Les démissions individuelles peuvent être isolées, simultanées, ou même prendre une forme collective. En tout état de cause, chaque conseiller ne peut engager que lui-même et reste à tout moment seul maître de sa décision, même si celle-ci paraît liée à une action d’apparence collective.
Si la démission est majoritairement l’expression d’une volonté affirmée du conseiller municipal de cesser ses fonctions, il n’en demeure pas moins que celui-ci peut être démissionné d’office dans des cas précisément prévus.
I/ La procédure de démission
A/ La procédure de droit commun
La démission doit être adressée au maire (article L.2121-4, al. 1 du CGCT), sans à avoir à justifier sa décision.
Elle doit nécessairement être exprimée dans un document écrit, daté et signé par l’intéressé(e), remis ou transmis au maire.
L’article L.2121-4 du CGCT dispose expressément que la démission doit être « adressée » au maire (al. 1), la démission devenant définitive dès sa « réception » par le maire (al. 2). Ces deux termes impliquent par eux-mêmes l’exigence d’un document écrit. C’est d’ailleurs ce document qui doit être transmis au préfet par le maire.
Ce document prend, en pratique, la forme d’une lettre adressée au maire.
En ce qui concerne les formes matérielles de ce document et les modalités de son envoi, la règle générale communément admise est qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit une condition de forme de la notification de la démission (CE, 16 juin 2003, Cne de Longuyon), pas plus qu’elles n’imposent qu’une démission soit présentée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (CE, 28 juillet 1999, Élections municipales de La Celle-Saint-Cloud).
Aucune disposition législative ou réglementaire n’impose que les démissions des conseillers fassent l’objet d’un enregistrement en mairie (TA Strasbourg, Mme Marie-Jo Zimmermann et autres/Ville de Metz, n°0203394).
Il n’en reste pas moins que le conseiller démissionnaire a tout intérêt à se ménager une preuve de l’envoi de sa lettre, soit en l’adressant au maire sous pli recommandé, soit en en demandant un accusé de réception.
L’envoi de la décision de démission par lettre recommandée, malgré les garanties qu’offre en principe ce procédé, peut néanmoins soulever des difficultés.
L’arrêt "Commune de Longuyon" en est un bon exemple, en même temps qu’il donne au maire des directives précises sur l’attitude qu’il doit adopter en pareil cas.
Dans cette affaire, un conseiller municipal avait informé le maire de sa démission par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 mars 2001, reçue par son destinataire le 22 mars 2001, ainsi que par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 avril 2001.
Le Conseil d’État juge que « le maire de Longuyon ne saurait soutenir, s’agissant de la première de ces lettres, que l’enveloppe était vide, dès lors qu’il n’a fait aucune diligence pour connaître l’objet de cet envoi » et d’ajouter qu’il « ne saurait davantage arguer du retard qu’il a mis à retirer au bureau de poste le 12 avril 2001, la deuxième lettre, présentée en mairie le 3 avril » et d’en tirer la conséquence que dans ces conditions, le maire doit être regardé comme ayant été régulièrement informé, en temps utile, de la démission.
Il est toutefois recommandé à ce dernier de constater officiellement la réception de la démission, en mentionnant la date et l’heure précise de cette réception et de notifier cette constatation au conseiller démissionnaire.
Cette mesure est en fait indispensable si l’élu veut éviter des contestations de fait sur la date et l’heure de la démission, depuis que la loi n°88-1262 du 30 décembre 1988, article 32, a ajouté un alinéa 2 à l’article L.121-21 du Code des communes (actuellement repris à l’alinéa 2 de l’article L.2121-4 du CGCT) aux termes duquel les démissions sont définitives dès leur réception par le maire.
La décision (sous quelque forme que ce soit) par laquelle un maire prétendrait prendre acte d’une démission qui n’aurait pas été réellement présentée constitue un acte faisant grief au conseiller concerné et est dès lors susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir (CE, 1er décembre 1993, Segantini).
Dès réception d’une démission, le maire doit en informer le représentant de l’État dans le département, à savoir le préfet (article L.2121-4, al.2 du CGCT).
Cette information implique que le maire transmette au préfet une copie intégrale de la lettre de démission à l’effet de permettre au représentant de l’État de constater lui-même la réalité de cette démission.
