Dossier Paru le 03 octobre 2023
Les marchés immobiliers de l’ancien en Alsace

Faut-il s'attendre à une crise du logement ?

L’Alsace compte 379 notaires (255 dans le Bas-Rhin, et 124 dans le Haut-Rhin) exerçant dans 129 offices (76 dans le Bas-Rhin et 53 dans le Haut-Rhin). De fait, les informations recensées par leurs études sont une véritable source d’informations et un excellent indicateur des tendances, concernant le marché immobilier. Maîtres Gabriel Weyl et Olivier Fritsch, Présidents de la Chambre des notaires du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, nous livrent les premiers éléments clés du secteur immobilier alsacien en 2023, la tendance du marché des transactions et les conditions d’octroi des prêts. Ils analysent également les tendances qui se dessinent pour la deuxième partie de l’année.

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La demande reste forte, mais l’accessibilité financière difficile

Le secteur de l’immobilier est actuellement impacté par des facteurs multisectoriels. Toutefois, le besoin de logements reste toujours d’actualité ! Après une hausse constante effective depuis plusieurs années (les années post-covid avaient connu un résultat exception­nel), ces derniers mois laissent apparaître un net repli des ventes au niveau national, même si les chiffres présentés ne confirment pas encore cette tendance. Ainsi, ces professionnels du droit ont noté un ralentissement des volumes de vente de l’immobilier ancien, mais pas encore une baisse des prix.

En cause ? La difficulté pour les acheteurs d’obtenir un prêt bancaire ! En effet, le taux d’effort plafonné, un taux d’usure limité et l’augmentation des taux d’intérêt décidée par la BCE (Banque Centrale Européenne) rendent restrictif l’accès au financement nécessaire. À titre de comparaison, sur un prêt de 250 000 € souscrit aujourd’hui, l’acquéreur doit payer 65 000 € d’intérêt en plus, par rapport à un emprunt qu’il aurait souscrit il y a 4 ans.

Une tension sur l’immobilier et un impact financier

Et la situation ne semble pas prête de s’améliorer, selon les pré­sidents des Chambres des notaires. Car la baisse actuelle des constructions crée une tension sur l’immobilier ancien. Toutefois, la BCE ayant annoncé une stabilisation des taux d’intérêt, un espoir d’ajustement reste possible. Mais cet ajustement ne sera sans doute pas homogène géographiquement. La préoccupation des notaires portent également sur la perte financière pour les collectivités, car les frais de notaire inclus notamment une taxe : le « droit de mutation ». Cette taxe est reversée aux collectivités : elle représente un montant de 21 milliards pour l’année 2022, dont 15 milliards versés au Département.

Les tendances dans le Bas-Rhin

Maître Gabriel Weyl, Président de la Chambre des notaires du Bas-Rhin, précise que les hausses de prix dans le Bas-Rhin ne sont pas tout à fait les mêmes, par rapport aux autres départe­ments. Les statistiques sur un an confirment une baisse importante des volumes de vente dans le Bas-Rhin : -25 % sur la vente des appartements, et -20 % sur les maisons. Mais l’immobilier de l’ancien continu à être prisé, par rapport au neuf.

Côté tarif, les prix de vente médian ont beaucoup augmenté dans le Bas-Rhin : + 5,1 % sur les maisons, + 6,9 % sur les appar­tements, et + 6,6 % sur les terrains. À titre de comparaison, au niveau national, l’évolution des indices de prix sur un an s’élève à + 3,4 % sur les appartements anciens, et + 2,0 % sur les maisons anciennes. De fait, l’on note un effet de rattrapage par rapport aux grandes villes de France.

L’attitude attentiste des vendeurs, préférant attendre une période plus faste pour céder leur bien, génère une faible offre de vente et donc une tension sur les prix. Par ailleurs, les propriétaires des biens mis sur le marché de la vente n’acceptent pas de baisser rapidement le prix, préférant patienter en attendant de voir l’évo­lution du marché. Certains de ces logements trouvent preneurs, mais ce ne sont pas des primo-accédants !

Quant aux acquéreurs, dorénavant ils choisissent d’acheter un bien sur un secteur géographique plus éloigné que celui souhaité initialement. Ils sont prêts à assumer un déplacement quotidien pour aller travailler, compensant la hausse du budget transport (notamment liée au prix élevé du carburant) par l’utilisation des transports en communs, et notamment du train.

Les prix des maisons flambent dans le Bas- Rhin

Dans le Bas-Rhin, les secteurs les moins onéreux se situent au nord du département, plus précisément Wissembourg et Saverne. En revanche ces derniers enregistrent de nettes hausses annuelles de prix, de respectivement + 13,2 % et + 12,0 %.

Géographiquement, les ventes enregistrées sur Saverne sont en nette hausse par rapport à l’Eurométropole. Même si Strasbourg reste la ville la plus attractive du Bas-Rhin, une baisse des ventes (-10,9 %) est toutefois enregistrée. Lampertheim, Illkirch et Schiltigheim ont connu une hausse de prix importante. En dehors de l’Eurométropole, ce sont Brumath et la périphérie de Haguenau (Schweighouse sur Moder et Mariental), Obernai et Sélestat qui voient leurs tarifs également augmenter. Les prix les plus abordables, bien qu’ayant également connu une hausse, sont enregistrés sur Saverne et sa périphérie, et Wissembourg.

