Le contraste est frappant. La tonalité de cette audience de fin janvier était très éloignée de celle de septembre 2022. Cette dernière était presque enjouée. Elle célébrait l’arrivée de la nouvelle présidente, Ombline Parry, avec laquelle Brice Partouche, le procureur de la République, partageait une belle complicité pour l’avoir connue de longue date. Elle l’était aussi parce que le climat au sein de la juridiction était quasiment au beau fixe, pour ce qui est des conditions d’exercice de la justice avec un effectif de magistrats au complet, des stocks de dossiers en diminution comme des délais devenus bien plus raisonnables pour le justiciable. Fabien Son, l’ancien président, avait laissé un TJ en bonne forme.
« Requiem »
Mais cela n’a pas duré. « En septembre on pouvait s’enorgueillir d’être au complet en termes d’effectifs de magistrats. Je dis bien s’enorgueillir et non pas se réjouir » assure d’entrée Brice Partouche, le procureur de la République qui en tire aussitôt avec ironie le constat : « s’il est bien une chose qu’un magistrat apprend, c’est à ne pas se réjouir trop vite. » Et d’emprunter le terme de « Requiem » que Pierre Wagner, le président du TJ de Metz, avait utilisé dans le même registre lors de l’audience solennelle de la juridiction messine, quelques jours auparavant. « Hélas, trois fois hélas, la situation s’est fortement dégradée depuis. La juridiction connaît déjà, et connaîtra pour au moins les 9 prochains mois, d’importantes vacances de poste : si nous pourrons nous targuer de compter 5 magistrats au parquet, un juge nous a déjà quitté pour la cour d’appel sans être remplacé, un deuxième magistrat du siège fera valoir ses droits à la retraite sans être remplacé, et plusieurs congés maternité et de maladie sont d’actualité. »
Un quart des effectifs concernés
Il résume d’une phrase : « pour un effectif théorique qui n’a pas évolué depuis 2010, près d’un quart des effectifs du siège sera donc vacant pour les 9 prochains mois, sans que les causes ne soient totalement imprévisibles. » À l’évidence pour Brice Partouche, pour une juridiction de cette taille « toute vacance prolongée déstabilise l’organisation. » Concrètement, il décrit un service des affaires familiales qui compte deux magistrats, au sein duquel une vacance de poste engendre inévitablement « une dégradation très forte dans la gestion d’un contentieux, ce qui a un impact très concret dans la vie de nos concitoyens. » Il extrapole en attribuant cet état de fait à des effectifs insuffisants au niveau national « qui rendent la vie de nos juridictions ingérable. » Il évoque volontiers la solution « des magistrats placés auprès de chaque cour. Hélas, ils sont en nombre trop restreint, et leurs délégations, toujours très attendues dans les juridictions, ne servent qu’à combler les vacances de postes là où ils devraient suppléer aux absences. » Il glisse un mot sur l’état du greffe avec la vacance pérenne de 10 ETP (équivalents temps plein) sur les 80 agents qui sont censés y exercer.
Suppressions d’audience
Le constat alarmiste étant fait, il convenait au procureur de la République d’en décliner les conséquences dans l’exercice de la justice au quotidien. La plus importante est la suppression des audiences civiles comme pénales dans les mois à venir. Déjà plusieurs audiences correctionnelles ont été déprogrammées ainsi que plusieurs audiences de plaider-coupable. « 2023, comme bien d’autres années, sera marquée du sceau de l’impossibilité de rendre une justice à la hauteur des attentes en termes de délais. » De fait, en janvier, il a déjà fallu renoncer à programmer quelque 50 affaires relevant de la formation collégiale du tribunal correctionnel et 50 affaires de plaider-coupable, soit 100 décisions sur les 1200 initialement attendues en 2023.
