaphrodites), terme visant tous ceux qui présentent des variations des caractéristiques sexuelles. En pareil cas, les parents doivent se renseigner auprès de leur médecin pour savoir quel est le sexe qui semble le plus probable, compte tenu des traitements médicaux qui peuvent être programmés. Si le médecin estime qu’il est impossible de déterminer immédiatement le sexe mais qu’il pourrait l’être plus tard après différents traitements appropriés, une demande peut être faite au procureur de la République afin que la mention du sexe ne figure pas sur l’acte de naissance. La loi bioéthique n° 2021-1017 du 2 août 2021 s’est effectivement attachée aux enfants présentant « une variation du développement génital » (expression utilisée dans l’article L. 2131-6 du Code de la santé publique et remplaçant l’intersexualité) et, face au doute sur le sexe du nouveau-né, le législateur a modifié l’article 57 du Code civil pour laisser plus de temps aux parents. Il leur donne désormais trois mois, ce qui permet que leur choix soit fondé sur un diagnostic éclairé.
Parmi les conseils à donner aux familles, il est pertinent de les inciter à choisir un prénom qui puisse être porté par une fille ou un garçon. Il est important de dire aussi aux futurs parents et aux parents que la loi bioéthique n° 2021-1017 du 2 août 2021 a apporté des modifications. En effet, les enfants présentant une variation du développement génital doivent être orientés vers un « centre de référence des maladies rares », établissement disposant d’une expertise suffisante et pluridisciplinaire. L’équipe accueillant les parents doit assurer une information claire et complète et veiller à ce qu’ils disposent du temps nécessaire pour procéder à un choix éclairé (CSP, art. L. 2131-6). Le décret n° 2022-290 du 1er mars 2022, décret d’application de la loi bioéthique, est aussi allé plus loin dans le soutien accordé. En effet, il a prévu que la modification relative au sexe n’est plus visible sur la copie intégrale de l’acte de naissance.
II – La réassignation sexuelle non ouverte aux enfants
Outre le fait que, pour les enfants intersexes, la loi du 2 août 2021 a modifié l’alinéa 2 de l’article 99 du Code civil afin de permettre la rectification des actes de l’état civil dans le but de l’adapter aux variations du développement génital (demande faite par les parents pour les mineurs non émancipés), une procédure judiciaire encadrée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 (JO du 19 nov.) permet de changer de sexe, démarche reposant sur l’identité de genre de la personne. Beaucoup d’enfants ont effectivement le sentiment de ne pas être en adéquation avec leur sexe anatomique, toutefois la loi n’autorise un tel changement que pour les majeurs et les mineurs émancipés (C. civ., art. 61-5). En attendant que l’enfant ait 16 ans, âge à partir duquel une demande d’émancipation (C. civ., art. 413-1) peut être introduite, ses parents peuvent toutefois demander à l’état civil le changement de son prénom (C. civ., art. 60). Les choses changeront peut-être un jour pour mieux soutenir les transgenres mineurs. Dans le même sens, les juges de la cour d’appel de Chambéry ont, pour la première fois, accepté le 25 janvier 2022 la modification de la mention du sexe à l’état civil d’un mineur de 17 ans non émancipé qui était soutenu par ses parents et suivait un traitement hormonal, enfant dont le prénom avait déjà été remplacé.
Le législateur s’est aussi soucié récemment des enfants intersexes et transgenres car la loi n° 2022-92 du 31 janvier 2022 a inséré dans le Code pénal une incrimination réprimant la pratique dite des thérapies de conversion (C. pén., art. 225-4-13). Depuis lors, les pratiques destinées à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, de même que les comportements ou propos tendancieux, sont punis de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, sachant que les peines sont de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsque les faits sont commis sur un mineur, personne vulnérable, ou en présence d’un mineur, par un ascendant ou toute personne ayant une autorité de droit ou de fait sur la victime, mais aussi en cas d’utilisation d’un support numérique ou électronique.
Il est très important que les parents soient avertis de l’évolution des textes juridiques par leur médecin, mais aussi par les professionnels en charge de leurs enfants. Ils doivent aussi savoir que lorsque l’infraction est réalisée sur le mineur par une personne titulaire de l’autorité parentale, les juges se prononcent sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale (C. civ., art. 378 et 379-1). En revanche, l’infraction n’est pas constituée « lorsque les propos répétés invitent seulement à la prudence et à la réflexion, eu égard notamment à son jeune âge, la personne qui s’interroge sur son identité de genre et qui envisage un parcours médical tendant au changement de sexe » (C. pén. art. 225-4-13).
III – L’éducation sexuelle destinée aux enfants
Question sensible, l’éducation à la sexualité incombe aux parents et aux professionnels en charge des enfants car il s’agit de bien les préparer à leur vie d’adulte. Cette éducation se fonde sur les valeurs d’égalité, de tolérance, de respect d’autrui mais aussi de soi-même et elle veille à garantir le droit à l’intimité et à la vie privée de chacun. Cela permet de transmettre des valeurs et recommandations dès l’enfance et ce à tout âge, et même si les jeunes gens ne sont pas scolarisés car ils sont dans tous les cas vulnérables aux abus sexuels et à toutes formes d’exploitations sexuelles.
