Dossier Paru le 30 août 2024
DROIT

PRISE EN COMPTE DES PÈRES QUAND LES PARENTS SE SÉPARENT

En droit de la famille, un homme devient père quand son épouse ou sa compagne accouche mais également grâce à une adoption. Quand le couple est marié, il est automatiquement père grâce à la présomption de paternité et quand il s’agit de concubins ou de personnes pacsées, il faut qu’il fasse une reconnaissance du nouveau-né. Pendant longtemps on parlait de filiation légitime dans le premier cas et de filiation naturelle dans le second, mais ces deux notions ont été supprimées car l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 (JO du 6 juillet 2005) a porté réforme de la filiation, ce qui a sécurisé la paternité hors mariage.

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Dans le cadre de l’adoption, il s’agit généralement d’un homme et d’une femme qui voulaient devenir parents malgré l’impossibilité pour elle de procréer. Toutefois un homme vivant seul a également le droit de devenir père en adoptant un enfant et il en va de même pour un couple d’hommes car la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 les a autorisés à se marier et à devenir parents grâce à l’adoption.

Une fois qu’il est père, il a des devoirs mais aussi des droits, y compris lorsqu’il ne vit plus avec la mère de son enfant, point très bien évoqué par Sébastien Dupont psychologue strasbourgeois dans son livre récent (Les pères et la paternité, Que sais-je ?, 2024). Il y a différentes formes de séparation car, pour les époux, il s’agit d’un divorce et pour les personnes non mariées d’une cessation de la vie en couple. En outre, il se peut que la mère soit décédée.

Les relations familiales connaissent de lourds changements lorsque les membres de la famille ne vivent plus sous le même toit parce que le père et la mère, voire plus exceptionnellement les deux pères, se sont séparés et surtout il est question de fragilisation de la place des pères (I). Afin d’aider les hommes, le législateur a fait le nécessaire pour améliorer le rôle des pères au sein des couples désunis (II).

I – La fragilisation de la place des pères divorcés ou séparés

Lorsqu’une mère ne veut plus vivre avec son compagnon, elle fait le nécessaire pour que leurs enfants lui soient confiés, obtenant souvent du juge la mise en place de leur résidence habituelle au domicile maternel, voire la suppression du droit de visite et d’hébergement du père. Parfois il n’est plus père parce qu’elle l’a quitté en ayant pu contester la paternité de cet homme car ce ne sont pas ses spermatozoïdes qui ont permis cette naissance, l’enfant n’ayant plus alors de père dans l’immédiat et ne portant plus le nom paternel. Toutefois il arrive qu’elle ait ensuite une famille re-composée et que son nouveau compagnon devienne père grâce à l’adoption mais aussi parce que c’était bien lui le géniteur. Tant que l’homme demeure père il a toujours des devoirs même s’il a parfois peu de droits car la séparation conjugale est un risque important de fragilisation de la parentalité du côté du père.

Droits

Dans les années 1990 lors d’un divorce les pères se sentaient brutalement privés de leur enfant car environ 80 % des gardes étaient confiées aux mères. En effet, dans le système mis en place en 1970, c’était le parent gardien qui exerçait après un divorce l’autorité parentale.

Le droit de visite intervient après une séparation, lorsque l’un des parents obtient la garde de l’enfant et l’autre parent obtient le droit de s’occuper de l’enfant ponctuellement. Le droit de visite et d’hébergement est fixé entre les parents ou par le Juge aux affaires familiales. Toutefois le refus du droit de visite est fréquent en raison de la mauvaise entente entre les parents.

Devoirs

Les pères devaient toutefois veiller à l’entretien des enfants en versant aux mères une pension alimentaire dont le montant peut évoluer en fonction de leurs besoins, notamment en lien avec leurs études. Ce devoir est maintenu lors de la séparation parentale (C. civ., art. 373-2-2). Ils doivent la payer en fonction des ressources des deux parents et des besoins de leurs fils et filles.

II – L’amélioration de la place des pères divorcés, séparés ou veufs

Pour mieux soutenir les hommes qui ne vivent plus en famille, de nombreuses pistes ont été utilisées par le législateur pour les pères mais aussi pour les hommes qui ne sont plus pères (A), de même que pour les hommes dont l’épouse ou la compagne est décé­dée (B). Certes c’est bien plus important que les hommes ayant des enfants puissent garder des liens avec eux s’ils le souhaitent. Grâce à la mise en place de la coparentalité (C), leurs droits sont renforcés et leur place à côté de leurs enfants est améliorée, surtout quand ce sont les enfants qui font savoir au juge qu’ils veulent à tout prix rester proches de leur père (D).

A. Droit de visite pour les ex-pères

Si la filiation est contestée, l’homme n’est plus père. Toutefois il arrive qu’il obtienne un droit de visite, lequel peut être accordé à l’ex-père d’un enfant afin de maintenir leurs liens. Il est prévu depuis la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 que le juge peut fixer « les modalités des relations entre l’enfant et un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l’un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables » (C. civ., art. 371-4). Un droit de visite peut effectivement être accordé à l’homme qui n’est plus juridiquement le père d’un enfant afin de maintenir leurs liens.