Où il est question de sévérité de la justice…
Brice Partouche s’est ensuite livré à un retour plutôt offensif sur quelques événements marquants des deux années écoulées qui ont ciblé la justice. Il cite ainsi la déclaration du premier syndicat des fonctionnaires de police à l’occasion d’une manifestation, le 19 mai 2021, devant l’Assemblée Nationale, en présence de plusieurs ministres : « Le problème de la police, c’est la justice.» Ce propos d’estrade, slogan syndical, n’est pas selon le procureur, partagé par une grande majorité des effectifs de la police nationale et de la gendarmerie nationale. « Le slogan est la défaite de la pensée » dit-il, mais veut surtout retenir, l’absence totale de réaction des responsables politiques. Brice Partouche en vient à ironiser sur ce poncif « la police et la gendarmerie arrêtent les voyous, la justice les relâche. » En clair on reproche à la justice une faiblesse coupable dans l’application de la loi, dans le prononcé des peines. Mais il remet vite les compteurs à l’heure.
« Constat statistique impitoyable »
Au 31 décembre 2022, il n’y avait jamais autant de détenus incarcérés en France : 72 000 contre 69 000 un an auparavant. « Un constat statistique impitoyable : les tribunaux correctionnels prononcent depuis 20 ans des peines de plus en plus longues. » Les chiffres le disent : entre 2000 et 2022 la durée moyenne de l’emprisonnement ferme prononcé par l’ensemble des juridictions a augmenté de 50% et près de 15% de l’ensemble des 350 000 jugements correctionnels s’accompagnent d’une incarcération immédiate. Ajoutez-y le fait qu’il y a en France 8000 détenus de plus qu’en Allemagne et vous pourrez conclure avec cette première leçon : « la justice est de plus en plus sévère. » Et d’enfoncer le clou en relevant que le budget de l’administration pénitentiaire (3, M€) est devenu supérieur à celui des tribunaux (3,1 M€). Ainsi en devenant plus sévère, la ventilation des augmentations budgétaires se fait aux dépens des tribunaux. Il achève la démonstration en évoquant une étude de chercheurs en économie de l’ENS (École normale supérieure). Si les tribunaux prononçaient la moitié du maximum des peines prévues par la loi à chaque condamnation à de l’emprisonnement ferme, le taux d’incarcération serait alors multiplié par près de 10. « La France deviendrait alors le pays ayant le plus haut taux d’incarcération du monde. Et le budget de l’administration pénitentiaire serait le premier budget de l’État » conclut l’étude. Et pour Brice Partouche « ce qui freinera les voyous n’est peut-être pas tant le maximum de la peine encourue que la certitude d’être arrêtés et jugés. À trop compter sur la lettre de la loi, on oublie peut-être de donner les moyens suffisants pour l’appliquer. » On revient à la case départ : celle du manque de moyens !
S’ouvrir aux jeunes
« Expliquer, démontrer, s’ouvrir sont donc une nécessité ! » le procureur de la République, se veut plus pédagogue. « Les liens entre le tribunal judiciaire et la jeunesse doivent être renforcés. » Et ça tombe bien, la proposition des agents du TJ réunis en assemblée générale, a retenu ce thème des liens TJ/Jeunesse pour le prochain conseil de juridiction, qui associe la société civile et la juridiction. En clair, il s’agira de développer plus que jamais l’accueil d’élèves en stage, d’inviter des classes à assister à des audiences pénales pour les débriefer ensuite avec eux, participer à des rencontres avec des collégiens, des lycéens. « C’est un enjeu fondamental pour que nos futurs concitoyens soient le plus éclairés dans l’opinion qu’ils se forgeront sur leur justice. »
La réalité de la fonction de magistrat
L’intermède rassérénant, mais bref de la jeunesse, une fois passé, le procureur a repris sa marche en avant, plutôt en arrière dans le temps. Il est de fait revenu sur le suicide d’un jeune magistrat à l’automne 2021 et au décès d’une magistrate en pleine audience correctionnelle en novembre 2022 à Nanterre. De quoi, selon lui s’interroger à bon escient sur la réalité des fonctions de magistrat souvent très éloignées de l’imaginaire que tout un chacun s’en fait. Brice Partouche assène : « Le volume, je dirais même la masse des procédures civiles comme pénales auxquelles chaque magistrat est confronté, est devenue insupportable (…). » Il y ajoute les attentes sociétales « qui sont devenues telles, notamment en matière de violences, que l’on attend désormais que la justice protège chaque victime. » Et cette nouvelle approche s’est imposée ces deux dernières années, imposant des tâches très chronophages. « Nous avons fait face, mais le point de rupture a été atteint ! » Visiblement cette réalité-là a été perçue à l’échelle gouvernementale, qui a enclenché les états généraux de la justice. Que fallait-il en attendre ? Brice Partouche reprend la réaction du président Pierre Wagner à Metz : « nous avons peut-être déjà trop attendu pour espérer à nouveau. »
