Les meublés de tourisme sont des logements (villas, appartements, studios) entièrement meublés, destinés à une clientèle de passage pour des séjours courts (jour, semaine, mois). En 2023, ils représentaient 25 % des nuitées touristiques en France, avec un nombre estimé entre 800 000 et un million d’unités (CCH, art. L. 324-1-1, I). Leur prolifération, particulièrement dans les zones touristiques, aggrave la crise du logement, notamment dans les zones tendues où les loyers ont été multipliés par 2,6 entre 1984 et 2020 et impacte donc les territoires avec une croissance rapide des locations touristiques (300 000 logements en 2016, contre 800 000 en 2021) et des conséquences économiques (augmentation du prix du foncier jusqu’à 40 % entre 2020 et 2023 ; exode des résidents et commerces des centres urbains : 30 % des logements de Saint-Malo dédiés aux locations en 2021)1.
Adoptée définitivement le 7 novembre 2024, après un processus législatif retardé par la dissolution de l’Assemblée nationale, la loi, qui couvre plusieurs domaines clés, vise à encourager la mise en location longue durée, réduire les conflits entre logements résidentiels et touristiques, donner aux élus locaux plus de pouvoir pour réguler ces logements (ex. : suppression d’avantages fiscaux).
Certaines dispositions, comme celles de l’article 1, entreront en vigueur au plus tard le 20 mai 2026, suivant un décret d’application à paraître.
I) Les dispositions relatives à la déclaration préalable (art. 1, 1°)
1. Le régime antérieur
Le régime antérieur distinguait la déclaration et l’enregistrement en mairie.
Déclaration obligatoire en mairie : Toute personne louant un meublé de tourisme devait déclarer ce bien à la mairie, sauf s’il s’agissait de sa résidence principale.
Exception pour la résidence principale : La déclaration préalable n’était pas obligatoire pour les résidences principales, sauf dans certaines communes où un enregistrement préalable pouvait être imposé par délibération municipale.
Sanctions : Les contrevenants risquaient une amende civile pouvant atteindre 5 000 € pour la non-déclaration et 10 000 € en cas de dépassement des 120 jours de location autorisés pour une résidence principale.
Locations commerciales : Dans certaines communes, la location d’un local à usage commercial comme meublé de tourisme nécessitait une autorisation municipale, sous peine d’une amende pouvant aller jusqu’à 25 000 €.
2. Le nouveau régime introduit par la loi de 2024
La réforme unifie les règles en instaurant un régime unique de déclaration préalable enregistrée via un téléservice national.
a. La déclaration préalable enregistrée
Procédure centralisée : Les déclarations doivent être enregistrées auprès d’un téléservice national unique.
Contenu de la déclaration : Elle doit préciser si le bien constitue la résidence principale du loueur, avec des justificatifs à fournir, comme un avis d’imposition.
Accusé de réception : Un numéro de déclaration est délivré sans délai et transmis à la commune concernée pour contrôle.
Mise à jour et renouvellement : Les informations doivent être mises à jour en cas de changement, et la déclaration renouvelée périodiquement selon des modalités fixées par décret.
b. Limitations et sanctions
Limitation de 120 jours généralisée : La location d’une résidence principale est limitée à 120 jours par an, sauf exceptions. Cette règle s’applique désormais à toutes les communes, sans condition de procédure d’enregistrement.
Abaissement possible à 90 jours : À partir du 1er janvier 2025, les communes pourront réduire cette limite à 90 jours par délibération.
Sanctions renforcées : Les plateformes numériques peuvent être sommées de retirer les annonces pour les biens frappés d’arrêtés de sécurité ou d’insalubrité.
c. Communication des données
Les communes peuvent demander, jusqu’au 31 décembre de l’année suivante, le nombre de nuitées, indépendamment de la nature de la location (résidence principale ou non).
d. Autorisation pour d’autres types de locaux
Les communes peuvent désormais soumettre à autorisation la location de tout local autre qu’à usage d’habitation en tant que meublé de tourisme. Cette mesure vise à limiter les détournements, notamment l’utilisation de bureaux transformés en meublés de tourisme.
II) Dispositions sur l’offre de location saisonnière (Loi 2024, art. 1, 2° ; C. tour. L. 324-2)
Toute offre ou contrat de location saisonnière doit être rédigé par écrit et inclure le prix demandé et un état descriptif des lieux. Précédemment, l’article L. 324-1-1 exigeait l’affichage du numéro de déclaration pour tout meublé de tourisme et une mention précisant si l’offre provient d’un particulier ou d’un professionnel, selon des modalités définies par décret.
