Le nombre d’entreprises zombies diminue, et pourtant...
En 2021, le nombre de défaillances d’entreprises s’élevait à 7 285. C’est-à-dire 12,7 % de moins qu’en 2020. Et 46,6 % de moins qu’en 2019, alors que cette année-là, l’économie française se portait plutôt bien. Plus étonnant encore, les années précédentes une moyenne de 50.000 défaillances étaient enregistrées par an ! À cela s’ajoute le fait que la Banque de France ne voit aucun signe d’une vague de faillites à venir, même si leur nombre devrait augmenter cette année avec la normalisation de la situation économique.
Face à un tel constat, l’optimisme serait de mise. Mais en réalité, les économistes sont prudents, estimant qu’il s’agit d’un problème très sérieux pour l’économie mondiale. Puisque les entreprises zombies existent, et sont devenues une des principales préoccupations pour des organisations aussi importantes que le FMI, l’OCDE ou la BRI.
L’entreprise zombie, qu’est-ce que c’est ?
La définition officielle d’une entreprise zombie, donnée par la Banque des Règlements Internationaux (BRI) est la suivante : « Il s’agit d’une entreprise cotée en bourse, existant depuis plus de 10 ans, et dont le ratio entre l’EBIT (le bénéfice avant paiement des intérêts et impôts) et la charge des intérêts qu’elle supporte est inférieur à un. »
Pour dire les choses plus simplement, une entreprise zombie est une entreprise non rentable, à tel point qu’elle est incapable de payer ne serait-ce que les intérêts sur sa dette à partir des résultats générés par son activité.
Ces entreprises sont en réalité en faillite, mais maintenues artificiellement en vie par les banques qui acceptent de continuer à leur prêter de l’argent, afin qu’elles puissent payer les intérêts sur les emprunts déjà existants. Ainsi les entreprises zombies ne peuvent survivre que grâce aux taux d’intérêt bas et/ou aux régulations bancaires laxistes.
Ce sont des entreprises que des banques conservent dans leur clientèle, bien qu’elles soient non rentables et fortement endettées ou insolvables, grâce à des financements aux taux d’intérêt très bas.
Économiquement, 2022 sera pire si on ne trouve pas de remède aux 5 crises
Les 5 crises économiques majeures de 2022 se définissent par :
– une pénurie de porte-containers : nous vivons dans un monde globalisé, 90 % du transport des marchandises dans le monde se fait par voie maritime. Lorsque l’économie a redémarré, la demande est repartie de plus belle, et c’est là que la crise logistique des containers a eu lieu. La baisse du nombre de porte-containers en attente dans les ports Californiens a été biaisée par la nouvelle contrainte de jeter l’ancre plus au large du port, en attente d’être déchargé. Donc les prix ont commencé à augmenter, car la demande a augmenté par rapport à l’offre.
– Une baisse de la consommation de la part des consommateurs : cette réduction de la consommation est liée à une crainte de perte d’emploi des consommateurs. Le sentiment d’incertitude, lié à la crise pandémique a généré un désir d’épargner : le taux d’épargne enregistré en France, Allemagne et Royaume uni, est supérieur à 20 % en 2021 par rapport aux précédentes années.
- La pénurie des puces électroniques : celle-ci est créée par la crise des containers et par la pénurie des semi-conducteurs. L’impact est d’autant plus important que la majorité des appareils que nous utilisons utilisent des puces électroniques pour fonctionner.
- L’augmentation du prix des billets et des services : elle s’élève à + 6 % dans les États Européens, suite à l’augmentation de la consommation en lien avec la libération des contraintes de circulation et du pass-sanitaire (restrictions levées). Certains pays ont commencé à augmenter les taux d’intérêt, initialement en Grande Bretagne, puis en France. L’inflation augmente, mais les États ont tendance à vouloir contrôler cette augmentation : cela peut avoir des conséquences négatives, comme pour la crise de l’euro de 2011.