Des chiffres en perspective
Le procureur manie alors avec talent l’art de faire parler les chiffres à sa manière. Des chiffres, à première vue plutôt rassurants pour l’avenir de l’institution. Mais leur lecture approfondie, l’est moins. De fait, le projet de redressement de l’institution, passerait par 1500 postes supplémentaires de magistrats, autant de postes dans les greffes. Brice Partouche assure que cela revient à augmenter de 1/6e soit environ 16,5% les effectifs de magistrats et de 1/10e (10%). À Thionville aucune création de poste n’est à attendre au parquet qui compte 5 magistrats, quand le siège pourrait se voir renforcé de 2 magistrats sur 15. « Soyons honnêtes : on n’a pas connu de meilleures promesses de lendemain, mais cela suffira-t-il pour tout changer ? » se demande le procureur de la République de Thionville. Il songe aux délais des jugements, aux dossiers d’instruction pour qu’ils puissent s’achever dans un délai de 6 mois contre 18 à 24 mois aujourd’hui ? « Bien sûr que non. Le risque est grand de donner l’illusion que cette allocation de moyens va tout changer et que si peu de choses changent au final : c’est la responsabilité de la justice elle-même et des magistrats qui la servent » conclut Brice Partouche. Il veut surtout retenir autre chose, de plus important. « Une évaluation de la charge des fonctions de magistrat est en cours. Acte par acte, décision par décision, audience par audience : c’est à un minutage précis du temps qu’il conviendrait d’allouer à chacune de nos missions que des groupes pluridisciplinaires s’attachent à déterminer. » C’était une ancienne préconisation de la Cour des comptes. Le ministère l’a enfin prise au pied de la lettre. Ne reste plus qu’à espérer. Mais des projections font état d’un doublement voire d’un triplement des effectifs « pour parvenir à rendre une justice digne d’une République comme la nôtre. » Il pouvait enfin en venir au bilan de l’activité du parquet…
14 000 procédures
Brice Partouche en vient à la question du jour : comment rend- on justice aujourd’hui ? Pour le parquet quelque 14 000 procédures ont été traitées. Elles sont issues des faits constatés par la police, la gendarmerie et la douane. Il se demande comment a-t-il été possible de traiter autant de procédures en ne disposant que de 3 ETP pour le faire ? Surtout que dans le même temps « nous avons dû requérir dans près de 1000 affaires devant le tribunal correctionnel ? » La réponse est évidente : « on ne peut guère consacrer que quelques minutes à l’analyse d’une affaire qui parfois recèle l’enjeu d’une vie (…) » Il est évident que la justice fonctionne alors en « mode totalement dégradé ! »
Le poids des violences intrafamiliales
Il ressort tout de même quelques données parlantes : le Ministère public a assuré le traitement de 850 procédures de violences conjugales : le même nombre qu’en 2021, mais trois plus qu’en 2017. « Nous avons fait face à cette extraordinaire augmentation sans pour autant négliger de hisser la qualité de nos réponses au plus haut niveau. » L’apport dans la juridiction depuis novembre, d’une Unité Médico-Judiciaire, permettant un examen rapide et uniformisé des victimes par un médecin légiste dans un espace distinct des urgences, n’y est pas étranger. « Cet investissement de 200 000 € par an du ministère de la Justice constitue une véritable avancée. » Enfin une note positive…Reste cependant en la matière à « bien détecter le degré de dangerosité des auteurs de ces violences afin de mettre en oeuvre des instruments de protection de la victime. » Les violences conjugales bénéficient au TJ de Thionville du renfort d’une contractuelle, Élisa Laranjeira, que n’a pas manqué de citer le procureur. À ce jour, ces affaires pèsent de plus en plus lourd et représentent 15% des jugements du tribunal correctionnel, contre à peine 5% il y a quelques années. Il souligne le travail de l’ATAV (association d’aide aux victimes) agréé par le ministère de la Justice qui a reçu et suivi 1850 victimes et réalisé 115 évaluations de la vulnérabilité des victimes. À Thionville le parquet a pu mettre en oeuvre les moyens de protection dont il dispose : une trentaine de victimes ont le bénéfice ou bien d’un TGD (téléphone grave danger) ou d’un terminal couplé avec un BAR (Bracelet anti-rapprochement).
