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Dossier Paru le 18 avril 2023
PROTÉGEZ VOS ANIMAUX ET VOS ENFANTS

Risques pour les enfants dans un contexte de maltraitances animales commises par leurs parents

La proposition de loi n° 240 visant à protéger les mineurs de l’exposition à la violence exercée sur les animaux y compris en contexte de tradition a été enregistrée à la Présidence du Sénat le 13 janvier 2023, dans le but d’ouvrir un débat autour du thème suivant : il faut sauver les animaux dans notre société. Elle tente aussi de mieux protéger les enfants car ils peuvent être traumatisés du fait des violences subies par les animaux autour d’eux.

© melounix-stock.adobe.com

Abordant la question des maltraitances animalières, cette proposition de loi tente de mettre fin aux retombées sur les enfants des violences visant les animaux. Il est vrai que la compassion pour les animaux démarre dès le plus jeune âge des mineurs et qu’il est important de la préserver. Ces formes de violences des adultes sur les bêtes traduisent aussi parfois des violences sur les humains, ce qui justifie de s’en préoccuper au plus vite.

Insistant sur les rapports entre les membres de la famille et les animaux, qu’il s’agisse ou pas de leur animal de compagnie, les auteurs de la proposition de loi poursuivent la réforme opérée par la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 (JO du 1er déc.) visant à lutter contre la maltraitance animale et à conforter le lien entre les animaux et les hommes. Allant plus loin, la proposition de loi insiste sur le fait que sauver les animaux c’est sauver les enfants. Il faudrait donc faire évoluer le droit dans le but de sécuriser à la fois les animaux et les enfants, les traumatismes subis par ces derniers étant fort inquiétants (I). Pour faire avancer les choses et réduire les risques actuels ou futurs menaçant les mineurs les auteurs ouvrent des réflexions et proposent des modifications du Code pénal (II).

I – Les risques de retombées sur les mineurs des maltraitances animales

Les auteurs de la proposition de loi mettent l’accent sur le fait que les mineurs peuvent gravement souffrir des actes de cruauté, de torture ou autres sévices affectant les animaux qu’ils côtoient journellement si ces bêtes vivent chez eux, voire exceptionnellement lors d’une sortie en famille pour assister à une corrida ou à des combats de coqs par exemple.

Plusieurs textes ont déjà pris en compte le sort des animaux car la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 a notamment inséré dans le Code civil l’article 515-14 indiquant que les animaux sont des « êtres vivants doués de sensibilité ». Il est toutefois important de rappeler qu’au regard du droit il est question en la matière de choses parce que les textes opposent personnes et choses. L’animal est donc un être vivant soumis au régime des biens

En outre, depuis la réforme de 2021, on note des avancées en matière de protection des animaux, la sensibilisation à l’éthique animale ayant progressé. Le législateur a mis en place des modes de lutte contre les abandons d’animaux domestiques, un certificat étant nécessaire lors de l’acquisition d’un animal de compagnie. Cette loi a aussi prévu qu’à partir de 2028, la détention et le spectacle d’animaux sauvages dans les cirques itinérants seront interdits. Les mineurs ont aussi été ciblés car désormais il est interdit de vendre à des mineurs ou de leur donner un chien, un chat ou autre, sans l’accord de leurs parents. De plus, l’article 521-1 du Code pénal modifié par la loi de 2021 sanctionne les sévices contre les animaux et mentionne qu’il faut tenir compte d’une circonstance aggravante quand ledit délit est commis en présence d’un mineur.

En outre, depuis cette réforme, la protection animalière est bien ciblée. En effet, l’animal que l’homme tient sous sa dépendance a droit à un entretien et à des soins attentifs. Il ne doit en aucun cas être abandonné, ou mis à mort de manière injustifiée. Toutes les formes d’élevage et d’utilisation de l’animal doivent respecter la physiologie et le comportement propres à l’espèce.

Toutefois, la situation des enfants présents lorsque des animaux sont maltraités ou sachant que leurs proches sont auteurs de telles cruautés et violences n’avait pas été suffisamment envisagée lors de la réforme de 2021, raison pour laquelle les auteurs de la proposition de loi envisagent des évolutions du droit relatif aux animaux.

Assister à des maltraitances visant des animaux ou savoir que les parents ou les proches sont cruels ou violents est très perturbant pour eux. C’est encore plus redoutable lorsqu’il est question de zoophilie ou de zoo-pornographie sur des animaux domestiques car ces atteintes sexuelles peuvent faire craindre que les mineurs soient aussi victimes de ces agissements.

Les auteurs de la proposition de loi mettent l’accent sur les traumatismes que risquent de subir les enfants de la famille face à de tels drames.

Certains d’entre eux souffrent de voir leurs animaux domestiques ou élevés dans la propriété de leurs parents être victimes de violence ou d’être emmenés par leur famille assister à des corridas ou des tauromachies, ce type de spectacles ayant parfois un impact traumatisant sur eux. En revanche, aller voir un spectacle avec animaux dans un cirque ne fait pas partie des agressions psychologiques des spectateurs de tout âge.

Pour d’autres enfants, ce que l’on peut craindre c’est qu’ils deviennent eux-mêmes des auteurs de maltraitance animale, voire qu’ils aient un comportement globalement délinquant ou violents, notamment au sein de leur fratrie ou à l’égard des écoliers.

Face à tous ces drames, les craintes en la matière vont encore plus loin car, lorsqu’un parent est violent vis-à-vis de ses animaux, il l’est souvent aussi avec les membres de sa famille, raison pour laquelle il importe de repérer de tels agissements et de tout faire pour que les parents prennent bien conscience des conséquences que leur attitude peut avoir. Envisager que les parents soient lourdement sanctionnés devrait permettre de changer le comportement parental.

