Comme l’a fait remarquer Madame la présidente Françoise Decottignies, ce conseil doit être un lieu d’échanges et de débats entre professionnels. La première table ronde a été l’occasion de revenir sur la mise en place du code de la justice pénale des mineurs.
Madame la procureure Aline Clérot a souligné que l’ordonnance de 1945 qui était en vigueur auparavant avait été modifiée une quarantaine de fois. Il va sans dire que ce texte était devenu illisible.
Madame la vice-procureure Constance Champrenault est également revenue sur cette illisibilité et a indiqué que les éléments ont été repris pour créer un code de procédure plus lisible. Il permet aussi d’avoir une meilleure maîtrise du calendrier. En effet, après la phase de culpabilité, la phase de mise à l’épreuve éducative doit durer entre 6 à 9 mois puis vient la phase de sanction. Cela permet d’avoir une meilleure vision de la temporalité du processus.
Pour Madame Laetitia Paccellieri, juge des enfants, trois changements sont importants dans ce nouveau code.
Tout d’abord une prise en charge rapide du mineur même avant l’audience de culpabilité. Ensuite une réorganisation des mesures éducatives judiciaires qui, par leur multiplicité, permet une individualisation des mesures. Elle explique que dans le cadre de ce nouveau code, il y a une primauté de l’éducation sur la répression. Ainsi il est possible pour le juge de cumuler des mesures éducatives et des peines. Il est également possible d’accompagner les mineurs même après la sanction.
Le troisième élément est la présomption de discernement. En effet, pour un mineur âgé de moins de 13 ans, il y a une présomption simple de non-discernement mais il est possible de prouver le contraire. Pour un mineur de plus de 13 ans, la présomption de discernement, qui est une présomption simple, peut être également renversée dans un sens ou dans l’autre selon les auditions ou les expertises.
À ce stade Madame Christine Kuhn-Kapfer, directrice territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse Alsace, a rappelé les missions de la PJJ. Les actions menées concernent la jeunesse sous mandat judiciaire. Il s’agit de permettre à tout mineur d’être accompagné par un éducateur qui va évaluer le contexte dans lequel le mineur vit. Dans 95% des cas, les mineurs sont pris en charge dans leur environnement familial.
À ses yeux, la réforme du code de justice pénale des mineurs a permis une clarification des procédures. La réactivité de la justice permet aux mineurs de se placer dans un parcours de réinsertion car le calendrier temporel du processus est maîtrisé. À noter qu’après la sanction, il y a possibilité d’accompagnement d’une durée maximale de 5 ans et jusqu’à 21 ans maximum.
Madame Christine Kuhn-Kapfer est revenue également sur les mesures éducatives judiciaires qui sont aussi pour elle des modules multiples permettant d’individualiser la mesure, il est même possible de revoir ou réajuster les mesures au fur et à mesure de l’exécution de la peine. Ces mesures éducatives d’insertion, de placement ou de réparation sont autant de mesures qui évitent la détention.
À la question de savoir si ce code permet de lutter contre la récidive, pour les intervenantes, la césure de la mise à l’épreuve permet justement de travailler sur la récidive. L’accompagnement du mineur par les services de la PJJ consiste à faire sortir le mineur de la spirale de la délinquance afin d’éviter la récidive.
Dans tous les cas, il s’agit de faire primer l’éducatif sur le répressif. Pour Madame Constance Champrenault, il ne faut pas généraliser et les cas de délinquance les plus graves sont aussi les plus médiatiques mais pas les plus nombreux. Pour elle aussi, il faut insister sur la primauté de l’éducatif sur le répressif.
À la question d’une modification de ce code qui devrait amener à la comparution immédiate des mineurs, le problème est comment assumer la peine qui est fixée. Pour Madame Laetitia Paccellieri, il faut surtout travailler sur les mesures d’accompagnement, elles sont toujours plus efficaces que les mesures d’emprisonnement.
