Dossier Paru le 02 décembre 2022

ACCUEIL DES PROCHES D’UN PATIENT À L’HÔPITAL

Pour gérer cela, il faut savoir qui peut être considéré comme le proche d’un malade et quels droits peuvent lui être reconnus.

© Syda Productions-stock.adobe.com

Il est important de préciser la notion de proches des patients et des personnes malades car il faut savoir qui a le droit de les accompagner quand ils doivent se rendre à l’hôpital et qui peut venir les soutenir durant leur hospitalisation, même si pendant la crise sanitaire liée au Covid des règles plus contraignantes ont dû être mises en place, mais aussi qui peut être contacté en cas de problème et qui peut se rapprocher des services hospitaliers pour demander des nouvelles du patient, voire venir rendre les derniers hommages à un défunt et également mettre en oeuvre une procédure judiciaire en cas de problème rencontré avec le corps médical.

Les personnes a priori les plus proches du patient sont celles qui appartiennent à sa famille, qu’il s’agisse de ses parents ou de ses alliés, mais aussi les personnes avec lesquelles il est en couple même si juridiquement cela ne suffit pas à créer des liens familiaux (I). La notion de famille a évolué avec le temps mais on a toujours une vision différente juridiquement et socialement.

D’autres proches sont aussi très importants socialement et affectivement quand il s’agit des amis mais aussi juridiquement à partir du moment où ils ont une mission à accomplir en ce qui concerne la personne malade ou vulnérable (II).

Accompagner un patient doit être accordé à tous ses proches pour bien le soutenir car, s’il est malade, il est important qu’il ne soit pas isolé.

I – Les proches, membres de la famille du patient

Les membres de la famille font systématiquement partie des proches car ils ont la qualité de parents au sens juridique du terme (descendants, ascendants, collatéraux). Leur place doit être reconnue par le personnel médical et ils peuvent dans certains cas prendre des décisions pour leur proche.

Les personnes qui ne sont pas des parents au sens juridique du terme n’ont pas les mêmes droits décisionnels, néanmoins elles peuvent être choisies comme personnes de confiance par le patient, ce qui leur donne la possibilité de prendre des décisions à la place de leur proche que la maladie affecte, contrairement aux situations dans lesquelles elles ont été désignées en tant que tuteurs ou curateurs.

A. Les membres de la famille au sens juridique du terme

Les textes renvoient à deux types de liens familiaux car au regard du droit, la famille était créée historiquement par le mariage ce qui visait la situation des époux et des enfants issus du mariage, longtemps qualifiés d’enfants légitimes, sachant que par la suite on y a ajouté la création de la famille grâce aux liens filiaux en vue de permettre aux enfants des couples non mariés d’entrer dans la famille de leur parent « L’enfant fait la famille », mais juridiquement les concubins ou partenaires n’appartiennent pas à la même famille. S’ils ont des enfants communs, il y a bien des liens familiaux entre parent et enfant mais pas entre les deux parents.

Les liens familiaux tiennent d’abord à la célébration du mariage et à la création de liens d’alliance. Le conjoint est officiellement un proche, y compris au sein des couples de même sexe depuis la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 car il est membre de la nouvelle famille créée par le mariage du moins tant que l’union n’est pas remise en question par un divorce (le décès ne change rien en revanche, ni la séparation, même la séparation de corps). Le conjoint entre dans la famille de son époux ou épouse grâce aux liens d’alliance (beau-père, belle-mère, gendre, belle-fille).

Les liens familiaux découlent ensuite de l’établissement du lien de filiation biologique ou adoptive et du recours à la procréation médicalement assistée (PMA) avec donneur (son accès ayant été élargi par la loi bioéthique n° 2021-1017 du 2 août 2021). À partir 5

du moment où des liens filiaux sont créés juridiquement l’enfant entre dans la famille même s’il n’est pas rattaché biologiquement à son ou ses parents légaux (PMA, adoption). La filiation découle de l’acte de naissance pour la maternité que le couple soit ou non marié (C. civ., art. 311-25). Du côté paternel, c’est toutefois différent car pour les époux, la filiation découle automatiquement de la présomption de paternité (C. civ., art. 312), alors que les hommes non mariés doivent se rendre à la mairie pour faire un acte de reconnaissance d’enfant (C. civ. 316, l’acte étant reçu par un officier d’état civil mais aussi par un autre acte authentique délivré par un notaire ou un juge).

Une fois que la famille est créée, les membres de la famille, appelés parents au sens large, sont les conjoints, les ascendants, les descendants et les collatéraux (frères et soeurs, cousins, oncles et tantes).

Ils sont tous légitimes à maintenir des liens avec le patient. Il arrive toutefois parfois qu’ils s’insurgent contre la décision médicale prise par les père et mère pour leur enfant ou par leur frère ou soeur pour leur ascendant.

B. Les personnes vivant ensemble sans que des liens familiaux juridiques ne soient créés

Juridiquement la famille repose sur le mariage pour les couples aussi ni le concubinage, ni le Pacs ne créent de liens juridiques et ne font entrer le compagnon dans la famille même si ces personnes cohabitent sous le même toit.

