Dossier Paru le 01 septembre 2023
ALLONS À L’ÉCOLE

Nouvelle protection des élèves

La rentrée approche mais des nouveautés sont déjà en place dans la sphère scolaire. En effet, le décret n° 2023-782 du 16 août 2023 relatif au respect des principes de la République et à la protection des élèves dans les établissements scolaires relevant du ministre chargé de l’éducation nationale (JO du 17 août 2023, texte entré en vigueur le lendemain de sa publication) entend donner des moyens plus efficaces aux directeurs d’école et aux chefs d’établissement tendant à apporter une réponse appropriée à certains comportements honteux de la part de certains de leurs élèves, notamment en cas de harcèlement scolaire.

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Ce décret concerne les élèves dont le comportement intentionnel et répété fait peser un risque avéré sur la sécurité ou la santé des autres élèves de l’établissement (I). Le décret s’attache également à l’attitude de certains collégiens ou lycéens qui portent atteinte aux valeurs de la République ou au principe de laïcité (II). Pour mettre en place de nouvelles mesures de protection il revoie les missions conférées aux directeurs d’école et aux chefs d’établissements scolaires dans ce contexte d’insécurité (III).

I – L’amélioration de la lutte contre le harcèlement scolaire

Le comportement de certains écoliers est redoutable car il fait peser un risque sur la sécurité ou la santé des élèves qu’ils côtoient. Le harcèlement se définit comme « une violence répétée qui peut être verbale, physique ou psychologique ». Au sein de l’école, cette forme de violence scolaire est le fait d’un ou de plusieurs élèves à l’encontre d’une victime qui n’est pas en état de se défendre, mais qui peut heureusement faire des signalements. Lorsqu’un enfant ou un adolescent est insulté, menacé, battu, bousculé ou reçoit des messages injurieux à répétition, on parle donc de harcèlement, harcèlement scolaire si cette forme de violence a lieu au sein de l’école primaire, du collège ou du lycée.

Il est essentiel que la sécurité à l’école soit bien renforcée et que les auteurs de harcèlement scolaire soient sanctionnés au plus vite et de manière vraiment efficace. Cette violence vise des mineurs qui ne sont pas aux côtés de leurs parents qui pourraient les protéger.

Pour ce faire, le décret prévoit de faire en sorte que l’auteur de ces faits répréhensibles soit contraint de changer d’école dans le but que ses camarades ne souffrent plus. Auparavant c’est l’élève victime qui changeait d’école et la nouvelle mesure est plus appropriée.

Il faut aussi faire en sorte que l’auteur de ces faits repréhensibles ne s’attaque pas à de nouveaux élèves une fois inscrit dans un autre établissement, raison pour laquelle il est prévu qu’un suivi pédagogique et éducatif renforcé de l’harceleur soit effectivement mis en place jusqu’à la fin de l’année scolaire en cours.

Un autre apport du décret est pertinent. En effet, ce harcèlement est sanctionnable, même lorsque le collégien ou le lycéen commet des actes de harcèlement contre des élèves d’un autre établissement scolaire.

II – La lutte contre les collégiens ou lycéens portant atteinte aux valeurs de la République ou au principe de laïcité

Pour mieux sécuriser le temps scolaire, l’autre piste contenue dans le décret du 16 août 2023 concerne la mise en place d’une procédure disciplinaire applicable aux élèves qui ont une attitude jugée répréhensible parce qu’ils portent atteinte soit aux principes de la République, soit au principe de laïcité (C. de l’éducation, art. R. 421-10 et R. 511-14 et 511-20-1).

Il est question des valeurs de la République à l’école s’agissant de l’enseignement du pluralisme des opinions et des convictions, du développement de la complexité de la pensée par la maîtrise des savoirs fondamentaux, la culture, et notamment la lecture des grands textes. De plus elles entendent prévenir les discriminations à savoir le racisme, l’antisémitisme, le sexisme, l’homophobie, mais aussi thème qui est bien visé dans le décret, le harcèlement.