La loi de 2024 maintient ces obligations, tout en modifiant légèrement le libellé. L’article L. 324-2 dispose désormais que toute offre de location d’un meublé de tourisme doit obligatoirement inclure le numéro de déclaration et continuer à préciser si l’annonce émane d’un particulier ou d’un professionnel, selon des modalités fixées par décret.
III) Les dispositions relatives au concours à la location de meublé de tourisme (L. 2024, art. 1, 3°)
1. Information et déclaration préalable
Les intermédiaires (y compris les plateformes numériques) doivent informer le loueur de ses obligations légales (déclaration ou autorisation préalable) et obtenir une déclaration sur l’honneur attestant leur respect. Cette déclaration inclut le statut du logement (résidence principale ou non) et son numéro de déclaration, lequel doit obligatoirement figurer sur les annonces.
2. Transmission des informations sur les nuitées
Les communes peuvent demander aux intermédiaires, jusqu’à la fin de l’année suivant la location, des données précises sur le nombre de jours où le logement a été loué, accompagnées du nom du loueur, de l’adresse et du numéro de déclaration. La commune peut aussi exiger un décompte détaillé par zone géographique et sera alertée si le seuil de 120 jours ou le seuil communal est dépassé.
3. Retrait des annonces en cas de dépassement
Les intermédiaires doivent cesser d’offrir à la location un logement ayant dépassé 120 jours (ou le seuil communal) de location annuelle, à partir du 1er janvier 2024. Le retrait des offres peut être mutualisé entre plusieurs intermédiaires, sous réserve d’une certification annuelle par un tiers.
4. Constats et sanctions : Pouvoirs des agents municipaux et départementaux
Les agents assermentés peuvent contrôler et constater les infractions aux règles de location des meublés de tourisme, incluant les manquements des intermédiaires. Ils sont habilités à vérifier les déclarations obligatoires et à intervenir sur le territoire relevant de leur service.
IV) Les dispositions relatives à la police des immeubles (L. 2024, article 2)
1. Rappel des principes généraux en matière de police des immeubles
Suspension des loyers et redevances :
• En cas de mesures de sécurité, les loyers ou redevances cessent d’être dus à compter du premier jour du mois suivant la notification ou l’affichage de la mesure, jusqu’au premier jour du mois suivant le constat de leur levée.
• Pour les locaux soumis à un arrêté de mise en sécurité ou un traitement d’insalubrité, les loyers ou toutes autres sommes versées cessent d’être dues dès le premier jour du mois suivant la notification ou l’affichage de l’arrêté. Les paiements reprennent au premier jour du mois suivant la levée de l’arrêté.
Restitution des sommes indûment perçues :
• Les montants indûment perçus par le propriétaire, l’exploitant ou toute personne ayant mis à disposition les locaux doivent être remboursés aux occupants ou déduits des loyers futurs.
2. Extension aux meublés de tourisme
L’article 2 de la loi 2024 élargit ces dispositions aux meublés de tourisme.
• Les sommes versées en contrepartie de la location cessent d’être dues dès le lendemain de la notification ou de l’affichage de l’arrêté (en mairie et sur la façade de l’immeuble).
• Les paiements reprennent à compter du lendemain de la levée de l’arrêté.
• Toute somme indûment perçue doit être intégralement restituée au locataire.
V) Les dispositions relatives à la performance énergétique (L. 2024, article 3)
L’article 3 de la loi 2024 renforce les exigences en matière de performance énergétique pour les meublés de tourisme en introduisant deux mesures principales :
A) Respect de la performance énergétique
1. Principe général
Les meublés de tourisme doivent respecter les niveaux de performance énergétique applicables à un logement décent, sauf s’ils constituent la résidence principale du loueur.
Cette obligation entrera en vigueur le 1er janvier 2034.
2. Transmission d’un DPE valide
Le maire peut demander à tout moment au propriétaire d’un meublé de tourisme de transmettre un diagnostic de performance énergétique (DPE) valide sous deux mois.
En cas de non-respect de ce délai, une astreinte administrative de 100 € par jour est imposée, recouvrée au profit de la commune.
3. Sanctions pour violation des exigences énergétiques
Louer ou maintenir en location un meublé de tourisme non conforme aux normes énergétiques peut entraîner une amende administrative pouvant aller jusqu’à 5 000 € par local.
Avant toute sanction, le propriétaire dispose d’un délai d’un mois pour présenter des observations écrites.
