Catherine Bruère n’a pas laissé transparaître d’émotion particulière à l’ouverture de l’audience solennelle de ce mardi 17 janvier au tribunal de Sarreguemines. Une juridiction qu’elle préside depuis octobre 2018. Tout au plus a-t-on ressenti une belle vibration à l’évocation « du travail d’équipe du tribunal » voire aux liens tissés avec bon nombre de collègues, aux bonnes relations entretenues avec le Barreau et dont elle a pu mesurer les compétences et l’esprit de dialogue. Elle n’avait pas encore tout à fait la tête au TJ de Tours, à l’écoute de l’hommage du procureur de la République dont elle a pu apprécier la touche d’humour et de légèreté lorsqu’il a relevé quelques réalisations inédites menées au sein de l’établissement durant son mandat. « Vous laissez le tribunal dans un ordre de marche parfait dans tous ses secteurs d’activité » a développé Olivier Glady. « Vous avez adapté la juridiction aux réformes de structure, sans compter les réformes de fond, de procédures pénales ou civiles qui ont confiné aux travaux d’orfèvrerie » dit-il avant d’en venir à plus prosaïque. « Votre héritage est aussi monumental au sens propre du terme : sous votre présidence ont été restaurés les portails donnant sur l’extérieur, ainsi que la création d’un local poubelles. » Le propos fait sourire toute l’assistance et la présidente. Il accompagne ses bons mots d’une touche personnelle avec « de vifs remerciements, chère Catherine, pour notre collaboration devenue amitié. » Il a enfin vanté « l’harmonie de la dyarchie car la présidente a su prendre sur ses épaules beaucoup de questions pratiques d’organisation de la juridiction, me laissant ma part de l’action publique. » Une façon élégante de résumer « la fin d’un chapitre écrit dans le grand livre de notre tribunal. » Une juridiction qui a accueilli deux nouveaux-venus que nous présenterons un peu plus loin.
La vie du parquet
Olivier Glady est revenu ensuite sur l’activité du parquet de Sarreguemines en commençant par ses effectifs. Il parle ainsi « d’une relative stabilité des effectifs. Nous avons pu bénéficier d’un renfort supplémentaire en début d’année, en raison de l’équilibre général du parquet de la cour d’appel de Metz. Nous étions alors 7 magistrats. Mais depuis cet automne nous avons à nouveau une vacance de poste. Nous avons accueilli trois substituts placés en 2022. » Il souligne l’adaptabilité de son équipe.
• La politique pénale du parquet : Elle s’est inscrite dans « une continuité rassurante. » Infractions routières, trafics de stupéfiants, cambriolages, atteintes aux forces de l’ordre, et les violences intra-familiales ont été prises en compte. « Les poursuites en plaider coupable permettent de toujours faire gagner du temps à tous les acteurs de la chaîne pénale » remarque le procureur. Ces procédures au nombre de 591 l’an passé ont augmenté de 39%. L’activité du tribunal correctionnel n’a pas faibli avec 855 convocations par OPJ (officier de police judiciaire) soit une hausse de 10%.
• Les comparutions immédiates : « Conséquences inévitables de la très forte focalisation sur les violences intra-familiales, elles ont atteint cette année un pic historique à 148 dossiers soit 39% de plus qu’en 2021. C’est la concrétisation manifeste et insurmontable des efforts déterminés, méticuleux et permanents des services de police et de gendarmerie dans ce domaine. » Il remercie dans ce sens, le travail des services de police et de gendarmerie « pour leur réactivité. » Pour ce qui est des délais, pour des faits commis en janvier, un individu peut être convoqué approximativement en avril ou en mai. « Ce sont des délais excellents. » Il aura un mot sur la surpopulation carcérale en insistant sur « les contacts resserrés avec le chef d’établissement, pour adapter la gestion des entrées à la maison d’arrêt en fonction de la surpopulation. »
Le crochet édifiant par Shakespeare
Olivier Glady termine son petit tour d’horizon, comme à son habitude, par une jolie digression littéraire vers Shakespeare, remarquable transition vers un sujet devenu très judiciaire : les abus sexuels évoqués en rappel du 5e anniversaire du mouvement « metoo ». De fait, selon le procureur, « les débats suscités par cet anniversaire ont été nombreux ainsi que les prises de position et de reproches adressées aux services de police et à la justice. » Il nous invite alors à faire un crochet par William Shakespeare « pour permettre de saisir la mécanique proprement infernale de ce genre d’agression et la complexité de leur élucidation judiciaire. » L’illustration en est donnée dans la pièce Mesure pour mesure, dont il résume le scénario. Le duc de Vienne quitte sa ville en proie à la luxure et à la débauche, en la confiant à un certain Angelo, mélange de gouverneur et de juge, pour réprimer la licence qui règne au sein de la cité. Claudio, un habitant, est ainsi condamné à mort par ce magistrat pour avoir conçu un enfant avant leur mariage. Sa soeur Isabella vient plaider sa cause devant le magistrat, qui l’ayant aperçue auparavant, ressent un vif désir pour celle-ci. Olivier Glady cite alors le dialogue édifiant qu’a imaginé le dramaturge, entre Angelo et Isabella. Et ça commence par : « Isabella, Claudio votre frère ne mourra pas si vous me donnez de l’amour… ». On l’aura compris. Dans ce cadre, abus de pouvoir rime avec abus sexuel. Cet extrait d’une pièce écrite en 1604 reste selon le procureur d’une actualité brûlante. Il évoque la mécanique du pouvoir, au coeur des comportements de harcèlement et d’agression. Pour démontrer son actualité, il remplace ce gouverneur par un producteur de cinéma, le maire d’une grande ville, un chef de service, etc. « C’est toujours le même rapport asymétrique du pouvoir au terme duquel, la domination du supérieur hiérarchique est entièrement instrumentalisée pour satisfaire sa concupiscence. » Reprenant les injonctions d’Angelo face à Isabella « Plie ton consentement à mon désir aigu (…) Mon mensonge est plus lourd que ta vérité ! » il confirme que « tout le travail policier et judiciaire consiste à rétablir puis inverser les poids de cet implacable déséquilibre. » Il peut conclure en estimant que « Shakespeare peut nous parler de l’année 2023 et nous instruire à son sujet depuis le 17e siècle ! » Et surtout il nous donne envie de lire ou relire le grand dramaturge.
