Dossier Paru le 31 octobre 2023
LA JUSTICE RESTAURATIVE

On y croit au Tribunal Judiciaire de Saverne !

Françoise Decottignies, Présidente du tribunal judiciaire de Saverne, et les différentes institutions et associations signataires, se sont retrouvées dans la salle du tribunal de Saverne, le 26 septembre dernier, pour signer la convention proposant la mise en place de la mesure de justice restaurative dans cette juridiction. La signature de cette convention, avec les différents partenaires, permet désormais de proposer des mesures de justice restaurative sur le ressort du tribunal judiciaire de Saverne.

De gauche à droite : Madame SAHRAOUI, Directrice générale de l’association SOS France Victimes 67, Monsieur MESSIAEN, Directeur adjoint du SCJE, Madame DECOTTIGNIES, Présidente du tribunal, Madame CLEROT, Procureure de la République, Monsieur LAURENT, Président de l’association SOS France Victimes 67, Monsieur FOGLIARINO, Directeur départemental du Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation du Bas-Rhin, Madame ZOGHLAMI, Directrice de l’association THEMIS, Madame MORSCH, Attachée d’administration représentant le Centre de détention d’Oermingen, Maître GROSS, Bâtonnier du Barreau de Saverne, Madame LEININGER, Directrice territoriale adjointe de la PJJ.

Un engagement humain

Cette convention marque le début d’une nouvelle aventure humaine ! Celle que vivront Françoise Decottignies, Présidente du tribunal judiciaire de Saverne, et Aline Clérot, Procureure de la République, ainsi que les différentes institutions et associations signataires. Car la Justice Restaurative (JR) nécessite un véritable engagement, un partenariat et une coordination sans faille, pour réaliser la mise en relation des victimes avec les auteurs de faits. Porté par Aline Clérot, ce projet a pu prendre forme, grâce à l’en­gagement de tous les partenaires. Un sujet mis en avant par Le SADJAV (service de l’accès au droit et à la justice et de l’aide aux victimes) qui anime ces politiques publiques au niveau ministériel. « Dans le cadre d’un ciné-débat avec le film « Je verrai toujours vos visages », diffusé il y a quelques mois sur la toile, nous avons pu avancer dans le cadre de nos réflexions », explique Françoise Decottignies, Présidente du tribunal judiciaire de Saverne. « C’est un projet porteur pour les justiciables, complète la procureure. Il est fédérateur de nos ambitions communes : la justice restaura­tive, nous y croyons tous. Avec la signature de cette convention, l’action devient concrète ! La première réunion de travail aura lieu dans quelques jours ».

« Forme de justice parallèle, la justice restaurative permet sur­tout de renouer le dialogue et de prévenir la récidive », selon Françoise Decottignies, Présidente du tribunal judiciaire de Saverne. « C’est une possibilité de traiter l’affaire autrement, car la sanction judiciaire ne permet pas la reconstruction des parties en cause. C’est un outil pour les victimes et les auteurs des faits ! » Les objectifs de cette mesure La justice restaurative s’inscrit dans une démarche de complément, vis-à-vis du procès pénal, et non d’une véritable alternative. L’ar-ticle 10-1 du code de procédure pénale, entré en vigueur en 2014, évoque dès ses premières lignes cette possibilité : « À l’occasion de toute procédure pénale et à tous les stades de la procédure, y compris lors de l’exécution de la peine, la victime et l’auteur d’une infraction, sous réserve que les faits aient été reconnus, peuvent se voir proposer une mesure de justice restaurative ». Par l’écoute et l’instauration d’un dialogue entre les participants, la justice restaurative contribue à la reconstruction de la victime, à la responsabilisation de l’auteur, à sa réintégration dans la société et à l’apaisement de tous, avec un objectif large de rétablissement de la paix sociale. Elle a pour finalité de restituer à la personne, victime ou auteur, sa capacité à prendre une part active dans la recherche de solutions, facilitant la reprise du cours de sa vie, dans une dimension de restauration et de réparation.

