« Cette audience solennelle est l’occasion de vous présenter les nouvelles forces vives qui ont rejoint le tribunal en cette rentrée de septembre » explique en ouverture la présidente du tribunal judiciaire de Sarreguemines. Forces vives certes, mais en nombre assurément insuffisant. Cette audience a déroulé sa présentation dans une tonalité contrastée. D’une part un parquet, dont le procureur de la République Olivier Glady ne cachait pas sa satisfaction de le voir au complet. D’autre part, le siège, que la présidente Anne Klein déplorait en effectif nettement insuffisant. « On dit que ce n’est pas la quantité qui compte mais la qualité. Je ne vous cache pas que nous aurions aimé un peu de quantité quand même » a relevé la présidente. Et il était presque surprenant mais aussi d’une certaine façon rassurant d’entendre le procureur de la République, pourtant serein à la tête du parquet, exprimer et partager l’inquiétude de la présidente au sujet du manque de moyens du siège. Ainsi, Olivier Glady a parlé « d’un hiver de mécontentement qui s’annonce au siège. » En raison de cette problématique de postes vacants au siège qui a pour conséquence « la réduction de l’activité pénale et d’un certain nombre d’audiences. »
Pour autant, tous deux ont convenu que « les audiences d’installation représentent un moment important dans la vie d’une juridiction. Pour ceux qui sont installés, elles marquent le début d’une nouvelle étape de leur vie professionnelle et symbolisent leur inclusion au sein du collectif. » Un mot qui prend tout son sens dès lors que la présidente a choisi d’accueillir au sein de la juridiction « les nouvelles greffières avec la même solennité. »
Le parquet revoit ses pratiques pénales
Dans son discours, Olivier Glady a marqué la solidarité du parquet avec le siège. « Le parquet a entrepris de réformer quelque peu ses pratiques pénales pour soulager les juges de certaines convocations. En réorientant notamment un certain nombre d’orientations de dossiers en direction d’alternatives aux poursuites, ou alors de modes simplifiés de poursuites » C’était une très élégante manière du procureur de la République de partager les difficultés du siège. Il a d’ailleurs répété : « Je prie le tribunal d’être totalement convaincu de ce que le parquet est très sensible à la situation délicate de son siège. Et que nous sommes porteurs comme vous de l’espoir d’un retour à un effectif plus fourni. » S’il a parlé d’hiver pour le siège, Olivier Glady entrevoit quant à lui déjà « un inexorable printemps pour le parquet. Les effectifs sont au complet. » Les nouvelles forces vives sont Michael Chan, nommé juge des contentieux de la protection au tribunal de proximité de Saint-Avold, Morgane Le Borgne, substitute du procureur. Et deux greffières Magali Tirante et Mégane Scherer.
L’arrivée au parquet de Morgane Le Borgne
La nouvelle substitute du procureur arrive à Sarreguemines « bardée de diplômes » remarque Olivier Glady dans sa présentation. De fait, elle est détentrice d’une licence, d’un Master puis d’un Master 2 droit des affaires, et dans le même temps, elle a obtenu un diplôme de master en management, le tout entre 2013 et 2017. Deux ans plus tard, elle obtient le certificat d’aptitude à la profession d’avocat. Entre 2016 et 2020 elle était employée successivement auprès de prestigieux cabinets de la place parisienne. Elle a fait la découverte d’une juridiction, à la chambre sociale de la cour d’appel de Paris en 2021. Elle a intégré l’École nationale de la magistrature en 2022, effectuant son stage juridictionnel à Bourges. « Mme Le Borgne a été immédiatement adoptée par l’ensemble du parquet. » Le procureur se félicite d’avoir dans les rangs du parquet des contractuels. Il cite Louisa Juan, ancienne chargée de mission aux violences intrafamiliales, promue d’abord juriste assistante puis attachée de justice. Il accueille également la nomination depuis septembre de Noémie Stintzi, nouvelle chargée de mission aux violences intrafamiliales.
