Dossier Paru le 28 octobre 2022
VIOLENCES CONJUGALES

Comment soutenir les mères quand elles sont victimes ?

Il n’est malheureusement pas mis fin aux débats sur les violences conjugales et plus particulièrement sur les violences faites aux femmes car le nombre de victimes ne régresse pas malgré l’évolution du droit et la prise en compte des victimes par un florilège de textes (loi n° 2006-399, 4 avril 2006 ; loi n° 2010-769, 9 juill. 2010 ; loi n° 2014-873, 4 août 2014 ; circulaire 9 mai 2019, NOR : JUSD1913750C).

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Le Président de la République a fait des droits des femmes et singulièrement de la lutte contre les violences faites aux femmes sa grande cause nationale lors de son premier quinquennat et le 3 septembre 2019, il a lancé le Grenelle des violences conjugales qui a conduit à deux nouvelles lois (L. n° 2019-1480, 28 déc. 2019 et L. n° 2020-936, 30 juill. 2020 ; voir aussi circ. 28 janv. 2020, NOR : JUSD2002214C et D. n° 2020-1537, 8 déc. 2020 : I. Corpart Péril en la demeure : nouveau renforcement des mesures permettant de sécuriser les victimes de violences conjugales, JAC n° 202, p. 3). Le Grenelle des violences conjugales organisé par le gouvernement entre septembre et novembre 2019 a constitué un puissant accélérateur de toutes les politiques menées contre les violences faites aux femmes et dans un communiqué du 2 septembre 2022, le Gouvernement a encore réaffirmé sa mobilisation contre les violences faites aux femmes (JCP 2022, n° 36, p. 1620). La place des hommes et des femmes est différente dans ce contexte (E. Fils, Plusieurs solutions existent, mais le plus difficile est de franchir les murs des femmes victimes, JCP G 13 avr. 2020, n° 15, p. 770 ; S. Tardy-Joubert, La masculinité est un facteur central des violences conjugales, LPA, 2 nov. 2020, n° 219, p. 3).

Selon les données de l’Organisation mondiale de la santé, 10% des femmes sont victimes de violences conjugales dont 25% de pressions psychologiques, et 3,4% de viol ou tentative de viol de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. Par ailleurs dans son bilan annuel sur les morts violentes au sein du couple, le ministère de l’Intérieur a recensé en 2021, 21 hommes et 122 femmes tués par leur conjoint ou ex-conjoint.

Quand ces femmes ont des enfants, ces derniers sont parfois visés par les maltraitances, si bien qu’ils sont des victimes directes comme leurs mères, mais désormais leur protection est aussi assurée quand ils assistent à ces violences. Alors qu’ils étaient considérés comme de simples témoins, ils sont aujourd’hui reconnus comme des victimes indirectes.

Il est dès lors important de tenir compte des violences non seulement à l’égard des mères mais aussi des enfants. Par principe si les mères subissent des violences conjugales, cela signifie que des femmes ont des enfants qu’elles élèvent en couple, lequel peut être marié ou non car le terme de violences conjugales englobe tous les auteurs qu’ils soient maris, concubins ou partenaires. On doit en effet à la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 d’avoir englobé tous les couples (I. Corpart, Intensification de la lutte contre les violences conjugales, Dr. famille 2010, étude 27 ; V. Larribau-Terneyre, La protection civile contre les violences étendue aux couples non mariés et séparés : Dr. famille 2010, comm. 142).

Cela a des incidences sur la mission accordée aux femmes au sein de la famille et sur les droits qui leur sont accordés. En effet, la place des mères n’est plus la même qu’autrefois car elles viennent normalement à égalité avec les pères de leurs enfants, la coparentalité étant aujourd’hui la règle (I). Toutefois les textes récents ont encore fait beaucoup avancer les choses en restreignant les droits accordés aux pères lorsqu’ils sont auteurs de violences et parallèlement en renforçant la parentalité des mères dès lors qu’elles ont subi l’attitude répréhensible de leur époux ou compagnon (II).

I - La coparentalité, un principe accordant une belle place aux mères

Le droit a évolué en la matière. Aujourd’hui la place des femmes au sein du couple n’est plus du tout la même que durant la conception patriarcale de la famille. Désormais elles ont les mêmes droits que le père, la puissance paternelle ayant été supprimée par la loi n° 1970-459 du 4 juin 1970 relative à l’autorité parentale et l’égalité au sein du couple étant désormais la règle. La loi n° 1965-570 du 13 juillet 1065 a quant à elle supprimé la puissance maritale si bien que le père et mari n’a plus tous les droits à la maison. Dès lors s’il est auteur de violences conjugales il doit être sanctionné et la mère bénéficie de protections.