Les mesures concernées appréhendent, dans la mesure du pos­sible, l’ensemble des répercussions (d’ordre personnel, familial et plus largement social) sur les personnes, victimes et/ou auteurs, et leur entourage. Le ressenti des victimes mais également la res­ponsabilisation des auteurs fondent les axes de l’action.

Un fonctionnement participatif

Les signataires de la convention sont nombreux : Françoise Decottignies, Présidente du Tribunal judiciaire de Saverne ; Madame Aline Clérot, Procureure de la République près le Tribu­nal judiciaire de Saverne ; Faouzia Sahraoui, Directrice Générale de SOS France Victimes 67 ; Jean-François Fogliarino, Directeur départemental du Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation du Bas-Rhin ; Christine Kuhn-Kapfer, Directrice Territoriale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse d’Alsace ; Marcelle Thil, Di­rectrice du Centre de détention d’Oermingen ; Monia Zoghlami, Directrice territoriale de Thémis ; Nicole Tercq-Diriart, Présidente de l’IFJR ; Maître Noémie Gross, Bâtonnier du Barreau de Saverne ; et Isabelle Bruere, Directrice Générale du Service de Contrôle Judiciaire et d’Enquêtes.

Côté financement, l’enveloppe budgétaire de toutes les institutions partenaires sera sollicitée, notamment dans le cadre de la forma­tion des animateurs. Par ailleurs, le Service de l’Accès au Droit et à la Justice et de l’Aide aux Victimes (SADJAV) du ministère de la Justice – son bureau de l’aide aux victimes et de la politique associative – soutient également financièrement cette opération. De même que le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP), et le service de Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ).

La communication concernant l’accès à cette mesure sera gérée par les différentes institutions – notamment par voie d’affichage –, et par le biais des avocats et du juge d’instruction.

Un fonctionnement multi-partenarial

Lors de l’instruction judiciaire, le juge et les avocats pourront pro­poser la mesure de justice restaurative aux justiciables.

Cette médiation sera possible dans le cadre de diverses infractions : viols intrafamiliaux, vol à main armée, infraction violente de vol (home-jacking), impliquant des personnes majeures et mineures. Elle pourra s’appliquer si l’affaire est jugée, classée sans suite ou prescrite, mais à la condition que l’auteur reconnaisse les faits.

La mesure de justice restaurative de la juridiction de Saverne, qui vient d’être initiée, consiste à instaurer un programme regroupant deux formats : des groupes de rencontres Condamnés-Victimes (RCV - RDV), et la médiation restaurative (la victime rencontre son agresseur).

Le premier format de médiation propose une rencontre entre des auteurs des faits et des victimes. Celle-ci se réalisera en groupe. Il sera constitué de victimes demandeuses, et de personnes condamnées par la justice, ayant reconnu les faits et se portant volontaires pour participer à ces rencontres. Les salariés du service de probation du Bas-Rhin ont été formés par l’Institut Français de Justice Restaurative, pour coordonner et gérer les rencontres. Dans le cadre de ses missions, l’association SOS France Victimes 67 proposera les victimes, après leur avoir expliqué le concept. Le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP) proposera les délinquants majeurs et le Service de Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) sera chargé de proposer des délinquants mineurs. Les rencontres se dérouleront au centre de détention d’Oermingen, qui aura également en charge de proposer les personnes condam­nées (incarcérées ou en probation) qui participeront à ces groupes.

Le deuxième format, intitulé « médiation restaurative », propose à la victime de rencontrer son agresseur, en face-à-face.

Ces mises en contact se font après une préparation, avec les professionnels formés par l’Institut Français de la Justice Restau­rative (voir notre précédent article dans Les Affiches d’Alsace et de Lorraine N°86 du 27 octobre 2023).

Un comité technique centralisateur

Concrètement, tout sera centralisé au niveau du COPIL (comité de pilotage), qui évaluera si la situation présentée par l’association ou l’institut peut-être retenue pour une médiation de justice restaurative. Naturellement, dans les cas impliquant des personnes mineures, l’accord des parents sera recueilli. Si le dossier est retenu, le groupe « victimes » et le groupe « auteurs des faits » seront préparés par les membres de leurs organismes (SOS France Victimes 67, THEMIS, centre de détention d’Oermingen...). Car il est essentiel de protocoliser la rencontre, pour éviter les débordements.

