AUDIENCE SOLENNELLE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE STRASBOURG
Après les traditionnels voeux de début d’année, le Président Thierry Gherra a donné la parole à Madame Yolande Renzi, Procureur de la République.
Dans ses réquisitions, Madame le Procureur a souligné le travail accompli par le Parquet malgré un manque évident de personnel, même si le nombre de 20 magistrats reste stable.
Madame Renzi a souligné également les multiples réformes procédurales et organisationnelles en cours dont la mise en oeuvre de la procédure pénale numérique et souhaite une pause législative afin de pouvoir absorber au mieux ces évolutions.
En ce qui concerne l’activité du parquet en 2022, sur 9 188 affaires poursuivables, il y a eu 6 469 affaires poursuivies et 2 183 mesures alternatives soit un taux de réponse pénale de 94.16%.
Il est à noter que le stock de jugements correctionnels restant à exécuter à fin 2022 est au plus bas depuis 2019 avec 161 jugements (contre 945 en 2019 ou 1 041 en 2021).
En matière de jugements correctionnels, le nombre de jours d’audience est sensiblement identique par rapport à 2021 avec une augmentation des audiences de comparutions immédiates.
Enfin, pour le pôle de l’instruction, le stock est de 529 affaires et 230 affaires nouvelles.
Après les réquisitions de Madame le Procureur, le Président a procédé à l’installation d’un Magistrat en la personne de Madame Marjorie Marticorena, nommée Vice-Président chargé des contentieux de la protection à la chambre de proximité de Strasbourg. Cette installation lui a permis de remercier pour leur travail l’ensemble des fonctionnaires qui oeuvrent dans les 4 chambres du Pôle de proximité.
Six nouveaux Juges consulaires, monsieur Jacky Bantze, monsieur Patrick Dinal, monsieur Serge Rulewski, monsieur Pierre Tanghe et monsieur Vincent Vernette ont également été installés.
Là encore, le Président a pu souligner le travail remarquable réalisé par le pôle économique et commercial sous la direction de Madame Derein, Premier Vice-Président et coordonnateur dans un contexte difficile de sous-effectif et d’accroissement des demandes lié à la conjoncture économique. Il a associé dans ses remerciements Monsieur Fasciglione, Président de la Compagnie des Juges consulaires ainsi que Monsieur Stoeffler, Directeur des services de greffe. Ce pôle a, en effet, connu des évolutions en terme de réorganisation avec la dématérialisation des procédures, la participation accrue des Juges consulaires, l’accroissement de la conciliation et la dématérialisation du RCS.
Concernant les résultats de la juridiction pour 2022 et malgré les difficultés liées aux sous-effectifs, celle-ci offre un service de qualité. Au global, sur l’activité civile et commerciale, il y a eu 19 392 affaires nouvelles et 19 725 affaires terminées soit un taux de couverture de 101.72 %.
Pour les procédures civiles, l’âge moyen du stock s’établit à 14.33 mois au lieu de 15.64 en 2021 et 17 mois en 2020. La durée moyenne d’une procédure civile est également en baisse, elle est passée de 9.18 à 7.83 mois.
Pour le pôle économique et commercial, le nombre de procédures collectives ouvertes en 2022 s’établit à 603, il était de 306 en 2021 et pour rappel de 722 en 2019.
Il est à noter également le traitement de l’aide juridictionnelle qui est de 16 jours pour la juridiction.
Malgré ces chiffres qui prouvent le dynamisme du Tribunal Judiciaire de Strasbourg, le Président a souhaité souligner le manque de moyens et rappelle que « le rapport des états généraux de la Justice relève un état de délabrement avancé dans lequel se trouve l’institution judiciaire aujourd’hui… »
Pour preuve, en matière de magistrats, le tribunal fait face à 11% de postes vacants. Le Greffe de Strasbourg connait, lui, un taux de sous-effectif de 15 %.
Ces données ne tiennent pas compte des réels besoins des juridictions puisque l’évaluation des charges de travail et besoins commencées en 2010 et reprise par la Chancellerie montrent que le besoin de magistrats en France serait du double ou du triple de l’existant.
