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Dossier Paru le 08 novembre 2022
ORDONNANCE ADOPTION

Mise en place d’un nouveau cadre juridique pour le droit de l’adoption

Venant compléter la loi n° 2022-219 du 21 février 2022 visant à réformer l’adoption (JO du 22 février ; I. Corpart, Adoptons de nouvelles règles pour adopter les enfants, Les Affiches d’Alsace et de Lorraine n° 22 du 18 mars 2022, p. 4), l’ordonnance n° 2022-1292 du 5 octobre 2022 (JO du 6 octobre) modifie le cadre formel de la loi, harmonisant le Code civil et le Code de l’action sociale et des familles, réorganisant les articles du Code civil pour mettre l’accent sur les nouveautés, en particulier l’adoption de l’enfant du conjoint et du concubin.

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L’ordonnance du 5 octobre 2022 n’a pas pour objectif de modifier les règles de fond à respecter par les candidats à l’adoption mais uniquement le cadre formel du droit de l’adoption (I). Il est indispensable que les personnes intéressées par ce thème prennent connaissance de cette réorganisation car tout est revu pour mettre plus de logique et de clarté dans la présentation des textes. L’ordonnance ayant opéré une totale refonte du Code civil, les règles applicables sont présentées dans de nouveaux chapitres construits avec pertinence et logique, lesquels entreront en vigueur seulement le 1er janvier 2023, sachant que l’article 28 de l’ordonnance précise qu’elle s’appliquera aux instances judiciaires introduites à compter de cette date (II).

I - Les objectifs de l’ordonnance adoption

Après les innovations de la loi du 21 février 2022 qui ont pour l’essentiel donné aux couples non mariés le droit d’utiliser la piste de l’adoption pour devenir parents, soit en adoptant ensemble un enfant, soit en adoptant l’enfant de leur concubin ou partenaire, ont revalorisé l’adoption simple qui ajoute un lien filial alors que l’adoption plénière supprime tout lien avec la famille d’origine et qui, en conséquence est beaucoup utilisée dans le cadre des familles recomposées et qui ont aussi conduit à assouplir les règles relatives à l’adoption plénière, l’ordonnance du 5 octobre 2022 met en œuvre ces nouvelles dispositions. C’est l’article 18 de la loi qui avait accordé au gouvernement une habilitation pour prendre, dans les huit mois de la publication de la réforme, par voie d’ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi et visant à modifier les dispositions du Code civil et du Code de l’action sociale et des familles en matière d’adoption.

Dans cet esprit, les rédacteurs de l’ordonnance entendent mettre en place des règles plus claires et explicites mais surtout plus efficaces en modifiant l’ordre de présentation des règles de droit dans le Titre VIII du Livre 1er du Code civil relatif à la filiation adoptive et ils procèdent à une totale refonte du Code civil.

Cette rénovation était très attendue par les spécialistes du droit de l’adoption pour rendre les innovations plus cohérentes et mieux applicables avec une meilleure présentation de la filiation adoptive, à savoir des conditions à remplir, des modalités à accomplir et des effets pour les adoptants et les adoptés. Il fallait pouvoir rapidement tirer les conséquences des apports de la réforme opérée par la loi de 2022. Il était urgent que les données nouvelles soient bien harmonisées et soient présentées de manière logique, sans que, pour autant, le fond du droit de l’adoption soit modifié. Il suffisait que les textes réorganisent le droit de l’adoption en mêlant avec cohérence les règles anciennes, notamment issues de la loi du 11 juillet 1996 avec les apports récents de la réforme de 2022, de manière à ce que le droit de l’adoption soit exposé plus clairement et que l’on facilite le travail des professionnels en la matière, afin qu’ils puissent prendre aisément connaissance du régime juridique applicable à chaque type d’adoption, en distinguant bien l’adoption plénière et simple, mais aussi l’adoption d’un même enfant ou l’adoption de l’enfant du conjoint ou du concubin et en mettant l’accent sur le cas des enfants nés à l’étranger.

Le Code civil et le Code de l’action sociale et des familles avaient été modifiés d’abord par la loi du 5 juillet 1996 puis par la loi du 4 juillet 2005, du 17 mai 2013 et par la loi du 14 mars 2016, mais le législateur n’avait pas harmonisé ces textes entre eux, ce qui avait généré des difficultés d’interprétation.

II - Les apports de l’ordonnance adoption

Selon les termes du Rapport au Président de la République (JO du 6 octobre 2022), l’ordonnance a pour but de procéder à « une refonte purement formelle et à droit constant » du Titre relatif à l’adoption dans le Code civil tout en clarifiant la coordination du Code civil et du Code de l’action sociale et des familles, en mettant aussi à part le cas de l’adoption internationale.

