Dossier Paru le 14 avril 2023
BILAN IMMOBILIER EN MOSELLE EN 2022 DE LA CHAMBRE DES NOTAIRES

Des prix qui se rapprochent du niveau national

La conjoncture immobilière sur le territoire mosellan est à la hausse en 2022 tant en termes de prix qu’en nombre de transactions. C’est ce que révèle l’étude annuelle de la Chambre des notaires de la Moselle, laquelle constate une évolution des prix qui se rapproche du niveau national.

De gauche à droite Maîtres Pierre-Yves Thuet, Isabelle Kuhn-Magret, André Lombardi et Catherine Claudel.

Première réussie. La Chambre des notaires de la Moselle a lancé, le 24 mars dernier, son premier point presse sur l’immobilier en Moselle. Elle n’était pas toute seule et Me André Lombardi, son président était bien entouré pour la circonstance. À ses côtés Me Pierre-Yves Thuet, président du Conseil interrégional des notaires d’Alsace Moselle, est venu nous rappeler l’histoire particulière des notaires d’Alsace et de Moselle, liée au traité de Francfort et au rattachement des trois départements à l’Allemagne en 1871, puis aux lois qui ont suivi, dont celle de 1924, afin qu’on ne réintroduise pas la patrimonialité ou la pénalité des charges, ce qui n’est pas le cas dans nos trois départements. Isabelle Kuhn-Magret, quant à elle, a évoqué la marque commune Notaires Alsace Moselle (NAM) et son logo. Elle est justement chargée de la communication des Notaires Alsace Moselle. Elle a résumé la campagne de communication à ce sujet. (Voir les Affiches d’Alsace et de Lorraine N°26 du 31 mars) en rappelant que la profession en Alsace Moselle représente 2500 collaborateurs dont 500 notaires, répartis dans 188 études.

Mais c’est bien Me André Lombardi, président de la Chambre des notaires de Moselle qui a fait la synthèse sur l’activité immobilière dans le département, avec le concours de Me Catherine Claudel.

Année record

« À l’instar de l’année 2021, qui fut excellente au niveau national et en termes de volume de transactions et de prix au m², l’année 2022 a également été une année record au niveau national mais aussi au niveau départemental » affirme Me Lombardi. Il y ajoute une nuance importante : « L’évolution des prix avoisine le niveau national. » Et les chiffres le démontrent. En Moselle, le volume de transactions, tous types confondus, maisons et appartements anciens, terrains à bâtir, est en augmentation en 2022. Dans le détail, ils varient de +2,6% à +5,9% selon le type de bien. À savoir :

- +5,6% pour les appartements anciens (+5,8% dans le pays) soit 2030 € le m² contre 2800 €/m².

- +5,9% pour les maisons anciennes (+6,2% dans le pays) avec un prix de vente médian de 196 700 € contre 270 000 € au national.

- +2,7% pour les terrains à bâtir, avec un prix médian qui atteint 71 400 €.

En clair « le marché immobilier se porte toujours bien et a été en hausse constante. Malgré la crise, face aux incertitudes, le marché immobilier a su rester une valeur refuge par excellence » constate le président de la chambre mosellane. Il tempère cet avis en remarquant « une légère décélération en fin d’année 2022, plus en termes de volume de transactions qu’en prix, qui n’ont pas véritablement baissé.»

En fonction de la localisation

Cette approche mérite également d’être nuancée « en fonction de la localisation géographique des biens. Il existe d’importantes disparités de prix selon les secteurs mosellans. La hausse est plus importante au nord et à l’ouest du territoire. »

Me Lombardi anticipe sur 2023 « une petite baisse du volume ». Elle s’explique selon lui par la situation économique actuelle : inflation galopante, pouvoir d’achat en berne, taux d’intérêt élevé autour de 4%, voire 5 à 6% d’ici la fin de l’année. « Les clients sont dans l’attente de voir comment cette situation va évoluer avant de se lancer dans des projets immobiliers. » Mais selon lui, il restera toujours un noyau dur de transactions, car il existe un besoin de se loger, des primo-accédants, et « ce nombre est intangible, autour de 800 à 900 000 transactions annuelles dans le pays. Alors qu’en 2021 et 2022 on a dépassé les 1,2 million de transactions. »

Il termine son introduction en rappelant « toute la confiance du notariat dans son avenir. »

Jusqu’à 4700 transactions par trimestre

Me Catherine Claudel, de la Chambre mosellane, chargée de la communication, est entrée plus précisément dans le détail de cette étude, qui ne traite que du marché immobilier de l’ancien. Elle rappelle au passage que l’on parle ici de prix médian, à savoir 50% sont au-dessus, et 50% en-dessous.

Le marché a été très dynamique en 2022. Il se situe en moyenne à 4 000 transactions par trimestre avec un pic au troisième trimestre avec 4 700 transactions. « On remarque le ralentissement enregistré depuis la fin de l’année passée, parce qu’on revient à un niveau normal de transactions, équivalent à celui des années avant la crise sanitaire. » Les prix médians des maisons anciennes en Moselle suivent la progression de la médiane nationale (hors Île de France) pour atteindre 196 000 €. À Metz, le prix médian est plus élevé à 270 000 €.

