Selon les cas, les doubles noms sont envisageables puisque d’une part, les intéressés peuvent ajouter un nom d’usage à leur nom de famille et d’autre part, la loi autorise que des noms de famille réunissent les patronymes des deux père et mère, voire deux mères en cas d’assistance médicale à la procréation avec donneur depuis la loi bioéthique n° 2021-1017 du 2 août 2021, voire aussi deux mères ou deux pères si les intéressés adoptent ensemble un enfant, possibilité offerte par la loi n° 2013-404 du 13 mai de 2013 aux couples de même sexe mariés et aux couples non mariés depuis la loi n° 2022- 219 du 21 février 2022 visant à réformer l’adoption.
Si le double nom envisageable lors de la célébration d’un mariage repose uniquement sur la possibilité d’opter pour nom d’usage (I), dans le cadre de la parenté, il peut s’agir aussi d’un nom d’usage mais ce qui a été innovant avec la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 relative au nom de famille, c’est que les parents peuvent faire le choix de transmettre leurs deux noms, le double nom de famille pouvant dès lors être transmis à l’enfant dès sa naissance ou plus tard (II).
I - Le double nom lié au mariage
Les personnes qui se marient ont la possibilité de garder leur nom, d’opter à titre d’usage pour le nom de leur conjoint ou d’unir les deux noms dans l’ordre qu’ils souhaitent. Ce nom peut toutefois être remis en question si le couple divorce plus tard.
A. La possibilité d’opter pour un double nom à l’occasion de la célébration du mariage
Seuls les époux peuvent procéder à un changement de nom à partir de leur mariage, possibilité non offerte aux couples non mariés, qu’ils vivent en concubinage ou aient opté pour un pacte civil de solidarité (pacs).
Depuis des lustres, une coutume permettait aux femmes qui se mariaient de prendre le nom de leur époux, la raison principale étant liée au fait que traditionnellement les enfants du couple portaient toujours le nom paternel. En conséquence, en prenant à titre d’usage le nom de son mari, l’épouse pouvait ainsi être connue sous le même nom que ses enfants. La loi du 23 décembre 1985 relative à l’égalité des époux a ensuite bilatéralisé cette possibilité, chacun des époux pouvant prendre le nom de famille de l’autre à titre d’usage, par substitution ou adjonction à son propre nom, sans toutefois qu’il n’y ait aucune obligation.
Cette règle est désormais inscrite dans le Code civil, la loi n° 2013- 404 du 17 mai 2013 ayant introduit l’article 225-1 et mis à la fin à la coutume. Le législateur autorise clairement le mari et la femme à garder son nom ou à prendre le nom du conjoint, voire à accoler leurs deux noms, sachant que la loi n° 2022-301 du 2 mars 2022 vient d’ajouter « dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux » (disposition entrée en vigueur le 1er juillet 2022).2
Pour autant, la situation juridique n’a pas changé en ce que ledit nom n’est qu’un nom d’usage. Que l’on ait choisi de supprimer son nom au quotidien pour ne porter que celui de son époux ou que l’on ait opté pour un double nom, cela ne modifie pas le nom de famille de l’intéressé, aucune mention n’étant faite de ce nom d’usage à l’état civil ou sur le livret de famille. En effet, pour tous les actes officiels, marié ou non il est nécessaire de mentionner son nom de naissance et non pas le nom marital. Par ailleurs si un époux a un enfant qui n’est pas celui de son conjoint, à savoir hypothèse de la naissance d’un enfant adultérin ou adoption par un époux seul, ledit parent ne peut transmettre à cet enfant que son nom d’origine. Par ailleurs, si le couple rompt, il n’est pas du tout automatique que l’époux qui ne porte que le nom de son conjoint au quotidien ou qui est connu sous un double nom ait le droit de conserver ledit nom.
B. Le sort du double nom en cas de divorce
Normalement, le divorce du couple entraîne la disparition du nom d’usage, tandis qu’il n’en va pas de même en cas de décès. En effet, le nom d’usage survit au décès, de même que les liens d’alliance, sauf si l’intéressé se remarie.
Dans le cadre d’un divorce, conformément à l’article 264, alinéa 1er du Code civil, chacun des époux reprend en principe son nom, c’est-à-dire n’a plus droit d’utiliser le nom d’usage. Il n’en va toutefois pas de même en cas de séparation de fait ou lors du prononcé d’une séparation de corps, sauf si la convention en cas de séparation de corps par consentement mutuel ou le jugement contiennent une interdiction de conserver l’usage du nom.
