Il s’est d’abord félicité de l’arrivée de 4 nouveaux magistrats au siège, 2 de plein exercice et 2 magistrats exerçant à titre temporaire.
Il s’agit tout d’abord de Madame Anne Kerihuel qui a débuté sa carrière à Rennes puis à Saint-Malo avant d’être nommée vice-présidente placée auprès du premier président de la cour d’appel de Versailles. Madame Kerihuel connait bien la juridiction pour y avoir déjà travaillé entre 2013 et 2021 comme juge aux affaires familiales. Elle est nommée première vice-présidente et sera en charge de la coordination du pôle de la famille.
Madame Véronique Bastos a été nommée, à sa sortie de l’école nationale de la magistrature, juge placée auprès du premier président de la cour d’appel de Colmar puis juge non spécialisé à Strasbourg. Après avoir été vice-présidente généraliste au tribunal judiciaire de Colmar, elle est nommée vice-présidente chargée des fonctions de juge des contentieux de la protection et tiendra également des audiences civiles en tant que juge de l’exécution.
Les deux magistrats exerçant à titre temporaire sont Monsieur Olivier Pranic et Madame Marie-Laure Messe-Roth qui ont tous les deux des parcours riches et variés et qui se voient confier cette mission après des auditions devant les chefs de cour et un stage probatoire.
Autre motif de satisfaction pour le président : la titularisation de dix adjoints administratifs, d’une directrice des services de greffe, Madame Einsetler et l’arrivée de trois directeurs des services de greffe judiciaires : Madame Léa Diaz Velarde, affectée aux services du parquet, Monsieur Olivier Frank en tant que secrétaire général du Conseil départemental d’accès au droit du Bas-Rhin, et Monsieur David Dubut affecté au tribunal de proximité de Haguenau.
Monsieur Babo a profité de ces nominations pour évoquer la revalorisation du statut des adjoints administratifs et de celui des greffiers. Il a salué la création du corps des cadres-greffiers et comme d’autres présidents dans d’autres juridictions a souligné l’importance des directeurs des services de greffe judiciaires qui ne bénéficient pas pour l’instant d’une revalorisation. À ses yeux, ils sont indispensables au bon fonctionnement d’une juridiction tant sur le plan organisationnel que managérial.
L’action du parquet en 2024 : tenir et avancer
Dans son discours, le procureur adjoint Monsieur Gilles Bourdier est revenu quant à lui sur l’action du parquet lors de l’année passée. Pour lui, deux mots caractérisent cette action : « tenir et avancer ».
Tenir tout d’abord car le nombre d’affaires en attente de jugement s’est accumulé et en même temps, la délinquance n’a pas faibli.
Avancer ensuite car le parquet travaille à la diversification des réponses pénales. Il a également mis en avant plusieurs conventions signées l’an dernier qui concernent la mise en place d’un chien d’assistance judiciaire, la prise en charge des personnes radicalisées.
Il y a eu également la signature d’une convention avec les hôpitaux de Strasbourg pour le recueil de la parole des victimes.
Bilan chiffré de la juridiction
En ce qui concerne l’activité civile et commerciale, il y a eu 19 147 affaires nouvelles avec un taux de couvertures de 91% soit plus de 17 400 affaires terminées.
Pour le pôle civil général, le nombre d’affaires nouvelles a été en légère hausse par rapport à 2023 avec un âge moyen du stock des procédures de 13.5 mois, délai stable par rapport à 2023. La durée moyenne d’une procédure civile est de 6.85 mois, elle était de 7.83 mois en 2022.
Dans le cadre du droit local, les exécutions forcées immobilières sont en hausse en 2024 avec 95 affaires nouvelles contre 45 en 2023.
Pour le pôle économique et commercial, le nombre de procédures collectives ouvertes en 2024 est en hausse de 8% avec 831 procédures. En matière de contentieux général commercial, le nombre d’affaires restant à juger et les affaires nouvelles sont en hausse par rapport à 2023.