Il n’oublie pas la prise en compte des auteurs de ces faits dont il s’agit d’assurer le suivi, notamment jusqu’à l’audience, « en insistant sur les volets addictions et psychologiques des personnalités souvent mal structurées » estime le procureur. L’objectif est « clairement de faire disparaître les temps morts dans la trajectoire judiciaire et la prise en charge des affaires de violences conjugales : avant comme après jugement, il s’agit d’amener victime et auteur devant le bon interlocuteur pour tenter de susciter tantôt une résilience, tantôt pour prévenir la récidive. » Assurément pour Brice Partouche ce sont autant de démonstrations « que la justice a peu de moyens mais qu’elle a des idées ! »
Circuits courts de traitement
Le procureur a aussi déploré l’inadéquation des moyens en amont notamment à la police nationale le stock de procédures non-traitées (5000 aujourd’hui, 6200 en novembre) «augmente inexorablement » faute d’un nombre d’enquêteurs suffisant. Le procureur va jusqu’à déplorer : « la police judiciaire de proximité se meurt dans l’indifférence des ministères. » Malgré tout le parquet se mobilise pour pallier ces manquements : en offrant la possibilité de créneaux hebdomadaires de contacts téléphoniques dédiés aux petites enquêtes ; en élargissant les instructions de classement des plaintes dès leur réception ; en conviant chaque OPJ (officier de police judiciaire) à une journée d’immersion au parquet pour mieux appréhender « notre façon de prendre des décisions et échanger avec les magistrats » ; enfin en élaborant des circuits courts de traitement des infractions sans enquête, un mode de traitement étendu aux faits de vols à l’étalage : plus d’enquête chronophage, transmission directe au parquet d’une plainte simplifiée, réponse judiciaire dans les 2 semaines du vol, sanction pédagogique : « un système gagnant-gagnant ». Il termine ce chapitre par la recrudescence de règlements de compte sur le ressort. « Une matière qui réclame des moyens d’enquête considérables. » Il s’agit dans ce domaine pour le procureur « de ne pas rester à la remorque des événements, mais d’anticiper, de garder l’initiative en disposant des renseignements utiles (…) »
En conclusion de cette très longue intervention, Brice Partouche répète en leitmotiv à l’intention du parquet, que « plus que jamais le ministère public (MP) devra se faire gardien du temps du juge correctionnel qui sera particulièrement compté dans les mois à venir, plus que jamais le MP devra se faire gardien du temps d’enquête de services parfois submergés, plus que jamais, le MP devra s’attacher à mettre en oeuvre des réponses toujours plus qualitatives dans un délai raisonnable : c’est la quadrature du cercle. Gageons que nous y arriverons !»
