« La baisse n’est plus une chute ! » Me Catherine Merlin, présidente de la chambre des notaires de la Moselle a trouvé la bonne formule pour résumer la conjoncture du marché immobilier en Moselle l’an passé. Le volume a bien baissé de 7% mais on reste loin de cette chute de 20% en 2023. Il s’agit bien d’une « diminution de la baisse », une façon de voir pour une fois, le verre à moitié plein sans toutefois afficher un optimisme béat. Le Bas-Rhin fait mieux en baissant de 5% seulement, mais le Haut-Rhin fléchit quant à lui à -11%. En France la baisse est plus prononcée à -12% en 2024 (-22% en 2023). En clair, la conjoncture reste tout de même morose… en attendant des jours meilleurs qui ne sauraient tarder, selon nos notaires. Dans le détail en 2024 dans le Grand Est, le prix au m² médian des appartements anciens subit une légère baisse annuelle de 1,1% alors que celui des maisons anciennes régresse de -3%.
La Moselle résiste
Dans ce contexte, la Moselle fait mieux que résister à la tendance baissière régionale et nationale avec -1,3% sur le collectif ancien et -2,6% sur l’individuel ancien. C’est mieux que le Bas-Rhin (-2,6% et -3,5%) ou le Haut-Rhin (-2,1% et -4,4%). En termes de prix de vente pour l’individuel ancien, on arrive à 190 000 € en Moselle contre 236 000 € dans le Haut-Rhin et 253 000 € dans le Bas-Rhin. La carte mosellane fait apparaître un secteur en évolution positive (+6,2% à 1330€/m²) pour les appartements anciens, il s’agit de celui des Montagnes et lacs. Tous les autres sont soit en stagnation ou légère baisse comme à Metz et environs (-0,2% à 1810€/m²) voire dans le Pays du charbon en Moselle-Est à 2,4% à 970€/m². Le secteur le plus dynamique en termes du nombre de ventes reste le Pays du fer (-0 8% à 2210€/m²) « car il représente plus de 35% des transactions départementales d’appartements anciens » selon la présidente de la Chambre des notaires de Moselle.
Sur 10 ans le bilan reste nettement positif
Pour ce qui est des maisons anciennes, le marché est également en baisse dans le département : -2,6% à un niveau de prix médian de 190 000€. C’est aussi le cas pour le nombre de ventes de maisons anciennes dans le Pays du fer qui représente 26% des ventes annuelles de maisons anciennes mosellanes. Elle lie cette dynamique à l’attractivité du Grand-Duché de Luxembourg. Le secteur de Metz est en recul (-3,1% à 248 900 €), tout comme celui de Forbach (-3,3% à 145 000 €) et encore davantage dans le Pays de Sarreguemines-Bitche (-7,6% à 126 000 €). Cela dit, Me Catherine Merlin relativise quelque peu ces baisses successives : « Sur 10 ans l’évolution des prix reste positive avec une évolution de +29% en Moselle pour les appartements anciens, +25% pour les maisons anciennes. »
Baisse des terrains à bâtir
Le marché du neuf avec les terrains à bâtir enregistre une nette baisse à -12,7% du prix médian en Moselle à 72 600, contre -10,8% dans le Bas-Rhin à 89 200€ et seulement -5% dans le Haut-Rhin à 95 000€. Là aussi on retiendra l’embellie sur dix ans, elle est de moindre ampleur : +9% en Moselle, +10% dans le Bas-Rhin et +13% dans le Haut-Rhin. Me Catherine Merlin relève encore une baisse, celle du pouvoir d’achat immobilier qui régresse en Moselle, les surfaces acquérables pour un appartement ancien en dix ans baissent de 25% passant de 60 m² en 2014 à 45 m² en 2024 pour une même contrainte budgétaire. Pour une maison ancienne la baisse est de 21,7% (de 69 m² en 2014 à 54 m² en 2024). « C’est le fait du renchérissement des prix de l’immobilier et de l’augmentation des taux de crédit » assure Me Merlin.
