Cette rencontre venait à point nommé. Par les temps incertains et belliqueux qui règnent, voir se croiser des représentants des armées et des entreprises, offrait un temps de réflexion salutaire sur des questions fondamentales comme celle de la mobilisation des jeunes, de leur engagement. Et ce alors même que le président de la République venait justement de lancer au pays et à sa jeunesse un appel à la mobilisation. Cela s’est passé le 4 mars dernier au GESCOM de Metz. Ce colloque en est déjà à sa 7e édition, démontrant ainsi que le lien entre le monde militaire et économique est déjà bien ancré dans les esprits. Et ce lien semble faire son chemin avec le grand public. En gros, ce colloque a permis de planter le décor, pour mieux appréhender les grands enjeux. Il se résume aisément : la mobilisation de la jeunesse est cruciale pour l’avenir de notre société et de nos organisations.
Deux tables rondes
Elles ont réuni des chefs militaires, des personnalités du monde de l’entreprise, des experts de l’Université de Lorraine ainsi que des jeunes engagés sur les thèmes suivants : « Comprendre et attirer la jeunesse d’aujourd’hui » puis « Adapter les organisations pour mieux fidéliser la jeunesse. » Une convergence de points de vue sur les aspirations des jeunes d’aujourd’hui a été confortée par l’intervention en préambule du Docteur en psychologie, maître de conférences à l’Université de Lorraine, Romain Lebreuilly. On peut en retenir quelques impressions claires. Le futur recruté exprime aujourd’hui des besoins différents pour s’engager au regard des générations précédentes. Ses priorités ont évolué : quête de sens, besoin d’équilibre entre vie professionnelle et personnelle, impact sociétal et environnemental, importance de la santé physique et mentale tout comme la recherche d’un environnement de travail valorisant et responsabilisant. Face à ces nouvelles attentes, l’adaptation des organisations (entreprises et institutions) est primordiale, impliquant une évolution des modes de management, de communication et une offre intégrant à la fois un cadre, de la flexibilité et des valeurs. L’inclusion, la diversité et l’égalité des chances sont également de plus en plus mises en avant.
L’importance de s’adapter aux aspirations des jeunes
Très vite au cours des échanges est apparu le besoin pour les mondes, militaire comme celui des entreprises, de s’adapter aux aspirations des jeunes pour mieux les attirer. La table ronde réunissant en premier des représentants de l’armée, d’une école de commerce, d’une entreprise, a fait apparaître les attentes de la jeunesse actuelle, en particulier celui de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Et le message pour mieux les attirer doit lui aussi être adapté, d’où le choix d’une communication bien structurée, sur la question des valeurs, de la flexibilité. Aujourd’hui, au regard de l’incertitude face à l’avenir, le besoin de sens et d’immédiateté, un engagement moins marqué sur le long terme ainsi que des préoccupations concernant la santé physique et mentale ont été identifiés comme des caractéristiques de cette génération. Et cela passe par une communication authentique, une mise en avant des valeurs, liberté, autonomie, un management basé sur la confiance et une meilleure compréhension de leurs besoins.
Un décalage entre la perception et la réalité
Le constat relevé lors de cette table ronde est celui d’un décalage entre la perception des jeunes et la réalité de certaines institutions, notamment l’armée. D’où la nécessité de présenter une image authentique et de donner du sens aux missions « sans vendre du rêve. » Cette réalité est aussi déclinable au monde de l’entreprise qui doit offrir de la transparence et poser un cadre identifiable dans lequel le jeune pourra se projeter. Il apparaît essentiel d’être présent activement dans l’environnement des jeunes à travers des stages et apprentissages en s’appuyant sur une communication ciblée pour les sensibiliser le plus tôt possible et de façon récurrente, à l’univers des armées et à celui de l’entreprise. Une immersion précoce dans ces milieux pourra faciliter leur décision de s’engager.
Comment les fidéliser ?
La deuxième table ronde a exploré les stratégies et bonnes pratiques « pour fidéliser les jeunes une fois recrutés. » La question centrale était celle de l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Il passe par la flexibilité du temps de travail – le télétravail est passé par là – ou des jours de travail et des solutions pour un accompagnement personnalisé des collaborateurs dans leurs parcours de vie (parentalité, maladie…). Et cela questionne les modèles de management. Exemplarité, confiance, autonomie et responsabilisation sont les leviers évoqués pour donner « du sens au travail et adhérer aux valeurs de l’entreprise. » Le recours à l’innovation et à l’adaptation des organisations est une piste pour libérer les parcours professionnels et faciliter la mobilité interne.
Et curieusement, la culture d’entreprise, la coopération intergénérationnelle, le fait de cultiver un climat d’optimisme et de reconnaissance, trouvent leur place dans ce scénario, pour fidéliser les jeunes. Le témoignage d’un jeune volontaire au SMV (Service militaire Volontaire) en a convaincu plus d’un, sur le thème de l’insertion et du développement personnel.
Porter un regard positif sur la jeunesse
La conclusion des promoteurs de ce colloque affichait les couleurs d’un certain optimisme. « Il est nécessaire de porter un regard positif sur la jeunesse » ont ainsi laissé entendre Hélène Boulanger, présidente de l’Université de Lorraine, Dominique Garnier, directeur général de la BPALC et le général de corps d’armée Pierre Meyer.