« Des raisons de se réjouir »
Catherine Bruère n’a pas manqué de faire référence aux rappels du procureur, en y ajoutant un oubli involontaire : « Nous n’avons toujours pas fait l’inauguration des portails et du local poubelle ! » Après avoir présenté ses voeux, elle en vient à l’essentiel, l’activité du tribunal. « Nous avons des raisons de nous réjouir et c’est suffisamment rare pour le souligner. D’une part parce que l’activité déployée en 2022, couplée à un ralentissement des affaires nouvelles dans le domaine civil a favorisé un apurement des stocks. D’autre part, parce que les annonces consécutives au dépôt du rapport du comité des États généraux de la justice, laissent espérer un renforcement des effectifs. »
Moins d’affaires nouvelles
L’examen des flux statistiques caractérise un net ralentissement des affaires nouvelles dans quasiment tous les contentieux en matière civile, affaires familiales et commerciales, comparé aux exercices de 2018 et antérieurs à cette date. « C’est un constat d’une ampleur certaine » assure la présidente. La baisse importante en matière de JEX (juge de l’exécution) avec -50% par rapport à 2018 et de procédure civile orale avec -30% d’entrées entre 2018 et 2022, constatées tant à Sarreguemines qu’à Saint-Avold. Elle justifie cette baisse : « La mise en oeuvre d’un préalable à la saisine du juge, consistant en une tentative soit de conciliation, soit de médiation, soit de procédure participative, a très certainement contribué à cette évolution. » Le contexte économique a peut-être aussi joué, incitant des justiciables à renoncer à intenter une action judiciaire.
Les effets de la réforme du divorce
Autre fait marquant en matière de procédure civile : les effets de la réforme du divorce par consentement mutuel entrée en vigueur le 1er janvier 2017, qui a déjudiciarisé ce type de divorce, ont été particulièrement importants. En sept ans, le nombre de nouveaux dossiers de divorce a diminué de plus de 50% passant d’une moyenne de 700 en 2014/2015 à une moyenne de 300 en 2020/2021. Mais pour Catherine Bruère il faut nuancer le constat : « Un dossier de divorce par consentement mutuel n’équivaut pas à un dossier de divorce pour faute en termes de temps de travail. » Baisse similaire des affaires nouvelles pour les dossiers hors et après divorce de 25% en 5 ans.
Reprise des procédures collectives
Le contexte de crise sanitaire et les mesures de soutien aux entreprises ont par ailleurs limité le nombre d’ouvertures de procédures collectives, avec une abstention de l’Urssaf et du Trésor Public à saisir la juridiction en ouverture d’une procédure de sauvegarde. Cependant les premières tendances de l’année 2023 indiquent une reprise des saisines, émanant de l’Urssaf et du Trésor Public, ce dernier en raison des premiers incidents en remboursement des PGE (Prêts garantis par l’Etat), sollicités à l’été 2022. « L’augmentation rapide des saisines est un scénario possible » reconnaît Catherine Bruère.
La baisse générale des affaires en matière civile, affaires familiales et commerciales, conjuguée à la stabilisation des ressources humaines au greffe et parmi les magistrats en 2022, parfois même renforcés par l’affectation d’agents contractuels « a logiquement abouti, dans quasiment tous les services concernés, à une baisse des stocks. » C’est vrai pour les divorces : de 499 fin 2021 à 391 fin 2022, affaires hors et après divorce de 469 à 367, dans le même temps. « La juridiction est ainsi désormais en capacité de proposer des premières dates d’audience à un mois et demi, que ce soit en matière de divorce, ou en matière hors et après divorce. »
Avec des exceptions à la baisse
Il subsiste cependant des exceptions à la baisse des nouveaux dossiers dans le champ civil : « La réforme impliquant un contrôle systématique des mesures d’isolement et de contention prononcées dans le cadre d’une mesure d’hospitalisation sans consentement, réforme entrée en vigueur courant 2022, de façon assez chaotique, il faut le souligner. » Elle détaille l’exception. « Désormais la poursuite d’une mesure d’isolement ou de contention, au-delà respectivement de 96 heures et 72 heures, est soumise à autorisation du juge des libertés et de la détention. La brièveté des délais a nécessité de mettre en oeuvre une permanence sept jours sur sept, le service étant saisi dans un délai minimum de 24h avant l’échéance de la mesure, une demande d’audition du patient pouvant en outre être demandée. » Or, avec l’implantation sur le ressort de la juridiction de Sarreguemines d’un Centre hospitalier spécialisé comportant une Unité pour Malades Difficiles de près de 160 lits, la plus importante de France, « cette réforme a entraîné un contentieux important uniquement traité par les magistrats du 1er grade qui sont en nombre restreint au sein du tribunal judiciaire. » Elle salue au passage Mme Massey qui fait fonction de JLD (juge des libertés et de la détention) et M. De Magaelhes, greffier référent, pour leur investissement dans la mise en oeuvre compliquée de cette réforme.
