Dossier Paru le 28 novembre 2023
HARCÈLEMENT EN MILIEU SCOLAIRE

Nouvelle mesure pour mieux prendre connaissance des élèves harcelés

Le décret n° 2023-1027 du 7 novembre 2023 relatif à la mise en oeuvre d’un traitement de données à caractère personnel dénommé « Enquête harcèlement » (JO, 8 nov.) est à saluer car il a adopté une nouvelle mesure préventive très efficace. Le soutien à tous les enfants mineurs, ainsi qu’à l’ensemble des victimes est effectivement au coeur de nombreuses réformes, ainsi que plus particulièrement l’aide à leur apporter quand ils sont victimes de harcèlement dans le milieu scolaire.

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Toutes les formes de harcèlement sont condamnables puisqu’elles ont de lourdes retombées sur les personnes harcelées, néanmoins pour les enfants qui sont à l’école c’est très grave car cela les em­pêche de bien grandir et ils risquent de souffrir de déscolarisation quand ils sont insultés, menacés, battus, bousculés ou reçoivent des messages injurieux à répétition.

Le harcèlement est une violence qui peut avoir des conséquences graves et multiples sur les victimes. Il est défini comme une violence répétée qui peut être verbale, physique ou psychologique et cette forme de violence est malheureusement assez fréquente en milieu scolaire. Elle est alors le fait d’un ou plusieurs élèves à l’encontre d’une victime qui ne parvient pas à se défendre. On note dans les textes récents que la prévention et la lutte contre le harcèlement à l’école sont une priorité car les élèves en souffrent trop (I). Pour bien les aider il faut se féliciter de la publication du décret du 7 novembre 2023 qui a mis en place un nouveau protocole d’actions contre le harcèlement scolaire, afin de renforcer les modes de lutte (II).

I - Rappel de la situation actuelle du harcèlement scolaire

Le harcèlement scolaire découle de l’attitude d’un ou plusieurs élèves à l’encontre d’une victime qui ne parvient pas à se défendre. Il s’agit d’une violence répétée, continue, sur une longue période, par une personne ou un groupe de personnes à l’égard d’une autre. Il est relevé qu’en France, environ un élève sur dix subit ce genre de violences au quotidien avec des séquelles et conséquences telles que lésions, marques corporelles issues de bagarres ou de jeux dangereux, mais aussi de manière moins visible des difficultés de concentration, des problèmes de sommeil, voire une estime de soi qui s’affaiblit. Ces actes répétés de violences physiques, verbales, ou psychologiques rendent l’élève, le collégien ou le lycéen ciblés vulnérables et les isolent. Les attaques dont ils souffrent peuvent être verbales (menaces, railleries, taquineries et sobriquets), physiques (pincements, coups), ou psychologiques (grimaces, gestes obscènes). Cette forme de harcèlement peut avoir lieu à la fois à l’intérieur de l’établissement scolaire (salle de classe, cour de récréation, cantine, voire couloir) et à l’extérieur (dans la rue ou lors des transports et d’activités sportives). En outre, elle peut se dérouler non seulement dans des espaces physiques mais aussi des espaces virtuels (sur les réseaux sociaux ou par sms). Le fait d’être victime ou auteur de harcèlement entre élèves peut être à l’origine de difficultés scolaires, d’absentéisme, voire de décrochage, mais aussi engendrer de la violence ou des troubles de l’équilibre psychologique et émotionnel. Cela peut conduire à des crises de dépressions graves pour celui qui en est victime, le menant parfois jusqu’au suicide. Il est parfois question de déscolarisation, mais aussi de désocialisation liée à son anxiété ou à sa dépression. 

Pour soutenir les enfants, le ministère chargé de l’Éducation nationale a arrêté un ensemble de mesures afin de combattre toutes les formes de harcèlement entre élèves. En conséquence, le Gouvernement qui tient énormément compte des différentes vio­lences subies par les jeunes victimes s’est déjà attaché plusieurs fois à la lutte contre le harcèlement scolaire. En vue d’aider les élèves à suivre les cours et d’améliorer leur prise en charge, la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013, d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République (JO, 9 juill. 2013) avait déjà abordé la question du harcèlement en milieu scolaire, puis la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance (JO, 28 juill.) est intervenue en ce domaine afin de modifier l’article L. 511-3-1 du Code de l’éducation. Elle a tenté de mettre ainsi fin au harcèlement entre élèves quand on dénote un comportement dégradant de certains d’entre eux à l’égard de leurs camarades de classe.