Si l’Ouest et le Nord du département accueillent les secteurs les plus onéreux, notamment autour de l’agglomération messine où l’on observe des maisons anciennes à 297 900 € soit +10,3%, l’augmentation la plus forte est enregistrée dans le sud mosellan, à +18,7% dans le Pays du sel (le Saulnois). Ce sud mosellan comprend aussi les zones les plus abordables au sein de trois territoires avec un prix de vente médian inférieur à 140 000 €. « C’est un secteur qui bénéficie d’une belle attractivité, il est privilégié car proche de Metz et de Nancy, et les prix au départ étaient plus bas, ce qui facilite l’accès à l’immobilier » estime Catherine Claudel. Dans le Pays du fer, autour de Thionville et vers le nord du département, la hausse est de 10,2% avec des prix allant jusqu’à 264 000 €.

Les évolutions annuelles du prix médian à l’Est du département sont bien moindres : +3,3% dans le Bassin houiller avec des prix autour de 148 000 €, de +5,3% dans le Pays de Sarreguemines Bitche, autour de 131 000 €.

Appartements anciens : Un marché porté par les agglomérations de Metz et Thionville

Le marché immobilier mosellan dans les appartements anciens est dominé par le sillon mosellan autour des agglomérations de Metz et de Thionville, mais aussi au sud, dans la région de Sarrebourg avec des hausses de prix de 10%.

Pour les appartements anciens, le prix médian est de 2030 €/m² en Moselle. Alors qu’à Metz, il est plus important et atteint 2390 €/ m² soit une hausse de +8%. « C’est une hausse continue depuis trois ans avec +11% en 2020, +10% en 2021 et +8% l’an dernier. Globalement les évolutions à Metz sont plus prononcées. » Les communes des agglomérations de Metz et de Thionville enregistrent des prix supérieurs à la médiane départementale (2030 €/m²). La plus forte hausse sur le sillon mosellan est relevée à Hagondange à +11%. Le secteur de Thionville bénéficie forcément de l’attractivité du voisin le Luxembourg. Thionville annonce ainsi une hausse de 4% à 2200 €/m², devancé tout de même par la voisine Terville à 2660 €/m² (+0,4%). Selon Me Lombardi « Thionville est bien devenue, en 2022, la plus chère. Il y a des prix plus élevés qu’à Metz, c’est bien sûr le fait du Grand-Duché tout proche. Il faut toujours tenir compte de l’état du bien, de sa localisation dans quel quartier. »

Dans le sud mosellan, vers Sarrebourg, le prix progresse significativement de 14% à 1270 €/m² au-dessus de celui de Sarreguemines.

Notons qu’Amnéville, malgré sa cité des loisirs et ses cures thermales, enregistre une baisse du prix médian de 18% à 1820 €/m², quand sa voisine Rombas affiche un rebond de 10,2% à 1560 €/m².

Et l’Est mosellan dans tout ça ? L’immobilier dans l’ancien bassin houiller est très éloigné de ces prix et de ces hausses, il culmine à 820 € le m² (+0,7%) pour les appartements du côté de Freyming-Merlebach, à 870 €/m² (+6,5%) à Forbach, à 1070 €/m² (+6,2%) à Saint-Avold, mais aussi à 1250 €/m² à Sarreguemines en baisse lui de 0,2%. Le pays du charbon souffre à l’évidence d’un manque d’attractivité, malgré sa proximité avec la frontière sarroise.

Les appartements les plus vendus sont majoritairement les F3 et les F4 qui concentrent à eux seuls 60% des transactions d’appartements anciens : 36% de 3 pièces et 24% de 4 pièces.

Revente rapide

Catherine Claudel pointe une donnée insolite dans ce bilan annuel. « On constate beaucoup de ventes parmi les gens qui ont acheté récemment. Des acquéreurs en 2021 voire 2022, qui revendent aujourd’hui. » Elle l’explique par des changements au sein des familles qui s’agrandissent, ou des couples qui se séparent, voire des mutations professionnelles.

Terrains à bâtir : hausse modérée

À l’opposé des marchés du bâti ancien, celui du foncier connaît une augmentation plus modérée. Le prix de vente médian d’une parcelle en Moselle s’établit à 71 400 € soit une évolution annuelle de 2,7%. Dans la région de Thionville on parvient à des prix plus élevés autour de 25 500 € de l’are. « On constate que les terrains à bâtir sont de plus en plus petits. Je l’ai constaté à Courcelles-Chaussy où l’on vend bon nombre de terrains à moins de 4 ares pour un prix qui avoisine 18 000 € de l’are. » C’est un constat qui se généralise à l’échelle du département avec plus des deux tiers des terrains à bâtir vendus ayant une superficie inférieure à 1000 m² (à moins de 10 ares). « Cela s’explique par les prix pratiqués, mais aussi par une volonté politique des élus de densifier les communes » suggère Catherine Claudel.