Pour le parquet, le nombre d’affaires poursuivables s’élève à près de 11 000 avec un taux de réponse pénale de 85%.
Pour le pôle instruction, en 2024, le stock était de 566 affaires et il y a eu 195 affaires nouvelles.
De l’importance de la justice civile
Comme l’avait fait auparavant le procureur adjoint, Monsieur Babo a souligné l’activité soutenue du parquet mais aussi de tous les autres services de la juridiction.
Dans ce cadre, il a mis en avant la justice civile qui est moins médiatisée que la justice pénale mais qui n’en est pas moins importante puisque, dit-il, elle est « celle du quotidien et concerne souvent la protection des personnes les plus fragiles. » Ainsi 60 % des décisions rendues par un tribunal judiciaire relèvent du domaine civil. Pour lui, cette justice civile doit être mieux appréhendée dans les études de droit mais surtout il faut que le juge civil ne soit pas uniquement réduit à un rôle de rédaction mais qu’il puisse avoir du temps pour d’autres tâches comme les audiences de règlement amiable par exemple. Dans ce domaine, les assistants de justice et attachés de justice doivent pouvoir être des aides précieuses pour ce juge.
D’ailleurs un meilleur traitement des contentieux civils passe par le développement des modes alternatifs de règlement des différends (conciliation, médiation ou audience de règlement amiable).
Sur ce sujet, le président a évoqué l’implication des magistrats et du barreau pour développer ce dispositif puisque sur 47 dossiers proposés, 25 ont donné lieu à une audience de règlement amiable. Sur ces 25 dossiers, 10 ont abouti à un accord, 3 à un désistement en raison d’une conciliation préalable, 4 à un échec, et 8 affaires sont toujours en cours.
Poursuite des actions débutées en 2024
Outre le développement de ce dispositif, Philippe Babo a rappelé la mise en place courant 2024 du pôle dédié à la lutte contre les violences intrafamiliales et la tenue d’un comité de pilotage en juin dernier avec tous les acteurs concernés pour le suivi des moyens mis en place comme les téléphones grave danger, les bracelets électroniques anti-rapprochement ou les ordonnances de protection entre autres. Là encore, le président insiste sur le fait que cette politique en la matière sera poursuivie en 2025.
Sur le projet mis en place en septembre 2024 concernant l’open data des décisions civiles, commerciales et sociales prononcées publiquement qui permet la diffusion en ligne et donc un accès au grand public, Monsieur Babo souhaite tout de même qu’une réflexion soit menée, dans le cadre de son ouverture aux décisions pénales, sur l’éventuelle anonymisation des professionnels de justice concernés par ces décisions. À ses yeux, l’émergence de l’intelligence artificielle dans le fonctionnement de l’institution judiciaire peut être une chance pour améliorer certaines pratiques mais l’humain doit rester au centre de ces évolutions car c’est bien là tout le rôle du magistrat.
Le président a également évoqué la nécessité pour la justice de communiquer car pour lui « Retisser des liens de confiance avec les justiciables impose de combattre toutes les idées reçues sur le fonctionnement de notre institution. »
Ainsi l’ouverture du tribunal aux lycéens, étudiants ou des événements comme la Nuit du Droit sont autant de moments permettant un dialogue avec le grand public.
La situation délicate de l’institution
Comme d’autres présidents, Philippe Babo a souligné les difficultés actuelles liées à l’absence de budget au niveau de l’État. Si celui-ci est maintenant voté, il espère que la loi de programmation sera poursuivie afin de permettre le recrutement de magistrats et de fonctionnaires à la hauteur des besoins nécessaires. À cet égard, il cite plusieurs chiffres donnés par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) dans son dernier rapport du mois d’octobre. Ainsi, sur la base des effectifs en 2022, la France compte 11,3 juges professionnels pour 100 000 habitants quand la médiane européenne se situe à 17,6 juges professionnels. En matière de personnels non-juges, le delta est encore plus important puisque la France compte 37.3 personnels pour 100 000 habitants alors que la médiane européenne est à 57.9.