  

L’Association SOS France Victimes 67, porteuse du projet

 

L’association, basée à Strasbourg, est porteuse du projet « Justice Restaurative », dans le cadre de la convention signée avec les cheffes de juridiction du Tribunal Judiciaire de Saverne. Faouzia Sahraoui, Directrice Générale et Psychologue à l’association SOS France Victimes 67, et Diane Boszormenyi, Juriste et Criminologue de formation, et Référente Justice Restaurative – salariée de l’association SOS France Victimes 67 –, nous apportent des précisions.

Quel est l’intérêt pour SOS France Victimes 67 de participer à ce type de médiation ?

Faouzia Sahraoui : la question de la médiation et de la réparation est dans l’ADN de notre association, depuis sa création. En effet en 2005, nous avions organisé un colloque intitulé : « Sanction, Réparation, Médiation » sous le double patronage de Louis Crocq et de Claude Beau, pour bien affirmer notre conviction sur l’idée de la réparation entre victime et infracteur. Pour notre association, accompagner les auteurs et les victimes dans le processus de jus­tice restaurative est une évidence. C’est pour cette raison, et dès 2016, que nous avons déposé à la Cour d’Appel et aux niveaux des juridictions de Strasbourg et Saverne, un projet pour les mesures Rencontre-Condamnés-Victimes et Rencontre-Détenus-Victimes (RCV/RDV) et pour la Médiation Restaurative (MR).

Aussi en 2018, en partenariat avec la Direction Interrégionale des Services Pénitentiaires (DISP), nous avons organisé un colloque sous le patronage de Robert Cario, sur la justice restaurative, à destination des professionnels du Droit. L’objectif était d’informer et de sensibiliser les partenaires concernés, mais le retour était un peu mitigé ! Je pense qu’à cette époque les mentalités n’étaient pas suffisamment prêtes. Depuis, le projet a bien mûri car nous avons pu aller au-delà de notre première approche en termes de réflexion, de formation et de partenariat.

Donc notre implication dans cette mesure est tout à fait naturelle. Certes nous sommes une association d’aide aux victimes, mais nous menons aussi des actions à destination des auteurs, comme la « médiation pénale » et ce, depuis la création de l’association. Depuis 2020, sous l’autorité du Parquet de Saverne et en parte­nariat avec le Service de Contrôle Judiciaire et d’Enquêtes (SCJE), nous effectuons des stages de responsabilisation des auteurs. Ces stages permettent aux auteurs des faits, de bien comprendre les conséquences de leurs actes, sur les femmes victimes et les en­fants. Lors de ces stages, on peut dire qu’une prise de conscience immédiate, souvent sincère, est constatée. Elle permet à l’auteur de violences de travailler les mécanismes psychiques qui l’ont conduit à passer à l’acte, ce qui réduit sans doute son taux de récidive. Ces stages sont particulièrement efficaces dans le cas de violences conjugales, car ils permettent à l’auteur, dans la plupart des cas, d’isoler aussi le passif conjugal et de se concentrer sur sa fonction parentale. Les stages, dans certains cas, viennent en complément du travail que nous offrons aux familles au sein de nos Espaces Rencontres parent/enfant, lors d’une séparation difficile et/ou conflictuelle, et de les aider dans leurs cheminements. Pour les situations les plus complexes, et à la demande du Juge des affaires familiales, nous faisons recours à une approche que nous avons développé, qui est la « médiation thérapeutique » : la mère, le père, les enfants et d’autres membres de la famille, présentant parfois des liens pathologiques qui les ont conduits à des conflits allant jusqu’aux violences (psychologique et ou physique), peuvent ainsi se rencontrer.