Ensuite c’est la loi n° 2022-299 du 2 mars 2022, visant à combattre le harcèlement scolaire qui a relevé que les élèves auteurs de ce harcèlement sont auteurs d’un délit et qu’ils doivent être sanction­nés, y compris lorsque les élèves ont quitté l’école. Il fallait aussi que des aides soient apportées au personnel chargé de gérer leur éducation et précisément la loi du 2 mars 2022 mentionne qu’il est essentiel que tous soient préparés à ce type de drames et bien formés pour soutenir les élèves, mais aussi signaler les violences repérées à l’école ou contre les écoliers.

Tout cela permet de lutter contre ces formes de harcèlement, ainsi que contre le cyberharcèlement car beaucoup d’élèves vont sur internet et utilisent des réseaux sociaux mais certains d’entre eux y sont malmenés. En effet, si les médias numériques, et en particulier les médias sociaux, offrent aux élèves de nombreuses opportunités d’expression, de collaboration et d’accès à la culture et à la connaissance, ils présentent également des risques qu’il ne faut pas sous-estimer et pour lesquels il est indispensable que les professionnels du milieu scolaire apportent des éclairages et des réponses.

Pour aller encore plus loin le décret n° 2023 du 16 août 2023, relatif au respect des principes de la République et à la protection des élèves dans les établissements scolaires relevant du ministre chargé de l’Éducation nationale a été publié (I. Corpart, Allons à l’école. Nouvelle protection des élèves, Les Affiches d’Alsace et de Lorraine, n° 69/70, 29 août/1er septembre 2023, p. 4). Ce décret a eu pour objectif de renforcer les dispositifs de sanction des auteurs de ces violences en notant que l’élève auteur peut désormais être affecté dans une autre école afin que la sécurité et la santé des autres élèves soient rétablies. Cela permet de séparer les enfants harceleurs et les enfants harcelés, sachant que ce changement d’école ne repose toutefois pas sur le consentement de ses pa­rents, parce qu’il faut simplement que le responsable de l’école demande au maire de procéder à la radiation de l’élève harceleur de son établissement scolaire (C. éduc., art. R. 411-11-1). L’auteur des violences entrant dans une nouvelle école, il a alors été prévu d’organiser son suivi pédagogique et éducatif jusqu’à la fin de l’année scolaire pour éviter qu’il ne soit à nouveau repéré en tant qu’harceleur et surtout qu’il y ait de nouvelles victimes.

II – Nouveau renforcement des modes de lutte contre le harcèlement scolaire

Grâce au décret n° 2023-1027 du 7 novembre 2023 relatif à la mise en œuvre d’un traitement de données à caractère personnel dénommé « Enquête harcèlement », les jeunes gens harcelés peuvent être mieux soutenus car une détection précoce des situations de harcèlement est mise en place dans le but d’empêcher leur dégradation et de permettre leur résolution.

L’objectif était de tenter de prévenir l’apparition de situations de harcèlement et de faire le nécessaire pour que leur détection par la communauté éducative soit bien en place parce que cela permet d’y apporter une réponse rapide et coordonnée.

Il fallait apporter de meilleurs soutiens aux élèves harcelés en milieu scolaire pour bien les accompagner et pour prévenir ces formes de violences en repérant le plus vite possible les enfants malmenés. Assurément, prévenir, repérer et résoudre le plus tôt possible les situations de harcèlement permet aux élèves harcelés de poursuivre leur scolarité dans de meilleures conditions.

Pour mettre en place un protocole d’actions efficaces contre le harcèlement des élèves, le décret du 7 novembre 2023 a prévu que les élèves du CE2 à la terminale des écoles, collèges et lycées publics soient invités, au moins une fois par an, à renseigner un questionnaire non nominatif. Cette grille à remplir est à adapter à chaque tranche d’âge en vue d’améliorer la connaissance des situations de harcèlement scolaire. Grâce à ce questionnaire, les directeurs d’école et les chefs d’établissements accueillant les élèves vont pouvoir adopter des mesures afin de prévenir ces tristes situations. Un enseignant, sous la responsabilité du directeur d’école ou du chef d’établissement, devra examiner ces textes et en tirer des conséquences.

