L’été n’est pas encore achevé, la rentrée à peine passée, on a déjà droit aux premières statistiques touristiques. On pouvait craindre le pire avec une météo pluvieuse en début d’été, des élections qui ont quelque peu chamboulé les vacanciers, mais finalement le soleil est revenu et les touristes avec. Surtout internationaux. De fait, la fréquentation internationale enregistre une belle hausse de 10%, avec en contraste une baisse de 5% des clientèles françaises. Au total, ce bilan affiche une stabilité satisfaisante en regard des affluences de l’été 2022. Cédric Gouth, vice-président de la Région chargé du tourisme a d’entrée, lors du point presse organisé le 10 septembre à Strasbourg au siège de la Région, rappelé « les conditions de démarrage de la saison, notamment juin et juillet, Les élections législatives qui ont décalé le départ en vacances et les conditions climatiques pas des plus favorables. »
Le mois d’août a compensé
Les statistiques estivales couvrent la période allant du 6 juillet au 24 août. Le nombre de nuitées estivales autour de 17 millions reste stable par rapport à 2023, malgré le démarrage au ralenti qui a été largement compensé par les performances du mois d’août, lequel a accueilli plus de nuitées qu’en 2023. Dès le 20 juillet, les niveaux de nuitées ont rattrapé ceux de l’été 2023. On enregistre aussi une baisse de fréquentation des touristes français (3 millions de nuitées de clients du Grand Est soit -5% et 7 millions pour le reste de la France soit -5%) qui a été équilibrée par celle en hausse des touristes étrangers. « Nous avons identifié 8 millions de nui- tées internationales, soit plus 10%. Le tout cumulé nous permet de conserver le niveau des nuitées de l’été 2023. » D’un point de vue économique, ces chiffres confortent selon Cédric Gouth « la stratégie mise en place sur le déploiement des différentes actions de promotion commerciale comme la plateforme Grand Est. » Il cite aussi le calendrier favorable des jours fériés, avec ce 15 août qui tombait un jeudi. En définitive, le cru 2024 de la saison estivale, en dépit d’une rentrée des classes plus précoce, dès le 2 septembre, avec une dernière semaine d’août peu révélatrice, n’a rien à envier à celui de 2023.
La clientèle nationale n’a pas été au rendez- vous
Henry Lemoine, président de l’ART (l’agence régionale de tourisme) confirme les tendances annoncées en remarquant un phénomène qui n’est pas propre au Grand Est : « le reflux de la clientèle na- tionale. Elle n’a pas non plus été au rendez-vous dans le reste du pays. » Sur la fréquentation internationale, le président de l’agence régionale se félicite « d’avoir retrouvé un certain nombre de nos touristes traditionnels, européens. » En nombre c’est très frap- pant : +15% d’Allemands, +10% d’Anglais, les Espagnols +10%, les Belges +5%, les Suisses +5% et les Luxembourgeois +30%. Autre constat dressé par Henry Lemoine, la reprise des marchés lointains. Et en nombre : les Chinois +45%, les Brésiliens +70%, l’Inde +30%, le Japon +15% alors que celui des Américains est resté stable, mais c’est aussi le plus important.
L’ensemble du territoire en bénéficie
Dans une approche plus précise, l’ART remarque que c’est bien l’ensemble du territoire du Grand Est qui profite de cette embellie, à l’exception de la fréquentation internationale dans les Ardennes :
« Il y a peut-être un travail à faire sur les Ardennes pour les faire connaître aux populations étrangères. »
Les taux d’occupation de l’hôtellerie sont en hausse ou stables sur tous les segments. Le segment du haut de gamme s’avère stable quand les autres progressent. Le taux d’occupation a progressé d’un point pour atteindre 70% et peut aller dans certaines villes jusqu’à 90% comme c’est le cas de Colmar quand il est de 68% à Strasbourg ou de 70% à Mulhouse. Ce taux est inférieur dans d’autres régions, notamment en Meurthe-et-Moselle. Le revenu par chambre est en hausse pour tous les segments (+3%) et le prix moyen affiché est de +2%, de quoi satisfaire les hôteliers.
Pour les locations saisonnières, l’offre disponible sur les plateformes a été 1,2 fois plus nombreuse qu’en 2023. Une offre qui augmente, une demande qui progresse de 10% en réservation de 5% en nuitées (3 millions de nuitées). La rentabilité des locations recule un petit peu, car la demande croît moins vite que l’offre.
« Pour les campings, nous expérimentons pour la première fois cette année, l’analyse de l’activité estivale à travers le nombre d’avis déposé par les touristes sur les plateformes » précise Henry Lemoine.
Des sites touristiques en baisse
Seule ombre au tableau, la baisse de la fréquentation des sites touristiques. Selon les professionnels, 6 sur 10 constatent un recul de leur fréquentation. Et ce ralentissement est assez net pour un établissement aussi emblématique que le Centre Pompidou de Metz qui enregistre -18% en juillet, - 14% en août. Le château du Haut-Koenigsbourg affiche un recul de -7% tout comme le musée Lalique. Quant au Batorama de Strasbourg, il baisse de 2%. En revanche, le parc Walygator de Maizières-lès-Metz voit sa fréquentation augmenter de 13% cet été.