Depuis 1970, les textes renvoient à un exercice en commun de l’autorité parentale et depuis la réforme opérée par la loi n° 2002- 305 du 4 mars 2002, la coparentalité est devenue la règle. Les mères ont dorénavant les mêmes droits et les mêmes devoirs que les pères, que les couples soient ou non mariés.

Ils ont pour mission de bien élever leurs enfants durant leur minorité, qu’ils soient parents biologiques ou adoptifs, y compris si l’un est un parent biologique et l’autre un parent adoptif (par exemple en cas de GPA faite à l’étranger, l’homme qui a donné son sperme ayant reconnu l’enfant et sa femme l’ayant adopté).

Il en va de même s’il s’agit d’un enfant élevé par un couple de femmes, qu’il s’agisse d’un enfant adopté par deux femmes qui se sont mariées après la réforme opérée par la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe, d’un enfant né d’une AMP avec don de sperme en France depuis la réforme bioéthique n° 2021-1017 du 2 août 2021 ou d’un enfant adopté par deux concubines depuis la loi n° 2022-219 du 21 février 2022 réformant l’adoption, sachant qu’il peut aussi s’agir de l’adoption de l’enfant de l’épouse ou de la compagne.

Pour exercer l’autorité parentale, il suffit que les femmes prouvent être des mères juridiquement ce qui est identique pour les femmes mariées ou non mais qui se fait différemment si elles ont accouché de l’enfant ou l’ont adopté. Dans le premier cas c’est la mention de leur nom dans l’acte de naissance qui suffit à créer le lien de filiation maternelle (C. civ., art. 311-25, issu de l’ord. n° 2005-759 du 4 juill. 2005) après leur accouchement sauf si elles ont opté pour un accouchement sous le secret. Dans le second cas, elles doivent se référer au jugement qui prouve qu’elles sont des mères adoptives (adoption plénière ou simple ; adoption en couple ou adoption de l’enfant du conjoint ou du concubin, adoption autorisée par la loi n° 2022-219 du 21 février 2022 et réorganisée par l’ordonnance n° 2022-1292 du 5 octobre 2022 qui propose une nouvelle structure du Code civil et a changé les numéros des articles).

Une situation particulière peut se rencontrer, à savoir que quand les femmes sont devenues mères en raison des violences sexuelles, voire d’un viol, même si la maternité est imposée, elles jouent pleinement leur rôle de mères. Il faut toutefois qu’elles fassent attention de ne pas transférer leur tristesse à ce nouveau-né.

La coparentalité est un principe qui traduit le double lien de filiation et qui accorde aux deux parents, quel que soit leur sexe des droits et des obligations identiques qu’ils vivent ou non sous le même toit. En effet depuis la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002, il est clairement exposé que l’exercice de l’autorité parentale n’est pas affecté par la séparation du couple ; l’article 373-2 du Code civil précise en effet que « la séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale ». De même, il ne l’est pas normalement lorsque les pères et mères sont en conflit entre eux, que ce soit ou non à propos de l’éducation de l’enfant.

Comme tout principe, la coparentalité connaît néanmoins des exceptions liées à l’attitude de l’un des parents ou des deux. Il est possible que les relations parents/enfants soient encadrées différemment en cas de défaillance du père ou de la mère mais surtout en raison de l’attitude violente d’un parent.

II - Les exceptions à la coparentalité en cas de violences conjugales pour donner une plus grande place aux mères

La prise en compte des violences conjugales conduit actuellement à renforcer la parentalité des mères car les pères sont écartés en raison de leur attitude, ne vivant plus au quotidien avec l’enfant, ne bénéficiant plus d’un droit de visite et d’hébergement et désormais aussi pouvant se voir retirer l’exercice de l’autorité parentale.

Plusieurs situations peuvent se présenter. Si le couple souhaitait opter pour une résidence alternée lors de la séparation du couple, il est possible que le juge la refuse vu le contexte et l’un des parents peut faire obstacle à cette demande d’alternance de la résidence de l’enfant si l’autre parent est violent (L.-Cl. Lavergne, Résidence alternée des enfants – Doit-on faire de la résidence alternée la règle en cas de séparation des parents ?, Dr. famille avr. 2022, étude 7 ; A. Leick, Résidence alternée et violences conjugales ; note sous Réponse ministérielle à la question numéro 12271, JO Sénat n° 19 du 7 mai 2020, Gaz. Pal. 6 oct. 2020, n° 34, p. 60 ; A. Molière, De quelques rappels en matière de fixation de la résidence de l’enfant, Dr. fam. avr. 2022, étude 50). Le JAF se voit imposer un court délai pour fixer la résidence de l’enfant quand des violences conjugales sont alléguées, ce qui peut justifier la délivrance d’une ordonnance de protection (C. civ., art. 515-11 ; M.-Fr. Carlier et G. Kessler, Le modèle du consensus parental : un changement de paradigme dans la résolution des conflits familiaux, Dr. fam. 2022, étude 6)