- L’évolution des pandémies : l’OMS met en garde contre l’évolution du Covid et de la variole du Singe, avec notamment un risque de croissance des hospitalisations. Des restrictions et limitations de circulation (mesures sanitaires appliquées aux frontières, augmentation du télétravail, restriction des regroupements, …) impliqueraient une reprise plus lente de l’économie. Cela rajouterait de l’incertitude, et les gens pourraient décider de diminuer leurs consommations, les banques centrales voudront sans doute stimuler l’économie, et ainsi de suite, tel un cercle vicieux. Ces crises pourraient amplifier l’état de l’économie.
Quand se sont-elles développées ?
Après la grande crise économique de 2008, les entreprises zombies sont devenues un phénomène mondial. L’entreprise zombie est un canard boiteux, une société mal en point dont la chance de survie est infime. Plus clairement, une entreprise non viable qui peut néanmoins mettre des années à s’éteindre. Le terme avait été forgé en 2008 par trois chercheurs d’universités américaines, Ricardo Caballero, Takeo Hoshi, et Anil Kashyap. Une définition courante la désigne par un endettement tel qu’elle ferait faillite si les taux d’intérêt étaient normaux. Ainsi, l’OCDE indique qu’il s’agit d’une entreprise dont le revenu opérationnel est insuffisant pour couvrir sa charge d’intérêts pendant trois années consécutives.
Après plus d’une année de crise sanitaire, le nombre de faillites en forte baisse (- 37 % selon le CNGTC), y compris au premier trimestre 2021, ne manque pas d’étonner ! Mais un signal de retournement a commencé sur la deuxième quinzaine de mars 2021 selon la dernière étude Altarès, avec un taux de liquidation directe supérieure à 80 %. Du jamais vu !
Les causes de l’accroissement du nombre d’entreprises zombies
Quatre phénomènes économiques sont à l’origine de cette situation.
Le premier concerne la forte baisse des taux d’intérêt payés par les entreprises sur leur dette, ces taux étant passés de 4,3 % du PIB de l’OCDE en 2008 à 1,5 % en 2021, et actuellement à 3,15 % (au 2è trimestre 2022). La remontée de l’inflation en cours, et par conséquent des taux d’intérêt, pourrait mettre en danger beaucoup d’entreprises, voire même des États.
Le deuxième est lié à l’action des banques centrales, lesquelles n’ont pas hésité à racheter de la dette, en émettant des montants importants de liquidités. Confortant ainsi le risque d’inflation.
La troisième raison, est le niveau trop élevé du BFR (besoin en fonds de roulement). Ainsi que la faible rentabilité moyenne des entreprises. En cause, des charges fixes importantes, des postes clients et fournisseurs peu négociables et une fiscalité importante pesant sur les entreprises.
Enfin, la quatrième raison : sous la pression des crises des dix dernières années, la notation minimale autorisant un concours bancaire a été abaissée. Ainsi, la Banque de France a déterminé que la note « 5 + » (qui est la note des sociétés fragiles) permet aux entreprises d’accéder à des prêts bancaires. Par ailleurs, l’accès au PGE, très soutenu par l’État, a rendu théoriquement éligibles 80 % des entreprises. Les autres 20 % sont donc, de fait, considérées comme des entreprises zombies.
La Banque de France estime qu’environ 5 à 6 % des entreprises auront des difficultés à rembourser leurs PGE. Ce qui augmentera encore la part des entreprises zombies. Par conséquent, la Banque de France a dorénavant prévu de noter également les entreprises de moins de 750 000 € de chiffre d’affaires, afin d’avoir une meilleure vision de la solidité financière des TPE.
Définition par l’OCDE de l’entreprise zombie
Les entreprises zombies sont définies par l’OCDE comme des entreprises qui ne vivraient plus et auraient fait faillite, si les taux d’intérêt étaient normaux. Le nombre d’entreprises qui survivent et qui ne participent pas à la destruction-créatrice de l’économie est de plus en plus important.

