Événement inédit à la CPME de Moselle. Fabrice Genter, pleinement engagé dans ses fonctions de président de la Chambre de commerce et d’industrie, a décidé de passer la main, tout en restant au conseil d’administration, à sa vice-présidente Nadège Risse. Elle est la première femme à présider l’organisation patronale. Elle est aussi la première vice-présidente de la CCI de Moselle. Cette quinquagénaire dynamique se félicite d’accéder à la tête du syndicat patronal et surtout d’être une élue issue du monde de l’industrie.
- Êtes-vous la première femme à présider la CPME de Moselle ?
- Nadège Risse : « Tout à fait, je suis la première femme à la tête de notre organisation patronale, et de plus, autre première, je suis une élue de l’industrie. C’est pas mal non ? Cela fait six ans que je suis au comité d’organisation de la CPME de Moselle, c’est aussi mon deuxième mandat à la Chambre de commerce et d’industrie dont je suis la première vice-présidente. Enfin je suis trésorière-adjointe à la CCI Grand Est. »
- Quel est votre parcours ?
- N.R. : « J’ai fait un parcours assez particulier. J’ai une formation étudiante, dans le génie civil. C’était déjà une voie très masculine. Je viens de la campagne, près de Rémilly. Mon père était ouvrier et chef d’atelier dans une entreprise où il découpait des joints. Dans ce métier de l’étanchéité, de la découpe de joints, il n’y a pas d’école de formation. Et quand mon père a choisi de créer son entreprise, un peu comme un startuper dans son garage, et qu’on s’est retrouvé dans une grange pour démarrer alors qu’il venait d’être licencié, j’ai souhaité travailler avec lui. Il ne voulait pas. Ce n’était pas facile, mais j’ai tout de même réussi à entrer dans l’entreprise, mais par la toute petite porte. Je suis quasiment restée trois ans en fabrication, à l’atelier, à porter des rouleaux de caoutchouc et à découper des joints. »
« Les métiers techniques, c’est l’image de l’indépendance »
- Une bonne façon de débuter ?
- N.R. : « Cela m’a permis, petit à petit, d’aller au bureau, quand mon père n’était pas là, pour répondre au téléphone, de préparer des chiffrages, pour lui montrer que j’étais capable de faire autre chose que de découper des joints. C’est ainsi que j’ai réussi, après trois ans, à m’occuper de la partie commerciale et du suivi des clients. La société JVC (Joints vulcanisation caoutchouc) a été créée en 1986 et j’y suis entrée en 1988. J’avais 19 ans. »
- Vous n’aviez jamais fait d’études de gestion ou commerciales ?
- N.R. « Non. J’ai tout appris sur le terrain. C’était assez particulier comme aventure. J’étais opérationnelle. Mon père avait construit toutes les machines de découpe de joints, car ça n’existait pas. Il l’a fait pour son propre compte. Il a recruté au tout début un chômeur du village, puis mon frère et moi. Aujourd’hui nous sommes huit personnes et notre chiffre d’affaires est de 1 M€. J’ai une fille de 26 ans qui travaille déjà avec moi depuis 8 ans. C’est une entreprise familiale. »
- Comment expliquez-vous votre goût de l’industrie ?
- N.R. : « En empruntant la voie du génie civil, j’étais déjà dans la technique, avec le dessin industriel, les maths etc. J’avais la curiosité des matériaux, de la résistance des matériaux, de la construction de ponts, d’ouvrages extraordinaires. Et surtout j’avais l’exemple d’une cousine de mon père, très autonome, dessinatrice en génie civil… J’avais le goût de cette autonomie. Je voulais être indépendante, et pour moi, ces métiers techniques, c’est l’image de l’indépendance. Je ne me focalise pas sur la parité hommes-femmes : j’ai toujours été très heureuse dans mon métier. »
« Les industriels m’ont acceptée »
- On vous a acceptée dans l’industrie ?
- N.R. : « L’industrie, c’est particulier, c’est un petit peu brut de décoffrage. En fait, on m’a toujours aidée et j’ai réussi à m’y faire une place. Nos clients sont des industriels, souvent des hommes, qui demandaient à parler à un technicien. À partir du moment où ils me faisaient confiance, ils m’ont acceptée. C’était une belle expérience. J’ai toujours eu affaire à des gens bienveillants. »
- Était-ce compliqué de devenir chef d’entreprise ?
- N.R. : « La transition entre l’atelier et la gestion de l’entreprise n’a pas été très compliquée. C’est un peu par la force des choses, quand il faut y aller, se retrousser les manches. C’est comme ça que l’on avance. Je ne me suis jamais posée de questions. Mais j’avais toujours autour de moi des gens compétents qui m’ont accompagnée. »
- Manager une petite équipe, est-ce plus simple ?