Opérant une révision du droit de l’adoption qui sera opérationnelle le 1er janvier 2023, l’ordonnance ne touche pas au fond mais offre une présentation nouvelle des règles de droit, modernisant le titre VIII du Code civil subdivisé désormais en cinq nouveaux chapitres (et non trois comme actuellement) pour bien mettre l’accent sur les points forts réformés comme la possibilité d’adopter l’enfant de son compagnon, ce qui permet de mettre fin aux familles monoparentales et renforce les droits accordés aux familles recomposées. Cette nouvelle présentation rassemble les textes en se basant sur une logique chronologique des démarches à effectuer ainsi que des retombées pour les membres de la famille et axée sur la distinction des adoptions d’enfants nés en France ou à l’étranger.

Le cadre juridique de l’adoption qui était encore actuellement issu de la loi de 1966 est totalement modifié afin d’être mieux adapté aux démarches effectuées par les candidats à l’adoption et aux besoins actuels des familles. Ce qui était notamment reproché au cadre ancien c’était d’aborder l’adoption simple comme une adoption présentant un intérêt moindre que l’adoption plénière, établissement de filiation considéré comme de second rang car il fallait constamment relire les textes visant l’adoption plénière pour aborder l’adoption simple, le législateur ne traitant pas explicitement les questions relatives à l’adoption simple mais renvoyant trop souvent aux articles du Code civil consacrés à l’adoption plénière. Cette analyse était d’autant plus désobligeante que l’adoption simple est la voie la plus utilisée dans le cadre des familles recomposées. On peut toutefois regretter que les rédacteurs de l’ordonnance n’aient pas ouvert la voie à tous les parents d’intention. En effet quand un couple s’est séparé et que les deux parents ont démarré une nouvelle vie de couple, il est possible qu’un beau-parent puisse devenir parent adoptif mais, même avec l’accord des parents de naissance, le conjoint ou compagnon du second parent de l’enfant ne peut pas lui aussi devenir parent adoptif. C’est donc seulement le parent d’intention le plus diligent qui peut créer un lien juridique avec l’enfant qui vit dans son foyer.

Comme dans d’autres domaines du droit de la famille, on pouvait regretter que les textes relatifs à l’adoption parlent des « père et mère » de l’enfant alors que depuis la loi du 17 mai 2013 les couples de même sexe peuvent se marier et adopter ensemble des enfants, de même que les couples non mariés depuis la loi du 21 février 2022. Désormais l’ordonnance du 5 octobre 2022 y substitue le terme « parent » (C. civ., art. 344, art. 348-2, art. 366) et elle précise en outre que les parents de naissance peuvent être de même sexe (cas des couples de femmes ayant opté pour une PMA avec donneur), remplaçant dans l’article 364 les termes « père et mère » par « parents d’origine ». On peut toutefois regretter qu’elle n’ait pas aussi modifié les textes relatifs à l’autorité parentale alors que lorsque deux femmes ou deux hommes adoptent ensemble un enfant ou lorsque l’un des membres du couple adopte l’enfant de l’autre, l’autorité parentale est bien exercée par deux mères ou par deux pères.

Le titre I de l’ordonnance est consacré à toutes les modifications opérées dans le Code civil, le droit de l’adoption étant abordé dans les articles 343 et suivants mais une mise à jour est prévue aussi dans l’article 6-2 du Code civil pour remplacer l’actuelle formule renvoyant au chapitre II du titre VIII du livre I et noter que les enfants ont tous les mêmes droits sous réserve des « dispositions propres à l’adoption simple ».

Le nouveau chapitre I du Code civil (C. civ., art. 343 à 350) rassemble toutes les conditions requises pour pouvoir adopter un enfant.

Que les familles optent pour une adoption plénière ou simple, elles doivent respecter les règles rassemblées dans ce chapitre qui visent les conditions relatives à l’adoptant ou aux adoptants et à l’adopté, en insistant sur la place du consentement.

Dans ce chapitre les conditions sont mentionnées dans 4 sections, lesquelles abordent les conditions visant l’adoptant, celles visant l’adopté, mais aussi les rapports entre l’adoptant et l’adopté, puis celles relatives au consentement à l’adoption.

Le nouveau chapitre II (C. civ., art. 351 à 354) aborde tous les aspects judiciaires, l’établissement de la filiation adoptive devant nécessairement découler d’un jugement (ce qui pourra peut-être changer car en juillet 2022, le Conseil supérieur du notariat a présenté des propositions de simplification du droit avec notamment une déjudiciarisation de l’adoption simple quand elle concerne l’enfant de l’autre membre du couple).