La démission d’un conseiller municipal ayant des conséquences sur la validité formelle des séances du Conseil Municipal, puisqu’elle modifie la liste des conseillers qui doivent être convoqués et qui peuvent siéger aux séances, le préfet, compétent pour déférer au tribunal administratif les délibérations prises dans des conditions irrégulières, doit être à même de connaître la composition exacte de chaque Conseil Municipal.
L’information du préfet, si elle est bien obligatoire selon l’article L.2121-4, alinéa 2, ne paraît toutefois pas pouvoir être considérée comme une condition de la validité ou de l’effectivité de la démission en elle-même.
Il s’agit en effet d’une simple « information » et non d’une transmission d’un acte pour l’authentifier, l’approuver ou lui conférer un caractère exécutoire.
Il convient toutefois d’être vigilant quant aux conséquences que pourrait éventuellement avoir le défaut d’information du préfet en ce qui concerne la régularité des réunions du Conseil Municipal postérieures à la démission.
B/ La procédure de démission d’office
1/ La démission d’office à la suite d’une condamnation pénale
La démission d’office d’un conseiller municipal à la suite d’une condamnation pénale intervient dès lors que l’élu se voit condamné à une peine d’inéligibilité, notamment si cela entraîne la perte de ses droits civiques ou électoraux.
Selon l’article L. 236 du Code électoral : « Tout conseiller municipal qui, pour une cause survenue postérieurement à son élection, se trouve dans un des cas d’inéligibilité prévus […] est immédiatement déclaré démissionnaire d’office par le préfet ». La procédure s’applique aussi si la condamnation à l’inéligibilité est assortie de l’exécution provisoire, même si la décision n’est pas définitive.
Ainsi, en application de l’article L.236 du Code électoral, le préfet est tenu de prononcer la démission d’office d’un conseiller condamné de la sorte dès lors que la condamnation est devenue définitive (CE, 5 mai 2006, Goussainville). Cette mesure est automatique. Il appartient au préfet de constater la démission d’office du conseiller.
Cette déclaration par le préfet ne laisse aucune marge d’appréciation : il s’agit d’une compétence liée, sans possibilité de rejuger l’affaire ou d’attendre que tous les recours soient épuisés.
Le recours formé par l’intéressé contre la décision préfectorale n’est pas suspensif. L’élu perd immédiatement son mandat du fait de l’inéligibilité, même en cas de recours administratif contre la décision de démission d’office. L’élu est par conséquent immédiatement écarté du Conseil Municipal, même s’il intente une action devant le tribunal administratif ou le Conseil d’État.
Ce dernier a, en effet, la possibilité de former une réclamation devant le tribunal administratif dans les dix jours suivant la notification.
La sanction ne concerne que les condamnations à une peine d’inéligibilité prononcée expressément par le juge pénal et non pas toutes les condamnations pénales en général.
Cette règle s’applique également aux membres des assemblées d’intercommunalités.
Cette démission peut intervenir dès la condamnation définitive ou, si le juge l’a décidé, en cas d’exécution provisoire de la peine d’inéligibilité.
La procédure vise à garantir l’exécution de la décision pénale, la probité et la confiance dans les représentants élus, constituant selon le Conseil Constitutionnel une exigence d’ordre public.
2/ La démission d’office prononcée par le juge administratif
Tout membre d’un Conseil Municipal qui sans excuse valable a refusé de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois est déclaré démissionnaire par le tribunal administratif (article L.2121-5 du CGCT).
Cette démission d’office fait perdre sa qualité de conseiller au conseiller concerné et crée une vacance au sein du Conseil Municipal.
Le conseiller municipal doit avoir refusé de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par la loi, à savoir, par exemple, la présidence d’un bureau de vote qui constitue une des fonctions dévolues par la loi (CE 21 octobre 1992, Alexandre et autres).
Le Conseil d’État considère que les fonctions d’assesseur prévues aux articles R.43 et R.44 du Code électoral comptent parmi les fonctions dévolues par la loi à un conseiller municipal au sens de l’article L.2121-5 du CGCT (CE, 26 novembre 2021, Cne de Dourdan, n°349510). Sur ce point, la position du juge administratif est constante.