B. Prise en charge de l’enfant par son père si sa mère est décédée

Si la séparation est généralement volontaire, elle peut être invo­lontaire en raison du décès de l’un des parents. Quand la mère meurt, le père assume tout seul la prise en compte des enfants et il gère leur patrimoine, sachant notamment qu’après le décès d’un parent, les enfants sont héritiers et que le père doit s’occuper de leur patrimoine. En effet, les parents gèrent ensemble les biens des mineurs (C. civ., art. 382), et c’est le survivant qui s’en occupe jusqu’à la majorité de ses enfants ou de leur émancipation. Il bé­néficie tout seul de la jouissance légale du patrimoine des mineurs quand la mère est décédée (C. civ., art. 386-1). Il gère notamment le patrimoine reçu par les jeunes gens en héritage, même si ce sont seulement eux qui sont propriétaires. Il est vrai que parfois ils sont attristés de porter le nom du père alors que leur mère a disparu. Ils pourront toutefois lors de leur majorité demander un changement de nom en mairie, (C. civ., art. 61-3-1, loi n° 2022-301 du 2 mars 2022), mais il est vrai que le père peut dès à présent ajouter le nom de la mère à titre d’usage (C. civ., art. 311-24-2).

C. Coparentalité

Le législateur a mis en place de nombreuses mesures pour que les deux parents conservent un lien étroit avec l’enfant malgré la séparation. Depuis la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, la coparentalité est la règle lorsque l’enfant a deux parents dès sa naissance ou plus tard. Toutefois si lors de la naissance l’enfant n’a qu’un parent, généralement une mère (la filiation maternelle découlant du nom de la mère dans l’acte de naissance (C. civ., art. 311-25), ce parent reste seul investi de l’autorité parentale même quand le second lien est créé (C. civ., art. 372, al. 2), si bien que le père est écarté. Tel n’est cependant pas le cas si la mère se met d’accord avec lui pour qu’ils exercent ensemble l’autorité parentale en faisant une déclaration conjointe (C. civ., art. 372, al. 3).

Autorité parentale conjointe

Quand les parents se séparent, ils continuent d’exercer l’autorité parentale en commun (C. civ., art. 373-2). En effet, la séparation du couple est désormais sans incidence sur l’exercice de l’autorité parentale, sauf exceptions liées à l’attitude du père. Ils doivent tous les deux maintenir des relations personnelles avec l’enfant mais aussi respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent et la responsabilité des deux parents du fait de leur enfant mineur est maintenue (C. civ., art. 1242, al. 4). Ils sont surtout tenus de prendre ensemble des décisions concernant sa santé, son éducation et sa scolarité mais pour les actes usuels, la mère chez qui vit l’enfant peut prendre des décisions toute seule car l’autorisation de l’autre parent n’est pas obligatoire. Il est important de maintenir la coparentalité quand les couples sont séparés car si le mineur est confié à sa mère, il est question de famille monoparentale maternelle et cela peut nuire aux femmes qu’il faut aussi aider.

Néanmoins en fonction de l’attitude du père ou de la mère, no­tamment des agissements violents, il est envisageable que le juge confie l’exercice de l’autorité parentale à un seul parent si l’intérêt de l’enfant le commande (C. civ., art. 373-2-1) ou qu’il opte pour un retrait de l’autorité parentale (C. civ., art. 378) en fonction de l’attitude de l’autre parent.

Droit de visite accordé à l’ex-époux ou à l’ex-compagnon

Pour maintenir les liens familiaux, le père qui ne vit plus en couple peut obtenir un droit de visite et d’hébergement, ce qui lui offre la possibilité d’accueillir son enfant pendant une période précisée par le juge. En effet « l’exercice du droit de visite et d’hébergement ne peut être refusé à l’autre parent que pour des motifs graves » (C. civ., art. 372-2-1).

Cela permet au parent chez qui l’enfant ne réside pas habituelle­ment de maintenir des liens réguliers avec lui. Il faut toutefois qu’il note bien qu’il doit être prudent, ce qui n’est pas le cas lorsqu’il obtient le droit d’accueillir son enfant pendant un week-end mais qu’à la fin de cette période chez lui il ne ramène pas l’enfant au domicile de sa mère. Il s’agit alors d’un enlèvement d’enfant qui peut être sanctionné. En effet, conformément à l’article 227-7 du Code pénal « Le fait, par tout ascendant, de soustraire un enfant mineur des mains de ceux qui exercent l’autorité parentale ou auxquels il a été confié ou chez qui il a sa résidence habituelle, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ». Il est question de trois ans d’emprisonnement et 45 000€ d’amende lorsque l’enfant a été retenu à l’étranger, ce qui est souvent le cas lorsque les parents ne sont pas originaires du même pays.