Le fil conducteur de nos pratiques est d’essayer d’apaiser les relations, entre citoyens, entre les membres d’une famille, et entre citoyens et institutions, et ce dans le seul objectif d’aboutir à une réparation symbolique, morale et/ou financière. Donc, quand bien même nous sommes une association qui agit principalement dans l’aide aux victimes, nous nous adressons aussi aux auteurs d’agres­sions pour rapprocher la justice des justiciables. C’est pourquoi, il est légitime que l’association SOS France Victimes 67 se soit posi­tionnée pour être porteuse des mesures de justice restaurative, car l’existence de cette disposition au niveau de la loi, vient compléter l’arsenal judiciaire, et par conséquent nos prestations. Aussi en tant qu’association d’aide aux victimes, nous nous devons de mettre à disposition des victimes les différents dispositifs existants, et de les accompagner si elles souhaitent s’en saisir.

Comment la mesure de justice restaurative pourra-t-elle être un outil complémentaire pour aider la victime ?

Diane Boszormenyi : Les victimes peuvent parfois ressentir toutes les démarches entreprises comme une double peine : porter plainte, faire appel à un avocat, établir un dossier auprès de l’assurance, suivre une psychothérapie... Elles ont quelquefois le sentiment qu’elles font des efforts constants, contrairement à l’auteur des faits (qui disposera automatiquement d’un avocat commis d’office). L’intérêt de la justice restaurative est de travailler en parallèle en accompagnant les deux parties. Ceci évite que l’un avance, et l’autre reste au point de départ.

Ce nouveau dispositif de justice restaurative complète aussi les suites de la médiation pénale, qui est proposée par le procureur lorsqu’il ne souhaite pas poursuivre l’instruction, mais qui estime que la médiation pourra permettre une résolution du dossier (notam­ment dans les cas de violence sans ITT, ou les menaces). Certes, la médiation n’est pas obligatoire, et l’une des deux parties peut la refuser. Dans ce cas, le procureur se réserve le droit de pour­suivre l’instruction devant la juridiction. Et ceci, bien que la victime souhaite le plus souvent une réparation morale et psychologique (des excuses) et non un dédommagement financier. La justice restaurative n’est pas complémentaire des médiations pénales, car elle ne vise pas les mêmes infractions et n’est pas effectuée à la demande d’un magistrat. Nous avons un service de soutien psychologique au sein de notre association, mais la JR vient en complément dans ce travail de reconstruction.

Faouzia Sahraoui : il convient de dire que, dans certains cas, l’approche proposée par la justice restaurative vient compléter les limites de certains dispositifs. Cette approche donne plus de place aux personnes concernées, leur laisse le temps de travail­ler sur elles-mêmes et d’avancer à leur rythme sans « épée de Damoclès ! ». La dimension inclusive et humanisante de la justice restaurative, les interactions « auteur-victime-groupe » facilitent le travail psychologique, car en synergie, la parole circule entre des personnes qui ont vécu des épreuves similaires, dans des situations non similaires. En tout cas, à mon sens, le process de la justice restaurative facilite l’émergence et l’expression de sentiments re­foulés, tels que la honte, la peur, la culpabilité, chez l’auteur comme chez la victime. De fait, la justice restaurative pourrait constituer une ré-humanisation réciproque auteur/victime, et un espoir de réparation globale.

Comment va s’organiser la mise en place de ce dis­positif de Justice Restaurative au sein de SOS France Victimes 67 ?

Faouzia Sahraoui : Quatre salariés de SOS France Victimes 67 (ils sont juristes et médiateurs) ont été formés à la justice restaurative, et ont le statut d’animateur de justice restaurative. En complément, une psychologue a également suivi cette formation, mais elle ne participera pas aux groupes de rencontre auteurs-victimes : elle sera en appui, pour permettre un débriefing avec les membres du groupe, en cas de besoin. Des membres de la communauté, qui représenteront la société civile, sont en cours de formation, et des recrutements sont encore possibles. Ces représentants de la société civile sont des citoyens de tous profils (salariés, entrepreneurs, ac­tifs ou retraités, oeuvrant dans tous les secteurs d’activités). Leurs seuls prérequis : être motivé, disponible, en capacité d’écouter, de respecter le cadre exigé et de soutenir les participants. Ils passeront toutefois un contrôle de probité. Leur rôle ? Entourer les personnes impliquées, les mettre à l’aise, les apaiser, créer du lien et gérer les moments de convivialité. Ainsi, les parties concernées pourraient s’identifier, leur fiction aidant ! Ces citoyens seront présents lors des rencontres de groupes auteurs-victimes, mais ne participeront pas aux entretiens de préparation.