Précisons que la jurisprudence considère que ni le refus d’assister aux réunions du Conseil Municipal, ni l’absence répétée aux séances du Conseil Municipal, ne sont des refus d’exercer une fonction dévolue par la loi (TA Clermont-Ferrand, 5 décembre 1989, Cne de Malintrat/ Mme Troiplis - CE, 6 novembre 1985, maire de Viry-Châtillon).
L’article L.2121-5 alinéa 2 du CGCT indique que le refus de remplir la fonction en cause ne peut être considéré que dans l’un des deux cas suivants :
- déclaration expresse de refuser d’assumer la fonction adressée par le conseiller intéressé à l’autorité compétente pour lui enjoindre d’assumer cette fonction,
- ou même déclaration rendue publique par ce conseiller.
La déclaration expresse de refus doit être adressée à l’autorité compétente pour demander au conseiller concerné de remplir la fonction concernée et cette déclaration de refus doit faire l’objet d’un mode de publicité afin qu’elle soit portée à connaissance.
Il y a déclaration publique lorsque des conseillers municipaux distribuent un tract annonçant leur refus de tenir des bureaux de vote au second tour d’une élection (TA Amiens, 29 avril 2004, Cne de Béalcourt).
La démission d’office est prononcée lorsque le refus a été opposé sans excuse valable. Il appartient au maire avant de saisir le tribunal administratif de s’assurer que le refus n’est justifié par aucune excuse valable.
La mise en oeuvre de la procédure de démission d’office est une compétence propre du maire, si bien qu’il apprécie s’il y a lieu de saisir le juge. Une association est ainsi incompétente pour saisir le juge (CAA Bordeaux 30 juillet 1993, Collégial démocratique).
Le maire doit agir dans le délai d’un mois de la constatation du refus, sous peine de déchéance de la possibilité d’introduire cette action (article R.2121-5 al 2 du CGCT).
Le tribunal administratif saisi doit statuer dans le délai d’un mois. Si le tribunal administratif a prononcé la démission d’office du conseiller municipal, celui-ci en est informé par le greffier en chef qui doit lui faire connaître qu’il a un délai d’un mois pour se pourvoir en appel.
Le conseiller perd sa qualité de conseiller municipal et cesse de siéger dès notification du jugement définitif le concernant. Il ne peut être réélu avant le délai d’un an (article L.2121-5 du CGCT).
En outre, il convient de signaler que dans les seuls départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, le droit local, repris aux articles L.2541-9 et L.2541-10 du CGCT, permet de sanctionner tout conseiller municipal qui, sans excuse suffisante, a manqué trois séances consécutives ou qui a troublé l’ordre à plusieurs reprises sans se conformer aux rappels du président par une exclusion décidée par l’assemblée pour un temps déterminé ou pour toute la durée de son mandat.
L’élu peut ainsi être déclaré démissionnaire d’office par le Conseil Municipal. La décision doit être portée au procès-verbal.
De plus, une défection, sans excuse, à cinq séances consécutives, entraîne la perte du mandat de conseiller municipal (Réponse à la question n°49316 publiée au JO le : 11/08/2009 page 7932).
Le juge administratif a considéré « qu’il revient au maire, en sa qualité de président du Conseil Municipal, après avoir au besoin provoqué un débat au sein de ce conseil, de procéder à la constatation sur le registre des délibérations de l’absence sans excuse d’un conseiller municipal à cinq séances consécutives dudit conseil» (Cour administrative d’appel de Nancy, 22 juin 2006, n° 04NC00260). Cette constatation du Conseil Municipal, mentionnée à l’article L.2541-10 du CGCT, doit être notifiée au conseiller municipal concerné.
L’article L.2541-11 du CGCT prévoit, en outre, que « l’opposition contre la décision du Conseil Municipal visée à l’article L.2541-9 ainsi que contre la constatation visée à l’article L.2541-10 est portée devant le tribunal administratif dans les dix jours de la date à laquelle la décision attaquée a été prise ou la constatation consignée au procès-verbal. L’opposition ne peut être formée que par les conseillers municipaux directement intéressés ». Ces dispositions spéciales excluent l’application des dispositions générales de l’article R.421-1 du Code de justice administrative qui disposent que « la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ».