Comme l’a souligné Madame la procureure, le thème de la seconde table ronde est un peu plus polémique puisqu’il s’intitule : la justice pénale des mineurs ou le réceptacle des insuffisances de l’ensemble des politiques publiques ?
Il s’agissait là de se poser la question de savoir si la justice des mineurs est la seule à prendre en charge la délinquance juvénile ou si l’ensemble des instances, l’éducation nationale, les services sociaux et les politiques mises en place n’ont-elles pas toutes un rôle à jouer pour une meilleure prise en charge et surtout une meilleure prévention.
Pour Monsieur Stéphane Weibel, proviseur du lycée Leclerc de Saverne, les politiques publiques mises en place sont efficaces pour la majorité des élèves mais pointe du doigt le problème de temps de réaction pour protéger rapidement certains mineurs. Il cite en exemple le fait qu’il faut compter un délai de 8 mois pour qu’un élève puisse voir un psychologue.
Comme lui, les autres intervenants ont insisté sur l’importance d’une étroite collaboration entre l’ensemble des services. Pour Monsieur Ludovic Marechal, directeur de l’aide sociale à l’enfance de la CeA, il faut absolument lier prévention et protection. Protéger les mineurs c’est aller vers la prévention avec un soutien de la parentalité.
Monsieur Pap Ndiaye, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès du Conseil de l’Europe, et ancien ministre de l’Éducation nationale, estime que l’échelon le plus problématique dans le circuit éducatif est le collège. Il précise que, par rapport à d’autres pays, la France est plutôt très bonne dans la gestion des très bons élèves, mais c’est bien la gestion des élèves moyens et faibles qui est moins efficiente.
De son point de vue, deux phénomènes sont également importants pour cette jeunesse, il y a tout d’abord la place du numérique et les phénomènes de cyber harcèlement mais aussi les difficultés rencontrées par les jeunes sur un plan psychologique et qui se sont aggravées depuis la période Covid.
Pour Frédéric Barthélémy, directeur du Centre Éducatif Fermé de Saverne, il n’y a pas de solution toute faite. Il faut également revoir les principes d’éducation afin de s’adapter à la fois à un monde et à une jeunesse qui évolue. Il prône pour sa part une plus grande collaboration entre tous les services pour travailler sur ces évolutions.
Même si le travail collaboratif existe, et l’échelon local est un élément important dans ce domaine, les intervenants ont insisté sur deux éléments importants. Tout d’abord, il y a bien une marge de progression possible pour améliorer la coordination entre les instances. Et, d’autre part, il existe un réel problème d’attractivité de ces postes dans l’éducation nationale entre autres.
En préambule à ce conseil de juridiction, le Centre Éducatif Fermé de Saverne, en la personne de son directeur Monsieur Frédéric Barthélémy et Madame Jennifer Oster enseignante dans la structure, ont présenté au public présent une initiative montée en association avec la commune de Monswiller et sa médiathèque.
Pour rappel, le Centre Éducatif Fermé de Saverne a été ouvert en mai 2005. Depuis cette date, 390 jeunes (des garçons uniquement entre 13 et 16 ans) sont passés par ce centre. Il s’agit, dans ce cas, d’une alternative à la détention. Comme le souligne son directeur, s’il y a contrainte au départ, il y a ensuite une recherche d’adhésion.
Cette initiative a consisté en la mise en place d’un cercle de lecture permettant aux jeunes du centre de découvrir un environnement, la médiathèque, qu’ils ne connaissent pas dans beaucoup de cas.
Les ouvrages choisis pour cette action sont des bandes dessinées pour lesquelles les jeunes ont eu à remplir une fiche de lecture leur permettant de mettre à la fois des éléments factuels mais aussi de donner leur avis sur les ouvrages lus. Il s’agit par exemple de la BD Têtes de mule d’Étienne GENDRIN qui évoque la résistance de six jeunes Alsaciennes ou Frontier de Guillaume SINGELIN, BD de science-fiction qui traite de l’exploration spatiale.
Un moyen pour l’équipe éducative de leur faire découvrir de nouveaux horizons au travers de la lecture et de l’imagination des auteurs.