Des exceptions sont néanmoins prévues par le législateur dans le cadre du divorce. En effet, l’alinéa 2 de l’article 264 prévoit que l’ex-conjoint a la possibilité de conserver le nom d’usage avec l’accord de son mari ou de sa femme (en particulier lorsque le couple opte pour un divorce par consentement mutuel mais pas seulement) ou encore sur autorisation du juge liée au fait que l’intéressé justifie d’un intérêt particulier pour lui-même ou ses enfants.
II - Le double nom lié à la parenté
Un double nom peut aussi être transmis aux enfants, en lien avec l’établissement de la filiation.
Mis en place par la loi n° 2022-304 du 4 mars 2002 relative au choix du nom de famille, le double nom est assurément une manifestation de l’égalité entre les deux parents mais, dans les faits, peu de familles y recourent. Selon une enquête menée par l’Insee, pour les enfants nés en 2014, seul un sur dix s’est vu transmettre les noms accolés de ses deux parents et 83 % d’entre eux continuent de porter le seul nom paternel (Insee, Focus, sept. 2015). Il y a eu peu d’évolution sur cette question (81 % pour le nom du père en 2019 et 11 % pour le double nom : Insee Résultats, sept. 2020). La tradition du nom paternel est restée vivace dans nombre de familles. Il est toutefois possible que l’enfant soit connu sous le nom de ses deux parents grâce au recours au nom d’usage ou que les familles aient choisi pour leur nouveau-né un nom double de famille, nom qui peut aussi être attribué plus tard à l’occasion d’un changement de nom.
A. Le choix d’un nom d’usage accolé au nom de famille
Dans le cadre de la filiation, le nom d’usage a été autorisé par la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 (art. 43). Il était ainsi prévu que « toute personne majeure peut ajouter à son nom, à titre d’usage, le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien », cette faculté étant mise en oeuvre par les parents titulaires de l’autorité parentale pour les enfants mineurs.
Grâce à ce texte, on a pu adjoindre à titre d’usage au nom de famille de l’enfant le nom patronymique du parent qui n’avait pas transmis le sien à la naissance, néanmoins il était indispensable que les deux parents s’accordent sur ce point.
Pour faire évoluer les choses, la loi n° 2022-301 du 2 mars 2022 relative au choix du nom de famille, entrée en vigueur le 1er juillet 2022 a abrogé l’article 43 de la loi de 1985 afin de simplifier le recours au nom d’usage. Il est prévu désormais dans l’article 311-24-2, alinéa 1er du Code civil que toute personne majeure a la possibilité de porter, à titre d’usage, le nom de famille du parent qui ne lui a pas transmis le sien, par substitution ou adjonction à son propre nom dans l’ordre qu’elle choisit, dans la limite d’un nom de famille pour chacun des parents.
Le cas des mineurs est quant à lui envisagé par l’alinéa 2 qui prévoit que le choix du nom d’usage repose sur la volonté des parents exerçant l’autorité parentale ou du parent l’exerçant seul. Quand le couple a rompu, il est toutefois beaucoup plus aisé pour le parent qui ne porte pas le même nom que l’enfant qu’il va élever, à savoir la mère le plus couramment, d’adjoindre son nom à l’enfant. Avec le nouveau dispositif, il est seulement prévu que l’intéressé doit en informer préalablement et en temps utile l’autre parent exerçant l’autorité parentale, lequel peut, en cas de désaccord, saisir le juge aux affaires familiales, qui statuera en fonction de l’intérêt de l’enfant, sachant que le mineur de 13 ans doit aussi donner son accord à ce changement (alinéa 4).
Encore faut-il rappeler que le nom d’usage connaît d’importantes limites. En effet, il ne s’agit pas d’un double nom définitif dans la mesure où le nom d’usage n’est pas transmissible aux générations suivantes, ni au conjoint en cas de mariage, cette technique ne modifiant pas le nom de famille.
Il en va autrement lorsque les parents ont opté pour un double nom à la naissance, ce vocable étant alors le nom de famille de l’intéressé, nom qu’il peut conserver, voire attribuer à ses enfants s’il n’y a pas de second lien de filiation établi ou si l’autre parent ne souhaite pas lui aussi transmettre son nom (sinon il faut que les parents choisissent chacun un nom pour leur descendance).
B. Le choix d’un double nom de famille
Les familles peuvent offrir un double nom à leur nouveau-né, double nom qui peut aussi être mis en place plus tard, à l’occasion d’un changement de nom.