Il est souvent reproché à l’éducation sexuelle de sexualiser les intéressés à un âge précoce mais cet apprentissage présente de nombreux avantages. Ils peuvent ainsi développer des relations sociales et sexuelles respectueuses et comprendre quels sont leurs droits sur leurs corps. C’est d’autant plus important que les enfants consultent beaucoup de sites internet et de réseaux sociaux, si bien qu’ils peuvent avoir une image déformée de la sexualité. Cette démarche éducative permet précisément d’informer les mineurs dans l’objectif qu’ils protègent ensuite leur corps, pour les alerter contre les infections sexuellement transmissibles et les aider à trouver des soutiens le cas échéant, tout en percevant mieux les risques encourus, notamment face à des violences sexuelles ou autres abus sexuels.
Tout doit être fait pour comprendre le désarroi des jeunes gens et pour leur venir en aide de manière constructive.
IV – Les difficultés et les drames liés aux relations sexuelles
L’éducation sexuelle mise en place pour les enfants leur permet de connaître leurs droits mais aussi d’apprendre à respecter ceux d’autrui afin qu’ils ne soient pas eux-mêmes auteurs de gestes ou paroles pouvant blesser d’autres enfants ou nuire à leur intimité. En effet, parfois les comportements sexuels des enfants ont de quoi inquiéter. Certains d’entre eux s’intéressent aux organes génitaux mais aussi à la conception, la reproduction et aux différences anatomiques. En jouant, ils reproduisent les comportements qu’ils ont observé parmi leurs proches, ce qui les conduit à des comportements honteux, notamment masturbatoires. En l’occurrence, il importe de les empêcher de nuire à d’autres enfants.
Évidemment tout doit être fait aussi pour que l’enfant ne soit pas victime des agissements de ses parents ou d’autres adultes, notamment des professionnels qui les ont en charge. Il est essentiel de protéger les mineurs, quelque soit leur âge, contre toute forme de malveillance, notamment causée par des relations sexuelles, mais aussi dans un autre domaine en cas de mutilations sexuelles, en particulier de circoncision ou d’excision.
Des drames se jouent parfois dans les familles ou dans les établissements qui se voient confier les mineurs et il importe de pouvoir les repérer, les dénoncer et accompagner les victimes. Pour lutter contre les viols, les incestes, les abus sexuels, les violences sexuelles, la pédophilie et la prostitution des mineurs mais aussi la cyberviolence ou la cyberintimidation liées aux manipulations des jeunes gens en ligne, l’exposition des mineurs aux images pornographiques, ainsi que le harcèlement, le législateur renforce régulièrement les pénalités visant leurs auteurs, la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste ayant notamment mis en place de nouveaux soutiens. Le législateur a aussi récemment renforcé la protection des lanceurs d’alerte (loi n° 2022-401 du 21 mars 2022) dans le but que toute personne ayant connaissance des atteintes au sexe des mineurs puisse se manifester. Par ailleurs, la loi n° 2022-299 du 2 mars 2022 sur le harcèlement scolaire aborde également des questions relatives au sexe en vue de protéger notamment les garçons jugés trop efféminés ou les filles jugées trop masculines et de respecter leur identité de genre. Le harcèlement scolaire peut être à caractère sexiste ou sexuel et, par voie de conséquence, conduire à un décrochage scolaire mais aussi à de graves dépressions et à une désocialisation.
Les professionnels en charge des enfants ont assurément une mission protectrice à accomplir en ce domaine pour les sensibiliser, les former, les prévenir des risques et les accompagner, notamment en repérant les enfants victimes de violences sexuelles. Il importe dès lors que ces derniers soient bien formés et soutenus dans leur tâche.
Pour que les enfants grandissent mieux, il convient aussi d’évacuer les questions liées au sexe et au genre dans les établissements qui les accueillent. Des réflexions sont faites sur les cours de récréation « non genrées » et il importe que les rapports sociaux de sexe et la division sexuée des savoirs et des compétences ou les codes vestimentaires genrés soient bannis dans tous les centres regroupant des enfants afin qu’ils apprennent à vivre de manière égalitaire.
Les professionnels doivent aussi savoir que le changement de sexe des parents ne modifie aucunement leurs liens avec leurs enfants. On ne peut pas les priver de relations avec leurs fils ou filles et de droit de visite et d’hébergement, même si leur situation personnelle conduit à la rupture de leur couple.
Pour toutes les personnes, quel que soit leur âge, les soutiens à leur apporter passent par la lutte contre les comportements homophobes, genrés et sexistes mais surtout contre les violences sexuelles. L’enfant vit des drames s’il est directement visé par des relations sexuelles et surtout incestueuses mais il peut aussi beaucoup souffrir des comportements sexuels de ses parents, notamment si l’un d’entre eux a un amant ou une maîtresse mais aussi s’il force son époux ou compagnon à avoir des relations sexuelles. Même dans le mariage, on peut parler de viol entre époux et si l’époux malmené est la victime principale, l’enfant subit aussi les retombées de ces violences intrafamiliales. En ce cas, la protection de l’enfant témoin ou victime par ricochet des relations sexuelles imposées dans le couple est encadrée par les textes qui permettent de refuser un droit de visite à l’auteur des violences (C. civ., art. 515-11, 5e et 373-2-10) ou de lui retirer l’exercice de l’autorité parentale (C. civ., art. 378).
En ce domaine, le droit a un rôle protecteur à jouer, d’autant plus que le mineur est fragile, vulnérable et démuni. Il doit être mis à l’abri de toutes les atteintes qui pourraient être faites à son sexe, même de son plein gré (Blandine Mallevaey et Alice Fretin, sous la dir. de, L’enfant et le sexe, Dalloz 2021). Il faut le protéger contre les autres, y compris sa famille, et contre lui-même car il est indispensable de le préserver des dangers qu’il pourrait rencontrer, mais sans oublier de l’aider, y compris par des moyens éducatifs.