Maintien de l’activité correctionnelle
En matière pénale, l’activité correctionnelle s’est maintenue en 2022 au même niveau relevé en 2018 et 2019 avec un peu plus de 1300 jugements rendus, y compris les intérêts civils.
La politique menée en matière de lutte contre les violences conjugales s’est traduite par une adaptation des modalités de poursuite avec une nette augmentation des comparutions immédiates au nombre de 148 en 2022 contre 100 en moyenne les années précédentes et surtout des convocations par procès-verbal, 79 en 2022 contre 15 en 2018 et 31 en 2019, cette dernière permettant un placement sous contrôle judiciaire des prévenus jusqu’à leur comparution devant le tribunal.
L’impact des réformes
Catherine Bruère a toujours pris soin d’adapter le travail de ses équipes à la mise en oeuvre des nouvelles réformes. Et il y en eut d’importantes ces derniers mois. Ainsi le cabinet d’instruction a recouvré l’an passé une compétence criminelle pour tous les crimes punis d’une peine maximale de 20 ans de réclusion criminelle, à l’exclusion de ceux commis en état de récidive légale. Cette réforme, attendue et adaptée, a logiquement induit une augmentation du nombre de saisines, avec 44 nouveaux dossiers en 2022 contre une trentaine les années précédentes.
La réforme de la justice pénale des mineurs
Le tribunal pour enfants expérimente pour sa part la nouvelle procédure de césure du procès pénal prévue par le code de justice des mineurs (CJPM) entré en vigueur le 30 septembre 2021. Le mineur poursuivi est convoqué dans un délai relativement court de 5 à 8 semaines, une première audience au cours de laquelle il est statué sur sa culpabilité et sur l’action civile s’il y a lieu. L’affaire est ensuite renvoyée à une autre audience, fixée dans un délai de 6 à 9 mois, afin de statuer sur la sanction ou la peine. Pour la présidente du TJ de Sarreguemines « l’entrée en vigueur de cette réforme a nécessité des ajustements importants avec les enquêteurs de la PJJ (protection judiciaire de la jeunesse) et entre le parquet et le TPE (tribunal pour enfants). Les nouvelles dispositions sont désormais bien intégrées et sont assurément davantage compréhensibles pour les mineurs poursuivis. » Explication : « la bonne prise en charge des mineurs durant la période s’écoulant entre la déclaration de culpabilité jusqu’au jugement sur la peine est essentielle. L’intervention des services de la PJJ se doit d’être rapide et adaptée et la consolidation de l’équipe du Service Territorial Éducatif de Milieu Ouvert (STEMO) est une bonne nouvelle pour notre juridiction. »
Le point sur les États généraux de la justice
Par le passé Catherine Bruère s’est longuement exprimée sur les États généraux de la justice dont elle partage le constat « de l’état de délabrement avancé dans lequel l’institution judiciaire se trouve aujourd’hui. » Constat qu’elle a toujours su nuancer « en fonction des juridictions. » Mais elle enfonce le clou en insistant sur une des faiblesses majeures de l’institution : « Son incapacité jusqu’à présent à déterminer des critères transparents et adaptés à l’allocation de moyens, au premier rang desquels, les ressources humaines. La situation peut ainsi être différente d’une juridiction à une autre. » Elle dessine l’idée d’un préalable essentiel à une saine évolution : « établir un référentiel d’activité, prenant en compte l’ensemble des sujétions des magistrats, appliqué de façon harmonieuse sur l’ensemble du territoire (…) » Et logiquement « le recrutement annoncé de nouveaux personnels, magistrats et fonctionnaires, en fonction des besoins, sera ensuite de nature à aplanir les profondes différences qui existent entre juridictions et enfin c’est notre souhait, à améliorer la prise en charge des procédures et les délais de jugement. » Il y a comme une petite éclaircie, voire une touche d’optimisme dans cette dernière approche de la présidente.
Anne Klein doit lui succéder
Catherine Bruère qui a réservé son ressenti sur son expérience sarregueminoise, au personnel du tribunal, a annoncé que celle qui va lui succéder est Anne Klein qui devrait prendre ses fonctions en avril prochain. Cette dernière, actuellement 1ère vice-présidente à Fort-de-France à la Martinique, n’est pas une inconnue à la Cité des Faïences où elle a exercé pendant une dizaine d’années. Enfin Catherine Bruère a bien fait passer le message. « Les réformes et crises ont été nombreuses, les moyens parfois insuffisants. Mais nous avons toujours été soutenus par les services de la cour et du SAR dont l’appui dans les fonctions de gestion est très appréciable. » Elle termine en un mot : « ce sont des fonctions qui ne peuvent prospérer qu’en équipe ! » Elle a ainsi mis l’accent sur la bonne entente avec les procureurs successifs, MM. Jaeg et Glady, et Mme Staub, directrice de greffe, qu’elle a vivement remerciés.