En ce cas, la résidence habituelle de l’enfant est fixée chez l’un de ses parents, le juge tenant compte du vécu familial et pouvant aussi entendre l’avis de l’enfant. Il confie alors l’enfant au parent qui est le plus à même de bien l’élever dans la sécurité et la moralité.

La séparation du couple peut aussi intervenir si le juge met en place une ordonnance de protection. En effet, lorsque les violences sont repérées à l’encontre d’un époux ou compagnon qui élève ses enfants avec son épouse ou sa compagne, les sanctions prises contre lui tendent à protéger la mère, notamment quand le juge prononce une ordonnance de protection (C. civ., art. 515-9, modifié par la loi n° 2019-1480 du 28 déc. 2019). L’éviction de l’auteur du foyer familial évite ainsi de nouveaux drames tant pour les mères que pour les enfants qui partagent le même toit. Par ailleurs lorsque l’ordonnance de protection est délivrée par le juge aux affaires familiales, ce dernier doit signaler au procureur de la République les violences susceptibles de mettre les enfants en danger (C. civ., art. 515-11, al. 2). La mère victime peut aussi se voir attribuer prioritairement le logement conjugal ce qui conduit aussi à prendre en considération l’intérêt des enfants (C.civ., art. 515-11 ; 3e et 4e).

L’accent est mis dans les textes récents sur la place des mineurs et sur les soutiens à leur apporter (D. n° 2021-1516, 23 nov. 2021 tendant à renforcer l’effectivité des droits des personnes victimes d’infractions commises au sein du couple : I. Corpart, Renforcement de la protection des mineurs en cas de violences intrafamiliales, RJPF 2022-2/29 ; A. Léon, Violences intrafamiliales : l’effectivité des droits des victimes renforcée, Lexbase pén. 23 déc. 2021, n° 9631). Il est primordial que l’enfant soit épargné de ces violences qui l’empêchent de bien grandir (J. Jehl, Conflits de garde d’enfant et violences conjugales, JCP G 15 nov. 2021, n° 46, p. 2106) et que son intérêt soit bien pris en compte (Br. Ancel, regard comparatiste sur l’intérêt de l’enfant à l’épreuve des droits parentaux : principe multifactoriel ou résiduel ?, RJPF 2022-2/37).

L’autre parent peut normalement maintenir des liens avec le mineur grâce à l’octroi d’un droit de visite et d’hébergement toutefois la protection de l’enfant peut conduire à des réaménagements. Le juge entend parfois éviter que le parent l’accueille chez lui d’une manière insécurisée aussi peut-il mettre en place un droit de visite médiatisé. En ce cas, l’obligation de la mère se limitera à respecter les jours fixés par le juge et à conduire le mineur dans le lieu de rencontre. En ce cas leur enfant ne rompt pas ses relations avec son père mais il ne risque pas d’être mis en danger (C. civ., art. 373-2-1, al. 3 et 4, issu de la loi n° 2010-769 du 9 juill. 2010).

Dans les textes récents relatifs aux violences conjugales le législateur a mis l’accent sur les relations parentales et sur l’autorité parentale car vivre avec ses deux parents n’est pas toujours sécurisant (M. Lamarche, La famille de tous les dangers, Dr. fam. mars 2021, n° 3, p. 3 ; L. n° 2019-1480, 28 déc. 2019 : I. Corpart, Pour une famille, véritable havre de paix, de nouveaux renforcements de la lutte contre les violences conjugales, Lexbase Hebdo. Edition Privée Générale, 16 janv. 2020, n° 809 ; Après le Grenelle des violences conjugales, suppression de la coparentalité ?,Grenelle des violences conjugales du 3 septembre au 25 novembre 2019, RJPF 2019-12/22 ; Ph. Bonfils, Le renforcement de la lutte contre les violences au sein de la famille par la loi du 28 décembre 2019, Dr. fam. mars 2020 , p. 9 ; L. n° 2020, 30 juill. 2020 : I. Corpart, Retombées pour les enfants de la nouvelle réforme relative aux violences conjugales, RJPF 2020-10/22 ; A. Machez, Les tracas de l’exercice de l’autorité parentale, Gaz. Pal., 2 avr. 2021, HS, p. 61).

