Dossier Paru le 20 février 2024
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAVERNE

Audience solennelle de rentrée

L’audience solennelle de rentrée qui permet à la juridiction de faire le bilan de l’année écoulée a eu lieu sous les hauts plafonds de la salle Marie-Antoinette du Château des Rohan, mise à disposition par la mairie pour cette occasion, et a permis d’accueillir un public nombreux. Signe de « l’ancrage harmonieux de notre institution dans la cité » comme l’a souligné Madame la présidente Françoise Decottignies.

Madame la présidente Françoise Decottignies

Après ses mots de bienvenue et ses vœux, la parole a été donnée à Madame la procureure Aline Clérot pour ses réquisitions.

Comme elle l’a souligné d’emblée : « Le parquet de Saverne a été soumis, en 2023, à des embûches et des tiraillements organisation­nels… Il a fait face à des temps de crise médiatique exceptionnels et particulièrement mobilisants. Malgré cela, le cap a été maintenu, les projets ont abouti, les partenariats se sont renforcés. »

Après avoir rappelé l’esprit d’équipe qui unit la dyarchie au quotidien, ses remerciements sont allés à l’ensemble des personnels de greffe, des fonctionnaires et des magistrats du siège et du parquet pour leur investissement et leur implication ainsi qu’à tous les acteurs travaillant avec la juridiction.

Pour mesurer cet investissement de tous, Madame la procureure donne l’exemple du taux de réponse pénale élevé de 94% soit 5 % de plus qu’en 2019.

Au sein de la juridiction, il y a une volonté de mettre en avant les alternatives aux poursuites. Celles-ci permettent des réponses dites « qualitatives ». Pour Madame Clérot, « Le recours franc et massif aux mesures alternatives de qualité est désormais pour le parquet savernois un mode de gestion des flux assumé. Leur mise en œuvre est appréhendée comme le gage d’une justice de proximité rapide, simple et efficace, contrairement aux modes de poursuite traditionnels générateurs de temps morts procéduraux. » À ce sujet, une nouvelle alternative a été créée en 2023, il s’agit d’un stage de sensibilisation à la préservation de l’environnement.

L’importance de la proximité de la justice dans la juridiction amène le tribunal à communiquer de manière significative avec les acteurs de la vie locale. Ainsi a eu lieu la seconde réunion des maires complétée, chaque trimestre, par une lettre qui leur est dédiée.

Une des priorités pour la procureure est la lutte contre les violences intrafamiliales. Dans ce cadre, un nouveau logement d’éviction a été mis en place. Dans ce domaine, les chiffres de la délinquance sont en baisse avec 20 gardes à vue et 10 procédures de moins en 2023 par rapport à 2022.

Parallèlement à cela, le travail sur la libération de la parole des victimes est poursuivi avec la mise en place par exemple d’une convention avec la clinique St Luc. D’autres actions de sensibili­sation auprès des jeunes publics ont été organisées tout au long de l’année avec le concours des associations comme SOS France Victimes 67 et les collectivités locales ou départementales.

Pour l’année à venir, la procureure cite plusieurs initiatives qui seront mises en place comme l’organisation d’un webinaire portant sur le parquet civil dédié aux secrétariats de mairie, le développement du travail non rémunéré pour les mineurs comme alternatives aux poursuites, le renforcement de la lutte contre les atteintes sexuelles sur les enfants ou la signature d’une convention de remise des scellés aux associations caritatives. Une journée de l’expertise judiciaire et une autre sur les relations avocats-magistrats sont également à l’ordre du jour.

Sur le plan organisationnel, la mise en place de la Procédure Pé­nale Numérique (PPN) sera un élément important et demandera visiblement beaucoup de patience.

Mais pour la procureure, au-delà de toutes ces actions menées au quotidien, il apparaît dans un rapport* publié le 14 décembre dernier qu’une personne sur deux renonce parfois à sortir de chez elle pour des raisons de sécurité, et que les femmes y renoncent trois à quatre fois plus souvent que les hommes.

C’est dans ce contexte que, d’après Madame Clérot, l’institution judiciaire doit évoluer pour, tout d’abord, restaurer la confiance entre les citoyens et leur justice.

À ses yeux, la réforme du statut du ministère public est nécessaire.

En effet, les parquets dirigent plus de 99% des enquêtes pénales et l’impartialité des magistrats du parquet garantit la recherche de la vérité et le choix de réponses pénales adaptées. Il faut absolu­ment accomplir cette « séparation de l’exécutif et du judiciaire » souligné par le Président de la République devant le Congrès en juillet 2017, citation rappelée par la procureure.

Enfin, une récente résolution du Conseil de l’Europe d’octobre 2023 incite la France à procéder aux réformes constitutionnelles et législatives nécessaires pour aligner les procédures de nomination et disciplinaire des procureurs sur les procédures applicables aux juges.

Sur ce sujet, elle conclut : « Il est nécessaire d’apporter une garan­tie démocratique supplémentaire en renforçant la séparation des pouvoirs pour que, quels que soient les gouvernements, la Justice soit préservée de tout risque de politisation dans la nomination et dans le processus disciplinaire des magistrats du parquet, en particulier des procureurs de la République. »

Pour elle, un autre élément permettant de restaurer la confiance en l’institution est la mise en place de la justice restaurative.