Ce retard, en matière d’effectifs, est également criant en matière de technologie. Les outils permettant la communication électronique entre les acteurs du Droit n’a pas pu évoluer de manière satisfaisante car il a été préféré la mise en avant de l’accès en ligne pour le justiciable au détriment de l’évolution des outils numériques pour les professionnels.
Le Président Thierry Gherra a souligné également la multiplicité des réformes mises en place pendant et après la crise sanitaire. Quelques exemples : fusion des tribunaux de grande instance et d’instance, réforme des peines, réforme du droit du divorce, réforme de la justice pénale des mineurs, réforme de la contention et de l’isolement… Toutes ces réformes impactent grandement les organisations en place. Elles doivent être mises en oeuvre sans moyens supplémentaires et souvent dans des services qui connaissent des situations de sous-effectifs problématiques.
Dernier exemple en date, la généralisation de la cour criminelle départementale. Le rapport du comité de suivi relève un taux d’appel plus élevé. Cette réforme entraine un accroissement de la charge de travail pour les magistrats du Siège sans recrutement d’effectifs dans l’immédiat.
Pour clore ce chapitre consacré aux réformes et aux évolutions, le Président déplore l’abandon de la création de la juridiction nationale des injonctions de payer qui devait être basée à Strasbourg et avait été minutieusement anticipée et préparée par ses équipes.
Au-delà de ces constats, le Président Gherra a souhaité revenir sur les projets mis en place qui sont autant de manières de créer des liens forts entre les tous les professionnels du Droit. À ce titre, il a remercié vivement l’ensemble des professionnels et, en premier lieu, le Bâtonnier du Barreau de Strasbourg.
Plusieurs projets présentés permettent de mieux comprendre ce dialogue permanent existant au travers de comités de pilotage.
En premier lieu, la protection judiciaire de la jeunesse et les liens établis à l’occasion de la mise en oeuvre de la justice pénale des mineurs. La juridiction a également développé tous les protocoles de communication électronique avec les avocats, commissaires de justice, experts de justice et forces de police et de gendarmerie.
Le tribunal de Strasbourg a accueilli également une expérimentation de l’emploi de l’intelligence artificielle en partenariat avec l’Institut des Études et de la Recherche sur le Droit et la Justice. Avec la Faculté de Droit de Strasbourg, il a également créé le pôle cyberjustice, création inédite en Europe.
Autre grand projet, le travail pour le développement des MARDS (modes alternatifs de règlement des différends), démarré dès 2019, a été poursuivi et le colloque organisé en juin 2022 a permis de montrer le chemin déjà parcouru (voir les Affiches d’Alsace Lorraine N°94 du 25 novembre 2022) et les perspectives d’évolution à l’aune des standards européens.
Enfin, comme le Président l’a déjà souligné lors de l’audience de septembre dernier, le grand projet de création d’un point d’accès au droit européen sera effectif dès fin janvier et permet au Président de souligner la qualité des relations mises en place avec le Barreau de Strasbourg mais aussi avec le Landgericht d’Offenburg et le Centre européen de la Consommation.
Comme l’a souligné le Président : « Nous espérons que ce projet inédit et très concret soit un pôle d’excellence qui aide les justiciables Allemands et Français à mieux connaître leurs droits, mais aussi comprendre les contraintes de leurs interlocuteurs étrangers, pour agir en justice ou au contraire, éviter un procès ou encore pour se diriger vers une médiation. »
AUDIENCE SOLENNELLE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAVERNE
Cette année, l’audience solennelle a pu avoir lieu dans les locaux du tribunal et a réuni nombre de personnalités locales.
Après les propos de bienvenue, Madame la Présidente Françoise Decottignies ainsi que Madame la Procureure Aline Clérot ont accueilli selon le protocole et chacune à leur tour Madame Constance Champrenault qui, après plusieurs années au Tribunal de Strasbourg au poste de substitut en charge de l’exécution des peines, occupe désormais le poste de vice-procureure, première à ce poste nouvellement créé, au sein du Parquet de Saverne.