En outre, le principe de laïcité est au fondement du système éducatif français depuis la fin du XIXe siècle, principe fondateur de l’école républicaine. Certes la laïcité n’est pas une religion, mais il s’agit de la liberté de croire ou de ne pas croire ainsi que de l’égalité de toutes les croyances devant la loi. Cela permet de bien respecter autrui. Les différents enseignements contribuent à la transmission de la laïcité, en particulier l’enseignement moral et civique, l’histoire, la géographie ou encore la littérature. Il importe de préserver les élèves de tout prosélytisme idéologique, économique et religieux.

La laïcité fait partie des grands principes du système éducatif et est indissociable des valeurs républicaines de liberté, d’égalité notamment entre filles et garçons et de fraternité.

Les professeurs doivent y veiller mais les élèves aussi car, selon les termes de la Constitution de la Ve République : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».

Pour que les élèves grandissent bien, il est essentiel que la transmission des valeurs de la République, incluant la laïcité, soit efficace à l’école. Les enseignants ont pour mission d’oeuvrer en vue de faire en sorte que les valeurs et principes républicains soient explicités aux écoliers, collégiens et lycéens afin de prévenir toute forme de discrimination, néanmoins, il importe également que chacun des élèves ait une attitude parfaitement correcte à cet égard.

III – Le renforcement du rôle des directeurs d’école et des chefs d’établissements

Pour que les auteurs de ces faits répréhensibles soient rapidement sanctionnés, le décret du 16 août 2023 a accordé aux directeurs d’école et aux chefs d’établissement de nouvelles pistes pour qu’ils puissent apporter une réponse adaptée aux comportements inappropriés de certains de leurs élèves.

Lorsqu’un risque pèse sur la santé ou la sécurité des élèves, le directeur d’école doit prendre des mesures éducatives de nature à faire cesser ce comportement (C. de l’éducation, art. R. 411-11-1). Il peut notamment « suspendre l’accès à l’établissement de l’élève dont le comportement est en cause pour une durée maximale de cinq jours ». À compter de septembre 2023, les directeurs d’école ont désormais la possibilité d’exclure temporairement, à savoir jusqu’à cinq jours maximum un élève de leur école, sans avoir besoin de consulter préalablement l’inspecteur de l’éducation nationale.

Quand il s’agit de harcèlement scolaire qui nuit à la sécurité des élèves et que ce comportement persiste, le directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN) saisi par le directeur de l’établissement scolaire a désormais la possibilité de demander au maire de procéder à la radiation de l’élève harceleur de son établissement scolaire (C. de l’éducation, art. R. 411-11-1). Il faut toutefois veiller à sa place dans sa nouvelle école, si bien qu’un suivi pédagogique et éducatif doit être mis en place. S’il n’y a pas d’autre école dans la même commune, il est toutefois nécessaire que le maire d’une autre commune accepte d’accueillir l’élève, en revanche, l’accord des représentants légaux de l’enfant coupable de ces faits n’est pas nécessaire.

Le décret impose également au chef d’établissement d’engager une procédure disciplinaire applicable aux élèves pour les faits portant une atteinte aux valeurs de la République ou au principe de laïcité. Dans ce cadre, il peut transmettre au DASEN le dossier disciplinaire de l’élève auteur de ces faits dans le but qu’il prononce une sanction contre lui en siégeant au conseil de discipline mais le directeur d’école peut aussi saisir lui-même le conseil de discipline départemental.

Pour les directeurs d’école un autre décret a aussi apporté des nouveautés, à savoir le décret du 14 août 2023 relatif aux directeurs d’école (JO du 15 août 2023) lequel complète la loi n° 2021-1716 du 21 décembre 2021 créant la fonction de directrice ou de directeur d’école (JO du 22 décembre 2021). Avant cette réforme, quand on parlait de direction, le chef d’établissement scolaire n’avait que le mot et non, en droit, la réalité des fonctions. Depuis cette réforme de 2021, ce directeur d’école est doté d’un véritable pouvoir de décision, ce qui le rend effectivement délégataire de l’autorité académique pour le bon fonctionnement de son établissement scolaire, en outre un soutien lui est accordé pour renforcer son rôle au sein de son établissement scolaire.