II – La nécessaire prise en compte des retombées des maltraitances animales sur les mineurs

La proposition de loi montre que les agissements cruels et violents contre les animaux entraînent également souvent de graves perturbations pour les enfants de la famille. L’idée qui est développée par ses auteurs tient au fait qu’il importe de ne pas faire souffrir ses enfants en faisant souffrir ses animaux. Plusieurs avancées législatives pourraient soulager les familles.

Il serait pertinent d’interdire aux mineurs toute participation à des corridas, mais aussi à des combats de coqs, des courses de taureaux ou autres, quand bien même les violences en pareil cas sont provoquées au nom de la tradition locale. Cela permettrait d’éviter que les enfants assistent à des maltraitances animalières, poussent des cris ou pleurent. En outre, il serait judicieux qu’ils ne puissent pas accéder à des écoles de tauromachie. Éduquer les enfants à la cruauté est vraiment honteux.

La voix suivie par les auteurs de la proposition de loi vise le Code pénal qui punit les sévices graves ainsi que les actes de cruauté envers les animaux domestiques. Des peines de prison et des amendes sont déjà prévues contre les auteurs de ces faits critiquables mais la réforme de 2021 donne aussi au juge la possibilité de prévoir un stage de sensibilisation à la prévention et à la lutte contre la maltraitance animale pour l’auteur, décision qui peut être une peine alternative ou complémentaire à une peine de prison.

Pour améliorer le sort des animaux, d’autres réflexions portent encore sur les tests qu’on leur fait subir. Ne faudrait-il pas programmer la fin de ces tests sur les animaux et autoriser la commercialisation des médicaments sans avoir testé l’efficacité et l’innocuité d’une molécule sur des animaux avant de lancer des essais cliniques chez l’homme mais en utilisant des méthodes alternatives ? Beaucoup d’animaux sont concernés, voire maltraités (environ 1.8 million d’animaux rien qu’en France, Le Figaro du 24 janvier 2023 : « Médicament : vers la fin des tests sur les animaux » ?). En outre qu’en est-il du droit de programmer des chasses en France ? Cela fait aussi souffrir beaucoup de monde mais aucune loi n’est en cours sur ces thèmes.

L’idée développée dans la proposition de loi n° 240 entend aggraver encore les sanctions quand de tels faits sont commis en présence d’un enfant pour éviter qu’il en souffre immédiatement, mais aussi durant toute sa vie. Pour ce faire, les auteurs envisagent que, si les parents incitent leur enfant à avoir une attitude cruelle vis-à-vis des animaux en les faisant participer à des corridas ou des combats de coqs ou à être présents lors de tortures infligées à ces pauvres bêtes, ils sont condamnables pénalement de la même manière que si eux-mêmes commettent des actes de cruauté sur des animaux. Pour inciter les personnes à améliorer la protection due aux animaux, les auteurs envisagent comme sanctions 5 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.

S’il est vrai qu’il est important de soutenir nos bêtes, il l’est bien davantage de sécuriser nos enfants et de faire évoluer les traditions ayant un effet préjudiciable sur leur bien-être. Les sanctions pénales prévues dans ce contexte devraient éviter de tels drames. C’est aussi la raison pour laquelle en droit du travail des mesures ont été prises pour les enfants encore mineurs mais qui peuvent déjà être embauchés à partir de 14 ans en vue d’effectuer divers travaux, notamment durant leurs vacances scolaires. À ce titre, le législateur a interdit l’affectation des jeunes à « des travaux d’abattage, d’euthanasie et d’équarrissage des animaux » (Code du travail, art. D. 4153-1 et D. 4153-37).

Toutes les formes de violences doivent être combattues car elles ont effectivement des retombées traumatisantes, mais quand elles concernent des mineurs, elles risquent en outre d’avoir des conséquences sur leur comportement futur. Il importe donc de veiller à ce que leur exposition à des scènes de violence ne les conduise pas à être eux-mêmes violents quand ils seront adultes et même dès leur jeune âge. Il est urgent de faire avancer les choses d’autant que des émissions de télévision ou des jeux vidéo ou autres peuvent aussi trop familiariser les mineurs avec les agressions, la cruauté ou autres méchancetés. Tout ceci risque de banaliser la violence auprès des jeunes enfants, ce qui est bien regrettable.

Pour les agissements cruels contre les animaux c’est encore pire car dès leur plus jeune âge, les mineurs les aiment et sont très tristes de prendre connaissance de ces maltraitances animalières qui peuvent aller jusqu’à leur mort et parfois leur abandon en pleine nature. Adopter une nouvelle loi permettrait de protéger les enfants contre des dangers auxquels ils risquent d’être exposés, sachant que le repérage des comportements violents visant les animaux peut ainsi aller de pair avec le repérage de la violence intrafamiliale ou conjugale mais aussi des maltraitances sur mineurs. Il importe en conséquence de repérer tous les comportements violents, y compris contre les bêtes.

La cause animaliste est effectivement légitime et nécessaire, toutefois la protection des mineurs doit encore plus nous mobiliser. Il serait donc pertinent que la proposition de loi aboutisse à une réforme car, malheureusement, des violences ou des maltraitances subies mais aussi simplement observées durant l’enfance peuvent générer des comportements violents voire cruels de la part des mineurs qui ont parfois cette attitude plus tardivement, notamment à l’âge adulte. Surtout cela peut nuire aussi au bien-être des mineurs, traumatisés par les maltraitances animales.

Isabelle CORPART, Maître de conférences émérite en droit privé à l’Université de Haute-Alsace