Le législateur a ainsi entendu prévoir que les délais de recours contre la décision du Conseil Municipal sont opposables à compter de la date de la décision, et non de sa notification.
II/ Les conditions de validité de la démission
La volonté du conseiller municipal de démissionner de son mandat doit être explicite et clairement exprimée dans la lettre qu’il adresse au maire.
L’intention de démissionner doit être claire et non équivoque.
Le document de démission ne doit laisser aucun doute sur la volonté expresse de son auteur. Par suite, un tract distribué à la population, ne comportant ni date ni signature, ne peut, eu égard à sa forme, son objet et ses destinataires, valoir lettre de démission au sens des dispositions de l’article L.2121-4 du CGCT (TA, Grenoble 31 mars 1992, Guyon).
Le Conseil d’État a jugé qu’une lettre contenant la phrase suivante : « À ce jour, je prends la décision de me retirer de votre majorité municipale, je reste conseiller municipal dans l’opposition » ne constitue pas une lettre de démission du mandat de conseiller municipal, si bien que l’acte par lequel le maire a, en réponse à cette lettre, déclaré prendre acte d’une prétendue démission de ce conseiller fait grief à ce dernier, qui est par la suite recevable à en demander l’annulation (CE, 1er décembre 1993, Segantini).
Au contraire, une lettre de démission « rédigée en termes non équivoques et dont il n’est pas établi qu’elle ait été signée sous la contrainte » vaut démission effective (CE, 16 janvier 1998, Ciré). Il en est de même lorsque la démission est « exprimée dans une forme ne laissant aucun doute sur la volonté expresse de son auteur » (CAA Nancy, 3 mars 2005, Ville de Metz, n°03NC001111).
Cette exigence de clarté et d’authenticité de la lettre de démission implique qu’il incombe au maire, en tout état de cause, lorsqu’il reçoit une lettre de démission, de s’assurer de la validité matérielle ainsi que de la portée exacte de cette lettre, et, notamment, de vérifier qu’elle émane bien de son auteur apparent.
Il lui appartient d’apprécier le caractère non équivoque des termes de la lettre de démission et de s’assurer qu’elle n’a pas été signée sous la contrainte (CE, 16 janvier 1998, Ciré).
L’existence de l’absence de contrainte peut parfois soulever de délicates questions de fait.
Ainsi, une conseillère municipale, par une lettre du 15 mars 2002, confirmée par une seconde lettre du 29 avril 2002, a informé le maire de sa décision de démissionner de son mandat de conseiller municipal, démission que le maire a publiquement refusé d’accepter, pensant que cette démission avait été signée sous la pression du conseiller tête de la liste sur laquelle l’intéressée avait été élue.
Après avoir relevé qu’il n’est « pas établi que ces lettres, rédigées en termes non équivoques, aient été signées sous l’effet de pressions exercées sur l’intéressé par certains membres » de sa liste, l’arrêt relève que « si la requérante soutient, dans une déclaration devant le tribunal administratif, qu’elle pensait être tenue de présenter sa démission dès lors qu’elle refusait de suivre la ligne politique définie par la tête de liste et que, le maire l’ayant informée qu’elle n’y était pas tenue, elle a, par sa lettre du 6 mai 2002, décidé de revenir sur cette décision, ces circonstances sont sans influence sur le fait que, en vertu de l’article L.2122-4 du Code général des collectivités territoriales, la démission de la requérante est devenue définitive dès la réception par le maire, le 8 avril 2002, de sa première lettre de démission » (CE, 12 février 2003, Cne de La Seyne-sur-Mer).
La meilleure solution, pour le maire, est, après avoir fait part au conseiller auteur de la lettre de démission de ses interrogations sur la validité de cette lettre, de lui demander d’en confirmer expressément les termes, soit verbalement, soit par écrit.
Le conseiller démissionnaire peut, si tel est son état d’esprit, prétendre que sa lettre de démission est définitive, et qu’il n’a ni à fournir d’explications ni à confirmer sa décision. Dans ce cas, le maire doit considérer qu’il y a bien démission et que celle-ci prend effet au jour où il a été avisé pour la première fois de cette démission.
Dans le cas de démissions simultanées de plusieurs conseillers municipaux, ceux-ci peuvent indifféremment saisir le maire par des lettres individuelles distinctes ou par une lettre collective.