Diane Boszormenyi : Deux mesures de justice restaurative vont être mises en place dans le cadre de la convention signée sur le ressort du Tribunal Judiciaire de Saverne (il existe en réalité d’autres types de mesures de justice restaurative, qui ne seront pour l’instant pas mises en place sur notre ressort). La première, la rencontre détenus-condamnés-victimes se déroule en groupe, constitué de plusieurs victimes et auteurs de faits, encadrés par deux animateurs formés à la justice restaurative. Dans ce cas, les temps de préparation se réalisent par le biais de trois entretiens individuels par participant, suivis d’un entretien avec toutes les victimes ensemble, et avec tous les auteurs des faits ensemble. Ensuite seulement, les rencontres auteurs-victimes auront lieu. Il y aura cinq rencontres plénières avec les auteurs, victimes, citoyens et animateurs, étalées sur cinq semaines, puis une rencontre-bilan, deux mois après la fin des rencontres plénières.

La deuxième mesure proposée par la JR, consiste en la rencontre de la victime avec son agresseur, uniquement en duo. Dans ce cas, le temps de préparation est plus long : le nombre d’entretiens de préparation dépend des besoins du participant. En moyenne, cinq entretiens individuels sont organisés avant la rencontre des deux parties, qui sera encadrée par un animateur formé à la JR.

Il faut prendre conscience que la démarche est longue : elle se déroule sur plusieurs mois.

De quel financement bénéficiez-vous pour ce travail chronophage ?

Faouzia Sahraoui : Nous avons obtenu un financement via la Cour d’Appel de Colmar pour la formation spécifique d’animateur de justice restaurative. Et nous avons l’espoir qu’avec la signature de la convention avec les chefs de juridiction de Saverne, le Ministère de la Justice via notre Cour d’Appel débloquera un budget pour cette expérimentation dans le Bas-Rhin.

Comment allez-vous identifier les victimes qui seraient intéressées par cette mesure ?

Faouzia Sahraoui : Les entretiens avec la victime et l’auteur per­mettront d’évaluer si les demandes correspondent aux attentes de l’un et de l’autre, et aussi s’ils concordent avec ce que le dispositif de justice restaurative peut leur offrir. Dans le cas contraire, il sera mis fin à la mesure : nous avons une obligation de moyens et non de résultats. Si les parties y adhèrent, une préparation sera faite avec ces dernières, afin qu’elles puissent participer à la rencontre.

Actuellement, nous avons des demandes de participation, pour les deux mesures (une rencontre de victime avec son agresseur, et une rencontre en groupe : victimes avec des auteurs de faits apparentés aux agressions subies).

Quelles difficultés avez-vous identifiées, pour la mise en pratique de la Justice Restaurative ?

Diane Boszormenyi : La temporalité ! Il faut un certain temps pour trouver le nombre de personnes adéquates, des auteurs et des victimes concernées par les mêmes faits d’agression, pour ainsi pouvoir constituer un groupe. Lorsque nous accueillons des vic­times, nous les informons sur le dispositif de justice restaurative. Mais nous avons néanmoins constaté qu’en début de procédure, cette option n’est pas toujours entendable par la victime, notam­ment lorsqu’elle est dépassée par la situation traumatisante et les démarches administratives et judiciaires à réaliser.

Donc, nous faisons du phoning, en recontactant les victimes que nous avions accompagnées il y a un certain temps. Nous sollici­tons les institutions partenaires pour trouver des auteurs de faits. En parallèle, la police nationale et la gendarmerie, qui ont aussi des référents en justice restaurative, peuvent également orienter les personnes vers nous. Et enfin, à la suite de la diffusion du film au cinéma, en avril dernier : « Je verrai toujours vos visages », quelques victimes nous ont contacté pour demander à participer à une mesure de justice restaurative. Il est important de préciser que la demande de JR peut se faire même sans effectuer de dépôt de plainte. Il faut toutefois informer le procureur de la juridiction qu’une mesure de JR est demandée dans cette affaire, mais nous accompagnons les victimes dans cette démarche.