Il précise les conditions à remplir pour que la procédure judiciaire puisse démarrer, à savoir le placement de l’enfant en vue de l’adoption (section 1), l’agrément des candidats à l’adoption (section 2) et puis réunit les démarches à accomplir pour obtenir le jugement d’adoption qu’elle soit plénière ou simple (section 3).

Le nouveau chapitre III (C. civ., art. 355 à 369-1) réunit les effets de l’adoption, abordant les effets communs à tous les types d’adoption (section 1) et distinguant les effets propres à l’adoption plénière (section 2) et ceux propres à l’adoption simple (section 3).

Le nouveau chapitre IV (C. civ., art. 370 à 370-1-8) est consacré à un type d’adoption bien précis, à savoir l’adoption par l’un des membres du couple marié ou non de l’enfant de l’autre membre, abordant les dispositions communes aux adoptions plénière et simple (section 1) et y ajoutant les dispositions spécifiques à chacun de ces types d’adoption (section 2 pour l’adoption plénière et 3 pour l’adoption simple).

En créant ce chapitre, l’ordonnance permet de bien mettre l’accent sur les nouveautés en ce domaine liées à la spécificité de l’adoption de l’enfant de la personne avec laquelle on vit en couple, indépendamment du mode de conjugalité. L’adoption permet ainsi que toutes les personnes qui cohabitent sous un même toit appartiennent à la même famille et cela donne de nouveaux droits aux beaux-parents qui, étant au départ des parents d’intention peuvent devenir des parents légaux. Il est toutefois dommage que les rédacteurs de l’ordonnance n’aient pas modifié l’article 786, 1° du Code général des impôts qui envisage uniquement l’adoption simple de l’enfant du conjoint pour les droits de mutation à titre gratuit. De plus, il aurait été pertinent de modifier les textes relatifs à l’autorité parentale pour mettre en place un exercice conjoint automatique en cas d’adoption de l’enfant du concubin ou du partenaire.

Le nouveau chapitre V (C. civ. Art. 370-2 à 370-5) met à part toutes les dispositions qui s’attachent à l’adoption internationale. Dans ce cadre, il peut y avoir des conflits de lois, point qui est abordé dans ce chapitre qui traite en outre la question de l’effet en France des adoptions prononcées à l’étranger.

Dans son titre II, l’ordonnance coordonne les dispositions du Code civil et du Code de l’action sociale et des familles, le titre III abordant les dispositions relatives à l’Outre-Mer et le titre IV listant des dispositions transitoires et filiales.

La nouvelle organisation mise en place par l’ordonnance du 5 octobre 2022 a effectivement le mérite de rendre cohérentes entre elles l’ensemble des dispositions relatives au droit de l’adoption, qu’elles soient anciennes ou découlent de la réforme de 2022, mais aussi d’assurer la cohérence entre le Code civil et le Code de l’action sociale et des familles.

Pour autant, de même que des regrets avaient été formulés lors de la réforme de 2022 qui s’est limitée à certains domaines sans avoir une vision exhaustive des dispositions à améliorer pour les enfants notamment, ce nouveau texte cause certains regrets. On pouvait espérer que l’ordonnance aborde des points qui avaient été écartés par le législateur, la loi ayant été jugée comme inachevée par de nombreux auteurs et qu’elle s’attache mieux à la défense des intérêts des enfants concernés par le projet adoptif. Toutefois des changements seront peut-être réalisés plus tard car, rappelons-le, une ordonnance doit être ratifiée, ce projet de loi devant être déposé au Parlement avant le 5 avril 2023 (à savoir dans les six mois de la publication de l’ordonnance).

Cette ordonnance est pourtant fort pertinente car elle consolide les différentes dispositions applicables dans le but de porter un projet adoptif et de faire connaître les effets de l’adoption pour les adoptants et les adoptés. Elle insiste aussi sur le fait que le projet adoptif n’est pas uniquement porté par un père et une mère mais qu’il peut l’être par deux parents de même sexe. On peut vraiment saluer ses rédacteurs d’avoir rendu le droit de l’adoption plus clair, plus cohérent et mieux compréhensible, tant pour les particuliers que pour les professionnels en refondant totalement le titre VIII du livre I du Code civil et en changeant les numéros de nombreux articles de ce Code tout en modifiant la rédaction de certains d’entre eux.

Isabelle CORPART, Maître de conférences émérite en droit privé à l’Université de Haute-Alsace