Dossier Paru le 25 avril 2023

PRÉCIEUX SOUTIEN AUX VICTIMES D’ATTENTATS

Pour réfléchir aux moyens de renforcer la protection à accorder en matière de terrorisme, un colloque a été organisé à Strasbourg le 9 mars 2023 par les associations strasbourgeoises SOS France Victimes 67 et Europe Victimologie. Thème d’autant plus important que la ville a subi une attaque terroriste le 11 décembre 2018 lors du marché de Noël.

Les autorités publiques et judiciaires sont évidemment très impliquées en matière de violences, voire de décès liés à des actes terroristes, la phase d’urgence ayant été gérée à Strasbourg immédiatement par la ville et par la Cellule interministérielle d’Aide aux Victimes (CIAV) dirigée par le directeur du Centre de crise et de soutien du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Néanmoins il est important de savoir que de multiples associations se mobilisent pour aider les personnes visées à se reconstruire. Parmi elles certaines sont des victimes directes ou indirectes, d’autres des témoins qui sont parfois aussi reconnus comme victimes par la justice mais pas systématiquement.

L’association SOS France Victimes fait partie des centres à contacter depuis longtemps par des victimes de tout genre et elle a été très impliquée lors de l’attentat du 11 décembre 2018, ayant mobilisé ses professionnels. Il s’agit d’une association 1901 agréée par le ministère de la Justice et qui est un acteur incontournable de l’aide aux victimes dans le Bas-Rhin, association humanitaire, sociale et d’entraide. Acteur de référence, elle apporte un soutien matériel et moral aux victimes ayant subi des atteintes, telles que des coups et blessures, des violences conjugales, des agressions sexuelles, des menaces ou injures, des abus de faiblesse ou du harcèlement et bien sûr des attentats. Elle intervient également en cas d’atteinte aux biens, qu’il s’agisse de l’incendie d’une voiture ou d’une maison, d’un vol, d’une dégradation ou de différentes escroqueries et encore pour soutenir les victimes d’accident de la circulation, d’infraction au droit du travail ou diverses infractions pénales. Depuis 2016, elle est désignée par les chefs de la Cour d’Appel de Colmar comme Référent Départemental d’actes de terrorisme et animateur de l’Espace d’Information et d’Accompagnement (EIA) des victimes d’acte de terrorisme et de leurs familles.

Lors du drame survenu pendant le marché de Noël, cinq personnes sont décédées, onze ont été blessées mais de nombreux habitants ont subi des retombées de ce triste événement (700 personnes se sont présentées pour être aidées, notamment par une prise en charge psychologique et une aide en lien avec les démarches administratives et 88 victimes directes ont été reconnues par le Fonds de garantie des victimes). Intervenant sur le terrain, SOS France Victimes avait dès lors ouvert des pistes de réflexion pour que l’on comprenne bien l’état du droit actuel et que l’on suggère des évolutions du droit et des pratiques, notamment eu égard à ce qui se passe à l’étranger, en particulier face à des victimes françaises. Dès lors sa directrice Madame Faouzia Sahraoui a bien oeuvré dans le cadre de la préparation du colloque, avec Monsieur Claude Lienhard, coprésident de Europe Victimologie et avocat spécialisé en ce domaine mais aussi fondateur de l’INAVEM devenu France-Victimes et Monsieur André Laurent président de l’association SOS France Victimes.

La ville de Strasbourg est bien entourée en ce domaine puisque les victimes peuvent contacter par exemple l’association CIDFF (Centre d’information sur les droits des femmes et familles), VIADUQ FV67, Infinitude, ACCORD, Regain et FENVAC (Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs). De plus, l’association AVA (Association Victimes d’Attentats) a été créée par les victimes de l’attentat terroriste perpétré à Strasbourg le 11 décembre 2018.