Bon vent à Tours, Mme Catherine Bruère.
Deux nouvelles-venues
Évènement inattendu en cette audience solennelle, l’arrivée de renforts au tribunal de Sarreguemines. Olivier Glady parle de mercato d’hiver pour filer la métaphore sportive, et évoque l’Alsace connexion en présentant les deux nouvelles arrivantes.
Élodie Lefebvre vice-procureure : Une arrivée très satisfaisante pour le parquet de Sarreguemines. Entre 2006 et 2010 elle obtient la maîtrise en droit à Bordeaux, un Master II de droit pénal et sciences criminelles à Strasbourg dont elle finit major de promotion. En 2011 elle devient assistante de justice au TJ de Strasbourg. En 2012 elle sera vacataire à la cour d’appel de Bordeaux. En 2013 elle intègre l’école de la magistrature et en 2015 elle sera auditrice de justice au sein du tribunal de Sarreguemines. De 2015 à 2022 elle exerce les fonctions de substitut du procureur au TJ de Saverne.
Valérie Fuhrmann épouse Varbanov greffière : Elle vient également du Bas-Rhin. Titulaire d’un master II de droit pénal, elle a été affectée au tribunal judiciaire de Strasbourg en 2011 à l’issue de sa scolarité à l’École nationale des Greffes. Elle y exerce dans de nombreux services pénaux : greffe correctionnel, service des comparutions immédiates en 2013 puis l’instruction en 2015 et enfin le service TTR (traitement en temps réel) en tant que GAM, greffier assistant du magistrat en février 2016. En 2020 Mme Varbanov fait une incursion au service centralisé du contrôle des expertises. Elle sera chargée au TJ de Sarreguemines de la coordination des services d’audiencement et bureau d’ordre. Cette nomination la rapproche de ses attaches familiales dans le Pays de Bitche. Elle permet aussi à la juridiction de posséder un effectif complet de greffiers.
L’audience solennelle du Tribunal judiciaire de Metz
L’audience solennelle du tribunal judiciaire de Metz a permis au président Pierre Wagner de revenir sur une année 2022 difficile pour la juridiction. En cause comme souvent le manque cruel d’effectif. Le procureur Yves Badorc a évoqué une activité soutenue du parquet.
Pierre Wagner, président du tribunal judiciaire de Metz, a ouvert cette audience solennelle en remerciant les nombreux invités « de leur présence et de leur soutien. » De fait, les deux dernières années de crise sanitaire ont empêché ces retrouvailles traditionnelles. Il salue d’entrée le bâtonnier David Zachayus et la vice-bâtonnière Anne Muller qu’il félicite pour leur élection et présente la nouvelle directrice de greffe, Katia Miard, dont nous évoquerons plus loin le parcours. En attendant, le procureur de la République Yves Badorc a pu officialiser l’ouverture de l’année judiciaire 2023 après avoir longuement évoqué la vie du parquet en 2022.
« Refrain connu… »
Le procureur a joliment pris son monde à contrepied. En ironisant sur le propos classique « que va encore nous jouer le procureur, comme chaque année, cet air en forme de requiem, la complainte du chef de juridiction dont on connaît trop bien le refrain : la pénurie de moyens matériels et humains. » Et bien non, cette année il compte bien déroger à cette habitude. Donc Yves Badorc, alors que fleurissent les bonnes résolutions n’évoquera pas dans l’ordre :
L’audience solennelle du TJ de Metz avec au premier plan le procureur de la République Yves Badorc.- la vacance d’un poste de substitut depuis le 1er janvier ; - la situation des magistrats du parquet, de plus en plus réduits à une partie poursuivante alors que comme l’a si bien dit le procureur général de la Cour de cassation François Molins « le magistrat du parquet bénéficie d’une délégation de souveraineté pour veiller à la bonne application des lois à la protection de l’intérêt général » ; - la question de l’administration des juridictions qui mériterait d’être repensée à l’aune d’une organisation judiciaire rénovée ; - la réforme de la police judiciaire qui aura au moins eu le mérite de faire connaître au grand public les articles 12 et 12-1 du code de procédure pénale et le rôle essentiel du procureur de la République. Et voilà comment habilement Yves Badorc a évoqué les turpitudes du fonctionnement du parquet, sans vouloir en parler, mais tout en en parlant. Un refrain qu’il a vite balayé en saluant « le travail extraordinaire au quotidien accompli par les magistrats, greffiers, fonctionnaires et contractuels de la juridiction. » 9
« La crise prise en compte »
Le procureur ne cache pas sa fierté de « compter à ses côtés des magistrats aidés dans leurs tâches par des juristes assistants ou chargés de mission, tous aussi investis et habités par le sens de leur mission. » Il achève le premier volet de son propos en évoquant les États généraux de la Justice dont les conclusions « sont de nature à rompre avec ce mouvement perpétuel de lassitude voire de désespoir. Enfin, la crise qui touche la Justice a été prise en considération à la mesure de sa profondeur, de son intensité et de ses formes multiples, qu’il s’agisse de la hausse promise de son budget, de la prise en compte du bien-être au travail ou de la revalorisation des métiers. »
On est loin de la complainte et le procureur de la République voit enfin une éclaircie et beaucoup d’espoir d’une amélioration du fonctionnement de la justice.