« Cet état des effectifs nous oblige… »
Olivier Glady, satisfait de voir le parquet au complet en tire la leçon. « Cet état des effectifs exige des membres du parquet l’établissement de poursuites aussi adaptées que possible aux infractions. Notamment celles qui troublent le plus l’ordre public. Parmi celles-ci, la reine des batailles demeure la lutte contre les trafics de produits stupéfiants. » Il devait citer le procureur général lors de l’audience de rentrée et ses préoccupations en la matière, notamment « les dérives périphériques provoquées par ces trafics. Nous avons la chance à Sarreguemines d’être encore pour l’instant épargné par les représailles les plus violentes, constatées dans d’autres ressorts. Pour autant nous avons eu à traiter des violences avec armes manifestement liées aux trafics de stupéfiants. »
« La prégnance de l’alcool de plus en plus préoccupante »
Les atteintes aux personnes, et parmi celles-ci, les violences intrafamiliales « demeurent comme il se doit une thématique qui suscite la plus grande attention dans la gestion et le traitement de ce type de situations. » Sur ce type de situation, le procureur a relevé « la prégnance très préoccupante de l’alcool. Cela constitue une véritable inquiétude. » Il estime que « plus de la moitié des gardes-à-vue prises par les gendarmes et de la police, sont entreprises envers des personnes sous l’emprise d’un état alcoolique. Cette prégnance de l’alcool qui provoque autant de comportements désinhibés que de violences déraisonnables, doit nous inciter à établir autant qu’il est possible des dispositifs de guérison et de prise en charge. » Enfin, autre préoccupation du parquet, mesurée au fil des comparutions immédiates à savoir « l’enracinement profond d’une fraction de la population dans la délinquance qui accumule sans en tirer les enseignements nécessaires, les condamnations. » Il remarque que 40 procédures de plaider coupable ont été déférées dans cette forme simplifiée de comparution devant la juridiction, soit 25% des déferrements.
L’aparté historique
Pour finir Olivier Glady, comme il en a le talent, a glissé sa petite touche d’histoire au fil de son discours. En l’occurrence la bataille de Chrysopolis, sur la rive asiatique du Bosphore, qui a opposé au début de notre ère le coempereur Constantin et Licinius, rivaux pour la domination de l’empire romain (le 18 septembre 324). « On est aujourd’hui au 1700e anniversaire de cette bataille remportée par Constantin. » Il continue en évoquant Sébastien Brant, humaniste rhénan, auteur de La nef des fous en 1494, docteur en droit, professeur en droit et magistrat. Il le convoque pour considérer son approche de la délinquance, particulièrement le panel des escroqueries aux reliques qu’il dénonçait. « Il était de coutume à l’époque de vendre le foin ramassé à l’étable où reposait la crèche de Bethléem, de chercher à vendre la plume de l’aile de l’archange Michel ou encore la bride du cheval chevauché par Saint-Georges. » S’adressant à sa nouvelle substitute, Mme Le Borgne : « Vous vous rendrez très vite compte Madame, à l’instar de Brant, que faussaires et tricheurs courent de par le monde : faux amis, faux amours, faux conseils, pièces fausses, tous les dés sont pipés. » À Michael Chan, il reprend Brant et sa démonstration : « Vous approcherez peut-être le droit du crédit et les injonctions de payer en ayant cet avertissement à l’esprit : celui qui se complaît à entasser les traites jamais ne se tracasse à devoir les payer. Mais ne soit pas de ceux qui topent dans la main pour se porter caution, si tu ne peux payer, ils saisiront les plumes qu’ils prendront dans ton nid. » Que de bons conseils !
« Je n’ai pas de formule magique »
À la belle leçon d’histoire du procureur, la présidente Anne Klein a choisi une démonstration mathématique reprise au mathématicien français Michel Talagrand, lauréat du prix Abel de mathématiques, l’équivalent du prix Nobel pour cette discipline. Il est connu pour ses travaux sur les probabilités et à sa contribution des phénomènes aléatoires. « J’ai découvert à cette occasion que tout ce qui nous entoure est soumis à ces phénomènes aléatoires. Cette métaphore des mouvements aléatoires peut-être également appliquée aux sciences humaines » dit-elle. Elle évoque ainsi l’arrivée de ces magistrats et greffières « qui apportent quelque chose de singulier à ce mouvement collectif au sein de la juridiction. Vous participez pleinement à ce mouvement. » Elle peut alors embrayer sur l’impossibilité pour elle d’utiliser une « formule mathématique pour maintenir l’activité de tous les services avec toujours moins de magistrats et de fonctionnaires. Je n’ai pas de formule magique. »
Loin de rendre les armes, elle se veut positive. « Notre meilleur atout pour relever le défi de cette rentrée, c’est notre force de travail et notre sens du collectif. De nos premiers échanges, j’ai acquis la conviction que nous pourrons compter sur vous ! Vos trajectoires personnelles vous ont amenés dans cette juridiction. Du choc provoqué par cette rencontre avec nos trajectoires, naîtra un nouveau collectif de travail. » Fin de la démonstration, place à la présentation.
