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Dossier Paru le 04 octobre 2022
PMA

Belles nouveautés en matière d’accès aux origines en cas de don de gamètes

Lorsque la procréation médicalement assistée a été mise en place par la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994, relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal quand les couples recouraient à un donneur de gamètes, le secret sur les origines et l’anonymat du donneur constituaient des principes de base (I. Corpart, Le secret des origines, RDSS 1994, p. 1).

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Au fur et à mesure de différentes réformes, le droit de la bioéthique a changé. Il avait été question déjà par le passé de procéder à la levée de l’anonymat face aux revendications relatives à l’accès aux origines mais cela n’avait pas abouti (B. Feuillet, La levée de l’anonymat, une question complexe, Médecine et droit 2011, p. 17). Pour tenir compte de l’évolution des moeurs, lors de la dernière loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 (JO du 3 août), le législateur a choisi de lever cet anonymat. En conséquence les règles évoluent pour les tiers donneurs, désormais dans l’obligation de transmettre à la fois leur identité et des données non identifiantes (I). Les grands changements concernent toutefois les enfants procréés grâce à des dons de spermatozoïdes ou d’ovocytes car ils vont pouvoir accéder à leurs origines (II).

Afin de rendre opérationnelle cette réforme à compter du 1er septembre 2022, diverses précisions ont été apportées d’abord par le décret n° 2022-1187 du 25 août 2022 relatif à l’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur pris en application de l’article 5 de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 et portant modification des dispositions relatives à l’assistance médicale à la procréation (JO du 27 août), puis par l’arrêté du 29 août 2022 fixant le contenu du formulaire de consentement du tiers donneur à la communication de son identité et de ses données non identifiantes aux personnes majeures nées de son don et le contenu du formulaire de collecte de son identité et de ses données non identifiantes (NOR : SPRP2224796A, JO du 31 août).

L’anonymat est maintenu lors de la procréation médicalement assistée car le donneur ne connaît pas l’identité du receveur et le receveur pas celle du donneur (C. civ., art. 16-8). En revanche ce que le législateur a changé et qui est entré en vigueur au 1er septembre 2022 c’est que, à compter de la majorité de l’enfant né d’une procréation médicale assistée (PMA) avec tiers donneur, ce principe d’anonymat peut désormais être levé.

I – Les changements pour les donneurs de gamètes

La loi de 2021 complétée par le décret n° 2022-1187 du 25 août 2022 impose la transmission de l’identité des donneurs de gamètes pour les dons réalisés à compter du 1er septembre 2022. Toutefois des changements peuvent également affecter les personnes qui ont donné leurs gamètes avant cette date.

A. Des changements obligatoires pour les donneurs de gamètes à compter du 1er septembre 2022

Depuis le 1er septembre 2022, les personnes qui envisagent de donner des ovocytes ou des spermatozoïdes doivent accepter de communiquer leur identité ainsi que des données non identifiantes, éléments qui seront nécessairement révélés aux enfants nés grâce au don si à leur majorité, ils en font la demande.

Le décret n° 2022-1187 du 25 août 2022 pris en application de l’article 5 de la loi de 2021 précise ces données. Il s’agit de l’âge du donneur au moment du don, de son état général physique et psychologique, de ses caractéristiques physiques telles que sa taille, son poids, la couleur de ses yeux et de ses cheveux, sa situation familiale (marié ou non, nombre d’enfants) et professionnelle avec le niveau d’étude, son pays de naissance et les raisons qui ont motivé son désir de faire naître un enfant. Le décret prévoit que la commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur, placée sous l’autorité du ministère de la Santé et de la Prévention, sera chargée d’informer les tiers donneurs et d’accompagner les enfants nés grâce à ces dons et qui souhaitent plus tard accéder à leurs origines.

Il est ainsi prévu que les donneurs doivent donner leur accord pour cette transmission lors des entretiens préalables à la récupération des gamètes, consentement mentionné dans un formulaire préétabli. Les données sont conservées par la Commission mise en place par le ministère de la Santé dans des conditions garantissant strictement leur sécurité, leur intégrité et leur confidentialité, la protection des données étant prévue par le Règlement (UE 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif àla protection des personnes physiques a ̀l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD) ainsi que par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative  a ̀l’informatique, aux fichiers et aux libertés (LIL).