Sur l’art de légiférer
Il glisse ensuite un mot sur son approche de l’art de légiférer. « Au-delà des chantiers qui s’annoncent, redire qu’il n’y a rien de plus démodé que la mode, et que la loi ne doit pas comme un effet de mode, se plier à l’éphémère du moment présent. » Très attaché à l’État de droit, à la séparation des pouvoirs, Yves Badorc sait « l’art de légiférer complexe. » Aussi forme-t-il le voeu « d’une rupture avec ce cycle de droit devenu perpétuellement transitoire à force de textes successifs. » Il caresse l’espoir que « la réforme de code de procédure pénale, dont le comité scientifique vient d’être installé, naisse sous le signe de la sécurité juridique garantie de la protection des droits. »
Activité pénale soutenue
Il aborde l’activité du parquet en 2022. Elle reste toujours aussi soutenue avec 31 641 procédures enregistrées avec un taux de réponse pénale proche de 90%. Le taux des procédures alternatives dans les affaires poursuivables est de 26,38% en léger recul par rapport à 2021. Il constate la nette progression (+17%) des comparutions immédiates (607 contre 518 en 2021). « Elles ont un impact sur l’activité du tribunal correctionnel dont la capacité de jugement n’est plus en adéquation avec le volume des poursuites » indique le magistrat. Conséquence, les délais de comparution devant le tribunal et plus encore les délais de jugement s’allongent inexorablement « au risque d’entamer la confiance des justiciables. » Et pour le procureur de la République « il s’agit d’un enjeu fort pour répondre aux impératifs d’une justice de proximité (…) » Toutefois il entrouvre la perspective d’une amélioration avec le développement du recours à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) y compris par la voie du déferrement et aux alternatives aux poursuites en s’appuyant sur les délégués du procureur dans le cadre d’un projet de service rénové. Pour Yves Badorc « la CRPC n’est pas seulement une réponse à la régulation des flux (…) La qualité de la réponse pénale ne peut pas se limiter à la seule approche consistant à trouver une solution à l’encombrement d’une juridiction. Il faut surtout, selon lui, comprendre que le choix individualisé du mode de poursuite, en les diversifiant, est un préalable nécessaire à la personnalisation du prononcé de la sanction. » À l’évidence, la justice remplira pleinement son rôle « si la réponse pénale intervient avec certitude dans le temps le plus proche que possible de la commission des faits et de manière égale pour tous. »
« Le temps père de vérité »
Il propose sa vision du bon équilibre de l’exercice de la justice. Il ne veut pas céder à la justice du dilemme : « soit faire vite pour évacuer les affaires mais au détriment du fond et des conditions de travail, soit à l’inverse, prendre le temps de la réflexion mais alors sans certitude de satisfaire au délai raisonnable. » Il cite Rabelais pour qualifier « le temps père de vérité » selon le juge Bridoye, personnage de l’auteur. « Mais lorsque le temps s’allonge entre la commission des faits et le jugement, il est alors impérieux d’accompagner, de protéger et d’informer. »
Il déclinera les trois actions. Accompagner s’avère indispensable « sur ce temps parfois trop long, en faisant prendre en charge dans la durée une victime par une association d’aide aux victimes. » Il remercie à ce propos le CDIFF (centre d’information féminin et familial) et l’AEIM (association de soutien aux parents) pour le travail accompli.
• Accompagner, protéger et informer : Accompagner et protéger les victimes en mettant à leur disposition des dispositifs de protection comme le téléphone grave danger (TGD) ou le bracelet anti-rapprochement (BAR). En 2022, quelque 115 victimes ont pu bénéficier de l’un de ses dispositifs. Des dispositifs dédiés surtout aux victimes de violences intrafamiliales.
Mais protéger, selon Yves Badorc, consiste aussi à imposer des mesures à l’auteur de l’infraction : interdictions de contact, soins, stages, contrôle judiciaire. En la matière, le TJ de Metz s’inscrit dans le chemin tracé par le tribunal de Thionville, avec la mise en place d’un contrôle socio-judiciaire pour les auteurs de violences conjugales avec l’aide de l’AEIM et du SPIP (service pénitentiaire d’insertion et de probation).
Il ajoute l’importance d’informer les justiciables. Il salue le travail des délégués du procureur et ceux du CDIFF de recevoir les plaignants ou les victimes à qui ont été notifié un classement sans suite afin de leur expliquer les raisons qui ont conduit à cette décision, et les recours possibles contre elle. Il voit aussi une amélioration possible en provoquant des réunions, comme l’a fait le maire de Metz, entre les élus du ressort avec le tribunal pour mieux connaître son fonctionnement car souvent « la durée des procédures est d’autant plus mal vécue que la justice demeure silencieuse lorsqu’elle est questionnée. »
Les chiffres des violences conjugales sont en hausse : 6,5% d’augmentation des affaires poursuivables, 44% d’augmentation d’auteurs déférés au parquet dans le cadre d’une convocation par procès-verbal (163).
• Trafic de stupéfiants : Yves Badorc a beaucoup insisté sur la lutte contre les trafics de stupéfiants « qu’il faut combattre collectivement tous azimuts. » En matière de répression, le parquet de Metz, de par sa situation géographique, « devra multiplier les échanges avec les parquets limitrophes et les autorités judiciaires des pays voisins. » Mais, selon lui, la répression des trafics n’est efficace que lorsque
les actions de prévention sont menées. Il relève l’effort mené par l’Éducation nationale en la matière vers la jeunesse.