Hélène Boulanger a parlé « des précautions que l’on doit prendre pour ne pas regarder la jeunesse avec les lunettes de sa propre jeunesse. Chaque génération évolue dans un contexte qui lui est propre. C’est un sujet qu’il faut traiter avec beaucoup de nuances. Il faut donner à voir le monde que nous avons à construire. »
Dominique Garnier, directeur de la Banque Populaire d’Alsace Lorraine Champagne s’est appuyé sur deux mots : confiance et effort. « La confiance vient par l’estime de soi qu’il faut équilibrer avec l’effort. Dans le monde de l’entreprise, des armées ou dans le monde universitaire, pas de succès sans effort pour franchir des étapes. La hiérarchie forme, manage, engage, apprend et rassure. La jeunesse c’est demain, c’est l’avenir. »
Le général de corps d’armée Pierre Meyer a souligné « la force morale de la jeunesse française toujours animée par un sens profond de l’engagement et ce malgré un climat particulièrement anxiogène. » Il a également rappelé « la responsabilité collective de l’ensemble des acteurs de la société pour mettre la jeunesse au coeur de la cohésion nationale ainsi que l’importance de leur offrir un accompagnement adapté à leurs aspirations personnelles et professionnelles. » Une façon de conclure qui démontre que nos interlocuteurs avaient bien compris le message des jeunes.
RÉGION GRAND EST ET MINISTÈRE DES ARMÉES
Vers un protocole d’accord pour renforcer une coopération stratégique
Lors de la séance plénière du 27 mars, la Région Grand est et le Ministère des Armées ont officiellement acté leur engagement à renforcer et compléter leur partenariat par une convention 2025-2027. La veille lors d’une conférence de presse Franck Leroy, président de la Région Grand Est a évoqué les contours de cet accord.
Cette initiative vise à renforcer la coopération entre la région et les forces armées françaises, soulignant l’importance stratégique du Grand Est sur le plan militaire. Le président a tenu à préciser que ce partenariat ne concerne en aucun cas l’armement ou les activités militaires directes. Il s’agit plutôt d’un accompagnement du ministère des Armées sur des aspects civils, sociaux et économiques.
Une présence militaire significative
En effet, le Grand Est abrite une présence militaire importante avec 25 régiments de l’armée de terre soit 36 000 soldats et leurs familles. Il y a également deux bases aériennes importantes, une à Saint-Dizier et l’autre à Nancy-Ochey. Cette forte présence militaire a un impact socio-économique majeur sur la région, notamment dans les zones rurales où sont implantés de nombreux régiments.
Des enjeux civils à prendre en compte
La région Grand Est a déjà démontré son engagement à améliorer le quotidien des militaires. L’exemple de la création d’un cinéma à Bitche, une initiative soutenue par la région et la commune pour pallier le manque d’accès aux loisirs pour les jeunes militaires, illustre parfaitement cette volonté d’agir concrètement.
Le futur protocole d’accord devrait permettre d’approfondir cette collaboration sur plusieurs axes :
Tout d’abord, la mobilité : il s’agit d’améliorer les déplacements des militaires afin de leur faciliter les trajets entre leur foyer et leur régiment surtout dans les zones rurales.
Le deuxième axe concerne la formation et la reconversion : Comment aider les militaires en fin d’engagement à trouver des opportunités de reconversion professionnelle dans la vie civile, par exemple dans les secteurs du transport ?
Enfin, il s’agit de l’accompagnement des communes : comment soutenir les communes qui accueillent des unités militaires et qui ne disposent pas toujours des ressources nécessaires pour répondre aux besoins spécifiques de cette population ? Il s’agit notamment de mieux intégrer les demandes de l’armée dans la planification des équipements locaux.
Ainsi comme l’évoque le président Franck Leroy « Ces communes n’ont pas forcément l’assise technique, humaine, financière d’une métropole ou d’une grande agglomération. Comment peut-on les accompagner ? »
Un enjeu économique majeur : soutenir la Base Industrielle et Technologique de Défense (BITD)
Au-delà du bien-être des militaires, la région Grand Est entend jouer un rôle actif dans le soutien de sa Base Industrielle et Technologique de Défense (BITD). Le territoire abrite un tissu d’entreprises de toutes tailles, allant des PME et TPE aux grands groupes comme Soframe, Aresia ou Lohr qui dépendent en partie des commandes du ministère des Armées.
Dans le contexte géopolitique actuel, marqué par des tensions internationales, le président anticipe des opportunités économiques significatives pour ces entreprises, qui pourraient être confrontées à une forte croissance. L’objectif est également d’identifier et d’accompagner les entreprises régionales qui ne travaillent pas encore pour la défense mais qui disposent de savoir-faire transférables.
Cette démarche vise à aider les entreprises à gérer une potentielle croissance de la commande militaire. En effet, pour ces entreprises, il s’agit de passer d’une économie de flux à une économie de masse et de stock. La question de l’accès au financement bancaire est également un point qui sera étudié.
Le protocole d’accord attendu pour octobre vise à formaliser un engagement commun autour des problématiques d’innovation, de formation, d’aménagement du territoire, et d’accompagnement économique. Des groupes de travail, s’appuyant sur les commissions régionales existantes (développement économique, innovation-recherche, mobilité, aménagement du territoire), seront chargés d’étudier ces sujets en collaboration avec les autorités militaires.
Un partenariat mutuellement bénéfique
L’initiative de la région Grand Est et du ministère des Armées témoigne d’une volonté commune de renforcer les liens et de tirer parti de la présence militaire pour le développement du territoire et l’amélioration du quotidien des soldats. Ce protocole d’accord devrait ouvrir une nouvelle ère de coopération, bénéficiant à la fois aux forces armées et à l’ensemble de la région Grand Est.
La Rédaction