L’arrivée également de Monsieur Olivier Franck, directeur des services de greffes judiciaires aux côtés de Madame Marine Zbinden, greffière à l’instruction et de Madame Nour Ben Barka, greffière au service civil a été l’occasion pour les deux cheffes de juridiction de remercier chaleureusement pour leur travail l’ensemble des personnels.
Dans ses réquisitions, Madame la Procureure a souhaité en premier lieu rappeler quelques chiffres clés de l’année écoulée. La réponse pénale a augmenté de 8 points par rapport à 2019 en passant à 97.3 %. Le nombre d’affaires poursuivables a augmenté de 15.4% depuis 2021.
Avec 52% de mesures alternatives en plus en 2022, celles-ci représentent donc 60% de la réponse pénale. Comme le souligne la Procureure c’est « Le reflet d’une politique tournée vers des alternatives dites qualitatives, denses, avec du contenu, du sens et répondant aux préoccupations et besoins du territoire mais aussi des mis en cause pour une lutte active contre la récidive dans le cadre du déploiement d’une véritable justice de proximité ». Ces mesures sont plus rapides, permettent de lutter contre la récidive et sont également une réponse qui donne du sens à la fois pour la victime et pour l’auteur des faits.
Pour illustrer son propos, les dernières mesures alternatives créées sont : un stage de lutte contre la haine et toutes les formes de discriminations mis en oeuvre au sein de l’ancien camp de concentration du Struthof ainsi que des stages pour les auteurs mineurs comme le stage éco-citoyenneté, le stage pour l’égalité entre les femmes et les hommes et de lutte contre le sexisme ou les stages de lutte contre les addictions et de sécurité routière.
Cette politique sera poursuivie en 2023 et même renforcée avec la mise en place d’alternatives pour les atteintes de basse intensité à l’environnement avec des partenaires privilégiés comme l’OFB et l’ONF. Mais pour une bonne compréhension de la politique pénale mise en oeuvre, Madame la Procureure a souligné que tout ceci ne peut se faire sans une communication qui permet de l’expliquer auprès des acteurs de la vie locale. Ainsi plusieurs évènements ont permis au Tribunal de Saverne de communiquer à la fois auprès des élus par une réunion en juin dernier avec les maires du ressort mais aussi auprès du grand public avec des actions plus spécifiques comme des réunions citoyennes et une volonté d’ouvrir le tribunal au plus grand nombre à l’occasion de la Nuit du Droit par exemple. Dans cet esprit, il est prévu en 2023 une présence sur les réseaux sociaux. Comme le souligne Madame Clérot : « Il est difficile pour une pro-cureure et son équipe… de faire face à l’ensemble des priorités qui lui sont données. Il s’agit de faire des choix et de les assumer. C’est l’une des raisons pour lesquels la lutte contre les violences conjugales, dès le premier jour dans ce parquet, a été fixée comme la première des priorités ». C’est d’ailleurs grâce à cette politique volontariste que les faits de violences ont connu un ralentissement très net en 2022. Sur ce point, de nombreuses actions ont été entreprises. Ainsi, une rencontre avec 50 chefs d’établissements du secondaire a été organisée pour mettre en place un circuit de signalement des violences familiales. Plusieurs conventions et partenariats ont été signés avec les collectivités locales, les associations d’aides aux victimes comme SOS France victimes 67 où avec le centre de détention d’Oermingen afin d’accompagner, dans ce cas, la sortie de détention d’auteurs de violences conjugales.
Une formation portant sur les violences intrafamiliales a été organisée avec le personnel soignant du Centre Hospitalier de Saverne. L’année 2023 verra bien entendu la poursuite de cet engagement avec la participation de la juridiction à la formation des médecins généralistes du Bas-Rhin.
Comme dans d’autres tribunaux, Madame la Procureure a fini son intervention en soulignant une nouvelle fois le manque de moyens et se réjouit des annonces faites par le Garde des Sceaux car au-delà des moyens, il est également prévu de réformer les organisations et revoir le code de procédure pénale.