• Le parquet pôle environnemental : Yves Badorc est revenu sur des compétences plus méconnues du parquet. Outre la matière civile et commerciale, le parquet étant appelé d’après le rapport des États généraux de la Justice, à être plus présent en matière prud’hommale, est également pôle régional environnemental. Il a été créé par la loi du 24 décembre 2020. Dans ce cadre, a été installé un comité opérationnel de lutte contre la délinquance environnementale (COLDEN) qui a pour objet de faciliter le partage de l’information entre tous les acteurs. « L’urgence écologique est là. Le pôle régional environnemental devra répondre à cet enjeu majeur. »
• Agir contre la surpopulation carcérale : En évoquant le volet peine de la loi, le procureur de la République a soulevé le problème épineux de la surpopulation carcérale et celui de la récidive. Pour lui, il ne s’agit pas d’aller « à rebours des alternatives à l’emprisonnement, comme le TIG (travail d’intérêt général) qui fête ses 50 ans. Mais il faut agir contre la surpopulation carcérale. » Il rappelle « qu’une peine ne se commande pas ». Il met l’accent sur l’importance de la récidive. Une étude le démontre. Pour l’année 2016, quelque 31% des sortants de prison ont été à nouveau condamnés pour une infraction commise l’année de leur libération, et 79% ont été sanctionnés d’une nouvelle peine d’emprisonnement. Il ne souscrit pas tout à fait à l’idée selon laquelle « conjurer la récidive est une illusion » comme l’affirmait un psychiatre en 2011. « Pour autant il ne faut pas renoncer. Il faut redoubler d’efforts et d’actions et faire cheminer l’idée d’une peine qui assure la cohésion sociale et restaure. » Pour conclure que « la peine à travers son exécution ou son application s’inscrit dans le temps (…) Le rendu de la justice est un rapport au temps. » Fin de la démonstration.
En conclusion le procureur de la République a cité Saint-Exupéry : « Dans la vie il n’y a pas de solutions, il y a des forces en marche : il faut les créer et les solutions suivent. » Et de lancer : « Alors avançons ensemble. »
Pierre Wagner : « une année compliquée, éreintante… »
« Il m’appartient de rendre compte de l’activité générale de la juridiction. Je vous rassure, vous n’y échapperez pas, le requiem ce sera pour moi ! » Pierre Wagner a ouvert son discours en évoquant « le requiem » d’une année qu’il juge « délicate, compliquée, éreintante sur le plan humain. » Il cite les 4 postes non pourvus, les 3 congés de maladie parfois très longs, les temps partiels non compensés (2,3 équivalents temps plein ou ETPT). « Cela représente 9,3 magistrats soit pratiquement 20% des effectifs qui sont manquants à ce jour. Et l’an passé la juridiction a connu des situations encore plus dégradées. » Au greffe, ce n’est guère mieux avec une moyenne de 35 à 40 absences ETPT de fonctionnaires sur un effectif de 195. « Jamais la juridiction n’a connu un tel taux d’absence de magistrats et de greffiers et fonctionnaires sur des périodes aussi longues. » Un nombre d’absences en tout cas qui est selon lui « incompatible avec l’exercice normal de nos fonctions. » Et de citer le « nombre important de réformes qu’il a fallu absorber à moyens constants ou plutôt à moyens dégradés. » Un constat qui pousse le président à rendre hommage aux juges « pour leur souci de rendre envers et contre tout, une justice de qualité, à la hauteur des missions qui leur sont confiées par la Nation. » Il salue de la même façon, les fonctionnaires de justice pour leur « persévérance et leur abnégation au service d’une institution dont ils assurent la continuité. » Il peut clore le chapitre des conditions de travail, devenu depuis un certain temps, un volet incontournable de tout compte-rendu d’activité dans la juridiction messine.
L’activité correctionnelle
Il évoque bien sûr la part plus prépondérante des violences intrafamiliales dans la réponse pénale rapide. Elle a un impact sur d’autres types de contentieux « qui n’ont plus la place d’être jugés et qui le seront dans de nombreux mois. » De fait, le nombre de jugements rendus par la chambre correctionnelle statuant en audience collégiale a augmenté de 3% alors que les décisions rendues dans le cadre d’audiences à juge unique ont connu une diminution (100 décisions en moins par rapport à l’an passé). C’est en lien direct avec l’absence de magistrats qui n’ont pu être remplacés. « Il a fallu supprimer un certain nombre d’audiences qui ne pouvaient être tenues. Ces audiences ont fait dès lors l’objet d’un renvoi, pour certaines à 10 mois voire un an, les audiences étant pleines jusque-là. » C’est bien la traduction de ce qui précédait, à savoir une inquiétante dégradation de l’exercice de la justice sur la juridiction. Constat identique pour les audiences sur les intérêts civils (diminution de 34% des décisions) et pour la Commission d’indemnisation des victimes CIVI (diminution de 58% des décisions).
Il relève la stabilité du nombre d’ouvertures d’informations judiciaires auprès des magistrats instructeurs (146 ouvertures nouvelles), assortis d’une baisse des clôtures de ces procédures (-33). Pour le service des juges des libertés et de la détention au nombre de 3, l’activité pénale augmente en matière de détention provisoire comme du contrôle judiciaire. Activité stable pour le service de l’application des peines.
Activité civile
Le président rappelle que l’activité civile représente 60% de l’activité des juridictions françaises en moyenne.