L’étude relève également l’augmentation de la part des parcelles de moins de 600 m² dans le bassin houiller à +22% en 2021 et +32% en 2022. À l’évidence le marché se déplace de plus en plus vers de petites parcelles.

85% des acquéreurs sont mosellans

La Chambre des notaires de Moselle a eu la bonne idée de glisser un petit zoom sur l’origine des acquéreurs. Ces derniers viennent de l’étranger dans les zones frontalières (Pays thionvillois, Bassin houiller, Sarreguemines-Bitche) où leur nombre dépasse 8%, alors qu’il n’est que de 3% ou moins sur Metz et ses environs. Ce qui a fait dire à Me Lombardi : « On est loin de la ruée annoncée lors de l’arrivée du TGV en 2007 qu’on nous faisait miroiter. 85% des acquéreurs sont les Mosellans. 7% viennent du Grand Est et moins de 1% de la région parisienne. Cela dit la Moselle reste encore attractive en termes de prix médian, inférieur au niveau national. »

La tranche d’âge de ces acquéreurs oscille entre 30 et 39 ans pour 34% d’entre eux. Et 34% sont de profession intermédiaire.

Quel est l’effet du diagnostic énergétique ?

Autre zoom bien pratique à relever. Catherine Claudel évoque ce fameux audit énergétique, qu’il faut désormais annexer à l’acte de vente depuis le 1er avril 2023, à l’exception des compromis de vente signés avant cette date. Cela concerne les biens non soumis au statut de la copropriété, et classés en F et G au niveau de la DPE (diagnostic de performance énergétique). En 2025 cela concernera les logements classés en E, et en 2034 ceux classés en D.

Assurément en Moselle, le nombre d’immeubles classés en G et F est assez important.

André Lombardi a soulevé une inquiétude quant à l’application très stricte de cette directive de diagnostic énergétique : « Du coup ce sont près de 400 000 logements qui vont sortir du marché locatif en France. On peut se poser la question sur l’effet de ce dispositif sur le marché immobilier. On constate déjà une pénurie de logements, cela ne fera que l’accroître. Il faudra peut-être revoir ou adapter le calendrier de l’application de ces dispositifs. »

Et le neuf ?

Ce n’était pas à l’ordre du jour, néanmoins la question des logements neufs est venue sur le tapis, alors que les entreprises du BTP s’inquiètent d’un effondrement de la construction des logements neufs. « Le problème du neuf est simple. La plupart des contrats de réservation qui ont été signés avec les promoteurs et les projets de promotion immobilière datent d’avant la crise qu’on connaît actuellement. Avec des prix de fournitures raisonnables. Mais quelques mois après, on se rend compte que le coût des matériaux a doublé ou triplé, les promoteurs ne peuvent plus tenir les prix qu’ils avaient annoncés aux clients, les marges fondent comme neige au soleil, conséquence, les résultats des promoteurs ont chuté en France de 30%. Certains étaient même obligés d’abandonner leur projet, parce qu’ils n’arrivaient plus à dégager de marges » affirme Me Lombardi.

Voir aussi www.notairesalsacemoselle@notaires.fr

Échanges autour du taux du crédit

À la question, le taux du crédit a-t-il eu une influence sur les acheteurs potentiels, un échange entre les notaires s’est révélé très instructif. « Sur la deuxième moitié de 2022 on a ressenti une tension sur les prêts à cause de la problématique du taux d’usure. Dans mon étude je n’ai pas trop enregistré de refus de crédit » assure Me Catherine Claudel. « Il y a eu un réajustement sur le taux d’usure, les refus de prêt, ça arrive, ce n’est pas énorme » estime Me Lombardi. Pour sa part Me Pierre-Yves Thuet justifie : « Le délai entre le compromis et la vente est un peu rallongé du fait des difficultés d’obtenir un financement. Des refus de prêt, on en voit peu. » Pour Me Isabelle Kuhn-Magret « cela vient de façon étonnante du client. Psychologiquement l’acquéreur n’est pas forcément prêt à signer son compromis à ce qu’on lui propose 3%, il pensait parvenir à 2,8%, et on lui dit non, c’est 3,2%. Il ne veut plus. Or c’est un taux qui reste raisonnable, on ne sait pas quels seront les taux en fin d’année. On a, nous aussi, à éduquer, à conseiller nos clients. » De fait, poursuit Pierre-Yves Thuet : « C’est le client qui souvent panique, pour un taux qu’il ne connaissait pas. Or ces taux plus élevés, il y a dix ans, c ’était monnaie courante. » Me Lombardi, renchérit : « On atteint des niveaux normaux, on passait des actes il y a 5 ou 6 ans, où on était à 4 ou 5% de taux du crédit. Ce sont des taux qui correspondent plus au marché que les 1%, les 1,10% ou les 0,90%. » Et le message selon Me Thuet est bien « d’acheter maintenant, de continuer à acheter, car la hausse des taux va se poursuivre. Et avec une situation économique peu lisible, nul ne sait ce qui va se passer d’ici quelques mois. Le meilleur placement reste bien l’immobilier. On a rarement vu l’immobilier chuter. »

Bernard KRATZ