La présidente des notaires mosellans veut croire que la loi de finances 2025 et le budget du Département ne vont pas accroître le freinage du volume des transactions en « renchérissant le coût des achats immobiliers. »
Me Gabriel Weyl : « Aucune vérité unique ne se dégage »
Pour Me Gabriel Weyl, président des notaires du Bas-Rhin, « les problématiques sont toujours les mêmes, les baisses s’enchaînent tous les 6 mois. Les difficultés techniques, les difficultés pour vendre sclérosent complètement toutes les ventes immobilières. » Il lie cet enchaînement au contexte politique mais se veut rassurant. « Pourtant, dit-il, le marché n’est pas si mauvais que ça. On a baissé de valeur, mais pas autant qu’en 2008 où on a baissé de 20 à 25% de valeur. Aujourd’hui on est dans des baisses de 2 à 3% sur l’année. Pour les valeurs médianes à Strasbourg cette année on est à 253 000 €, on était à 270 000 € il y a deux ans. Le différentiel n’est pas démentiel. Il y a quand même un atterrissage. » Il va plus loin en décrivant un marché immobilier d’où ne se « dégage aucune vérité unique. Il y a des quartiers en pleine diminution, et d’autres augmentent. Vous aurez des villes où la valeur des maisons chute, quand elle augmente dans d’autres villes. » Parfois cela s’inverse entre deux quartiers de Strasbourg, en l’occurrence celui de l’Esplanade et de Kablé, d’une année à l’autre. « Rien ne l’explique. » Il relève cependant des secteurs plus dynamiques. Dans les appartements anciens ceux de Saverne (+7,5% à 1780 €/m²), de Molsheim (+2,2% à 2530€/m²) ou de Wissembourg (+1,7% à 1910€/m²) alors que Strasbourg campagne s’avère plus stable. Dans les maisons anciennes la zone de Sélestat est au beau fixe et représente à elle seule 19% des ventes annuelles du département avec des maisons de 5 pièces très vendues (33% des transactions). Quant aux terrains à bâtir « c’est voué à l’échec et les gens se tournent plutôt vers le bâti. » Avec des nuances : les terrains à bâtir près de Strasbourg sont beaucoup plus chers qu’autour de Saverne ou Wissembourg. « On espère que les choses vont se stabiliser. » La grosse crainte vient de la hausse envisagée des droits d’enregistrement pour les notaires, décidée par les départements, autour de 0,5% de hausse, sauf pour les primo-accédants. « Même si elle n’est pas démesurée. C’est un caillou de plus dans la chaussure. »
Me Olivier Fritsch : « L’instabilité est une problématique »
Pour le président de la chambre des notaires du Haut-Rhin, Me Olivier Fritsch, « l’instabilité et le manque de visibilité est une problématique. » C’est d’autant plus vrai quand vous vous engagez pour un emprunt sur 15,20 ou 25 ans. Sur l’évolution des prix, il constate « que ce sont souvent les secteurs les moins chers qui ont le plus baissé, tant en volume qu’en prix. » Il ne parvient pas à le justifier. En attendant, « le Haut-Rhin reste le département le moins cher, pour les appartements comme pour les maisons. À l’inverse, c’est le département où le prix des terrains à bâtir est le plus important. » Sans doute le fait que les lotissements poussent dans le secteur des Trois-Frontières, la zone de Saint-Louis avec l’attractivité de la Suisse, qui dynamise le marché. Pour les maisons anciennes, la zone Colmar-Munster a la plus forte dynamique. Ainsi les secteurs de Lapoutroie-Kaysersberg (+13,7% à 1830 €/m²) et Munster (+12,5% à 1680 €/m²) se démarquent avec des hausses au-dessus de 12%. Mais c’est le secteur de Mulhouse qui « concentre le plus de mutations dans tout le département. »
De meilleures perspectives quand même…
Sur l’évolution des prix Me Gabriel Weyl rejoint Me Catherine Merlin en relevant « que la hausse des prix sur 5 ans, entre 10 et 20% : là où tout le monde pleure, il y a quand même de sacrées évolutions de prix ! Je pense que les vendeurs ne sont pas prêts à sacrifier leurs biens pour les vendre moins chers. »
Les notaires ont insisté également sur l’impact des normes imposées sur ce marché de l’immobilier. Dans le neuf évidemment, notamment pour les appartements, le portage de projets, la durée pour les faire aboutir, les marges des promoteurs qui se rétrécissent, font souvent renchérir le bien. « En dix ans si vous faites le compte de toutes les normes qui s’accumulent, de la haute performance énergétique, des normes techniques sur la sécurité, tout ça fait exploser les coûts… » remarque Me Gabriel Weyl.
L’impact de la baisse des coûts du crédit
Toutefois, la perspective de la baisse des coûts du crédit pourrait faire entrevoir le bout du tunnel. Les notaires y voient une éclaircie. « Certes on ne reviendra pas à un taux de 1%... mais le fait que l’on soit redescendu, psychologiquement cela a largement rouvert les vannes. Mais avec un taux de 3% on n’a quand même pas le même pouvoir d’achat qu’à 1%. Mais ça aide » réagit Me Weyl. Et Me Merlin se félicite de voir l’élargissement du PTZ, le fameux prêt à taux zéro, étendu à l’ensemble du territoire à compter du 1er avril 2025. Il est étendu aux maisons individuelles. « Cela pourrait redynamiser ce marché. » Et puis nos notaires reviennent à l’essentiel : « Après le confinement de la crise sanitaire, les projets des gens se remettent en place progressivement. On revient dans un cycle normal. Le cours de la vie reprend, cela va remettre des biens sur le marché et inciter les gens à acheter » veut croire Me Weyl.
Mais l’actualité rattrape le marché et les usagers, incités à la prudence et à l’attente quand on parle de réarmement, de tensions, de guerre. « Tous les jours les gens nous questionnent à ce propos » avoue Me Olivier Fritsch. Mais là aussi Me Gabriel Weyl cherche à relativiser. « Ce climat un peu morose et anxiogène existe maintenant depuis des années, depuis le covid, sans doute. Avec le rebond d’après confinement. Ce climat est dans l’esprit des gens… Il faudrait faire attention à tous les discours. »
De la ville vers la périphérie et l’inverse
Les notaires ont fait le constat général de ce mouvement initié par la crise sanitaire et le confinement, d’achats de biens vers l’extérieur, vers la périphérie des villes. « C’était général. Pas seulement francilien. On a vu pas mal de gens partir de Strasbourg et sa métropole vers des villes comme Saverne, Haguenau. Et le mouvement inverse existe avec le mouvement des seniors, des retraités vers les villes avec davantage de services à disposition » explique Me Weyl.
À l’arrivée les notaires des trois chambres gardent espoir de voir s’améliorer le marché malgré ces petits cailloux dans la chaussure que sont la hausse des droits de mutations, des frais de notaire, qui reste cependant très mesurée. Le prochain rendez-vous des notaires sur l’immobilier en Alsace Moselle devrait être plus serein.
Voir aussi : https://cir-colmar-metz.notaires.fr
