Des créations de postes d’emploi
Sabine Karst, directrice comptable et financière de l’Urssaf Alsace a présenté les derniers chiffres collectés jusqu’à fin septembre 2022. L’analyse compare l’évolution versus 2021, calculée sur 12 mois.
Selon les montants de cotisation collectés et les déclarations des employeurs auprès de l’URSSAF, l’évolution des effectifs salariés confirme sa progression en 2022, avec un taux de + 1,2 %, soit 17 000 postes créés dans le Grand Est. Les effectifs salariés en Alsace, s’établissent à + 1,5 %, soit 8 100 créations nettes. Avec une plus forte réalisation dans le Bas-Rhin : + 1,6 %, soit 5 590 nouveaux emplois, contre + 1,3 % dans le Haut-Rhin, soit 2 500 créations d’emplois. Une tendance équivalente à celle enregistrée au niveau national (+ 1,9 %). Dans le Grand Est, seul le département de l’Aube enregistre une perte d’emploi.
Selon la valeur des cotisations payées par les agences d’intérim, qui marque une hausse de 22,7 % dans le Haut-Rhin (contre + 3,7 % dans le Bas-Rhin), la majorité des postes sont créés dans le secteur de l’intérim. L’hébergement et la restauration sont des secteurs qui restent moteurs de la croissance régionale, avec une progression des emplois de 6,4 % dans le Bas-Rhin et + 5,6 % dans le Haut-Rhin. Le secteur des autres services note aussi une évolution positive : + 1,5 % dans le Grand Est. Dans la construction, les effectifs se stabilisent, avec toutefois une disparité marquée entre le Bas-Rhin (+ 0,8 %) et le Haut-Rhin (- 0,3 %). Si l’industrie est en perte d’emploi dans le Grand Est, elle reste toutefois en légère progression en Alsace avec + 0,5 %. Et le commerce enregistre une perte de postes : - 0,6 % dans le Bas-Rhin et - 0,5 % dans le Haut-Rhin.
Sur les dix départements qui composent la région, neuf sont bien orientés, avec des croissances annuelles d’effectifs comprises entre + 0,3 % (Haute-Marne) et + 1,6 % (Bas-Rhin). Seule l’Aube observe un repli de ses effectifs (-0,2 %), notamment affecté par un intérim en berne.
Plus d’emplois, mais moins de dettes et de trésorerie
Une tendance qui serait peut-être en phase de s’inverser. Globalement les évolutions sont plutôt positives jusqu’à fin septembre. Mais Sabine Karst précise que le nombre de déclarations d’embauche enregistré en octobre a diminué, quel que soit le secteur d’activité et la zone géographique. Ceci, notamment sur les contrats CDD de plus de 6 mois : « bien entendu, ce n’est pas parce qu’il y a moins de création de postes, qu’il y a forcément une destruction de postes ! Cette nouvelle tendance est à suivre, pour vérifier si elle se concrétise ou si elle n’est qu’un effet réactionnel lié à l’incertitude économique dans laquelle sont plongés les entrepreneurs ».
Du coté des bonnes nouvelles, les cotisations dues, ainsi que les encaissements et restes à recouvrer sont nettement en dessous de la valeur de l’an dernier. En effet, beaucoup de société se sont acquittées de leurs reports et échéanciers, courant 2022.
Les travailleurs indépendants et auto-entrepreneurs, très présents en Alsace
En Alsace, la catégorie des artisans commerçants auto-entrepreneurs représente plus d’un travailleur indépendant sur 3 (54,15 %). Cette caractéristique résulte principalement de la mise en place du statut d’auto-entrepreneur (AE) en 2009, et de ses adaptations en 2018 avec notamment le doublement des plafonds de chiffre d’affaires. Le statut d’indépendant classique a donc perdu en attractivité, depuis la création du statut AE. Et dès sa mise en place, de nombreux entrepreneurs se sont orientés vers le statut d’AE, qui requiert de manière générale moins d’investissement en capital, et prévoit des procédures simplifiées. Cette dynamique entrepreneuriale est principalement constatée dans le secteur des services, avec 69 % des immatriculations (soit 10 800 auto-entrepreneurs). À noter que ces comptes sont économiquement actifs : ce ne sont pas uniquement des créations de comptes.
2022, l’année de la Résilience ! Présentation par la Direction Générale des Finances Publiques (DGFP)
Laurent Garnier, directeur régional des Finances publiques du Grand Est, a présenté une analyse, glissante sur 12 mois, établie au 31 octobre 2022.
Les résultats, très positifs, sont très comparable à ceux de l’an dernier. Et plus précisément, l’année 2022 dépasse 2019, qui est la véritable année de référence. Ainsi, le Bas-Rhin pèse plus que le
Haut-Rhin, avec une augmentation du chiffre d’affaires de 16,95 % dans le Bas-Rhin et de 6,48 % dans le Haut-Rhin, versus 2019. Entre 2021 et 2022, le chiffre d’affaires TVA global évolue à la hausse dans les départements alsaciens : en moyenne + 11,01 % dans le Bas-Rhin et + 15,6 % dans le Haut-Rhin. Les investissements sont plus dynamique dans la Région Grand-Est (+ 11,63 %) qu’au niveau national (+ 5,12 %). Les exportations restent supérieures à celles de 2019.
Le commerce est un secteur qui s’était tassé en 2020. L’industrie note la même évolution que celle du commerce. Dans la construction, le chiffre d’affaires est en hausse, mais cela est sans doute lié à la hausse du prix des matières premières. Le secteur agricole marque une progression d’activité régulière, essentiellement tirée par le département de la Marne au niveau du Grand Est. En 2022, l’hébergement et la restauration se sont spectaculairement redressés, et ont rattrapé les pertes d’activités des deux années précédentes. Est-ce dû à un rattrapage d’activité après les mesures sanitaires liées au Covid ? « Ces données ne permettent pas d’analyser le contenu de l’activité, et notamment des bénéfices. En effet, si le chiffre d’affaires est en hausse, cela peut être lié à l’augmentation des prix, mais pas forcément de l’activité. De fait, cet élément ne donne pas non plus d’indication sur le bénéfice réalisé par l’entreprise », précise Laurent Garnier.