À Saverne, en septembre dernier, une convention a été signée entre le tribunal judiciaire et ses partenaires comme l’Institut Français de la Justice restaurative, SOS France Victimes 67, le SPIP, Themis ou le SCJE. (pour plus d’informations sur la justice restaurative et cette convention, Les Affiches d’Alsace et de Lorraine N°86 du 27 octobre et N°87 du 31 octobre ou sur notre site https://www. affiches-moniteur.com/dossier)

En guise de conclusion, pour Madame la procureure, « Étonnam­ment c’est bien dans cette offre de justice nouvelle, que nous avons trouvé l’élan pour accompagner nos actions et nous convaincre qu’une justice ne vaut que si elle est tournée vers les autres. »

Dès son introduction, Madame la présidente Françoise Decottignies a souligné les difficultés que rencontre ce tribunal, comme bien d’autres, en matière de ressources humaines.

Elle note que si l’effectif de magistrats reste stable, le manque de personnel au greffe est une vraie problématique et elle déplore des réformes statutaires qui ne permettent pas d’améliorer la si­tuation d’où la grève des personnels il y a quelques mois. Pour la présidente, « Nous le redisons avec force, nous ne pouvons tra­vailler sans greffiers. »

Comme l’avait fait Madame la procureure, Madame Decottignies a vivement remercié pour son engagement et son implication au sein du tribunal Madame Blazy, directrice des services de greffe, qui rejoint en ce début d’année le tribunal administratif de Strasbourg.

Concernant l’activité du tribunal, Madame la présidente relève quelques éléments clés pour la juridiction. Elle note que la saisine du cabinet d’instruction reste importante, elle note également une augmentation des décisions des juges de l’application des peines ainsi que des procédures pénales transmises au juge des enfants. L’activité du juge des Libertés et de la Détention est importante avec près de 200 décisions rendues.

En matière civile, le tribunal a été saisi de 2 231 affaires et a rendu 2 230 décisions. En ce qui concerne les affaires familiales, là aussi on constate une hausse des décisions rendues de 8%. Le délai de traitement reste bon avec une moyenne d’un peu plus de 6 mois.

Il faut noter également que le nombre de procédures collectives a légèrement augmenté en passant de 144 à 149 procédures pour 2023. La présidente souligne que ces liquidations doivent être surveillées eu égard au nombre de salariés concernés.

En matière d’événements, outre ceux mentionnés par Madame Clérot, d’autres temps forts ont marqué la juridiction comme l’inau­guration de la salle d’audience Chantal ARENS, la participation à la Journée du Patrimoine et à la Nuit du Droit.

Madame Decottignies a également évoqué le travail effectué dans le domaine de l’amiable et des nouvelles dispositions concernant les audiences de règlement amiable. Ce dispositif vient compléter les outils déjà existants de médiation et de conciliation. Le groupe de travail mis en place aura comme mission de travailler à la fois sur le thème de la conciliation et de faire en cours d’année un premier bilan de ces audiences de règlement amiable.

Comme l’a souligné la présidente, ces différents dispositifs sont une occasion pour rencontrer et dialoguer avec le barreau de Saverne et à ce titre, elle a remercié Madame le Bâtonnier Noémie Gross pour la qualité de leurs échanges.

Dans le domaine commercial, le tribunal souhaite aussi améliorer la prévention et le traitement des difficultés des entreprises afin d’assurer une prise en charge plus en amont.

2024 étant l’année du centenaire du droit local, Madame Decottignies a rappelé quelques éléments centraux de ce droit comme le livre foncier, l’exécution forcée immobilière, le partage judiciaire ou les règles de la faillite civile. À ses yeux, le droit local « est donc un modèle inspirant, malgré son âge vénérable, et sa nécessaire adaptation aux différentes réformes de procédure et d’organisation judiciaire. Il a fait ses preuves, tant en matière de proximité, de rapidité que d’efficacité. »

Elle rappelle également que la loi de 1924 a mis en avant une culture de l’amiable avec la procédure de partage judiciaire et a placé le notaire au cœur de ce dispositif.

Ainsi plusieurs procédures, présentes dans le droit local, assurent la sécurité juridique et elles sont simples, rapides et efficaces. Elle appelle de ses vœux que le législateur s’en empare pour les décliner en vieille France car compatibles avec le développement de la culture de l’amiable voulu par le ministère de la justice.

À ce propos, Madame la présidente rappelle que cette « politique de l’amiable ne constitue pas le moyen de désengorger les tribunaux mais d’offrir un autre mode de règlement que celui du jugement ».

La mise en œuvre dans les procédures judiciaires civiles de la po­litique de l’amiable date d’octobre 2023. Le constat est clair, dans plusieurs pays comme la Belgique, les Pays-Bas ou le Canada, seules 5 à 10% des affaires portées devant un tribunal font l’objet d’un jugement ; en France 70% des affaires civiles donnent lieu à un jugement. La marge de progression est donc importante et, pour Madame Decottignies, les audiences de règlement amiable doivent permettre de modifier les comportements. Ce changement « culturel » concerne tous les acteurs de la justice.

En conclusion et en cette année olympique, Madame la Présidente a remercié Madame la procureure « de manier la rame de son aviron en parfaite harmonie avec la mienne ».

Pour rester dans la métaphore sportive et en pensant à l’ensemble des personnels du tribunal, elle a conclu son propos par ce mes­sage : « Nous constituons une belle équipe ! Œuvrons en concorde avec cette flamme qui nous anime tous ! »

* Le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) a publié le 14 décembre 2023 son nouveau rapport annuel de statistiques intitulé « Vécu et ressenti en matière de sécurité : victimation, délinquance et sentiment d1insécurité »,

La Rédaction