Dossier Paru le 14 octobre 2022
IMMOBILIER

Le marché alsacien de l’ancien résiste plutôt bien

Les incertitudes qui pèsent sur l’économie n’ont pas – encore ? – affecté le marché de l’immobilier ancien en Alsace. Au contraire de la promotion immobilière, où les professionnels ne cachent pas leurs inquiétudes pour l’avenir.

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De gauche à droite : Maître Pascale de Villeneuve, notaire à Hochfelden ; Maître Benjamin Parmentier, notaire à Epfig ; Maître Claudine Lotz, Présidente de la Chambre des Notaires du Bas-Rhin et Maître Sébastien Basch, notaire à Mulhouse.
De gauche à droite : Maître Pascale de Villeneuve, notaire à Hochfelden ; Maître Benjamin Parmentier, notaire à Epfig ; Maître Claudine Lotz, Présidente de la Chambre des Notaires du Bas-Rhin et Maître Sébastien Basch, notaire à Mulhouse.

La grande incertitude pesant sur l’économie française, plombée par la forte hausse des coûts de l’énergie, l’accélération de l’inflation, la baisse du pouvoir d’achat… a-t-elle un impact sur le marché de l’immobilier alsacien ? « Le fait est que nous rentrons moins de dossiers dans l’ancien sur les derniers mois, reconnait Sébastien Basch, de la Chambre des Notaires du Haut-Rhin. Mais cela est peut-être principalement dû aux difficultés rencontrées par les acheteurs dans l’obtention de leurs prêts. » Et sa consoeur, Claudine Lotz, présidente de la Chambre des Notaires du Bas- Rhin, de renchérir : « Au contraire, j’ai plutôt l’impression que les acheteurs veulent signer très vite, avant que les taux ne remontent trop et aussi parce que le vrai risque, c’est plutôt la pénurie de l’offre, accentuée par un nombre de logements neufs disponibles en diminution. Car à Strasbourg et à Colmar, nous nous trouvons bien dans des marchés de pénurie. »

« L’Alsacien aime la pierre »

Bref, en ce début d’automne, la guerre en Ukraine et ses conséquences économiques n’ont pas – encore ? – eu de conséquences sur le marché immobilier alsacien dans l’ancien. Au contraire, insiste Claudine Lotz : « Après une hausse constante depuis 10 ans, le marché résiste plutôt bien. En temps de crise, l’immobilier est plus que jamais une valeur refuge. L’Alsaciens aime la pierre. » Et les chiffres le prouvent : au premier semestre 2022, les deux Chambres des Notaires alsaciennes enregistrent plus de 14 000 ventes, soit le plus haut niveau depuis 2018 pour un premier semestre.

Côté finance, le prix médian d’une maison dans le Bas-Rhin atteint désormais 259 K €, soit une hausse de 8,6 % en un an. Les hausses les plus fortes sont enregistrées pour les petites maisons de 3 pièces : + 11,6 %. À Strasbourg, le prix médian d’une maison est désormais de 431 K € : + 19,7 % en un an, « deux fois plus cher qu’il y a 5 ans », insiste Pascale de Villeneuve, de la Chambre des Notaires du Bas-Rhin. À l’autre extrémité du marché bas-rhinois : le prix médian d’une maison à Saverne est de 154 K €. Dans le Haut-Rhin, le prix de vente médian des maisons anciennes est en hausse de 6,9 % et s’élève à 247 K € ; les prix les plus élevés se rencontrent à Saint-Louis (329 K €), Ribeauvillé (285 K €) et Colmar (278 K €).

À la différence des maisons, les prix médians des terrains ont, eux, baissé de 4 % dans les deux départements. « Cela s’explique notamment par le fait que les terrains vendus sont de plus en plus petits, tempère la présidente bas-rhinoise. Et aussi parce qu’il y a de moins en moins de terrains disponibles dans les centres-villes. Or plus on s’éloigne des villes, plus le prix baisse. »

Le grand écart des appartements

Quant au prix des appartements anciens, il continue, lui aussi, de progresser : + 6,5 % dans le Bas-Rhin (2 690 €/m²) et + 2,3 % dans le Haut-Rhin (1 870 €). Avec là aussi de grands écarts entre Strasbourg (3 360 €) et Mulhouse (1 220 €). Et dans Strasbourg, qui représente 41 % des ventes d’appartements anciens du Bas- Rhin, le fossé ne cesse de se creuser entre l’Orangerie (4 700 €) et Hautepierre (1 760 €). Dans la capitale alsacienne, « l’investissement locatif, continue de bien se porter, complète Benjamin Parmentier, de la Chambres des Notaires du Bas-Rhin. Les propriétaires trouvent très facilement des locataires. Cependant la rentabilité locative diminue, notamment en raison de la hausse récente de la taxe foncière. Finalement, la rentabilité locative des appartements anciens est plus élevée dans des villes moyennes, comme Sélestat. »

Attention au DPE !

Depuis le 24 août 2022, les loyers des logements dont le Diagnostic de Performance Energétique (DPE) est classé F ou G, autrement dit les « passoires thermiques », ne peuvent plus être augmentés. Ce blocage s’applique aussi bien aux nouveaux contrats qu’aux contrats en cours. La mise en location des logements classés G sera par ailleurs interdite à partir de 2025, celles des logements classés F à partir de 2028, celles des logements classées E à partir de 2034. « Cela complique la situation des transactions immobilières, avertit Claudine Lotz, présidente de la Chambre des Notaires du Bas-Rhin. Les propriétaires et les copropriétés pourront-ils suivre ? »

Les promoteurs sont inquiets

Selon la Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI) du Grand Est, les réservations nettes de logements neufs dans le Grand Est ont baissé de 25 % lors du premier semestre de 2022. Elles sont passées de 1 085 (lors du premier semestre 2021) à 911 dans l’Eurométropole de Strasbourg et de 774 à 568 dans le Sillon Lorrain. Dans le même temps, l’offre commerciale continue elle aussi de baisser : de 1 504 à 1 211 dans l’Eurométropole de Strasbourg et de 1 296 à 1 044 dans le Sillon Lorrain. Tandis que les prix du neuf continuent, eux, d’augmenter : + 8 % dans la métropole alsacienne (de 4 091 € à 4 411 €) et + 7 % à Metz et Nancy (de 3 445 € à 3 701 €).

Et les perspectives pour 2 023 ne sont pas folichonnes : « D’un côté, la détérioration de la confiance des ménages est continue depuis février 2022 alors que l’inflation s’installe et que les perspectives économiques se dégradent, déplore la FPI. Cette situation brouille les anticipations des ménages et leurs perspectives d’achat immobilier. D’un autre côté les élus des villes et des métropoles rechignent à signer les permis de construire et les conditions d’attribution des crédits bancaires se durcissent. Par ailleurs, compte tenu de l’inflation, les retours d’appels d’offres ne permettent pas de maintenir les budgets et donc les marges. Et bon nombre de promoteurs préfèrent mettre les projets au frigo ou carrément les abandonner. »

Jean De MISCAULT