Dossier Paru le 13 février 2024
TRIBUNAL JUDICIAIRE

L’audience solennelle de rentrée à Strasbourg

L’audience solennelle de janvier est toujours un moment fort pour une juridiction, elle l’était d’autant plus qu’elle a été l’occasion de l’installation du nouveau Président Monsieur Philippe Babo.

Monsieur le Président Philippe Babo

Comme il est de coutume, l’audience solennelle a été présidée tout d’abord par Monsieur Frédéric Mauche, Premier Vice-Président doyen. Après les salutations d’usage à l’ensemble des représentants des instances politiques, administratives, associatives et religieuses, Monsieur Mauche a tout d’abord accueilli Madame Sandrine Comment, Directrice de greffe par intérim, dans ses nouvelles fonctions en tant que juge du Livre Foncier. Le Premier Vice-Président ainsi que Madame le procureur Yolande Renzi n’ont pas manqué de remercier Madame Comment pour la qualité de son travail à la direction du Greffe.

Après cette première installation, Madame le procureur a donc présenté à l’assemblée le nouveau président du tribunal judiciaire en des propos fort élogieux. Comme elle l’a souligné, Monsieur Babo connaît bien les missions d’un président de tribunal judiciaire puisqu’il a été président du tribunal judiciaire de Belfort et, depuis 2017, président du tribunal judiciaire de Mulhouse.

C’est d’ailleurs à ce titre que Madame Renzi a pu déjà le rencontrer et travailler avec lui ces dernières années.

Pour ses propos de bienvenue, elle a souhaité présenter rapidement la juridiction « la plus importante du Grand Est »

Comme elle l’a souvent souligné, ce ressort a un positionnement transfrontalier qui l’amène à travailler avec les autorités du Land de Bade-Wurtemberg. Rappelons qu’il a été créé l’an dernier un point d’accès au droit transfrontalier, unique en Europe.

Strasbourg étant siège de nombreuses institutions nationales et européennes, la juridiction de Strasbourg est juridiction référente de la CEPEJ (Commission européenne pour l’efficacité de la justice).

Le tribunal peut s’appuyer également sur un barreau composé de près de 1200 avocats, ce qui en fait le 6ème barreau de France et des représentants du barreau, attachés à tisser des relations professionnelles fortes avec les chefs de juridiction et l’ensemble des magistrats.

Elle termine ses premières réquisitions par ces propos : « Je me réjouis véritablement de votre arrivée et je vous adresse tant en mon nom personnel qu’au nom de mon parquet, mes voeux les plus chaleureux de réussite et d’une parfaite adaptation en ce ressort Bas-Rhinois. »

À la suite de l’installation de Monsieur Philippe Babo, Madame le procureur a souhaité souligner les actions menées par le Parquet permettant pour elle « la prise en compte de certaines catégories de justiciables afin que la réponse pénale apportée demeure la plus adaptée possible, la plus individualisée possible. »

Madame Yolande Renzi a évoqué tout d’abord la mise en place effective du COLDEN (Comité opérationnel de lutte contre la dé­linquance environnementale). Ce comité présidé par le Parquet de Strasbourg, siège du pôle régional de l’environnement, permet de fédérer de nombreux services pour lutter plus efficacement contre une délinquance multiple.

Un autre élément important de l’action du parquet est le travail mené en matière d’accompagnement des victimes d’infractions pénales. Comme elle le souligne : « Le parcours d’une victime dans le processus judiciaire, lequel débute dans les services d’enquête, peut en effet être perçu comme rajoutant de la souffrance à celle résultant des faits subis. »

Il est donc indispensable à ses yeux de mettre en place des pro­cédures permettant de sécuriser et accompagner le recueil de la parole des victimes. C’est bien dans ce cadre qu’une convention d’accompagnement des victimes par un chien d’assistance judi­ciaire a été signée dès juillet 2021 et que la présence de cet animal permet aux victimes de mieux verbaliser leurs traumatismes.

Après avoir montré l’intérêt de ce dispositif, deux autres conventions ont été signées, l’une en juillet 2023 avec Viaduq67 et le Barreau de Strasbourg relative à un programme d’accompagnement des victimes vulnérables (victimes de violences intrafamiliales par exemple) et la seconde en novembre dernier avec les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg pour une meilleure coordination des actions en faisant de la structure hospitalière une porte d’entrée de la protection des victimes.