Désormais le juge peut totalement supprimer le droit de visite et d’hébergement en fonction de l’intérêt de l’enfant. Dès lors si le père est auteur de maltraitances contre lui, sans oublier des violences sexuelles et incestueuses, mais aussi auteur de violences contre sa mère ou contre d’autres membres de la famille, l’enfant étant désormais reconnu comme une victime indirecte ou par ricochet et non un simple témoin, la suppression du droit de visite contribue à mettre l’enfant totalement à l’abri.

Face aux violences le législateur est aussi intervenu récemment à plusieurs reprises pour aller encore plus loin et retirer l’exercice de l’autorité parentale au parent auteur de ces agissements répréhensibles.

La protection de l’enfant et sa mise sous sécurité justifient de telles mesures, le retrait de l’autorité parentale étant pertinent, sachant que l’idéal serait qu’il soit systématiquement mis en place dès le début de la procédure.

Les missions éducatives sont alors confiées exclusivement aux mères qui ne sont pas les seuls parents au sens juridique du terme mais qui sont les seules à faire grandir l’enfant. Elles peuvent tout mettre en place pour que sa santé s’améliore car les violences ont presque toujours des retombées psychologiques. C’est important aussi pour l’avenir de l’enfant car il ne faut pas qu’il pense que c’est normal qu’un père ait une telle attitude et que cela le conduise plus tard à avoir le même genre d’attitude avec ses proches.

Il importe pour cela que les violences soient révélées et connues au plus vite, qu’elles visent le mineur ou sa mère et il faut convaincre les mères de faire entendre leur parole au plus vite, en quittant le domicile conjugal éventuellement ou en suivant la piste de l’éviction du conjoint violent du domicile conjugal. Faire connaître les drames familiaux est essentiel pour tous les membres de la famille mais il est vrai que parfois elles ne révèlent pas ces violences car elles craignent que cela rende l’homme avec lequel elles vivent encore plus violent et aussi elles ont peur que leur enfant perde son père ou qu’il soit mis en prison car cela peut créer une autre forme de violence. Il en va de même quand des couples renoncent au divorce pour que les enfants ne soient pas séparés de l’un de leurs parents.

En l’occurrence, les mères doivent comprendre que ce n’est pas seulement pour leur propre protection qu’elles doivent lever le voile sur ce qui se passe à la maison mais que cela a aussi pour objectif de bien soutenir les enfants afin qu’ils grandissent mieux, préservés de tout danger. Il est important que la parole des femmes soit mieux entendue qu’autrefois et que leurs propos ne soient pas considérés comme de simples tentatives d’écarter le père. Il faut aussi inciter les femmes à faire connaître les drames familiaux, ce que le législateur a fait grâce à un florilège de lois qui punissent les auteurs et accompagnent au mieux les victimes.

Il vaut mieux de plus pour la mère que le droit de visite soit exclu ou que le retrait soit programmé car ainsi elle n’est pas obligée de conduire l’enfant chez son père et de s’arranger avec ce dernier pour planifier la vie familiale. Ainsi elle n’a plus d’occasion de côtoyer l’homme qui l’a harcelée ou violentée, si bien qu’elle est ainsi pleinement sécurisée. Elle n’a plus non plus de compte à lui rendre et prend seule les décisions concernant l’enfant. Sa mission est ainsi renforcée. Surtout cela épargne beaucoup de souffrances au mineur, à la fois physiques et psychiques.

Le droit est bienveillant à l’égard des mères quand il permet qu’elles soient reconnues victimes mais aussi quand le père est écarté de la vie quotidienne des enfants.

Après le Grenelle des violences conjugales, le législateur a amélioré la place des enfants (L. n° 2019-1490, 28 décembre 2019 et L. n° 2020-936, 30 juillet 2020) ce qui a aussi renforcé la parentalité des mères car elles se retrouvent seules à élever leur enfant et à tout faire pour assurer son bien-être et sa protection. Ces textes entendent soutenir les enfants mais ils veillent aussi à la place des mères car ils ont pour but d’endiguer le phénomène d’emprise et de domination.

Les mères peuvent aussi donner à leur enfant en quelque sorte un nouveau père si elles démarrent une nouvelle vie de couple. Ce père d’intention n’a toutefois guère de droit, sauf s’il adopte l’enfant ce qui sera rare car l’enfant a déjà un père, ni l’exclusion du droit de visite et d’hébergement, ni le retrait de l’autorité parentale n’entraînant la remise en cause du lien de paternité.