• 1ère chambre civile : Une chambre qui travaille en sous-effectif chronique. Elle enregistre +40% pour le contentieux général, d’où une augmentation des affaires en cours, le nombre d’affaires terminées ne peut suivre ce rythme des affaires nouvelles : +24% pour les ordonnances sur requête et les référés et +15% pour les expropriations.
• 4e chambre civile : Elle aussi, avec des effectifs incomplets, a connu une diminution des affaires (-17%) pour le contentieux général, avec une augmentation des ordonnances et des référés de 10%.
• Juge aux affaires familiales : S’agissant des divorces l’augmentation générale est de 12% d’affaires nouvelles pour revenir au niveau de 2020, avec une nette augmentation des affaires terminées ce qui a permis de réduire le stock de 22%. S’agissant des affaires hors divorces, l’augmentation est de 6%. Les référés du JAF enregistrent +14% d’affaires nouvelles, les ordonnances de protection enregistrent 32 affaires nouvelles, soit 10 de plus que l’an passé. C’est le même niveau qu’en 2020. On y enregistre un allongement des délais en raison du déficit d’effectif.
• Chambre commerciale : Elle a été impactée par l’absence pendant un an de magistrat. 70 affaires nouvelles dans le contentieux général. Augmentation du stock des affaires en cours +23%. Les référés commerciaux sont restés stables.
• Procédures collectives : Leur nombre est stable depuis 2020 avec 300 procédures alors que l’on redoutait une augmentation avec la fin de la crise sanitaire et la fin des aides de l’État.
• Pôle social : Il a connu une diminution de 30% des entrées par rapport à 2019, et une stabilité entre 2020 et 2021 avec 1480 entrées. Diminution des sorties de 10%. Le stock des affaires a baissé de 28% et va vers l’objectif que la juridiction s’était fixé dans le cadre de la justice civile de proximité.
• Activité du JLD : S’agissant des hospitalisations sous contraintes, les contrôles de plein droit ont diminué de 10% alors que les mesures de contrôle concernant les mesures d’isolement ou de contention qui sont depuis 2021 sous le contrôle du juge, ont elles quintuplé, passant de 66 à 336 de 2021 à 2022. Pierre Wagner a évalué ce que représentait en temps de travail supplémentaire cette poussée des mesures de contrôle : 200 heures de travail soit 25 jours dans l’année à moyen constant tant pour le magistrat que pour le greffier. Sans commentaire. S’agissant du contentieux des étrangers, il a augmenté de 12%.
• Activité au tribunal de Sarrebourg : L’activité civile y est stable par rapport à il y a deux ans, mais en augmentation par rapport à l’an passé avec 300 affaires nouvelles. Les décisions de tutelle sont sur le même schéma avec une moyenne de 400 affaires rendues. L’activité du Livre Foncier demeure quasiment identique à celle de l’an passé avec pratiquement 29 000 affaires nouvelles et tout autant d’affaires terminées. Le juge du Livre Foncier a pour mission de contrôler l’inscription des droits au Livre Foncier, la forme des actes, l’origine de la propriété et l’inscription préalable du propriétaire précédent, la capacité et la représentation des contractants.
Les perspectives 2023
Pierre Wagner veut retenir du plan d’action faisant suite aux États généraux de la Justice venant du Garde des sceaux et prévoyant la création sur 5 ans de 10 000 emplois dont 1 500 magistrats et 1 500 greffiers, une forme d’espoir de « considérer la réalisation de ce que l’on désire comme probable et d’attendre avec confiance. » Et comme il l’a répété « attendre nous savons le faire. Sachons dès lors appréhender tous ensemble la confiance. » Au passage il rappelle quelques fondamentaux des obligations déontologiques des magistrats élaborés par le CSM (Conseil supérieur de la magistrature) : « Rendre la justice est une fonction essentielle dans un État de droit. Les magistrats ont entre les mains la liberté, l’honneur, la sûreté et les intérêts matériels de ceux qui vivent sur le territoire de la République. Ce rôle éminent fonde les exigences que chacun peut avoir à leur égard et appelle des moyens humains, budgétaires et matériels adaptés. » Un rappel approprié d’une justice qui n’existe pas sans moyens pour l’exercer.
Et il évoque déjà « un premier frémissement de confiance qui annonce l’arrivée d’une vice-présidente qui fait suite à une intégration. »
Le règlement amiable des différends : une nécessité
Pierre Wagner s’est ensuite longuement penché sur la question du règlement amiable des différends « qui nous est désormais proposé non pas comme une alternative mais comme une nécessité ! » Il a relu sur ce thème une lettre de Voltaire écrite en 1739 sur un usage établi en Hollande. L’éloquence de l’écrivain relate l’épisode de deux individus qui veulent plaider l’un contre l’autre, et se rendre obligatoirement « d’abord au tribunal des conciliateurs. » Voltaire y fait brillamment l’éloge de cette pratique utilisée en Hollande. Et Pierre Wagner d’en faire à son tour l’énumération : Que ce soit la conciliation, la médiation, la procédure participative, ce sont des pratiques à « moindre coût avec un gain de temps, une participation active des parties pour arriver à une solution négociée. Le juge demeure toujours à proximité pour concilier lui-même, soit pour déléguer cette conciliation à un conciliateur, soit pour désigner un médiateur. Et au bout le juge est toujours présent pour homologuer l’accord des parties. » Et le président d’anticiper « Un chantier commun ouvert pour 2023 » dit-il à l’adresse du bâtonnier Zachayus.