Dans ce domaine, Madame le procureur souhaite mettre en place en 2024 une Unité d’Accueil Pédiatrique Enfants en Danger (UAPED). Même si, souligne-t-elle, des espaces spécifiques existent déjà, il faut décloisonner les différents services intervenants permettant d’assurer un lieu où le soin, les nécessités de la procédure pénale et la protection du mineur pourront être assurés dans les meilleures conditions.

Pour Madame Renzi, parler de l’année qui s’ouvre, c’est aussi évoquer le Parquet qui est au coeur de l’activité pénale.

L’évolution de notre société mais aussi de la violence sous toutes ses formes, la charge incombant aux magistrats qui doivent traiter cette violence au quotidien, imposent, une nécessaire évolution du statut des magistrats du Parquet visant à les rendre plus indé­pendants vis-à-vis du pouvoir politique, « gage d’une confiance améliorée de nos concitoyens dans le fonctionnement de la Jus­tice. » Comme d’autres procureurs, elle souhaite que la constitution évolue en ce sens.

En matière de ressources humaines, si Madame le procureur a évoqué l’arrivée de renforts d’ici 2027 qui permettra d’avoir 3 ma­gistrats supplémentaires, elle a surtout insisté sur la présence dès maintenant d’une équipe présente autour des magistrats. Cette équipe de bientôt 6 personnes composée de juristes assistants permet d’aider les magistrats en amont de leur prise de décision. Ces renforts immédiats permettent de soulager une activité com­pliquée et tendue pour le Parquet de Strasbourg.

À ce sujet, Madame Renzi remercie l’ensemble du Parquet pour leur implication et la qualité de leur travail afin de « résister aux sirènes de la facilité entre classement et poursuites pénales, de continuer à individualiser au mieux vos réponses, à diriger la po­lice judiciaire avec conviction et discernement, à accepter cette révolution culturelle qu’est la PPN avec ses résultats pas toujours à la hauteur de nos attentes ».

Elle termine ses réquisitions par cette citation : « Gandhi ne di­sait-il pas « La différence entre le possible et l’impossible c’est la détermination ! ». Nul doute que cette citation éclairera le travail du parquet pour cette nouvelle année.

Pour son premier discours dans sa nouvelle juridiction, le président Philippe Babo a souhaité tout d’abord exprimer sa joie et sa recon­naissance aux autorités qui lui permettent aujourd’hui de prendre ses nouvelles fonctions au sein de ce tribunal.

Au travers de ses souvenirs d’étudiant à la faculté de droit de Strasbourg et de son parcours professionnel, le président a voulu rendre hommage à la fois à sa famille mais aussi à toutes les per­sonnes rencontrées.

Après s’être réjoui des perspectives de collaboration avec Madame le procureur puisque « nos premiers échanges augurent de rela­tions apaisées et empreintes de confiance, guidées par l’intérêt commun du justiciable et de la juridiction, dont nous assumons désormais la gestion, en lien avec Monsieur le directeur de greffe par intérim, dans le dialogue, la concertation et le respect de nos attributions respectives. », il a souhaité remercier son prédécesseur Monsieur Thierry Ghera sur le fonctionnement et le rayonnement de la juridiction.

Monsieur Babo s’est ensuite réjoui de sa collaboration avec l’en­semble des personnels de ce tribunal. Pour les magistrats, il s’est présenté comme « un président exigeant et disponible, qui sera toujours à votre écoute et soucieux de faciliter l’exercice de vos fonctions respectives, afin de vous permettre de rendre une justice de qualité dans des délais les plus raisonnables possibles. »

Il a eu également un mot pour l’ensemble des acteurs de la chaine judiciaire et leur a assuré de son investissement personnel « en vue d’une coopération fructueuse, pour le bien commun du service public de la justice et dans le respect des fonctions de chacun. »

Tout en connaissant les difficultés rencontrées et les efforts produits par tous sur cette juridiction, il se réjouit de la réforme budgétaire annoncée permettant d’imaginer la création de 5 postes de ma­gistrats entre 2025 et 2027 ainsi que les postes de greffiers qui les accompagnent.

Pour le président, l’année nouvelle amène également de nouveaux défis à relever.