Les nouveaux-venus
Après avoir dit des mots de bienvenue à Morgane Le Borgne visiblement ravie de son affectation, elle présente Michael Chan.
• Michael Chan : Il a fait ses études à Strasbourg où il est né. Après un master 2 en droit privé et un master 2 en droit de la propriété intellectuelle à la faculté de droit de Strasbourg, il réussit son certificat d’aptitude à la profession d’avocat en 2011 qu’il exerce dans un cabinet parisien puis strasbourgeois. En 2022, il intègre l’école nationale de la magistrature. Il fait ses stages en juridiction au tribunal judiciaire de Colmar. Il enrichit son parcours d’expériences à l’international : au Royaume-Uni dans le cadre d’Erasmus, puis des stages PPI au Canada et en Chine, puis un stage en Suède et au Conseil de l’Europe. « Depuis septembre, vous faites le plus incroyable voyage pour un Alsacien, franchir le col de Saverne pour vous rendre en Moselle » sourit la présidente. Il est affecté comme juge du contentieux de la protection au tribunal de proximité de Saint-Avold.
• Magali Tirante : Elle est originaire du Var, elle a fait des études de langues étrangères et obtenu un BTS de tourisme. Mais sa vocation était manifestement ailleurs. Elle a choisi de poursuivre des études de droit par correspondances, tout en travaillant en juridiction en qualité de vacataire, d’adjointe administrative au sein des tribunaux judiciaires de Draguignan, Nice et Annecy. Et c’est tout naturellement qu’elle a passé le concours d’entrée à l’École nationale des greffes qu’elle réussit en 2016. « Votre première affectation en qualité de greffière est pour notre juridiction. Vous faites donc partie du club très select – auquel j’appartiens moi-même, tout comme Monsieur le Procureur –, des revenants du tribunal judiciaire de Sarreguemines et encore plus sélect – à ma connaissance nous ne sommes que deux – de ceux qui ont quitté le soleil pour revenir » s’amuse la présidente. Elle revient dans une juridiction qu’elle connaît « où, dit-elle, la vie est plus simple et où elle a créé des liens. » Elle est affectée au tribunal pour enfants.
• Mégane Scherer : « Vous êtes la touche 100% locale de cette audience solennelle » annonce Anne Klein. Originaire de Freyming- Merlebach, elle obtient un master 1 en droit privé à l’université de Metz suivi d’un master 2 histoire du droit et conservation du patrimoine à Nancy. Elle découvre le travail en juridiction en qualité d’assistante de justice au tribunal de proximité de Saint-Avold ; elle y découvre les métiers du greffe. Elle réussit le concours d’entrée à l’École nationale des greffes qu’elle intègre en 2023. Elle revient dans la juridiction de Sarreguemines pour son premier poste. Elle est affectée au registre du commerce et des sociétés.
La présidente souhaite aussi la bienvenue à Laure Fourmy, vice-présidente placée, déléguée principalement au service des affaires familiales. Enfin elle accueille deux juristes assistants devenus assistants de justice Michael Lefebvre et Mme Gamzé Ciftci.
Michael Lefebvre est titulaire d’un master 2 droit de la responsabilité et de la réparation à l’université de Lorraine et un master 2 droit privé fondamental de l’université de Strasbourg. Avant de rejoindre Sarreguemines, il a travaillé comme juriste-assistant au pôle social du tribunal judiciaire de Metz. Il est affecté au service des affaires familiales.
Mme Gamzé Ciftci est titulaire d’un master 3 droit civil parcours contentieux obtenu à l’université de Lorraine. Elle a une expérience d’agent de greffe au parquet du tribunal judiciaire de Nancy. Elle apporte son soutien aux magistrats sur les services civils.
Bienvenue au tribunal judiciaire de Sarreguemines