Lors de la naissance
Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002, l’article 311-21 du Code civil autorise les parents à transmettre tous les deux leur nom s’ils s’accordent sur la question. Ils peuvent en effet continuer à donner au nouveau-né le nom paternel, qu’ils soient ou non mariés mais désormais ils peuvent présenter en mairie une déclaration conjointe grâce à laquelle ils ont la possibilité de décider que l’enfant ne portera que le nom maternel ou opter pour un double nom, sachant qu’en ce cas, ils choisissent librement l’ordre des patronymes. L’enfant peut dès lors être désigné dans son acte de naissance par le nom de son père suivi du nom de sa mère ou inversement.
Dans l’arrêt rendu le 21 juin 2022 (n° 45840), le Conseil d’État vient toutefois de rappeler que le double nom patronymique n’est pas totalement libre. En effet, les deux noms doivent obligatoirement être séparés par un espace, certes simple, mais irréversible.
Dans cette affaire, les parents d’un enfant se sont opposés à cette exigence qui découle de deux circulaires de 2011 (Circulaire du 25 oct. 2011 relative à la modification des modalités d’indication des « doubles noms » issus de la loi n°2002-304 du 4 mars 2002 dans les actes d’état civil et Circulaire du 28 oct. 2011 relative aux règles particulières à divers actes de l’état civil relatifs à la naissance et à 3
la filiation). Ils ont saisi la justice considérant que l’interprétation de la loi de 2002 qui avait conduit les auteurs des circulaires à prévoir qu’un espace soit imposé entre les noms de famille des deux parents était erronée. Il est vrai que la loi ne le dit pas expressément, raison pour laquelle ils ont fait ce recours mais leurs arguments n’ont pas été entendus.
Pour les juges, ces circulaires interprètent clairement la réforme mise en place et elles n’ont pas « fixé une règle nouvelle entachée d’incompétence » car si l’accolement est bien autorisé depuis 2002 autorisant les parents à transmettre leurs deux noms, il ne faut pas que l’on en vienne à confondre ce double nom avec le cas où l’on porte un nom de famille composé.
Les parents doivent dès lors respecter la règle qui impose un espace depuis 2011, tandis qu’au départ une précédente circulaire avait exigé que les patronymes soient séparés par un double tiret (Circulaire du 6 décembre 2004 relative au nom de famille).
Cette circulaire de 2004 a effectivement été jugée inappropriée, le Conseil d’État la remettant en cause en 2009 (CE, 4 décembre 2009, Madame Lavergne, n° 315818). Les juges avaient noté que ladite circulaire imposait aux familles un double tiret, alors que rien de tel n’était prévu dans le Code civil. Cette interprétation avait dès lors été jugée critiquable dans la mesure où une circulaire ne peut pas introduire de nouvelles exigences.
Cette circulaire du 6 décembre 2004 prévoyait la séparation obligatoire, sur les actes de l’état civil, des noms composant un double nom de famille, issu du choix exercé par les parents sur le fondement de l’article 311-21 du Code civil par un double tiret. Plus précisément, lorsque ce signe était omis par l’officier d’état civil, le procureur de la République devait faire procéder à la rectification de l’acte de naissance. Par ailleurs, on imposait à l’officier d’état civil, si les parents s’opposaient à l’adjonction au nom de double tiret, de leur refuser la possibilité d’exercer leur choix et d’inscrire l’enfant sous un nom résultant de l’application des règles législatives supplétives. C’est après cette affaire que la nouvelle circulaire du 25 octobre 2011 a vu le jour.
Le Conseil d’État n’a toutefois pas suivi la même piste dans l’affaire jugée le 21 juin 2022 car, selon lui, les circulaires de 2011 ont mis en place la réforme de 2002 sans aller plus loin que le législateur. Exiger que les noms des deux parents soient séparés par un espace sur tous les documents officiels est bien dans l’esprit de la loi pour que l’on ne confonde pas le double nom avec un éventuel nom de famille composé. Pour les juges il n’y a dès lors pas à demander au garde des Sceaux d’abroger les deux circulaires de 2011 et ils rejettent la requête des parents. En effet, le législateur a souhaité que le double nom demeure sécable pour éviter un allongement des noms à chaque génération. En conséquence, quand un parent porte un double nom et qu’avec l’autre parent de son enfant, ils envisagent de transmettre leurs deux noms, il a l’obligation de faire un choix entre son nom paternel et son nom maternel à accoler à celui de son conjoint ou compagnon.