Cette nouvelle règle ne modifiera rien dans l’immédiat car c’est seulement 18 ans après l’accouchement que l’identité du donneur sera connue de l’enfant né grâce à ces gamètes et de sa famille.

Cela ne change rien au moment de la procréation ou de la naissance car les parents de l’enfant ne sont pas informés de cette identité, le donneur ne sachant pas non plus qui profite de ses gamètes. Le don reste ainsi gratuit, volontaire et anonyme.

Les personnes qui refusent de faire connaître ces éléments d’identification sont désormais exclues des dons en France.

B. Des changements envisageables pour les personnes ayant donné leurs gamètes avant le 1er septembre 2022

Le cas des donneurs ayant permis la procréation médicalement assistée d’un enfant avant cette date est aussi envisagé par les textes.

En effet, conscients des évolutions issues de cette nouvelle réforme bioéthique qui permet aux enfants de connaître leurs origines, s’ils sont d’accord, pour que leur identité soit communiquée de même que leurs données non identifiantes, ils peuvent se manifester dans le but que leur dossier soit mis à jour afin que l’enfant né de ce don puisse en être informé s’il fait une démarche en ce sens. Leur consentement est indispensable car s’ils s’y opposent, leur identité ne peut pas être communiquée. En revanche comme la levée du secret des origines est devenue le principe, si des spermatozoïdes ou des ovocytes sont encore stockés et non utilisés, il faudra alors les détruire.

Les personnes ayant fait leur don avant l’entrée en vigueur de la réforme seront contactées par la commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur à condition que le dossier ait bien été conservé mais elles pourront dire qu’elles ne veulent pas être connues. De plus si elles sont décédées rien ne pourra évoluer en ce sens car leur consentement est indispensable.

Il en ira de même si leur état de santé fait qu’elles ne sont plus en état de consentir.

Que les tiers donneurs aient spontanément voulu transmettre ces informations après l’entrée en vigueur de la loi même pour des enfants nés avant ou qu’ils aient été contactés par la Commission à la demande d’un jeune majeur, leur consentement est recueilli par la commission au moyen du formulaire de consentement mis en place par l’arrêté du 29 août 2022, puis dans les trois mois les intéressés doivent contacter le médecin du centre où le don a été effectué afin de lui communiquer leur identité et leurs données non identifiantes. Ce consentement est alors irrévocable et il vaut pour l’ensemble des dons et l’ensemble des demandes d’accès aux origines.

II – Les changements pour les enfants nés grâce aux dons de gamètes

Grâce à la mise en place de la réforme de 2021 par le décret du 25 août 2022 et l’arrêté du 29 août 2022, les enfants qui ont pu naître grâce à des tiers donneurs vont pouvoir connaître leurs origines s’ils le désirent mais sans être admis en revanche à modifier les liens de filiation. Il est aussi essentiel de noter que seul l’enfant majeur né d’une PMA avec donneur peut faire cette démarche, ses parents ne pouvant toujours pas avoir accès eux-mêmes à ces données.

A. Les changements visant la levée du secret des origines

Lorsque des enfants savent que leurs parents légaux ne sont pas leurs deux parents génétiques car leur naissance a pu être programmée grâce à un ou plusieurs dons de gamètes, il est possible qu’ils aient envie de connaître leurs origines. Désormais, s’ils en expriment le souhait une fois qu’ils ont franchi le cap de la majorité, ils peuvent connaître l’identité du donneur ainsi que des informations liées à son âge, son état de santé, ses caractéristiques physiques, sa situation familiale, sa catégorie socioprofessionnelle, sa nationalité et les motivations de son don.

Il sera possible pour les intéressés de faire la connaissance de leurs parents biologiques car la loi leur donne accès à leurs origines. Ils peuvent aussi ne pas demander l’identité du tiers donneur (nom, prénom, date de naissance) et se contenter d’accéder à ses données non identifiantes.

La réforme vise tous les enfants nés après le 1er septembre qui sont intéressés par l’accès à leurs origines mais pour ceux qui sont nés antérieurement des pistes sont aussi ouvertes. Ils ont la possibilité de saisir la commission d’accès aux origines pour lui demander de contacter le donneur et de tenter d’obtenir son accord pour la transmission de son identité. La différence c’est pour que pour ces dons faits avant l’entrée en vigueur de la réforme, si les tiers donneurs s’opposent à la levée de leur anonymat, leur don restera anonyme et l’enfant ne pourra pas les connaître.