La mère ne peut pas non plus faire d’action contre ce dernier pour contester sa filiation sauf si elle sait qu’il n’est pas le géniteur mais encore faudrait-il que les actions en contestation de la paternité ne soient pas prescrites, ce qui pourrait être le cas si l’attitude du père a conduit la mère à mettre fin à la vie commune depuis longtemps car alors le titre de filiation ne serait peut-être pas conforté par la possession d’état.

Il peut toutefois être difficile pour une mère de devoir élever seule son enfant. Après les drames vécus en famille, elle peut en quelque sorte se retrouver dans une famille monoparentale, certaines mères développant un burn-out maternel. Certes le lien de filiation demeure double et elle a droit à une pension alimentaire si elle élève seule l’enfant mais c’est bien elle qui assume seule la charge du mineur et doit s’occuper de son quotidien, alors que précisément, elle avait voulu non pas faire un enfant toute seule mais l’élever avec l’homme de sa vie.

Elle doit assumer seule sa parentalité ce qui peut être lourd à porter. Son attitude ne doit surtout pas blesser l’enfant et elle ne doit pas profiter de la situation pour tenter d’effacer tous les souvenirs de vie familiale de son enfant. Il ne faut surtout pas qu’elle fasse preuve d’aliénation parentale, dise de mensonges à son enfant notamment pour que celui-ci en fasse état au juge afin que celui-ci prenne des mesures drastiques contre son père (B. Mallevaey, sous la dir. de, Aliénation parentale. Regards croisés, Mare & Martin, 2021). Elle ne peut pas non plus couper l’enfant du reste de sa famille paternelle. L’enfant appartient à deux lignées familiales quoiqu’il arrive. Il importe aussi qu’elle dise la vérité car sinon les liens avec ses enfants pourraient en être perturbés. Certes qui fait l’enfant le nourrit mais aussi doit tout faire pour bien l’élever et l’éduquer. Si l’attitude de la mère est critiquable, l’enfant pourrait être soutenu et accompagné par un administrateur ad hoc voire un tuteur ; il pourrait éventuellement être émancipé par le juge.

Néanmoins si elle note que l’enfant souffre beaucoup de l’attitude paternelle au sein du foyer ou du fait qu’il n’est plus élevé par son père en raison des mesures prises par le juge, notamment si l’auteur des violences doit être emprisonné, elle peut lui faire revivre une nouvelle vie familiale en vivant avec un autre homme (si elle était mariée, il faudra qu’elle divorce).

Toujours pour alléger les souffrances de l’enfant, elle peut aussi lui annoncer une évolution législative relative au nom de famille qui permet à tout adulte dès sa majorité de demander en mairie un changement de nom. Si vraiment la situation est compliquée pour l’enfant durant sa minorité, elle peut désormais utiliser son propre nom comme nom d’usage de l’enfant (C. civ., art. 311- 24-2, L. n° 2022-301, 2 mars 2022) ou utiliser la piste de l’article 61 du Code civil pour un changement de nom de famille car les violences peuvent suffire à convaincre le ministre de la Justice, garde des Sceaux que la démarche repose sur un intérêt légitime.

Un enlèvement d’enfant peut également être justifié par des violences familiales, raison pour laquelle le droit de retour peut ne pas être prononcé afin de sécuriser le mineur. En effet le risque de danger couru par un mineur du fait de l’attitude de son père peut mettre en échec une demande de retour pour déplacement illicite (Cass. 1re civ., 27 juin 2019, n° 19-14.464, JCP G 15 juill. 2019, p. 1343, note I. Corpart ; Cass. 1re civ., 14 févr. 2019, n° 18- 23.916, RCDIP 1er oct. 2019, n° 4, p. 991, note E. Gallant et RJPF 2019-4/30, note I. Corpart).

Les évolutions en matière juridique qui conduisent à supprimer le droit de visite ou l’exercice en commun de l’autorité parentale peuvent avoir des retombées bénéfiques sur la vie de couple. En effet, si le père aime son enfant et veut rester à ses côtés, il faut qu’il comprenne qu’il ne doit pas avoir une attitude honteuse à l’égard de sa mère car l’enfant en souffrira et le juge fera le nécessaire pour le protéger et mettre l’enfant à l’écart. S’il mesure pleinement ces retombées, il arrêtera son comportement scandaleux à l’égard de la femme avec laquelle il a choisi de créer un couple et une famille.

Isabelle CORPART, Maître de conférences émérite en droit privé à l’Université de Haute-Alsace