 Tout d’abord, les deux nouveaux modes amiables de règlement des litiges que sont l’audience de règlement amiable et la césure du procès civil. Procédures qui s’ajoutent à celle existantes comme la conciliation, la médiation ou la procédure participative.

Pour rappel, l’audience de règlement amiable, concerne les affaires relevant de la procédure écrite ordinaire et doit permettre à un juge, distinct de celui saisi du litige, de conduire les parties à trouver une solution amiable à leur conflit.

Pour la césure du procès civil, elle a pour objet de donner la possibilité aux parties de solliciter un jugement tranchant uniquement le nœud du litige, comme la question de la responsabilité, et de leur permettre ensuite de résoudre les points subséquents, telle la question de l’indemnisation, en recourant aux modes amiables de résolution des différends de droit commun.

Il y a également la mise en place effective du pôle en matière de violences intrafamiliales, l’application de plusieurs dispositions de la loi de novembre 2023 en matière de procédure pénale. Il y a également la poursuite du déploiement de la Procédure Pénale Numérique (PPN) et enfin la préparation de la mise en ligne des décisions des tribunaux judiciaires au moyen de leur diffusion en open data.

Avant de conclure son propos, le président Philippe Babo a souhaité partager sa vision de l’institution judiciaire en soulignant les exigences auxquelles elle doit répondre.

À ses yeux, elles sont au nombre de six et « sont le gage d’une justice efficace et humaine ».

Il y a tout d’abord une exigence d’humanité, elle est indissociable de la fonction de juger mais aussi de célérité, la justice doit répondre sans précipitation mais sans retard inutile. La clarté des jugements et la sérénité du magistrat qui doit prendre de la hauteur et du recul sont également deux autres exigences. Enfin, l’impartialité et l’indépendance de la justice sont également deux éléments importants afin de garantir une justice sans parti pris et à l’abri de tous les pouvoirs.

Ainsi pour Monsieur Babo : « Bien juger ne se résume pas à écouler des stocks, mais aussi à garantir les droits des justiciables, protéger les libertés individuelles, traiter les litiges en tenant compte des situations individuelles ».

Il terminera son propos en reprenant une citation du républicain américain Dwight MORROW, souvent reprise par Jean MONNET : « Le monde est divisé en deux : ceux qui veulent être quelqu’un et ceux qui veulent réaliser quelque chose ».

Comme il l’a souligné tout au long de son discours, l’œuvre de justice est bien au cœur des préoccupations et des ambitions du nouveau président.

L’activité du tribunal judiciaire de Strasbourg pour 2023 en quelques chiffres :

En matière d’activité civile et commerciale, il y a eu 21 636 affaires nouvelles et 20 170 affaires terminées soit un taux de couverture de plus de 93%.

Concernant le contentieux général civil, il y a eu 1382 affaires nouvelles et 1 343 affaires terminées. L’âge moyen du stock est de 13.5 mois, en baisse de 2 mois par rapport à 2021. La durée moyenne d’une procédure civile est de 6.79 mois, elle était de 9.18 mois en 2021.

Concernant le pôle familial et plus particulièrement les divorces, il y a eu 1 446 affaires nouvelles, 1 564 affaires terminées et 1 116 affaires restant à juger. La durée moyenne d’une procédure est de 11.3 mois soit 4 mois de moins qu’en 2021.

Pour le pôle économique et commercial, il y a eu 811 procédures collectives ouvertes contre 366 en 2021 et 722 en 2019.

Les affaires nouvelles en contentieux général commercial représentent 813 dossiers pour 626 affaires jugées et 1388 affaires restant à juger.

En ce qui concerne le Parquet, il y a eu 15 175 affaires poursuivables, 6 714 affaires poursuivies et 4 926 mesures alternatives soit un taux de réponse pénale de 76.71%

Le nombre de jours d’audience du tribunal correctionnel est stable par rapport à 2021 mais les audiences de comparutions immédiates sont en augmentation de 3.6 %.

Pour le pôle instruction, il y a eu 272 affaires nouvelles et le stock représente 586 dossiers en 2023 contre 503 en 2021.

Le nombre de demandes d’aide juridictionnelle est en baisse avec 13 410 demandes contre 16 475 en 2021 soit une baisse de 18.6%. Le délai moyen de traitement de l’aide juridictionnelle est de 17 jours.

La Rédaction