B) DPE et autorisation préalable au changement d’usage
L’obtention de l’autorisation préalable pour louer en meublé de tourisme est conditionnée à la présentation d’un DPE montrant une performance comprise entre :
• Classe A et E, jusqu’au 31 décembre 2033.
• Classe A et D, à compter du 1er janvier 2034.
Cette obligation est limitée à la France métropolitaine.
VI) Les dispositions relatives au changement d’usage (L. 2024, article 5)
1. Définition et cadre général
Le changement d’usage consiste à modifier l’utilisation d’un immeuble ou d’une partie d’immeuble d’habitation (exemple : transformation en commerce ou bureau). Dans les zones fortement urbanisées, ce changement est strictement encadré, notamment pour préserver l’accès au logement.
2. Régime antérieur (article L. 631-7 CCH)
• Autorisation préalable obligatoire :
Compétence : Majoritairement le maire, notamment dans les grandes communes (> 200 000 habitants) ou les zones urbaines tendues.
Exceptions : Non requis pour les résidences principales louées de manière temporaire et meublée.
Cas particuliers : Si des travaux nécessitant un permis de construire sont impliqués, la demande de permis inclut celle de changement d’usage.
• Responsabilité du propriétaire :
L’autorisation est obligatoire avant toute mise en location ; elle ne peut pas être déléguée au locataire.
En cas de non-respect, des sanctions civiles (amendes) peuvent être appliquées.
• Mise en oeuvre temporaire :
Les communes peuvent adopter un régime d’autorisation temporaire pour permettre des locations ponctuelles, sans changement de destination officielle du logement.
3. Nouveau régime (article 5 de la loi de 2024)
• Extension géographique :
Le nouveau dispositif inclut désormais les communes assujetties à la taxe sur les locaux vacants et les zones urbaines tendues (50 000 habitants minimum).
Les communes hors zones tendues peuvent aussi instaurer le dispositif par délibération motivée.
• Précisions sur la notion de local d’habitation :
Définition étendue aux logements-foyers, logements inclus dans des baux commerciaux, chambres de service, etc.
La présomption d’usage d’habitation est élargie : tout local ayant servi à cet usage entre 1970 et 1976, ou durant les 30 années précédant la demande, est présumé à usage d’habitation.
• Sanctions renforcées :
Les amendes civiles pour non-respect des règles de changement d’usage sont aggravées.
• Preuves et présomptions :
Une autorisation de changement d’usage est nécessaire pour qu’un document d’urbanisme soit une preuve valable.
Les locaux modifiés après 1970 sont présumés correspondre à l’usage initialement autorisé sauf preuve contraire.
4. Enjeux et impacts
Ces nouvelles dispositions visent à mieux réguler les transformations des logements en meublés de tourisme, notamment dans les zones à forte tension immobilière. Elles renforcent le contrôle administratif et augmentent la responsabilité des propriétaires, tout en élargissant le cadre géographique des autorisations.
VII) Les dispositions relatives à l’usage exclusif de résidence principale des logements neufs (L. 2024, article 5, II à IV)
La loi de 2024 introduit une obligation pour certains secteurs, définis par le PLU, de réserver les constructions neuves à un usage exclusif de résidence principale. Ce dispositif inclut une procédure de modification simplifiée, des sanctions en cas de non-respect, et des dispositions spécifiques à la Corse. Les locataires sont également soumis à cette obligation, sous peine de résiliation de bail.
A) Secteurs à usage exclusif de résidence principale
1. Zones concernées
Les secteurs délimités par le PLU incluent des zones urbaines et à urbaniser. Selon les principaux critères de délimitation suivants en raison soit de :
• L’application de la taxe annuelle sur les logements vacants.
• D’un taux de plus de 20 % de résidences secondaires dans le périmètre.
2. Conditions imposées
• Mention obligatoire dans tout acte de vente ou contrat de location.
• Interdiction de louer en meublé touristique sauf pour une résidence principale (max. 120 jours/an).
3. Fin de l’obligation
Si le PLU est modifié en ce sens, les logements concernés sont libérés de cette contrainte.
B) Modification simplifiée des PLU
Le PLU peut être révisé par une procédure simplifiée pour intégrer ou supprimer les secteurs concernés applicable lors de modifications des zones urbaines ou à urbaniser définies au III de l’article L. 153-31 du code de l’urbanisme.
C) Sanctions pour non-respect
1. Mise en demeure
Après consultation préalable de l’intéressé, après constat d’infraction le maire peut décider d’une mise en demeure de régulariser la situation.