Grâce à cette nouvelle réforme, les élèves du CE2, puis des col­lèges et lycées vont avoir à remplir une grille d’auto-évaluation non nominative visant à évaluer s’ils sont susceptibles d’être victimes de harcèlement scolaire, au moins une fois par année scolaire. Ce questionnaire non nominatif permet ainsi d’évaluer s’ils sont susceptibles d’être victimes de harcèlement en milieu scolaire ou de cyberharcèlement et cela permet à la communauté éducative d’être mieux mobilisée en ce domaine en vue de lutter efficacement contre le harcèlement en milieu scolaire. Il est essentiel de détecter au plus vite ces formes de violences et repérer leurs auteurs dans le but de mettre en place des mesures permettant de soutenir les enfants présents au sein de l’établissement scolaire.

Recueillir les témoignages des élèves quant aux faits susceptibles d’être qualifiés de harcèlement scolaire dont ils pourraient être victimes permet assurément de mesurer l’ampleur des faits suscep­tibles d’être qualifiés de harcèlement scolaire. Il est effectivement essentiel d’impliquer les élèves et de leur donner la parole, sans oublier d’associer leurs parents.

Assurément, tout doit être fait pour bien soutenir les jeunes élèves. Pour ce faire, il ne faut pas omettre de bien accueillir l’élève victime et les témoins, de repérer l’auteur, de rencontrer les parents de la victime, et d’améliorer le suivi du dossier au sein de l’établissement, en sollicitant si nécessaire des référents académiques ou dépar­tementaux en charge du harcèlement, ainsi que les personnels de l’Éducation nationale, sans oublier de faire des signalements de ces violences. Il est essentiel que les situations de harcèlement en milieu scolaire disparaissent car cela évitera de faire des élèves des victimes très traumatisées. Il faut certes bien protéger les mineurs, mais pas seulement durant leur vie en famille car on relève qu’ils peuvent aussi beaucoup souffrir durant le temps scolaire. Imposer aux enfants d’aller à l’école ne doit pas nuire à leur vécu.

Tous les modes de lutte contre les violences sont à développer car éviter ces éléments perturbateurs et sanctionner les harceleurs, permet de mieux faire grandir les enfants et d’améliorer leur scolari­sation en évitant les graves conséquences que cela peut engendrer sur leur santé et leur développement. Ils souffrent d’autant plus qu’à l’école ils ne sont pas aux côtés de leurs parents et que du coup, ils se retrouvent tout seuls face aux harceleurs, sauf si les professionnels leur apportent des soutiens efficaces.

Il est effectivement important que les établissements scolaires veillent à la sécurisation des écoliers, collégiens et lycéens. Ils peuvent précisément protéger leurs élèves en mettant l’accent sur la détection des situations de harcèlement, ce qui constitue une mesure de prévention car ils ont intérêt d’adopter des mesures préventives. Dans chaque école, collège ou lycée, il est désormais possible de mesurer l’ampleur de ce phénomène de harcèlement et d’y apporter une réponse adaptée aux besoins des enfants placés en milieu scolaire durant une grande partie de la semaine et privés de contacts avec leur famille.

Grâce à toutes ces réformes, la place des élèves à l’école s’est assurément améliorée (point qui peut être constaté en allant sur le site « Agir contre le harcèlement à l’École » ; http://www.agircon­treleharcelementalecole.gouv.fr/) car l’attitude de certains de leurs camarades est sanctionnée. Par ailleurs des aides ont également été apportées au personnel chargé de gérer leur éducation et de séparer au plus vite les enfants harceleurs et les enfants harcelés.

Il est important de rappeler aussi qu’une journée nationale de lutte contre le harcèlement est mise en place chaque année le premier jeudi qui suit les vacances scolaires de la Toussaint, à savoir cette année le 9 novembre 2023. Elle permet de mobiliser l’ensemble de la communauté éducative, laquelle est désormais sensibilisée, ainsi que tous les partenaires institutionnels et associatifs du milieu scolaire, en mettant en place un climat scolaire plus serein.

Instaurer des dispositifs de repérage et de signalement à destina­tion des équipes ainsi que des protocoles de prise en charge des victimes à destination des élèves, des parents et des personnels fait partie des avancées de ces dernières années sur la lutte contre le harcèlement scolaire. Désormais la lutte contre toutes les formes de harcèlement constitue une priorité pour chaque établissement d’enseignement scolaire car cela permet d’assurer la sécurité et la sérénité des jeunes gens en classe et de les rassurer.

Isabelle CORPART, Maître de conférences HDR, émérite en droit privé à l’Université de Haute Alsace