La présidente présente le bilan de l’activité de la juridiction
Ombline Parry, la présidente du TJ de Thionville, arrivée en septembre, a été plus concise que le procureur, pour résumer l’activité du tribunal. Elle a du reste commencé par un constat positif : « en matière civile et commerciale les stocks continuent de diminuer ainsi que le délai de traitement, notamment devant le juge aux affaires familiales. » À la chambre commerciale, l’activité reste soutenue. Certes le nombre d’affaires relatives au contentieux général est en diminution par rapport à 2021 (-44%), en revanche le nombre d’affaires nouvelles de procédures collectives est en très forte augmentation (+134%). Mais la présidente nuance ces chiffres : « cette forte augmentation n’est pas révélatrice d’un nombre accru d’entreprises en difficulté, mais seulement un retour à la situation pré-Covid, puisque le nombre d’affaires nouvelles de procédures collectives en 2022 est quasiment identique à celui de 2019. »
Elle note par ailleurs que contrairement à ce qui a pu être observé dans les autres juridictions mosellanes « la réforme de l’isolement et de la contention en matière de soins psychiatriques n’a eu aucun effet sur notre activité puisqu’en 2022, le Juge des libertés et de la détention, n’a été saisi d’aucune requête visant au contrôle de ces mesures. »
Coup de projecteur sur le Livre foncier
Le service du livre foncier, souvent méconnu, « est un service à part entière du tribunal judiciaire » assure Ombline Parry. Il est composé de trois juges du livre foncier, deux juges du livre foncier honoraires et sept personnels de greffe encadrés par une directrice des services de greffe. Ce service bénéficie du renfort quasi permanent de juges du livre foncier des autres juridictions du ressort de la Cour d’appel de Metz (Metz et Sarreguemines) afin de pouvoir faire face aux 19 567 requêtes horodatées correspondant aux 13 570 ordonnances rendues en mai 2022. « La création d’un quatrième poste de juge du livre foncier apparaît désormais nécessaire pour faire face à cette activité croissante, directement en lien avec le dynamisme démographique de l’arrondissement judiciaire » estime la présidente. Dans un autre registre, celle-ci complète le propos de Brice Partouche sur les violences conjugales, lesquelles « mobilisent les magistrats du siège et occupent désormais au moins une audience complète par mois, spécialement dédiée à ce contentieux. »
Le retour de la compétence criminelle
Ombline Parry se félicite de « la compétence criminelle retrouvée du juge d’instruction du tribunal judiciaire de Thionville depuis la loi du 22 décembre 2021 entrée en vigueur le 24 décembre 2021. » De fait, le pôle de l’instruction est situé à Metz, mais désormais pour les crimes punis de 15 ans ou de 20 ans de réclusion criminelle, le procureur de la République peut, sous certaines conditions, requérir l’ouverture de l’information auprès du juge d’instruction du tribunal judiciaire de Thionville. Ainsi en 2022, 6 dossiers ont été ouverts à Thionville, permettant à chaque acteur du dossier de le suivre et aux parties de voir leur dossier instruit à proximité de leur domicile.
Justice pénale des mineurs : bilan positif
La présidente est revenue sur une des réformes les plus importantes de ces dernières années : celle du code de la justice pénale des mineurs qui a profondément modifié la procédure devant le Tribunal pour enfants. Ombline Parry en a résumé l’esprit. Cette réforme vise à séparer le prononcé de la culpabilité et le prononcé de la peine afin de l’adapter le plus possible aux faits et à la personnalité du mineur. Cette nouvelle procédure permet aussi une fixation des dommages et intérêts dus à la victime, plus rapide, à savoir dès l’audience de culpabilité. Mais cela a des conséquences directes sur le rendu de la justice. Concrètement, le nombre d’audiences a été multiplié par deux puisque le Juge des enfants doit en principe tenir une audience sur la culpabilité puis une audience sur la sanction, l’audience unique n’étant qu’exceptionnelle. À l’entrée en vigueur de cette réforme, « la situation du tribunal pour enfants était saine, et ses stocks peu importants, ce qui a permis de juger rapidement les dossiers soumis à l’ancienne procédure et de mettre en oeuvre la nouvelle dans les plus brefs délais. Au terme d’une année de fonctionnement, le bilan est plutôt positif en termes d’organisation et les délais prévus par les textes sont respectés. »
« La situation n’est plus la même »
Ombline Parry est allée dans le sens de Brice Partouche lorsqu’il s’est agi d’évoquer les conditions de travail et les effectifs. « Lors de mon installation en septembre, la situation de la juridiction était exceptionnellement bonne, il n’y avait aucun poste vacant de magistrat du siège. La situation n’est plus la même. Et j’appelle de mes voeux une amélioration pour le mois de septembre prochain. » Au passage elle remercie le procureur d’avoir accepté de supprimer des audiences pénales « nous permettant de libérer du temps pour traiter d’autres contentieux. »
Elle souhaite « se montrer vigilante aux conditions de travail de ses collègues (…) » Selon elle, « il est difficile de continuer à traiter l’ensemble des contentieux dont nous avons la charge, alors que dans le même temps nous sollicitons année après année des moyens supplémentaires. »
Suppression d’audiences
Elle doit en effet se résoudre à faire des choix et définir des priorités dans le traitement des affaires. C’est pourquoi il a été décidé de « diminuer drastiquement les audiences de départage prud’hommal : une seule audience au 1er trimestre 2023 contre une par mois d’habitude. Diminution des audiences de la Chambre commerciale et du nombre de dossiers aux audiences de contentieux. Fusion des deux cabinets de juges aux affaires familiales avec renvoi de la moitié des audiences hors et après divorces, report des audiences de prononcé de divorce, renvoi des dossiers de liquidation de régimes matrimoniaux ; renvoi d’audiences sur intérêts civils, limitation des audiences de la Commission d’indemnisation des victimes. » La liste est longue.
