Dossier Paru le 21 juillet 2023
MECENAT

Pourquoi et comment devenir mécène ?

Même s’il connait un réel engouement depuis quelques années, très peu d’entreprises ont encore recours au mécénat. À l’heure de la RSE, c’est pourtant un réel atout pour l’image interne et externe des entreprises. Et en plus, c’est défiscalisable ! Explications avec l’Ordre des experts-comptables Grand Est.

De gauche à droite, Éric Mourer, directeur général du Groupe Hilzinger, Isabelle Berthelot, directeur financier de Deya, et Yvan Jeanneret, vice-président de l’Ordre des experts comptables Grand Est.

Le 15 juin dernier, dans la petite salle du Maillon, à Strasbourg, devant un public – malheureusement – clairsemé, le Conseil régional de l’Ordre des experts-comptables Grand Est organisait une conférence-débat sur « Les chemins du mécénat ».

En France, en 2022, le total des dons déclarés par les entreprises à l’administration fiscale au titre du mécénat s’est élevé à 3,5 milliards d’euros. C’est 2,3 fois plus qu’en 2010. Et pour autant, cela reste très marginal puisque seulement 4 % des entreprises françaises pratiquent le mécénat. 46 % des dons sont orientés vers le sport, 37 % vers la culture et le patrimoine et 32 % vers le social et le sociétal. Encourageant pour les territoires, 76 % des dons sont octroyés à des projets d’intérêt local ou régional. Dans la région Grand Est, les entreprises mécènes (5,5 % du total des entreprises) ont accordé 86,6 M € de dons.

Définition

Mais en fait, qu’est-ce que le mécénat d’entreprise ? Selon l’administration fiscale, il s’agit d’ « un soutien matériel ou financier apporté par une entreprise, sans aucune contrepartie, à un organisme sans but lucratif pour l’exercice d’activités présentant un intérêt général. En d’autres termes, le mécénat consiste à faire un don à un organisme d’intérêt général (exemple : une association) pour la conduite de ses activités, sans attendre en retour de contrepartie équivalente. » C’est justement toute la différence avec le parrainage (ou sponsoring) par lequel l’entreprise retire une contrepartie directe de son don.

Contreparties

Pour autant, le mécénat n’interdit pas complètement les contreparties pour l’entreprise donatrice dès lors qu’elles sont « raisonnables ». Dans la réalité, celles-ci peuvent représenter jusqu’à 25 % de la somme versée, par exemple sous la forme d’un logo apposé sur les affiches d’un festival ou d’un nombre de places offertes pour un spectacle.

Organismes bénéficiaires

Pour ouvrir droit à la réduction d’impôt (lire ci-contre), les versements doivent être effectués auprès d’organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, social, sportif, culturel, patrimonial…, de fondations ou associations reconnue d’utilité publique, de musées de France, d’établissements d’enseignement supérieur ou artistique public ou privé à but non lucratif, et, en Alsace Moselle, d’associations cultuelles ou de bienfaisance ainsi que d’établissements des cultes reconnus. Les dons effectués auprès d’une personne physique seule n’ouvrent pas droit à réduction fiscale au titre du mécénat.

Trois formes de mécénat

Il existe trois formes de mécénat. Le mécénat en numéraire : l’entreprise donne une somme d’argent au bénéficiaire. Le mécénat en nature : l’entreprise met gratuitement à disposition du bénéficiaire des locaux, un véhicule, une machine ou bien des produits qu’elle fabrique elle-même ou des services. Par exemple, une agence de communication offre la réalisation d’une plaquette à une association culturelle. Le mécénat de compétences : l’entreprise met un salarié – ou plusieurs – à disposition du bénéficiaire. Par exemple, des salariés d’une entreprise du bâtiment refont le toit du local d’une association. Ce mécénat de compétences fait obligatoirement l’objet d’une convention tripartite entre l’entreprise, le salarié ou les salariés et le bénéficiaire ; l’accord des salariés concernés est indispensable.

Réduction d’impôt

Le mécénat d’entreprise donne droit à une réduction d’impôt de 60 % du don pour la fraction égale ou inférieure à 2 M € et de 40 % pour la fraction du don supérieure à 2 M €, le montant du don ne devant pas excéder 0,5 % du chiffre d’affaires. À titre de comparaison, le parrainage ne donne droit qu’à 25 % ou 15 % de réduction d’impôt.

Mécénat culturel

Une entreprise qui achète une oeuvre d’art ou un instrument de musique peut déduire le prix d’acquisition de son résultat imposable. L’oeuvre d’art doit être achetée auprès d’un artiste vivant et être visible par le grand public, soit dans les locaux de l’entreprise, soit dans un musée… Elle peut aussi acheter un violon auprès d’un luthier et l’offrir à une étudiante du Conservatoire.

Supplément d’âme

À l’occasion de cette conférence-débat, deux dirigeants d’entreprises alsaciennes ont témoigné de leur expérience dans le mécénat.

Isabelle Berthelot, directrice financière de Deya. « Nous sommes une entreprise spécialisée dans la transformation digitale des environnements de travail. Nous réalisons 6,5 M € de chiffre d’affaires. Nous avons offert des vidéoprojecteurs et des enceintes à un théâtre situé dans le Grand Est. Ce matériel était obsolète pour nous mais très utile pour eux. Par ailleurs, nous avons signé une convention de mécénat de compétences avec une association d’aide aux réfugiés : deux de nos salariés ont accompagné un réfugié pour le former. Enfin, nos salariés sont invités à soumettre des projets de mécénat afin que nous y contribuions. Pour nous, le mécénat est une manière de nous différencier de nos concurrents : nous le mettons en avant lors des appels d’offres. Cela nous permet aussi d’attirer de nouveaux talents. On donne du sens : c’est un supplément d’âme. »

Éric Mourer, directeur général du groupe Hilzinger. « Nous sommes une entreprise franco-allemande spécialisée dans la fabrication de portes et de fenêtres. Nous employons 330 salariés et réalisons 70 M € de chiffre d’affaires. Nous soutenons un incubateur qui aide des réfugiés à monter leur entreprise. Pendant la COVID, nous avons financé la réalisation d’un livre de portraits de frontaliers. Nous finançons aussi des rencontres entre des collégiens français et allemands. Et nous avons contribué à la rénovation de la chapelle de la Rencontre, au port du Rhin, à Strasbourg. Grâce à toutes ces actions, nous sommes très présents sur le territoire. Pas besoin de faire de publicité sur ça, les personnes des associations que nous soutenons le savent et le disent autour d’elles. Par ailleurs, cela génère un réel enthousiasme auprès de certains de nos collaborateurs. »

Jean de MISCAULT