Dans la Zone euro, la BCE estime qu’environ 30% des TPE-PME sont déficitaires
Au niveau mondial, trois études menées par de grandes institutions nous donnent l’ampleur du problème. Entre 2018 et 2020, la Banque des règlements internationaux (BRI), l’OCDE et la Banque du Canada ont toutes produit des études montrant un nombre alarmant de zombies dans l’économie mondiale, en particulier dans les pays anglo-saxons. Dans l’étude de la BRI, le Canada et l’Australie se distinguaient comme les deux pays abritant le plus de zombies en 2017 — plus de 30% des entreprises cotées en bourse au Canada, et juste au-dessous de ce chiffre en Australie. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, les pourcentages oscillaient autour de 20%. Les proportions étaient plus élevées parmi les PME cotées, atteignant 50%. Dans les pays de l’OCDE, la proportion d’entreprises zombies est passée de 4 % à la fin des années 80 à 15 % en 2017.
Au niveau national, après plus d’un an de crise sanitaire pendant laquelle l’État a déversé beaucoup de liquidités, la proportion d’entreprises zombies peut approcher les 20 %. Cette estimation sous-estime probablement le nombre et le poids économique des entreprises zombies, dans la mesure où l’analyse se concentre sur les sociétés cotées, et ne couvre donc pas les petites et moyennes entreprises non cotées, qui jouent pourtant un rôle fondamental dans de nombreuses économies.
Ces entreprises zombies sont maintenues en vie artificiellement grâce aux aides et au crédit. Or, les taux d’intérêt remontent actuellement, mettant en grand danger certaines de ces entreprises. Il existe des solutions de survie, mais il faudrait les mettre en place immédiatement.
Dans quel état économique vont se trouver les entreprises régionales après la crise sanitaire ? On peut craindre pour la survie de 20 % des entreprises du territoire, soit 480 000 emplois en danger, au niveau national.
Faut-il sauver les entreprises zombies ?
Une entreprise qui tombe, c’est en moyenne quatre emplois perdus ! Conserver une entreprise non viable n’est pas la bonne solution, car cela mobilise des moyens importants qui pourraient être mieux utilisés. Par ailleurs, ces sociétés créent un « effet boulet » : les entreprises zombies pèsent sur la performance économique, car elles sont moins productives, et leur présence affaiblit l’investissement et l’emploi dans les firmes plus productives. Plusieurs études ont démontré que les entreprises zombies se caractérisaient par de moindres embauches, une croissance faible et des investissements en capital productif et en innovations quasi-inexistants. En somme, par des gains de productivité extrêmement limités, voire nuls.
Mais supprimer les soutiens financiers à ces entreprises n’est pas sans conséquences : d’une part, la prise en charge de dirigeants – souvent âgés – d’entreprises qui sont tombées, et de leurs salariés, peut s’avérer lourde pour la collectivité. Et la conservation maximale dans l’emploi est à considérer sérieusement. D’autre part, ce sont souvent des petits commerces qui participent à l’animation des centres-villes, ou encore des TPE traditionnelles de services, nécessaires localement, notamment dans la France profonde. Faire le choix de laisser mourir ces entreprises de l’ancien monde, pour celles du nouveau monde (la start-up nation) n’est pas neutre socialement et collectivement.
La véritable question est de savoir si, au regard du niveau actuel de la dette, les banques centrales peuvent encore se permettre de laisser les taux d’intérêt remonter, sachant que cela provoquerait une vague de faillites de grande ampleur.
Le monde fait face aujourd’hui à un choix cornélien entre une réduction permanente de la productivité et une croissance économique durablement affaiblie, ou la faillite d’une part significative de l’économie.
Sources :
– Banque de France et calculs des auteurs
– Businessbourse
– Média Planet 360. https://planetes360.fr/la-bri-met-en-garde-contre-lexplosion-des-entreprises-zombies-qui-detruisent-leconomie
– France stratégie
– chaine youtube : Libre et Riche – Mathieu Faraco
– chaine YouTube : Les Clés pour TOUT comprendre !
Répartition par taille des entreprises zombies
Les entreprises de taille intermédiaire (6,7%) et les grandes entreprises (6,4%) comptent bien plus d’entreprises zombies dans leurs effectifs que les très petites entreprises (5,4%) ou les petites et moyennes entreprises (4,9%). (source : La Tribune-économie.fr)