- N.R. : « Naturellement, c’est comme une famille. Chaque matin on se voit, on remarque si quelqu’un ne va pas bien. On prend le temps de discuter. Les petites sociétés, les TPE, les PME c’est ça ! C’est la proximité des collaborateurs. »
« J’ai trouvé ma place à la CPME »
- Et puis vous avez choisi de représenter les entreprises à la CPME. Comment s’est opérée cette évolution ?
- N.R. : « Dans une entreprise industrielle tout n’est pas toujours rose. Et il m’arrivait de râler. J’ai un client, M. Roche, patron d’une société, qui m’a parlé de la CPME. Je suis devenue adhérente. Ensuite je me suis engagée dans la campagne des élections consulaires à la CCI. C’était l’occasion pour moi de voir les coulisses d’une organisation patronale, j’ai fait mon entrée dans ce monde-là, avec des chefs d’entreprise. Et j’y ai trouvé ma place. D’être acteur, d’être entouré de chefs d’entreprise, d’être informé rapidement, c’est plus facile pour gérer votre entreprise. Vous êtes au fait des normes, des dispositions sociales, fiscales. C’est important de maîtriser cet aspect-là. Quand vous êtes chef d’entreprise, il faut savoir tout faire ! »
- En étant à la CPME, aviez-vous l’impression qu’il était possible de faire bouger les choses ?
- N.R. : « Oui. Le fait de pouvoir exprimer nos impératifs, nos craintes… On se rend compte qu’en parlant autour de vous, les gens ont les mêmes problèmes que vous. Et on trouve parfois les solutions rien qu’en parlant ensemble. C’est important d’être un interlocuteur des pouvoirs publics. »
- La période de la crise sanitaire a été compliqué pour les entreprises. Mais le soutien des mesures du gouvernement vous a-t-il aidée ?
- N.R. : « Absolument. Nos propositions ont été entendues et transmises au gouvernement par la représentation nationale de la CPME. À l’échelle locale, nos interlocuteurs sont la préfecture, le Département. Les échanges sont souvent très concrets. Une fois à l’intérieur de l’organisation on se rend compte que nous sommes nous-mêmes acteurs de ce système pour être entendus. On a été bien aidés. Mais ce n’était pas simple, chaque entreprise a son identité, ses difficultés. »
« La crise énergétique, un problème majeur pour les entreprises »
- Aujourd’hui quels sont les problèmes urgents à régler pour les PME ?
- N.R. : « Il y a beaucoup de paramètres qui viennent se bousculer. La crise sanitaire a mis au jour des dysfonctionnements, le fait que l’on était plus autonome. Elle nous a rappelé la solidarité de consommer à proximité, pour l’environnement, mais aussi pour nos entreprises. Depuis on a constaté qu’il y avait la pénurie des matières premières, des problèmes d’approvisionnement. Et il y a ce problème de recrutement. Comme on a augmenté la production au lendemain de la crise sanitaire, il a fallu recruter car nous avions perdu des compétences. C’était le cas dans l’industrie. Et on doit y ajouter maintenant depuis quelques mois, la crise énergétique.
Et ce problème est devenu majeur dans les entreprises. Nous devons être présents pour aller au-devant de nos entreprises, car il en va de leur survie. »
- Comment s’est déroulé ce passage de témoin avec Fabrice Genter ?
- N.R. : « J’appartiens au comité d’organisation de la CPME depuis 6 ans, Fabrice Genter en est le président depuis 9 ans, et il est dans son deuxième mandat de président de la CCI de Moselle. Et au vu de l’accumulation des événements, sur le plan économique, quelle que soit l’activité dans laquelle on se trouve, il était plus cohérent que Fabrice Genter se consacre totalement à la CCI où il s’est très fortement engagé pour soutenir les entreprises. Et, il y a la CPME Moselle, première organisation patronale, où nous avons convenu ensemble de ce passage de témoin. Il reste bien sûr au conseil d’administration et pour moi c’est très important. Fabrice Genter est quelqu’un de visionnaire, de positif, capable de vous relancer quand, parfois vous baissez un peu les bras, c’est important qu’il soit là. J’ai donc été élue à l’unanimité à la tête de l’organisation. Bien entendu, on va continuer sur la voie qui a été lancée par Fabrice Genter. »
- Votre action tournera autour du soutien, de l’écoute, de la proximité avec les entreprises ?
- N.R. : « C’est primordial. On veut être représentatif de notre ter-ritoire. La Moselle est une terre riche sur le plan économique. On veut conserver ce poids économique et nous devons conforter notre tissu d’entreprises. Aujourd’hui on a le soutien du BTP, des entreprises de la métallurgie, des commerces. On est là pour nos entreprises. Il y a du dynamisme sur notre territoire. Et c’est aussi le fait que nous avons 800 kilomètres de frontières, cela représente une ouverture sur nos pays voisins. On est au coeur de l’Europe, nous sommes privilégiés. Et puis nous avons des pépites, des entre-prises formidables qu’on ne voit pas, qui travaillent dans l’ombre. »
Voir aussi www.cpme57.fr