Le directeur d’école est aussi chargé d’organiser les débats sur les questions relatives à la vie scolaire et le décret du 14 août 2023 définit les missions des directeurs, leurs conditions de nomination et de l’exercice de leurs fonctions. Depuis ce décret, le nouvel article R. 411-10 du Code de l’éducation précise que : « Le directeur d’école veille à la bonne marche de l’école maternelle, élémentaire ou primaire dont il a la charge et au respect de la réglementation qui lui est applicable. Il prend toute disposition utile concernant l’organisation et le bon fonctionnement de l’école pour que celle-ci assure sa fonction de service public. À ce titre, il a autorité sur l’ensemble des personnes présentes dans l’école pendant le temps scolaire. Il réunit et préside le conseil d’école et le conseil des maîtres. » Il lui revient de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des personnes et des biens, l’hygiène et la salubrité de l’école sur le temps scolaire.

Tout est fait pour que les directeurs d’école et les chefs d’établissement scolaire puissent apporter une réponse appropriée à l’attitude d’un élève auteur de harcèlement scolaire qui, par son comportement sanctionnable fait peser un risque sur la sécurité à l’école. Ils ont effectivement autorité sur l’ensemble des personnes présentes dans l’école pendant le temps scolaire.

Ces différentes réformes vont permettre de traiter plus efficacement et plus rapidement ces faits qui nuisent aux autres élèves, surtout de l’école primaire. Il faut en effet pouvoir séparer rapidement les élèves harcelés et leur harceleur. Le décret du 16 août 2023 permet ainsi de compléter la loi n° 2022-299 du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire ou harcèlement à l’école (JO du 3 mars 2022) qui a permis de créer dans le Code pénal le décret de harcèlement scolaire. L’auteur de ces faits peut être puni jusqu’à 10 ans de prison et 150 000 euros d’amende en cas de suicide ou de tentative de suicide de la victime harcelée.

Cette loi a aussi prévu que tous les personnels doivent être formés à la lutte contre ce harcèlement scolaire pour que la situation de harcèlement soit vite repérée et qu’elle ne perdure pas.

Quand c’est moins grave et qu’il n’y a pas de sanction pénale, que l’auteur de ce harcèlement scolaire soit condamné à quitter les lieux en changeant d’école est pertinent pour les victimes et il faut rappeler à tous les élèves qu’ils ont vraiment intérêt de signaler rapidement ce genre de comportements pour que l’on n’aille pas jusqu’à de tels drames. Toutes ces avancées permettent de mieux accompagner et protéger les élèves. Il ne faut assurément pas que des enfants ou des adolescents soient insultés, menacés, battus ou bousculés, voire qu’ils reçoivent des messages injurieux à répétition (dans le cadre du cyberharcèlement) et bien sûr pas non plus qu’ils programment leur suicide, ne supportant pas cette violence verbale, physique ou psychique.

Il ressort de toutes ces réflexions menées sur la sphère scolaire qu’il est essentiel de pouvoir réagir rapidement face à tous ces comportements perturbateurs car cela permet de créer un environnement scolaire plus sûr et surtout propice à l’éducation et l’apprentissage des élèves, collégiens et lycéens. De la sorte l’environnement en milieu scolaire est plus respectueux et bienveillant et peut-être moins de parents envisageront d’obtenir le droit de faire de l’instruction à domicile ou école à la maison, les pères et mères devant demander une autorisation au DASEN pour que l’enfant soit instruit dans sa famille, les conditions ayant été durcies par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant les principes de la République (JO du 25 août 2021).

Isabelle CORPART, Maître de conférences émérite en droit privé à l’Université de Haute-Alsace