Un avenir plus stabilisé
L’étude chiffrée présentée par Baptiste Allegrand, directeur régional adjoint de la Banque de France Grand Est est basée sur les éléments des trois dernières semaines.
La dynamique de l’industrie, des services marchands et du bâtiment est effective sur le mois de novembre. Le niveau de la trésorerie dans le secteur de l’industrie est stabilisé, mais à un niveau extrêmement bas par rapport aux quinze dernières années. Toutefois, l’érosion de la trésorerie s’est interrompue en novembre. Le carnet de commandes des entreprises de l’industrie et du bâtiment est stable sur les deux derniers mois, comparativement aux précédents mois qui avaient enregistrés un certain effritement.
Selon les anticipations des entreprises, l’activité poursuivrait sa progression dans les services. Elle serait quasi stable dans l’industrie, avec toutefois un repli dans le secteur du bâtiment.
La quasi-stabilité du PIB est également prévu pour le mois de décembre, avec de nouveaux contrastes suivant les secteurs. Il s’établirait autour de + 0,1 % par rapport au trimestre précédent. « Le mois de novembre marque une bonne série, précise Baptiste Allegrand. Le contexte demeure néanmoins toujours fortement incertain, notamment sur le coût et la disponibilité de l’énergie. Les difficultés d’approvisionnement sont en nette décrues depuis 8 mois, mais l’impact sur les prix va se poursuivre pendant quelques mois encore, et ce, à des niveaux assez élevés ». Ainsi l’agroalimentaire et l’industrie (hors industrie automobile) ont connu des hausses de prix importantes, de l’ordre de 25 %. Un léger repli des difficultés de recrutement, qui restent encore élevés mais en recul sur les 4 derniers mois, est relevé.
L’impact de la situation énergétique sur l’activité est une véritable problématique. Ainsi, environ 25 % des entrepreneurs estiment que la situation énergétique a déjà eu un impact sur leur activité. Et 35 % des chefs d’entreprise pensent qu’elle aura un impact sur leur activité future. L’industrie automobile et l’aéronautique indiquent être les plus touchés.
Projections macroéconomiques 2023 - 2025
Le diagnostic de l’étude actuelle souligne que si la croissance du PIB autour de 2,6 % se maintient à un niveau positif jusqu’à la fin de l’année 2022 (chiffre de décembre non encore connu), la récession à l’échelle de l’année sera évitée. Toutefois, l’année 2023 s’annonce sous les auspices d’un ralentissement de l’activité, qui devrait reprendre en 2024. La reprise de l’activité serait consolidée en 2025, selon les estimations des économistes.
L’inflation, due à l’évolution du prix du pétrole et du gaz, est inévitable, selon les économistes. Un pic d’inflation de 7,3 % est attendu au 1er trimestre 2023 avant de revenir à un taux de 2 % fin 2024 ou début 2025. Sur l’énergie, l’inflation pour 2024 serait contenue à 4 %, avant de décroître sur la fin de l’année. Peu d’inflations sont prévues sur les autres produits.
Avec optimisme, les économistes anticipent une décrue du prix du pétrole en 2025. La légère décrue du prix du gaz étant déjà effective à ce jour.
Une évolution du taux de marges serait inévitable. Les hausses des coûts de production et la quasi-absence de gains de productivité pèseraient sur les marges des entreprises en 2022-2023, avant une certaine normalisation. À l’orée de 2023, les économistes prévoient un taux de chômage variant de 7,2 à 8,2 %. Cette remontée du chômage serait seulement temporaire, et en lien avec les évolutions de l’activité et de la productivité.
L’anticipation est moins optimiste sur l’évolution du pouvoir d’achat et des salaires : la progression des salaires suite aux revendications serait faible et peu suivie. Ceci aboutira à une progressive érosion du pouvoir d’achat des ménages, mais de manière assez limitée. Le pouvoir d’achat moyen des ménages ne repartirait à la hausse qu’en 2024-2025.
Le déficit public resterait élevé en 2022-2023. Le ratio de la dette publique demeurerait autour de 112 % du PIB sur l’horizon de prévision.
Résilience, ralentissement et reprise
En conclusion, l’analyse des données connues permet d’indiquer que l’activité des entreprises résiste très bien pour le moment, et que les difficultés d’approvisionnement ont reflué. Il n’y a pas de divergence entre les résultats du Grand Est par rapport au niveau national. La grande inconnue reste le coût de l’énergie, dont les conséquences sont encore mal évaluées. De plus, les coupures d’électricité inquiètent beaucoup les entrepreneurs. L’année 2022 se termine sur une sorte de résistance, mais un point d’attention persiste sur le secteur du bâtiment, notamment au niveau de la trésorerie des entreprises de ce secteur. Un schéma que l’on pourrait résumer par l’équation suivante : résilience en 2022, ralentissement en 2023 et reprise progressive en 2024 et 2025.
Les économistes ne sont pas catastrophistes, mais on note tout de même un optimisme teinté d’une très grande prudence, due à cette incertitude liée au coût de l’énergie. Il faudra attendre le prochain point presse des trois acteurs financiers. Pour une prochaine présentation des chiffres et des évolutions, l’URSSAF, la DRGFIP et la Banque de France seront rejoints par la CCI. Ce rendez-vous aura lieu le 7 février 2023.