La rapidité d’activité a également changé, avec un délai de vente actuel de plusieurs mois, alors qu’en 2022, une maison se vendait en quelques jours, parfois même sans être visitée.

Une disparité des prix sur les appartements, selon les quartiers

Sans suspens, les appartements dans l’immobilier ancien enregistrent également une hausse des prix et une baisse des volumes de vente. Les 3 pièces restent les plus prisés, et repré­sentent 1/3 des ventes.

Dans l’Eurométropole de Strasbourg, 13 quartiers ont un prix par­ticulièrement élevé : Mairie, Petite France, Orangerie, Contades, Krutenau, Forêt Noire, Poincaré, Kablé, Robertsau, Neudorf Ouest, Gare, Neudorf Est, Vauban.

La hausse des prix la plus importante se focalise sur les quartiers suivants : Port du Rhin, la Canardière et Hautepierre. Quant à la ville de Strasbourg, elle reste demandée, mais présente une baisse d’attractivité pour les investisseurs, notamment suite à la hausse des taxes foncières et à la mise en place des loyers encadrés.

D’ailleurs, cette hausse des taxes foncières est l’une des raisons qui incite les investisseurs à vendre leurs biens. Car ce coût, rajouté aux contraintes du DPE (diagnostique de performance énergétique) qui en fonction de la classification du logement peut générer une baisse du loyer, rendent le retour sur investissement moins attractif. D’autant plus que les travaux permettant d’améliorer le DPE ne sont pas toujours votés en Assemblée Générale de copropriété.

Le prix de vente médian des terrains à bâtir établit un nouveau record sur la décennie

Sur un an, la hausse des prix des terrains à bâtir dans le Bas-Rhin, s’élève à 6,6 %. Wissembourg remporte le palmarès de la hausse du prix (+ 11 %), suivi par Saverne (+ 8,5 %). Actuellement, le prix de l’are sur l’Eurométropole de Strasbourg est en moyenne à 35 000 €.

Fin 2022 le nombre de terrains vendus était important. Mais depuis le milieu de l’année 2023, la baisse des ventes est notable. Elle est souvent liée au refus bancaire du prêt demandé.

Dans le Haut-Rhin

Dans le Haut-Rhin, la variation des prix et du volume des ventes est plus modéré, et de fait, l’achat est plus accessible dans ce départe­ment. Il faut souligner une forte progression des ventes de maisons de 3 pièces et moins. Dans la catégorie des maisons anciennes, 4 zones sont en baisse (Ferrette, Thann-Cernay, Munster et Sainte Marie aux Mines), et 9 zones en hausses (voir schéma illustré). Géographiquement, il existe une forte disparité entre St Louis et les zones périphérique de Mulhouse. Ceci est lié à la frontière Suisse, car le logement à St Louis est difficilement accessible aux salariés non rémunérés en francs suisses. Cette nouvelle hausse engendre un coût de plus en plus élevé, qui devient aussi inaccessible pour certains salariés suisses. Est ce que cela entraînera pour eux, un déplacement géographique vers les zones limitrophes de St Louis, plus accessible financièrement ? L’avenir nous le dira !

Une stagnation du prix médian des appartements anciens est ac­tée dans le Haut-Rhin. Le même type de logements est prisé, par rapport aux années antérieures, c’est à dire d’abord les 3 pièces, puis les 4 pièces. Les secteurs de St Louis et Colmar, suivis de l’agglomération de Mulhouse, puis de Mulhouse-ville, sont plébisci­tés. Certains quartiers (populaires) de Mulhouse notent une baisse de tarif de 8 %, tandis que d’autres affichent une hausse de 12 %.

Concernant les terrains à bâtir, beaucoup de promoteurs n’ont pas finalisé leur achat, du fait de la non-commercialisation de leur pro­jet. De fait, ces terrains sont restés disponible pour les acquéreurs désirant construire une maison.

Tout ce qui devient rare, devient cher !

La carence de logements en locatif et en acquisition est incontes­table. En cause, les biens réservés à la location saisonnière bien sûr, mais aussi l’application des obligations liées au DPE. Car immanquablement, les mesures générées par le DPE vont tirer les prix de vente et de location vers le bas, sur Strasbourg et sur certains quartiers anciens. Par ailleurs, suite à la hausse du tarif des travaux et des matières premières en constante progression, les promoteurs propriétaires d’un terrain, ne sont actuellement plus en mesure d’évaluer le prix de vente de ces futurs logements, tout en préservant un seuil de rentabilité. De fait, tous les projets de constructions collectives ne se concrétisent pas, les promoteurs préférant jouer la prudence, en temporisant.

« Après la crise immobilière de 2008, nous avions connu le même phénomène (hausse des prix et baisse des ventes) qu’actuellement. En 2010, les prix avaient aussi augmenté, rassure Maître Gabriel Weyl. Dans quelques temps, il y aura un ajustement, et non un effondrement, car la demande de logement est vraiment là ! Les taux d’intérêt vont se stabiliser. Et le curseur va se déplacer »

De gauche à droite : Maître Pascale de Villeneuve, notaire à Hochfelden ; Maître Benjamin Parmentier, notaire à Epfig ; Maître Gabriel Weyl, Président de la Chambre des notaires du Bas-Rhin ; Maître Éric Ricou, Président du Conseil interrégional, Maître Olivier Fritsch, Président de la Chambre des notaires du Haut-Rhin et Maître Sébastien Basch, notaire à Mulhouse.
Marché des maisons anciennes en Alsace

CH. BE