Madame la Présidente Françoise Decottignies a introduit son propos, à la lumière du centenaire de la mort de Proust, par ces mots : « Quelle est donc l’emprise du temps sur la justice… Une conviction évidente s’est immédiatement imposée ! Nous ne sommes pas à la recherche du temps perdu, nous sommes dans le présent voire l’instant, adaptés à notre temps ! ».
En effet, les résultats de la juridiction prouvent effectivement une activité soutenue dans ce ressort.
En matière civile, l’activité a quelque peu augmenté. En ce qui concerne l’activité commerciale, il y a eu 103 affaires nouvelles en matière de contentieux commercial et 89 affaires terminées. Le nombre de procédures collectives nouvelles est en forte hausse par rapport à 2021. À noter également le quasi doublement du nombre de saisines du juge d’instruction sur une année.
Bien entendu, cet état des lieux a permis à la Présidente de remercier pour leur dévouement et leur implication l’ensemble des personnels de la juridiction.
Avec des délais moyens de traitement en baisse en matière de divorce et un délai maitrisé pour le Registre du Commerce et des sociétés, Madame Decottignies peut annoncer que « Le Tribunal Judiciaire de Saverne est dans les temps ! »
Mais en poursuivant son propos, elle ajoute que « Notre Tribunal est aussi dans son temps ! » et présente l’ensemble des événements qui ont eu lieu en 2022 en étroite collaboration avec Madame la Procureure.
Il y a eu la participation aux journées du Patrimoine, à la Nuit du Droit, la création du logo, présenté en octobre dernier (Les Affiches d’Alsace et de Lorraine N°85 du 25 octobre 2022), le Conseil de juridiction portant sur le « traitement judiciaire de la lutte contre les discriminations » en décembre dernier.
Sur le plan pratique, l’inscription du tribunal judiciaire sur le site mon-suivi-justice.fr facilite l’accès aux informations utiles pour les personnes condamnées et suivies par le service de l’application des peines.
En matière de médiation familiale, une journée lui a été consacrée le 12 octobre 2022 et Madame Decottignies souligne que 29 médiations familiales ont été ordonnées par le Juge aux Affaires Familiales.
Elle a également présenté les projets pour la juridiction avec bien entendu la volonté de renouveler nombre d’actions faites en 2022 mais aussi intensifier la communication auprès des plus jeunes en ouvrant certaines audiences aux collégiens et lycéens ou en participant à des forums de métiers.
Dans la droite ligne des résolutions de la chancellerie, un groupe de travail sur les MARD (Modes Alternatifs de Règlements des Différends) a été constitué afin de travailler sur leur développement en collaboration avec l’association Alsace Médiation et bien sûr le Barreau de Saverne. Barreau également associé sur le projet d’une réunion d’information concernant la justice restaurative.
En conclusion, Madame la Présidente termine sur cette notion de temporalité : « Il nous faut du temps, du temps maîtrisé, du temps consacré à l’écoute, à la collégialité et au délibéré… Il faut du temps à la Justice, du temps au juge pour juger. Il faut du temps au juge pour redevenir conciliateur… Et n’oublions pas ! On ne perd rien de précieux en prenant son temps. »
Au Tribunal Judiciaire de Strasbourg
À la suite de l’audience solennelle, les chefs de juridiction ont remis les insignes de la médaille d’honneur des services judiciaires à cinq personnalités :
- Dr Christof Reichert, Président du Tribunal de Constance et ancien Président du Tribunal d’Offenburg (échelon bronze) ;
- Dr Herwig Schäfer, Procureur d’Offenbourg (échelon bronze) ;
- Monsieur Jean-Luc Marchal, Vice-Président du Conseil de Prud’hommes de Schiltigheim (échelon bronze) ;
- Madame Doris Vogel, Directrice principale des services de greffe judiciaires honoraire (échelon or) ;
- Madame Fabienne Glasser, greffière (échelon bronze).