Il est conseillé aussi de contacter l’Espace d’Information et d’Accompagnement (EIA), dispositif qui permet d’assurer la continuité de la prise en charge des victimes, notamment de l’attentat de Strasbourg, sous l’autorité du ministère de la Justice, en lien avec la DIAV (Déléguée interministérielle de l’aide aux victimes).

Quand on traverse de tels drames, il ne faut pas oublier non plus que les personnes visées peuvent être de nationalité différente. Pour les aider, l’association France Victimes a contacté Victim Support Europe organisme regroupant les associations nationales d’aide aux victimes et d’autres ressources disponibles à l’étranger. Grâce aux mises en relation avec les services existants dans les différents pays dont sont originaires les victimes, leurs proches ont la possibilité d’être rapidement aidés dans leur propre pays. De plus, le Centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères veille à la prise en charge des victimes françaises d’attentats commis à l’étranger et inversement à celle des victimes étrangères d’actes survenus en France. Il collabore avec le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI), depuis la signature d’une convention de partenariat entre eux. Grâce à des échanges d’information entre ces deux organismes, cela permet d’améliorer l’orientation et la prise en charge des victimes d’attentats en France et à l’étranger, puis de leur indemnisation, en les aidant durant les différentes étapes nécessaires à l’obtention de la réparation intégrale et personnalisée de leurs préjudices.

Lors du drame strasbourgeois, les victimes se sont adressées aux associations d’aide aux victimes, en particulier à SOS France Victimes 67, dans le but de finaliser les documents à transmettre, scanner les plaintes, pièces d’identité, certificats médicaux, afin notamment que le Fonds de Garantie, lui aussi sur place dans ce temps d’urgence, puisse très rapidement débloquer des provisions pour les victimes. Il est rassurant de savoir que quelqu’un les informe sur leurs droits, sur les démarches qu’elles doivent accomplir et les accompagne tout au long des procédures judiciaires si besoin, en leur offrant également un soutien psychologique individualisé.

L’idéal est bien d’avoir une prise en charge globale individualisée : écoute, soutien psychologique, information juridique, accompagnement social ainsi que facilitation maximale des démarches pour les victimes.

Lors de la commémoration de l’attentat de Strasbourg, le 18 décembre 2021, la déléguée interministérielle de l’aide aux victimes a été accueillie par la préfète de la région Grand-Est, Madame Josiane Chevalier accompagnée de la maire de Strasbourg, Madame Jeanne Barseghian, et des journalistes ont eu la chance de pouvoir l’interroger sur les dispositifs mis en oeuvre par l’État afin d’assurer le suivi des victimes et de leurs familles dans la durée, leur parcours de résilience et la prise en charge spécifique du psycho traumatisme. Elle a surtout mis l’accent sur tout le travail accompli à la fois par l’État, les collectivités territoriales, la commune et tous ses partenaires associatifs, sachant qu’il ne suffit pas de gérer l’urgence mais que le soutien doit perdurer.

Le colloque organisé par SOS France Victimes 67 et Europe Victimologie avait pour but d’aider à faire face aux attentats en Europe et d’expliciter comment il convient de s’y préparer. Pour faire avancer les choses, des rappels ont été mentionnés sur les textes et les démarches, mais surtout il a été très intéressant de donner la parole aux intervenants pour qu’ils fassent des retours d’expérience, des témoignages, précisant comment les autorités locales se sont comportées face à ces drames et pour que l’on réfléchisse aux moyens de mieux soutenir les personnes victimes des actes terroristes.

Lors du démarrage du colloque, le discours d’ouverture a permis de donner la parole aux associations qui ont programmé la journée d’échanges, à savoir Monsieur Claude Lienhard, membre de SOS FV67 et co-président de Europe Victimologie, Madame Faouzia Sahraoui, directrice de SOS FV67 et Monsieur André Laurent président de cette association. Ils ont ensuite fait intervenir Madame Josiane Chevalier, Préfète du Grand-Est, Madame Nadia Zourgui, adjointe à la maire de Strasbourg en charge de la coordination dans l’urgence de tous les dispositifs publics et associatifs en matière d’assistance et de défense des victimes et Monsieur Éric Lallement, procureur général près la cour d’appel de Colmar. Ces derniers ont mis l’accent sur les victimes locales et surtout ont félicité l’association SOS FV67 pour son action, de même que celle de nombreux autres participants au colloque. Les interventions programmées avaient pour but de revoir les dispositifs de prise en charge des victimes d’attentats (I) et de réfléchir à de nouvelles pistes pour bien gérer ces crises (II).