2. Délai de régularisation
Une régularisation est possible dans le délai maximum d’un an, prorogeable de 1 année en cas de difficultés.
3. Astreinte
Une astreinte plafonnée (1 000 €/jour et 100 000 € au total) peut être prononcée en l’absence de régularisation, après mise en demeure.
D) Application spécifique en Corse
Le plan d’aménagement et de développement durable de Corse identifie les secteurs concernés en l’absence de PLU local et peut appliquer un dispositif similaire aux dispositions générales.
E) Obligation pour les locataires
L’obligation d’occuper exclusivement à titre de résidence principale est inscrite au point h) de l’article 7 de la loi de 1989.
Le non-respect de cette obligation est un nouveau cas pouvant être visé par la clause résolutoire au bail d’habitation qui peut être activée après mise en demeure.
VIII) Les dispositions relatives au régime fiscal des micros-entreprises en matière de meublé touristique (L. 2024 , article 7 ; CGI, article 50-0)
L’article 7 de la loi de 2024 modifie le régime fiscal des micro-entreprises en matière de locations meublées touristiques, impactant le micro-BIC (Bénéfices Industriels et Commerciaux) à travers quatre volets principaux :
1. Domaine d’application
Ce régime s’applique désormais aux entreprises dont le chiffre d’affaires annuel ne dépasse pas 188 700 € pour la vente de marchandises ou la fourniture de logement, avec un seuil spécifique de 15 000 € pour les activités principales de location de meublés de tourisme non classés. En cas d’activités mixtes, l’ensemble des seuils doit être respecté pour bénéficier du micro-BIC.
2. Abattements
Les taux restent fixés à 71 %, 50 %, et 30 % selon l’activité, mais le seuil de 15 000 € pour les loueurs de meublés touristiques n’est plus actualisé.
De plus, l’abattement supplémentaire de 21 % pour les locaux situés en zones non tendues est supprimé.
3. Impact sur les locations classées
Les chambres d’hôtes et meublés classés bénéficient désormais d’un abattement de 50 % pour un chiffre d’affaires annuel hors taxes inférieur ou égal à 77 700 €, remplaçant le dispositif précédent de 71%.
4. Entrée en vigueur
Les nouvelles règles s’appliqueront aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2025, tandis que ceux de 2024 restent soumis au régime antérieur.
On l’a compris, ces changements visent à clarifier et ajuster les seuils et abattements dans le cadre des activités de location touristique, tout en supprimant certains avantages fiscaux jugés trop « généreux ».
IX) Les dispositions relatives à la copropriété
Outre que désormais, l’autorisation de changement d’usage ne peut être demandée que si le changement d’usage est conforme aux stipulations contractuelles prévues dans le règlement de copropriété, selon une déclaration sur l’honneur du demandeur (CCH, article L. 631-7-1 A, al. 5 nouv.), la loi de 2024 introduit de nouvelles dispositions visant à encadrer la location en meublé de tourisme en copropriété, en modifiant le régime des règlements de copropriété et en renforçant l’information des copropriétaires.
A) Modifications des règlements de copropriété (L. 2024, article 6)
1. Nouvelle mention obligatoire
Depuis le 21 novembre 2024, les règlements de copropriété établis doivent explicitement mentionner l’autorisation ou l’interdiction de la location en meublé de tourisme (art. 8-1-1, L. 1965).
2. Modification des règlements antérieurs
Les règlements de copropriété existants peuvent être modifiés à la majorité de l’article 26 de la loi de 1965. Cette possibilité concerne :
• Les interdictions de location en meublé de tourisme pour les résidences secondaires L. 1965, article 26, d, nouv.).
• Les copropriétés exclusivement bourgeoises, où toute activité commerciale est déjà interdite L. 1965, article 26, al. 6 nouv.).
B) Renforcement de l’information des copropriétaires (L. 2024, art. 8)
1. Déclaration au syndic
Lorsqu’un lot est proposé à la location en meublé de tourisme, le copropriétaire (ou locataire autorisé) doit informer le syndic. Cette obligation s’étend aux résidences principales louées moins de 120 jours par an (art. 9-2, L. 1965).
2. Inscription à l’ordre du jour
Le syndic doit inscrire un point d’information sur ces déclarations à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale. Cette information est purement indicative, car le changement d’usage en meublé de tourisme n’est pas soumis à décision collective (art. 9-2, L. 1965).
Note :
1. Sur le régime des meublés de tourisme cf. Patrice Battistini, Le meublé de tourisme, Gualino, Droit en poche, à paraître, 2025.