Néanmoins le fait de vivre en couple avec quelqu’un suffit à donner la possibilité au compagnon du patient de garder le contact avec le malade hospitalisé car il fait partie de ses proches. Il ne peut toutefois pas prendre de décision en son nom sauf s’il a la qualité de personne de confiance. Il peut en effet être pertinent de désigner son concubin comme personne de confiance car il pourra alors rendre visite à son partenaire hospitalisé et intervenir si besoin. Ce dernier peut aussi être parfois désigné comme tuteur ou curateur si bien qu’il peut entretenir librement des relations avec lui et lui rendre visite, sauf si le patient s’y oppose ou si une décision est prise en ce sens par un juge.

Il faut aussi aborder différemment les liens au sein des familles recomposées. Seul le parent peut prendre des décisions pour son enfant, mais bien sûr la personne qui élève à son domicile un enfant qui n’est pas le sien, parent d’intention ou beau-parent, peut lui rendre visite s’il est hospitalisé.

Pour aller plus loin et donner au conjoint ou au concubin du parent d’un enfant de véritables prérogatives telles que démarrer une intervention chirurgicale, il faut créer des liens juridiques entre l’enfant et le nouvel époux ou compagnon de son père ou de sa mère. Il peut en aller ainsi si les conditions pour une adoption plénière ou simple sont remplies, ce qui est possible depuis la loi n° 2022-219 du 21 février 2022 même si le couple n’est pas marié toutefois il est nécessaire de vérifier si l’enfant a déjà deux parents légaux. Si tel est le cas, il est indispensable d’obtenir leur double accord pour une adoption simple, sachant que l’adoption plénière ne serait pas possible sauf en cas de décès d’un parent. Pour accorder des droits au parent d’intention, il est possible aussi d’utiliser la voie de la délégation d’autorité parentale (C. civ., art. 377).

II – Les proches qui ne sont pas des parents du malade

Il convient d’élargir la notion de proches pour inclure des personnes qui ne sont pas membres de la famille ou qui ne cohabitent pas avec le patient, mais qui ont des liens affectifs avec lui. Selon les cas, ces derniers peuvent se voir accorder certains droits, qu’ils fassent partie des amis du malade mais aussi que la justice leur ait conféré des pouvoirs et des missions visant à la représentation ou à l’assistance du malade.

A. Les relations amicales

Les amis du patient font partie de ses proches socialement et amicalement, de même que ses voisins. Ces derniers revendiquent souvent beaucoup de place et il est vrai que parfois ils s’impliquent vraiment dans le soutien au malade, néanmoins ils n’ont pas officiellement à être pris en compte.

Ils n’ont effectivement aucune possibilité juridique d’agir à la place du malade et de prendre des décisions le concernant, toutefois ils peuvent avoir été choisis comme tuteurs ou curateurs par le juge en cas d’altération de ses facultés mentales ou corporelles (C. civ., art. 425) mais surtout comme personne de confiance par le patient hospitalisé lui-même.

Le dispositif des personnes de confiance a été mis en place par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative au droit des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner. Conformément à l’article 1111-6 du Code de santé publique « Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant et qui sera consultée

au cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin. Elle rend compte de la volonté de la personne. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage. Cette désignation est faite par écrit et cosignée par la personne désignée. Elle est révisable et révocable à tout moment.

Si le patient le souhaite, la personne de confiance l’accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l’aider dans ses décisions.

Lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé, ou dans un hôpital des armées ou à l’Institution nationale des invalides, il est proposé au patient de désigner une personne de confiance dans les conditions prévues au présent article. Cette désignation est valable pour la durée de l’hospitalisation, à moins que le patient n’en dispose autrement » (texte issu de la loi de 2002 mais modifié par l’ordonnance n° 2020-232 du 11 mars 2020).

Néanmoins si la personne de confiance n’a pas pour mission de prendre des décisions, elle est là pour témoigner de ce que le patient aurait voulu pour lui-même quand il n’est pas en mesure de s’exprimer provisoirement ou définitivement. Il en va de même y compris lorsque le malade a été placé sous un régime de protection car par principe, le majeur protégé prend seul les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet (C. civ., art. 459, al. 1er).

Si les amis ou les voisins du malade ne sont pas choisis comme personnes de confiance, ils n’ont aucune décision à prendre et ont seulement le droit de rendre visite au patient hospitalisé dans les conditions prévues par l’établissement.

B. Les relations juridiques

Dans l’entourage du malade, il est possible de trouver aussi parfois des personnes qui veillent sur lui car cette mission leur a été confiée par le juge des tutelles pour les majeurs ou par le juge aux affaires familiales chargé de la tutelle des mineurs pour les enfants.