Cette affaire permet de rappeler que le double nom est possible mais totalement libre. Outre le fait qu’il faut le mentionner en laissant un espace entre les noms, il est indispensable que le choix des parents soit fait sur la base de leur déclaration conjointe transmise à l’officier d’état civil. À défaut de déclaration conjointe, l’enfant prend le nom du parent à l’égard duquel sa filiation a été établie en premier lieu et le nom de son père si la double filiation est simultanée (C. civ., art. 311-21, al. 1er). Par ailleurs, si le désaccord au sein du couple est signalé à l’officier d’état civil, depuis la loi du 17 mai 2013, il est prévu que l’enfant prend les deux noms parentaux dans la limite du premier nom de famille pour chacun, les noms étant nécessairement accolés dans l’ordre alphabétique.
D’autres limites sont encore posées. Ainsi, une fois que l’intéressé porte le nom de ses deux parents, quand il devient à son tour parent, il n’a pas toujours la possibilité de transmettre exactement le nom qu’il porte à sa progéniture. En effet, si l’autre parent veut aussi opter pour la transmission de son nom, le porteur d’un double nom de famille, devra choisir entre le nom de son père et celui de sa mère lorsqu’il aura à choisir un nom pour sa propre descendance (C. civ., art. 311-21, al 4), y compris pour les couples de femmes (C. civ., art. 342-12, al. 4) De plus, dans un couple on ne peut pas choisir librement le nom de chaque enfant car le premier choix effectué s’impose aux frères et soeurs (C. civ., art. 311-21, al. 3).
En cas de demande de changement de nom
Le double nom peut aussi être choisi pour l’enfant après sa naissance. Plusieurs hypothèses peuvent se présenter. Il est possible d’abord que la filiation n’ait pas été établie d’emblée à l’égard des deux parents. En ce cas, quand le second lien est créé, ils ont, durant la minorité de leur enfant, la possibilité de faire une déclaration conjointe devant l’officier d’état civil dans le but que leur fils ou leur fille porte leurs deux noms (C. civ., art. 311-23). Si cette démarche est faite alors que le mineur a 13 ans, son consentement est toutefois indispensable pour obtenir l’accolement des deux noms.
Ensuite, le double nom peut également être lié au prononcé d’une adoption. En effet, l’adoption plénière confère à l’enfant le nom de l’adoptant (C. civ., art. 357). Qu’il s’agisse de l’adoption d’un enfant par les deux époux ou concubins (depuis la réforme n° 2022-219 du 21 février 2022 qui a enfin ouvert l’adoption aux couples non mariés) ou de l’adoption de l’enfant du conjoint ou concubin, les adoptants choisissent par déclaration conjointe le nom dévolu à l’adopté. Ils ont alors la possibilité de lui transmettre leurs deux noms, dans l’ordre choisi, mais dans la limite d’un seul nom de famille pour chacun d’eux. En l’absence de déclaration conjointe, les deux noms sont transmis, accolés dans l’ordre alphabétique.
En matière d’adoption simple, le double nom vient essentiellement du fait que normalement la loi confère le nom de l’adoptant à l’adopté en l’ajoutant au nom de ce dernier (C. civ., art. 363), sachant que s’ils ont des doubles noms, un choix doit être fait pour chacun. Il est toutefois possible de demander au tribunal que l’enfant ne porte que le nom adoptif, qui peut être un double nom s’il est adopté par deux époux ou deux compagnons (al. 4). En cas d’adoption de l’enfant du conjoint, on peut aussi demander au tribunal le maintien du nom d’origine, lequel peut être un double nom. De plus, dans tous ces cas, l’adopté âgé de 13 ans doit consentir à son changement de son nom.
Enfin l’intéressé lui-même a la possibilité d’opter plus tard pour un double nom. La loi n° 2022-301 du 2 mars 2022 relative au choix du nom de famille, en vigueur depuis le 1er juillet 2022, offre en effet à l’intéressé devenu majeur la possibilité de porter les noms de ses père et mère ou de ses deux parents en procédant le cas échéant à un changement de nom (il peut aussi porter un double nom et souhaiter y renoncer ou porter le nom paternel et préférer que ce soit le nom maternel qui figure désormais dans les actes d’état civil). Cette démarche qui a pour objectif de bien inscrire la personne dans ses deux lignées, est simplifiée par la nouvelle réforme car elle est à faire en mairie sans qu’il soit nécessaire de justifier d’un intérêt légitime (C. civ., art. 61-3-1).
Encore faut-il noter que lors de ces demandes de changement de nom dans le but d’accoler les noms des deux parents, un espace doit être conservé entre eux, de la même manière que lors du choix du nom effectué au moment de la déclaration de naissance, espacement confirmé par la jurisprudence du Conseil d’État.