Elle n’oublie surtout pas de parler du greffe. Magistrats du siège, du parquet, greffiers, leur sort est lié. « Le magistrat sans le greffier n’est rien et ne peut ni juridiquement, ni matériellement remplir utilement ses missions. Il manque 10 équivalents temps plein au greffe ! » Elle cite au demeurant quelques mouvements au sein du greffe : l’arrivée de Mme Louisa Moeckes, adjointe administrative, et de Mme Sophie Manieri, greffière le 1er mars prochain, tandis que Mme Juliette Fulchiron, greffière quittera le conseil des prud’hommes en mutation et que Mme Yvette Gadani greffière prend sa retraite à l’été.
Comment se présente 2023 ?
Elle a mis l’accent sur le thème retenu par le conseil de juridiction, justice et éducation. Elle souhaite développer les échanges avec les scolaires afin de leur faire découvrir les métiers de la justice et l’organisation judiciaire. Elle veut aussi compter sur le conseil départemental d’accès au droit « qui mène et coordonne de nombreuses actions à destination des jeunes. »
S’approprier la culture de l’amiable
En 2023 le bâtiment du tribunal devrait également bénéficier de travaux de meilleure accessibilité.
Enfin Ombline Parry fonde beaucoup d’espoir sur les projets issus des États généraux de la Justice, notamment des quelque 1500 magistrats et autant de greffiers, embauchés sur cinq ans. « Cela signifierait pour notre juridiction qu’entre un et trois postes de magistrats au maximum. La création d’une équipe juridictionnelle est une bonne idée mais loin d’être une réalité, pour l’instant, les magistrats du siège du TJ de Thionville ne bénéficiant que de l’assistance d’une juriste assistante et de deux assistantes de justice. »
Le dernier point qu’elle a détaillé, reste de développer une véritable politique de l’amiable en matière civile. « Il s’agit pour les magistrats, les avocats et les justiciables de s’approprier cette culture de l’amiable et d’une nouvelle méthode de résolution des conflits. Cette politique de l’amiable ne doit pas exclusivement être guidée par la recherche d’économies. Elle doit permettre une amélioration de la qualité, de la rapidité et la compréhension des décisions de justice. »
Enfin, pas insensible au monde économique, Ombline Parry propose « d’ouvrir les acteurs du monde judiciaire aux dimensions économiques en favorisant les détachements de magistrats de l’ordre judiciaire dans les tribunaux de commerce. Vue de Moselle, cette proposition ne peut que faire penser à l’échevinage, que nous connaissons au sein de notre Chambre commerciale, présidée par un magistrat professionnel entouré de deux juges consulaires. » Une idée pas anodine à l’heure où la multiplication des procédures collectives, après la crise sanitaire, est en forte hausse.
La présidente pouvait conclure en assurant que « cette année 2023 promet d’être riche en réflexions et certainement en réformes. »