En raison de la proximité des liens et des interventions au nom du patient, les tuteurs, curateurs ou mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM) font bien partie des proches du majeur. Pour autant la mission du tuteur, du curateur ou du MJPM n’implique pas de prendre des décisions médicales parce que le patient prend seul les décisions relatives à sa personne si son état le permet. Toutefois, selon l’article 459 du Code civil modifié par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, si son état ne lui permet pas de prendre seul une décision personnelle éclairée, le juge, ou le conseil de famille s’il a été constitué, peut prévoir qu’il bénéficiera de l’assistance de la personne chargée de sa protection, voire qu’il sera représenté par la personne désignée pour s’occuper de lui. Encore faut-il noter que cette dernière ne peut pas agir si cela doit avoir pour effet de porter gravement atteinte à l’intimité de la vie privée du patient.

S’agissant des mineurs, font partie de ses proches, son tuteur (si ses deux parents sont morts, hors d’état de manifester leur volonté ou privés de l’exercice de l’autorité parentale, C. civ., art. 390) ou de son administrateur ad hoc (quand les intérêts des représentants légaux sont en opposition avec ceux de l’enfant, C. civ., art. 383).

L’enfant peut aussi être confié à un tiers dans le cadre des mesures d’assistance éducative (C. civ., art. 375-2 et 375-3). En ce cas, le juge des enfants peut autoriser la personne, les services ou l’établissement àqui l’enfant est confié àexercer des actes non usuels relevant de l’autorité parentale. Leur mission est précisément de prendre des décisions pour le mineur qui fait par principe partie des incapables juridiques.

Toutes ces personnes sont des proches et doivent donc être accueillies par le personnel médical et contactées en cas de problème, même s’ils n’appartiennent pas à la famille du patient.

En conséquence, il faut accorder aux proches une place dans l’hôpital ou en cours de traitement médical. Il est pertinent de répondre à leur demande d’information, de les rassurer en leur communiquant certains éléments et de maintenir leur contact avec le patient. Il peut être judicieux aussi de contacter les proches, de leur donner la parole, de leur demander un soutien et de les recevoir car ils peuvent ainsi jouer une sorte de rôle de courroie de transmission et faire de la sorte remonter des informations, portant éventuellement sur la vulnérabilité de l’intéressé ou sur ses relations familiales, éléments qui peuvent permettre d’améliorer la santé de leur parent ou ami. Pour autant lorsqu’un membre de la famille ou un autre proche est consulté, le médecin n’est pas obligé de suivre son avis.

De plus, accorder une place aux proches ne doit pas occulter le fait que la voix des personnes malades doit être entendue prioritairement. Assurément, aucun des proches ne peut prendre la place du patient car c’est le consentement de ce dernier qui est recherché ; en revanche ils sont légitimes à être aux côtés du malade pendant son hospitalisation.

Parents ou amis n’ont pas non plus tous le droit d’être informés par l’hôpital de l’état du patient. La famille est beaucoup plus prise en considération que les amis, mais même les parents ne savent pas tout car il faut protéger la vie privée du malade et respecter le secret médical. En outre il faut que le personnel médical soit certain que la personne qui le contacte est bien un proche et non un tiers ou quelqu’un qui voudrait avoir des informations comme par exemple l’employeur du malade. De plus les médecins et infirmiers doivent tenir compte du fait que les personnes hospitalisées ont le droit de demander « qu’aucune indication ne soit donnée sur leur présence dans l’établissement ou sur leur état de santé » (CSP, art. R. 1112- 45). En effet un malade n’est pas seulement un sujet de soins mais c’est aussi un sujet de droit et il faut tenir compte de sa volonté.

Il convient de porter un regard bienveillant d’abord sur le patient pour éviter toute exclusion ou discrimination mais aussi sur ses proches au cas par cas, en se méfiant toutefois car les proches ne sont pas toujours aussi proches que ce terme laisse entendre. Pour autant bien accompagner les proches permet de les aider à vivre une hospitalisation qui est parfois une véritable épreuve pour eux et cela remet en place un climat sécurisant et réconfortant.

Il ne faut pas oublier non plus que les proches, parents ou non, peuvent avoir un rôle important à jouer si l’état de santé du patient décline. En effet, en cas d’altération des facultés personnelles de l’individu il peut être recommandé de saisir le juge des tutelles pour mettre en place une mesure de protection, or les proches peuvent précisément demander au juge l’ouverture d’une mesure judiciaire (C. civ., art. 430) et remplir cette mission éventuellement.

De plus si l’état du malade a tellement décliné qu’il est décédé, parmi ses proches, ses ayants-droit peuvent avoir accès au dossier médical pour connaître les causes du décès, faire valoir leurs droits et défendre la mémoire du défunt, ce qui peut conduire à démarrer une procédure judiciaire contre le personnel médical.

Tenir compte des proches du patient présente un grand intérêt car pendant longtemps, le malade était un être isolé face à son médecin mais désormais aux droits des malades, on a ajouté les droits de leurs proches, sachant que ces droits sont exercés dans l’intérêt de la personne malade.

Isabelle CORPART, Maître de conférences émérite en droit privé à l’Université de Haute-Alsace