I – Prise en charge et suivi des victimes

La prise en charge des victimes est essentielle car une telle infraction génère beaucoup de détresse, d’isolement et de vulnérabilité, ce qui est accru du fait qu’il s’agit d’un drame collectif qui s’ajoute au drame personnel. Les dossiers sont à traiter distinctement car il peut n’y avoir qu’un auteur unique ou plusieurs agresseurs et une seule victime ou des attentats de masse, ce qui rend beaucoup plus complexe la prise en charge.

Les intervenants rappellent également que les victimes doivent être repérées le plus vite possible, puis bien soutenues sur le long terme. En effet, un attentat a un horrible impact immédiat qui diminue avec le temps mais ne disparaît pas en raison des retombées émotives. Les victimes risquent de rencontrer des problèmes liés à leur travail mais aussi sociétaux. De surcroît, les attentats visant généralement des personnes de nationalité différente, il est pertinent trouver rapidement des traducteurs et de chercher à connaître le parcours de soin dans leurs pays, de même que la prise en compte de la santé sociale des patients.

Lors des attentats en France, certes des personnes sont agressées mais c’est la France qui est impliquée, aussi est-il particulier d’être victime d’actes terroristes sans être visé directement. Une telle attitude augmente les risques psycho-traumatiques.

Il est intéressant de noter aussi, grâce à l’intervention de Monsieur Carlo Charomonte, Coordinateur Anti-terroriste du Conseil de l’Europe, que les membres du Conseil ont élaboré des textes juridiques contenant des recommandations en vue de faire évoluer la prise en charge juridique et sociale des victimes du terrorisme dans l’objectif de mieux les aider. Le but était de travailler avec les pays touchés par le terrorisme en organisant des événements afin de rassembler l’ensemble des acteurs et d’ouvrir un réseau de point contact apte à stocker les informations. Ce partage d’expériences lié à la prise en charge au niveau international a permis une évolution efficace et positive des soutiens accordés aux pays dans l’accompagnement des victimes locales, mais sans oublier les ressortissants étrangers.

II – Préparation à la survenance de nouveaux attentats

Tout doit être fait pour prévenir les actes terroristes et éviter que les victimes soient mal soutenues, à savoir se préparer à réagir et à gérer rapidement les dossiers. Il est évident que la puissance publique a un devoir fondamental qui est d’assurer la sécurité des personnes, de lutter contre toutes formes de menaces, puis de prendre en charge les victimes, néanmoins le soutien aux personnes meurtries ou blessées peut être plus général.

Au fil du temps, la place des victimes a bien évolué, des efforts ayant été faits pour prévenir, protéger et punir, tout en élargissant le spectre disciplinaire, sociologique, médical et juridique et en adaptant la justice à ce thème. Le législateur a effectivement instauré un dispositif spécifique d’indemnisation des victimes du terrorisme en vue de prendre en compte la personne qui a subi des drames sur sa chair mais aussi les proches de la victime directe y compris lorsque celle-ci a survécu. Leur soutien perdure pendant la période de crise mais aussi dans les semaines qui suivent, y compris pendant le procès pénal. Intensifier l’aide permet de sécuriser les victimes et rallonger leur temps d’accompagnement en prévoyant un séjour thérapeutique ou une cure aurait des vertus. Ne pas oublier les victimes permet de leur rendre liberté et dignité. Il serait pertinent en outre que le droit évolue pour les aider à percevoir leurs dommages et intérêts et pour mettre en place une réparation intégrale au bénéfice des victimes du terrorisme.