B. L’absence de changement concernant les liens de filiation

La levée du secret des origines ne modifie toutefois pas le droit de la filiation. En effet, une fois que l’identité du donneur et les données non identifiantes auront été transmises, aucun lien de filiation ne pourra être établi entre le donneur et l’enfant né grâce au don. Même si l’enfant connaît l’identité du tiers donneur, ses parents seront toujours les personnes qui auront programmé sa naissance et l’auront élevé durant toute sa minorité. Aucun lien légal ne peut en effet être établi entre l’enfant né d’une PMA avec donneur et le donneur.

Quand l’enfant a déjà deux parents, le double lien de filiation ne peut pas être remis en cause car le recours à la procréation médicalement assistée permet précisément à une personne qui n’est pas géniteur ou génitrice de devenir officiellement et définitivement le parent de l’enfant.

Dès lors si l’enfant est issu d’un couple de femmes, il sera peut-être ravi de connaître enfin son père, ayant bien compris que pour qu’un enfant naisse, il faut une rencontre entre un homme et une femme, mais il ne lui sera pas possible d’avoir officiellement un père. L’enfant ainsi né ne peut pas voir trois parents et la place du père est écartée par principe. Il ne pourra donc pas s’inscrire dans une double lignée maternelle et paternelle. Il sera alors systématiquement impossible d’établir la filiation biologique et de tenir compte de la réalité charnelle. Il faut en déduire que l’enfant est définitivement privé de l’un de ses deux géniteurs, voire des deux en raison du choix de ses parents légaux de faire naître un enfant grâce à l’aide d’un tiers donneur.

La levée de l’anonymat, sujet phare de la réforme bioéthique n’est toutefois pas appréciée par tout le monde. De nombreux donneurs ont fait savoir qu’ils ont déposé beaucoup de gamètes si bien qu’ils ont permis la naissance de plein de nouveau-nés mais qu’ils n’aimeraient pas être sollicités par ces derniers.

Ils ont fait preuve de générosité et ne veulent pas être embêtés désormais.

Certes ils peuvent conserver leur anonymat car seuls les dons postérieurs au 1er septembre sont visés, toutefois on risque de voir le nombre de donneurs diminuer. On peut craindre une pénurie de gamètes, certains hommes ayant déjà renoncé aux dons car ils ne voulaient pas que leur enfant soit élevé par une femme seule ou un couple de femmes.

Pour autant on peut se réjouir du soutien accordé aux enfants qui rêvaient de connaître leurs origines et qui pourront ainsi rétablir leur histoire familiale. Ils pourront aussi mieux comprendre leur situation médicale car ils connaîtront les antécédents médicaux non seulement de leurs parents légaux mais aussi de leurs géniteurs ou génitrices. Encore faut-il noter que seule la situation du donneur lors du prélèvement des gamètes est mentionnée dans le dossier si bien que des maladies qui auront surgi ultérieurement ne seront pas connues pour autant.

De plus, il sera parfois tard pour l’enfant d’obtenir ces renseignements car il ne pourra y accéder qu’après ses 18 ans. C’est regrettable que de telles informations ne puissent pas être dévoilées durant la minorité.

Cela risque aussi de troubler les relations familiales car ses parents seront peut-être mécontents, voire inquiets de ses démarches. Le parent légal qui n’est pas le parent biologique sera sans doute mal à l’aise que son enfant fasse connaissance avec son géniteur et les deux parents pourraient même être victimes d’un conflit de loyauté.

L’enfant lui-même pourra ne pas y trouver son compte et être déçu ou contrarié par les informations qu’il récupérera alors. Il a pu souffrir de difficultés de construction identitaire et à présent souffrir de ce qu’il apprend. Néanmoins les demandes d’accès à leurs origines des enfants majeurs nés grâce à une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur sont désormais recevables. Il aura fallu un an après la publication de la loi bioéthique pour que ces démarches deviennent opérationnelles et pour que l’accès aux origines personnelles soit facilité pour ces jeunes adultes pour lesquels une telle quête était jugée fondamentale.

Isabelle CORPART, Maître de conférences émérite en droit privé à l’Université de Haute-Alsace