Les résultats de la plateforme Explore Grand Est
Catherine Gouttefarde, directrice de l’agence régionale a évoqué les résultats de la plateforme Explore Grand Est. Déployé depuis 4 ans, cet outil de plus en plus performant, a permis de valoriser plus de 4000 offres touristiques à l’échelle du Grand Est soit +30% par rapport à 2023. Elles sont proposées par plus de 2200 prestataires inscrits (+7%). Il s’agit d’offres d’hébergement, de restauration, d’idées de séjour qui ont enregistré 122 000 intentions d’achat pour préparer leur séjour en région (-2%) et qui sont estimées à plus de 20 M€. Le taux de conversion est de 10,6%. Il s’agit des clients qui vont cliquer sur le bouton réserver d’une offre touristique. « Une diminution justifiée par le fait que la plateforme Explore Grand Est s’enrichit de plus en plus de contenus » assure la directrice. Elle constitue cependant une belle plus-value.
Redynamiser la plateforme
« C’est une plateforme d’accélération à la commercialisation qui nous permet aussi d’avoir un effet de levier et de renvoyer toutes nos campagnes de communication commerciale de notoriété, sur la plateforme. Nous lançons du reste actuellement notre compagne commerciale autour de l’été indien qui se déroule du 4 septembre au 4 octobre » précise la directrice. Sur la plateforme 80% des clients sont Français dont 48% sont du Grand Est. Parmi les offres à succès, celle qui a séduit cet été comme en 2023 est le thématique Nature & Outdoor qui a généré plus de 60% d’intentions d’achat. Généralement la thématique nature génère le plus de clics sur la plateforme. Elle est plébiscitée. Les autres concernant les lieux de mémoire, de l’oenotourisme et du bien-être sont également très en vue. Catherine Gouttefarde envisage « d’augmenter la notoriété de la plateforme, car il nous faut développer l’attractivité du Grand Est auprès de la clientèle nationale et des habitants du Grand Est. » Des campagnes de communication sont d’ores et déjà programmées en 2025.
Anne Sander intronisée
Anne Sander est la nouvelle présidente de la commission tourisme à la Région Grand Est, où elle succède à Cédric Gouth lequel vient d’accéder à la fonction de vice-président de la Région, délégué au tourisme. Dans son intervention, elle a relevé la nouvelle stratégie tourisme mise en place par la Région « un tourisme plus vert, plus digital aussi. Un tourisme équilibré et durable sur tout le territoire. » Elle a énuméré les six thématiques qui seront privilégiées : le tourisme de mémoire, le tourisme et la gastronomie, la nature, l’itinérance, le patrimoine et la culture, le thermalisme et le bien-être. Elle a cité quelques actions déjà entérinées le jour-même par la commission permanente de la Région. Le soutien va à Laurent Petit, ancien chef 3 étoiles Michelin au Clos des sens Annecy, qui revient au pays, à Langres en Haute-Marne où il a acquis le Domaine de La Villa Vauban. Il veut y installer un restaurant décliné sous trois formes : un food truck, un café culinaire et une table d’exception avec un hôtel. « C’est un projet de territoire » assure Anne Sander. Elle cite aussi le soutien à la création d’un hôtel littéraire à Nancy, sans oublier l’aide apportée à la luge d’été à la Schlucht.
La création de Foncière tourisme Grand Est
Un nouvel outil vient d’être créé en 2023 par la Région Grand Est pour accompagner les acteurs de la filière touristique. Il s’agit d’une SEM (société d’économie mixte) réunissant au capital la Région (60,51%), la Banque des Territoires (29,3%) et la Caisse d’Épargne Grand Est Europe (10,19%). Elle est opérationnelle depuis le 1er janvier 2024. Elle est dotée d’un capital de 15,7 M€ et dispose d’une capacité d’investissement de 40 M€. Étienne Marasi, président de la commission Développement économique de la Région Grand Est en est le président.
Cet outil a pour mission de soutenir l’investissement touristique dans le Grand Est afin de contribuer à l’amélioration de l’offre d’hébergement, de faciliter la concrétisation de projets. Et de développer sa capacité d’intervenir dans des territoires qui ont plus de difficultés à faire émerger des projets, notamment dans l’Ouest du Grand Est, comme c’est le cas dans les Ardennes. « Il s’agit d’une foncière en capacité d’acheter des biens immobiliers et de contractualiser avec des exploitants hôteliers ou de prendre des parts des sociétés » a précisé Étienne Marasi, lequel relève des dossiers en cours d’instruction et qui devraient aboutir en 2025. Il cite un projet d’hôtel quatre étoiles au bord du lac du Der dans la Marne, de 80 chambres. Un site qui s’est doté il y a quelques années d’un casino. « Ce casino connaît un vrai succès, d’où l’intérêt de construire un hôtel haut de gamme, au bord du plus grand lac artificiel d’Europe. » Un autre hôtel quatre étoiles de 43 chambres à Charleville-Mézières a obtenu le soutien de la SEM. Un projet de site d’accueil de cabanes forestières dans l’Aube est aussi dans les tiroirs. Pour ce qui est du montage financier La Foncière Tourisme opère dans ces opérations au cas par cas.