Il serait pertinent de tenir encore mieux compte des préjudices physiques, moraux et économiques subis par les personnes agressées, en notant toutes les spécificités liées aux attentats et en maintenant un suivi sur le long terme car ces traumatismes créent un climat d’insécurité et de peur.

Selon les propos de Madame la préfète, tout doit être fait pour bien combattre le terrorisme car il est impossible que de tels actes restent impunis dans la mesure où il s’agit d’un fléau international. Dans le but de mieux réagir face au terrorisme, il est pertinent d’insister sur la collaboration entre les différents organismes car, avancer collectivement et solidairement offre une meilleure aide aux victimes d’agissements terroristes.

Quant au procureur de la République, il a rappelé que le fait pour une personne de s’être trouvée à proximité du lieu d’un attentat et d’en avoir été le témoin ne suffit pas en soi, à lui conférer la qualité de victime, sauf si elle est victime par ricochet lorsqu’un membre de sa famille a été blessé et qu’il faudrait faire évoluer les choses.

Pour prévenir ces drames, les intervenants du colloque ont aussi montré qu’il faut former et accompagner la population, afin que les dates des attentats restent bien dans la mémoire. Pour prévenir les retombées de tels drames, il est recommandé d’éduquer les personnes dès leur plus jeune âge, à savoir en mettant en place des interventions sur ce thème dans les écoles, notamment pour lutter contre l’intolérance et éviter le basculement de certaines personnes face aux actes terroristes.

En outre, faire connaître les nouvelles associations et créer des contacts entre elles est pertinent, de même qu’insister sur la coordination entre les intervenants, mettre en place un réseau fluide et s’assurer de la disponibilité des forces de l’ordre public pour organiser rapidement l’évacuation des victimes, tout en veillant à ce que les personnes à contacter dans tous les organismes soient clairement connues.

Il ressort également de toutes ces interventions et de ces réflexions qu’il est effectivement essentiel de se rassembler en vue de lutter ensemble contre la haine afin d’éviter de nouveaux drames. Il est encore plus important de se sensibiliser aux droits à l’accompagnement des victimes du terrorisme, à la reconstruction et au soutien, à la prévention des dommages collatéraux, à l’accompagnement social et culturel, à l’entraide ainsi qu’à la sécurité de l’entraide collective, le soutien à accorder devant être durable.

Lors des attentats, il faut vraiment comprendre que ce ne sont pas seulement les victimes qu’il convient d’accompagner car, en plus des personnes meurtries dans leur chair, de nombreuses autres subissent de lourdes répercussions. De plus, dès qu’un nouvel acte de terrorisme est signalé, voire des drames liés à diverses formes de violence, cela ravive malheureusement les traumatismes.

Il est précieux que ces drames soient anticipés notamment pour faciliter les liens entre les divers organismes. Par ailleurs, il importe de veiller à l’efficacité ainsi qu’à l’amélioration des dispositifs d’aide aux victimes, rôle confié à la déléguée interministérielle de l’aide aux victimes mais recommandé aussi à tous les acteurs. Il faut se féliciter que les associations soient également présentes aux côtés des autorités publiques et judiciaires et que les victimes bénéficient d’une aide locale. Entendre les intervenants de ce colloque qui ont abordé la victimologie y compris internationale des attentats a permis de mieux comprendre le vécu des victimes mais aussi de tous les témoins et de mesurer l’importance du travail des associations d’aide aux victimes, dont SOS France Victimes 67 qui a été l’auteur d’un travail remarquable.

(Pour info, les enregistrements du colloque sont disponibles sur les sites internet d’Europe Victimologie : www.europe-victimologie.org et de SOS France Victimes 67 : www.sosfrancevictimes67.org).

Isabelle CORPART, Maître de conférence émérite en droit privé à l’Université de Haute-Alsace