La révolution avec la PPN…
En 2023, le président le confirme, la juridiction entrera de plain-pied dans la PPN, autrement dit la procédure pénale numérique et ce en liaison avec les directions Programme PPN des ministères de la Justice et de l’Intérieur et qui « vont conduire à terme à faire disparaître totalement l’écrit dans les dossiers pénaux. » Exemple : les enquêtes seront ainsi transmises directement par les services d’enquête aux parquets, le président d’audience tout comme l’avocat ayant directement accès à ce support numérique pour approcher le dossier. Il s’agit « d’une véritable révolution dans la façon de travailler et un grand bouleversement dans l’approche des dossiers pénaux pour les magistrats qui jusque-là ont travaillé dans la culture du papier. » L’ensemble des salles d’audience est désormais équipé de matériel informatique et d’écrans nécessaires à la lecture de ces dossiers. « Il faudra un temps d’apprentissage à chacun pour appréhender au mieux cette nouvelle approche » estime Pierre Wagner.
L’incontournable accès au droit
S’il est un sujet qui tient à coeur au président Wagner c’est bien celui de l’accès au droit. « Éviter le procès, régler un différend à l’amiable, c’est avant tout aussi faire connaître au citoyen ses droits. C’est même un préalable nécessaire et incontournable » dit-il. Le bon moment pour évoquer l’action du CDAD, le Conseil départemental de l’accès au droit de la Moselle, qu’il préside. La mission au quotidien du CDAD est « de veiller à ce que tous les citoyens aient des dispositifs d’accès au droit, notamment des informations, des orientations, des mises en relation avec les professionnels du droit. » Le CDAD à cette fin, mène des actions en partenariat avec le barreau, les notaires, les commissaires de justice, les délégués du défenseur des Droits, les associations, les conciliateurs, dans autant de structures définies sous le nom de « points justice » mais également de « France services. » L’activité du CDAD se décline surtout en faveur des personnes étrangères, des femmes victimes de violences conjugales, de personnes en situation précaire. Elle prend aussi un aspect pédagogique auprès des jeunes avec l’accueil des lycéens à des audiences du tribunal correctionnel, à des débats avec des professionnels autour d’un film à caractère sociétal et judiciaire réunissant étudiants et lycéens à la faculté de droit. Pierre Wagner a tenu à remercier vivement le travail mené par Virginie Thomas, coordinatrice du CDAD.
Le président pouvait achever son discours en remerciant chacun dans ce tribunal « pour ce qui a été fait, mais aussi pour ce qui nous attend et qui se fera… »
L’audience en bref
• Départ et arrivée : Pierre Wagner a salué Mme Bacher-Batisse, vice-présidente ayant exercé les fonctions de juge des libertés et de la détention depuis 2018 au sein de la juridiction. Elle rejoint la cour d’appel de Metz en qualité de conseillère. Il a également remercié les magistrats à titre temporaire MM. Knoll et Thiry qui ont définitivement fait valoir leur droit à la retraite. Il a enfin présenté les deux nouveaux juges consulaires MM. Bello et Yldirim qui rejoignent la compagnie de Metz.
• Katia Miard directrice de greffe : Il a formalisé officiellement l’arrivée de Katia Miard, directrice de greffe qui rejoint la juridiction en ce début janvier. Elle avait entamé son parcours il y a 25 ans et connu une belle progression de carrière. De 1983 à 2003, elle a été assistante de justice au TGI de Briey et CPH de Longwy. En 2003, elle passe le concours d’adjoint administratif et occupe un premier poste à l’antenne parisienne de l’ENM (école nationale de la magistrature), au service des concours et du réseau européen de formation judiciaire. En 2005, elle obtient sa mutation à la cour d’appel de Metz où elle est successivement affectée à la chambre des affaires familiales puis à la cour d’assises. En 2008, elle obtient le concours de greffier et son premier poste au TGI de Metz, à l’exécution des peines. En 2012, elle part au TGI de Briey, devient greffier principal et passe le concours de directeur pour devenir à Briey adjointe au directeur de greffe. En 2023, elle obtient sa mutation au tribunal judiciaire de Metz.
• 50e anniversaire de la cour d’appel : Le 20 janvier, la cour d’appel de Metz a célébré le 50e anniversaire de son rétablissement en 1973. Cette juridiction de seconde instance a connu une vie agitée, car elle a été supprimée lors de l’annexion de 1871 (traité de Francfort). Elle a été restaurée en 1973. Pendant l’annexion les justiciables Mosellans relevaient du tribunal d’appel de Colmar. La justice mosellane redevient française en février 1919 après la 1ère Guerre Mondiale. Mais la cour d’appel n’est pas rétablie pour autant. Nancy revendiquant d’être la seule et unique cour d’appel de Lorraine. Un mouvement des avocats des barreaux mosellans et une campagne de presse, avec le soutien de Victor Demange fondateur du Républicain Lorrain, ont permis son rétablissement à Metz. L’annonce en était faite du balcon de l’hôtel de ville par le président de la République Georges Pompidou, en avril 1972. La cour sera solennellement installée le 15 janvier 1973. Tous ces épisodes sont fort bien expliqués dans une exposition proposée dans le hall d’accueil du tribunal judiciaire de Metz.