Toutefois des lois récentes prennent mieux en compte l’attitude d’un homme au sein de sa famille. Précisément le droit de visite peut être retiré lorsque le parent est violent, de même que lorsque les visites perturbent le mineur. Le juge peut également décider d’opter pour un droit de visite médiatisé (C. civ., art. 373-2-1) afin que le père n’accueille pas son fils ou sa fille chez lui et pour que des tiers le surveillent dans ce lieu de rencontre.

Il faut en outre qu’il comprenne bien que le déplacement des enfants entre les lieux de résidence des parents doit être pris en charge par le parent titulaire d’un droit de visite et d’hébergement, sachant toutefois que le parent qui déménage doit prévenir son ex-époux ou compagnon.

Paiement d’une pension alimentaire

Lorsque le père ne vit plus au quotidien avec ses fils ou filles, il doit néanmoins contribuer à leur entretien en versant une pen­sion alimentaire à la mère (C. civ., art. 373-2-2), y compris quand ils sont majeurs s’ils font des études. Il doit la verser à la mère pour qu’elle s’occupe mieux des enfants, point qui n’est pas généralement envisagé lorsque le juge a mis en place une résidence alternée car les deux parents ont des missions à remplir, mais la pension alimentaire peut être maintenue quand leurs revenus sont très différents.

Lieu de vie du mineur

Bien que par principe les parents exercent toujours ensemble l’autorité parentale, ils ne vivent plus sous un même toit et il faut déterminer le lieu de vie des enfants en cas de résidence habituelle chez l’un des parents ou parfois de résidence alternée (C. civ., art. 373-2-9). L’analyse des décisions de justice montre que l’enfant est plus souvent confié aux mères car traditionnellement elles sont reconnues comme étant plus aptes à l’éduquer. Il est vrai toutefois que certains pères ne souhaitent pas que l’enfant leur soit confié une fois que le couple conjugal a pris fin.

Mise en place d’une résidence alternée

Il est essentiel de préciser le lieu de vie de l’enfant quand ses pa­rents ne vivent plus ensemble, en fixant une résidence habituelle de l’enfant chez le père ou la mère mais aussi une résidence alternée (C. civ., art. 373-2-9 mis en place en 2002, texte modifié par la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016), laquelle avait été refusée par le législateur en 1987. Le juge tient compte de l’aptitude de chaque parent à assumer ses devoirs et respecter les droits de l’autre. Elle permet à l’enfant de vivre au quotidien avec sa mère puis avec son père. En ce cas le juge précise le temps accordé à chacun des parents. Pour soutenir l’enfant et lui permettre de bien vivre, il serait toutefois regrettable d’autoriser cette alternance quand les parents séparés vivent désormais très loin l’un de l’autre.

D. Prise en compte de l’intérêt de l’enfant et de sa parole

Quand une procédure est engagée par l’un de ses parents, l’enfant peut demander au Juge aux affaires familiales d’être entendu afin de bien faire connaître son avis. Il est vraiment important de donner la parole aux mineurs et de soutenir les pères séparés des mères pour qu’ils puissent rester proches de leurs enfants.

L’enfant peut notamment refuser de se rapprocher du parent qui l’a maltraité ou a été auteur de violences conjugales. Le juge peut estimer que les enfants sont des victimes indirectes de l’autorité parentale si bien qu’il prononce le retrait de l’autorité parentale (C. civ., art 378 modifié par la loi du 28 décembre 2019 et la loi du 30 juillet 2020 visant les violences conjugales ou au sein de la famille et encore par la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants). En effet un mauvais mari peut être un mauvais père et le juge peut confier l’exercice de l’autorité parentale seulement à la mère si l’intérêt de l’enfant le commande (C. civ., art. 373-2-1) ou procéder à un retrait de l’exercice de l’autorité parentale (C. civ., art. 378) en fonction de l’attitude du père.

En revanche, il arrive que le jeune homme explique au juge qu’il va beaucoup souffrir de ne plus côtoyer son père au quotidien, raison pour laquelle il faut au moins lui accorder un droit de visite et d’hébergement ou opter pour l’alternance de la résidence du mineur. Afin de bien préserver l’intérêt de l’enfant, le juge peut retirer l’exercice de l’autorité parentale à l’un des parents mais en ce cas ce dernier doit continuer à verser la pension alimentaire.

Accorder aux pères des droits paternels même quand le couple se sépare est important car ainsi le couple parental survit au couple conjugal. Ils restent ainsi bien aux côtés de leurs enfants quelles que soient leurs relations avec leur épouse ou compagne. Cela permet également de confirmer l’égalité entre père et mère alors que pendant longtemps lors des séparations judiciaires, les hommes souffraient d’une privation de leurs droits.

Isabelle CORPART, Maître de conférences émérite en droit privé à l’Université de Haute Alsace