L’autre difficulté réside dans le fait que les deux animateurs doivent être parfaitement coordonnés en termes de timing.

Combien de personnes pensez-vous pouvoir accompa­gner dans cette démarche, sur les 12 prochains mois ?

Diane Boszormenyi : Nous avons déjà échangé avec plusieurs victimes et auteurs, et nous disposons de suffisamment d’auteurs pour organiser une rencontre de groupe, mais pas encore de vic­times pour les mêmes faits. Nous avons également deux nouvelles demandes de victimes souhaitant rencontrer leurs agresseurs, dans le cadre de violence conjugale, et six demandes individuelles en attente depuis l’an dernier. Nous sommes prêts à démarrer l’ex­périmentation de justice restaurative.

Faouzia Sahraoui : Oui ! je peux affirmer que nous sommes prêts, et que tous les ingrédients sont là pour la réussite de ce dispositif, à savoir : la volonté de la juridiction de Saverne, l’excellent travail fait par les agents du SPIP et de SOS France Victimes 67, ces deux dernières années. Le soutien de la PJJ et l’implication de nouveaux partenaires comme le SCJE, Thémis et le Barreau de Saverne, me permettent de dire que nous sommes tous engagés et prêts à mettre en oeuvre ce dispositif, au profit des justiciables.

Les partenaires sont essentiels dans la réussite de ce projet (liste des partenaires : voir encadré précédent).

Les institutions partenaires

Le Tribunal de Saverne :

Françoise Decottignies, Présidente du tribunal judiciaire de Saverne. Aline Clérot, Procureure de la République.

Institut de Justice Restaurative :

Depuis 2018, l’Institut Français de Justice Restaurative (IFJR) effectue, avec le soutien du Ministère de la justice, ses actions d’accompagnement sur les territoires du Sud-Est, du Nord-Est, du Sud-Ouest et de l’Île de la Réunion via quatre antennes. L’IFJR a pour missions de prendre attache avec l’ensemble des juridictions, services de l’administration pénitentiaire, de contrôle judiciaire et de la protection judiciaire de la jeunesse, et les associations d’aide aux victimes, afin de réaliser un bilan de leurs besoins et de leurs attentes en matière de développement de programmes de justice restaurative, qu’ils soient ou non impliqués dans un programme de JR. Et sur cette base, de conduire toute action de sensibilisation, de conception de programmes et de supervision technique de l’animation de ces mesures, susceptible d’appuyer les actions de ces structures.

Association SOS France Victimes 67 :

L’association départementale, agréée par le Ministère de la Jus­tice, dont le siège social est à Strasbourg, est présente sur le ressort du tribunal de Saverne depuis 2007. Elle a une délégation de mission publique, et intervient souvent dans le cadre d’une aide à la décision des magistrats. Elle compte 40 salariés et 24 bénévoles qui sont formés et supervisés. L’association oeuvre depuis bientôt 40 ans, dans les domaines de l’aide aux victimes, l’accès au droit et la médiation dans le département du Bas-Rhin. L’objet statutaire de l’association précise : « agir ensemble pour construire la paix et la cohésion sociale. Cet objet peut être mis en oeuvre par toute forme de réflexions, de propositions et d’actions tels la médiation, l’aide aux victimes, l’accès au droit, le soutien à la parentalité, la formation et l’action sur le cadre de vie et ce, spécifiquement sur le mode de la proximité, ainsi que toute autre action que le Conseil d’Administration jugerait utile de mettre en oeuvre. »

SOS France Victimes 67 : 15 rue Schulmeister, 67100 Strasbourg, tél 03 88 79 79 30, courriel : secretariat@sosfrancevictimes67. org, site internet : www.sosfrancevictimes67.org

Les Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (SPIP) :

Les Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation sont des services déconcentrés à l’échelle départementale de l’adminis­tration pénitentiaire française chargés d’assurer le contrôle et le suivi des personnes placées sous main de justice en milieu ouvert ainsi qu’en milieu fermé. Les SPIP contribuent à la prévention de la récidive et favorisent la réinsertion des personnes condamnées en concourant à l’individualisation des peines privatives de liberté et à la préparation des décisions de justice à caractère pénal. Parmi les personnes placées sous main de justice (PPSMJ), on distingue, d’un côté, les condamnés et les prévenus en milieu fermé, et, de l’autre, les probationnaires en milieu ouvert. Dans le cadre de la convention de justice restaurative, les SPIP pro-poseront les délinquants majeurs.

La Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (DPJJ) :

La Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse est l’une des directions du Ministère de la Justice français. Elle est chargée de l’ensemble des questions relatives à la justice des mineurs, notamment de l’accompagnement de l’enfance délinquante. Dans le cadre de la convention de justice restaurative, la Direc-tion territoriale Alsace de la PJJ sera chargée de proposer des délinquants mineurs.

Le Service de Contrôle Judiciaire et d’Enquêtes (SCJE) :

Le Service de Contrôle Judiciaire et d’Enquêtes, créé en 2001, intervient sur le territoire métropolitain et en outre-mer. Il propose un éventail d’actions visant à participer tant à l’individualisation de la décision de justice, qu’à la prévention de la délinquance et la récidive. Le SCJE dispose d’une équipe professionnelle, pluridisciplinaire, dynamique et réactive composée de juristes, de travailleurs sociaux et de psychologues dans l’optique d’apporter une prise en charge globale et adaptée.

THEMIS :

Créée en 1990, Themis est une association d’accès au droit pour les enfants et les jeunes. Lieu d’accueil de la parole et d’infor-mation juridique ouvert à chacun et chacune d’entre eux, ses équipes pluridisciplinaires y interviennent sur des thématiques variées telles que le droit pénal, le droit de la famille, le droit des étrangers, le droit du travail, les discriminations, mais également dans tous les domaines qui font le quotidien des enfants et des jeunes d’aujourd’hui.

Le Barreau de Saverne :

L’Ordre des avocats de Saverne regroupe l’ensemble des avocats inscrits auprès du Tribunal Judiciaire de Saverne. Dans le cadre de la convention de justice restaurative, les avocats pourront promou-voir cette mesure, auprès des victimes et des agresseurs. L’idée étant d’aller au-delà d’une indemnisation financière uniquement.

Quelques références légales

- Un décret du 21 décembre 2020 précise la mise en oeuvre de la justice restaurative, désormais codifiée aux articles D1-1-1 du code de procédure pénale, sous le titre « Chapitre Ier bis de la justice restaurative » : elle peut être proposée par le procureur de la République ou le délégué du procureur de la République, lors de la mise en oeuvre d’une alternative aux poursuites ou d’une composition pénale, à tout moment de la procédure ; par le juge d’instruction, à tout moment de l’information ; par le président de la juridiction de jugement, à tout moment de l’audience et après avoir rendu la décision sur l’action publique et sur l’action civile, par le juge de l’application des peines.

– Dans l’article 18 de la loi du 15 août 2014, la loi française in­troduit la notion de justice restaurative : « Art. 10-1. À l’occasion de toute procédure pénale et à tous les stades de la procédure, y compris lors de l’exécution de la peine, la victime et l’auteur d’une infraction, sous réserve que les faits aient été reconnus, peuvent se voir proposer une mesure de justice restaurative. »

- Constitue une mesure de justice restaurative toute mesure permettant à une victime ainsi qu’à l’auteur d’une infraction de participer activement à la résolution des difficultés résultant de l’infraction, et notamment à la réparation des préjudices de toute nature résultant de sa commission. Cette mesure ne peut intervenir qu’après que la victime et l’auteur de l’infraction aient reçu une information complète à son sujet et aient consenti expressément à y participer. Elle est mise en oeuvre par un tiers indépendant formé à cet effet, sous le contrôle de l’auto­rité judiciaire ou, à la demande de celle-ci, de l’administration pénitentiaire. Elle est confidentielle, sauf accord contraire des parties et excepté les cas où un intérêt supérieur lié à la né­cessité de prévenir ou de réprimer des infractions justifie que des informations relatives au déroulement de la mesure soient portées à la connaissance du procureur de la République. »

CH. BE.