Il termine son propos par ses paroles : « Mais, loin de céder au pessimisme ambiant, je tiens à réaffirmer mon optimisme pour tendre, avec l’ensemble des personnels de cette juridiction, à une justice dans laquelle les justiciables s’identifient et dans laquelle ils aient confiance. »
Comme le veut la tradition, Monsieur Babo a accueilli la nouvelle procureure de la République Madame Clarisse Taron. Après avoir rendu hommage au travail réalisé par ses prédécesseurs, Madame Yolande Renzi et Monsieur Alexandre Chevrier, il a tenu à souligner la richesse du parcours de Madame Taron lui permettant de faire preuve d’une polyvalence puisqu’elle a occupé dans sa carrière des postes de magistrat aussi bien au parquet qu’au siège. Pour lui, « je ne doute pas que nous assurerons une dyarchie harmonieuse ».
Clarisse Taron, nouvelle procureure de la République
Dès le début de ses réquisitions, Madame Taron se présente : « Vous apprendrez vite que je suis assez conforme à ce que j’ai l’air d’être, que je suis féministe et qu’à ce titre je préfère dire « la procureure… Et que je suis lorraine d’origine, ce que je confesse devant vous. »
Elle a également tenu à remercier les procureurs qui l’ont précédée même si le départ rapide de Monsieur Chevrier leur a laissé peu de temps pour échanger.
Ayant laissé le soin à Monsieur Gilles Bourdier d’évoquer le bilan de l’année écoulée, madame la procureure a posé les bases de son action en ces termes : « Si je n’ai pas de certitude, j’ai au moins, un cap : donner aux faits qui nous seront soumis une réponse adaptée, rapide et sûre, compréhensible par l’auteur et la victime et au-delà, par nos concitoyens. »
Pour elle, l’action des parquets répond à des injonctions contradictoires, il faut des poursuites rapides mais fondées sur des procédures complètes et précises, il faut des investigations techniques poussées mais économiser les frais de justice, enfin l’exécution des peines est importante mais en tenant compte de la surpopulation carcérale. C’est ainsi dans un contexte complexe que l’activité du parquet doit se développer.
Elle appelle également de ses vœux la réforme permettant de renforcer l’indépendance du parquet. Ainsi « Cette évolution viendra parachever la construction du ministère public « à la française ». »
Pour Madame Taron, la politique pénale ne peut pas être un catalogue d’urgences et de priorités comme l’ont souvent été les circulaires de politique pénale qui présentaient une liste non exhaustive de domaines à prioriser.
La dernière circulaire en date est différente puisqu’elle demande aux parquets de travailler en priorité sur deux domaines : le narcotrafic et la lutte contre toutes les formes de violences envers les personnes (violences intrafamiliales, contre les élus ou les violences fondées sur une discrimination).
Elle souligne que sur Strasbourg, plus spécifiquement, le parquet devra travailler sur la lutte contre la radicalisation et contre les atteintes à l’environnement.
Elle a terminé son propos en se réjouissant de travailler avec l’ensemble des acteurs, personnels présents sur la juridiction.
Après avoir salué le Barreau de Strasbourg en ces termes : « Je sais que certains propos tenus en ce début d’année ont pu vous heurter. Croyez que la fille et petite-fille d’avocats que je suis est persuadée qu’il ne peut y avoir de justice éclairée sans une défense forte. », elle a remercié pour leur accueil l’ensemble des magistrats du parquet. Pour elle, « la force du parquet, c’est le collectif et je vous propose que nous en fassions la preuve tous ensemble. »
Avec l’aide des partenaires du tribunal et malgré les restrictions budgétaires, cette audience solennelle a pu être suivie par un moment convivial.