S’il s’agit d’une lettre collective, la manifestation de volonté de chacun des conseillers démissionnaires doit être établie de façon certaine et donc par une signature matériellement indiscutable et donnée en connaissance de cause.
Dans le cas des conseillers municipaux élus au scrutin de liste, où sont applicables les dispositions de l’article L.270 du Code électoral, selon lesquelles en cas de démission d’un conseiller celui-ci est remplacé par le candidat venant immédiatement après le dernier élu de la même liste, jugé que ce colistier « peut à son tour immédiatement présenter sa démission, ce qui présente les mêmes conséquences pour celui qui le suit sur la même liste ». De la sorte, à la suite de la démission de deux conseillers, sont valables les démissions présentées simultanément par 49 de leurs colistiers (CAA Nancy, 3 mars 2005, Ville de Metz, n°03NC001111).
III/ La date de la démission
Avant 1982, la démission des conseillers municipaux, qui était alors adressée au sous-préfet, devenait définitive à partir de l’accusé de réception par le préfet, ou, à défaut de cet accusé de réception, un mois après un nouvel envoi de la démission.
Ces dispositions, abrogées par la loi n°82-213 du 2 mars 1982, n’avaient été remplacées par aucune disposition expresse nouvelle. Dans ces conditions, il y avait lieu de considérer que la démission devenait définitive à dater de la réception par le maire de la lettre de démission.
Cette lacune législative a été comblée par la loi n°88-1262 du 30 décembre 1988, article 32, qui a ajouté un alinéa 2 à l’article L.121-21 du Code des communes, aux termes duquel « les démissions sont définitives dès leur réception par le maire ». Cette disposition est actuellement reprise à l’alinéa 2 de l’article L.2121-4 du CGCT qui prévoit que « la démission est définitive dès sa réception par le maire ».
Il est constamment réaffirmé par la jurisprudence qu’une démission devient définitive dès sa réception par le maire (Commune de La Seyne-sur-Mer - TA 24 décembre 2001, Préfet de Meurthe-et-Moselle - TA Strasbourg Mme Marie-Jo Zimmermann et autres/Ville de Metz, n°0203394 - CAA Nancy 3 mars 2005, Ville de Metz, n°03NC001111 : démissions concomitantes de 49 colistiers appelés chacun à siéger, en application des dispositions de l’article L.270 du Code électoral, après la démission du conseiller qui les précédait).
Ce principe laisse néanmoins subsister la question de la date d’effet réelle de la démission, ainsi que celles de savoir si le maire peut refuser d’accepter une démission ou si le conseiller démissionnaire peut retirer sa démission.
A/ La date d’effet de la démission
La formule de l’article L.2121-4 du CGCT, selon laquelle la démission est définitive dès sa réception par le maire, doit être comprise en ce sens que c’est la décision de démissionner qui est définitive dès ce moment.
Mais la date d’effet pratique de cette décision peut être soit le jour même de cette réception par le maire, soit une date postérieure fixée par le conseiller démissionnaire.
Le conseiller démissionnaire peut, dans sa lettre de démission, préciser que sa démission prendra effet à une autre date que celle de la réception de sa lettre par le maire – cette date ne pouvant en tout état de cause être que postérieure à celle de la réception.
Il convient en effet de prendre en considération la distinction fondamentale qui existe entre la date d’entrée en vigueur d’un acte et sa date de prise d’effet.
L’entrée en vigueur de l’acte est le moment où celui-ci acquiert valeur juridique, au terme de l’alinéa 2 de l’article L.2121-4 du CGCT, ce moment est celui de la réception de la démission par le maire. La prise d’effet de l’acte est le moment où l’acte produit effectivement ses effets.
Dans le cas où des conseillers ont donné leur démission « en cas de démission du maire », il a été jugé que « leur démission ne pouvait, en tout état de cause, prendre effet que postérieurement à la cessation par le maire de ses fonctions dès lors qu’elle était conditionnée par cette circonstance » (CE, 22 juin 2005, Élection du maire de Maurepas, n°274185).
B/ Le refus de la démission par le maire
La question peut se poser de savoir si le maire peut refuser une démission. Juridiquement, la réponse est négative.
Le rôle du maire se borne en effet à prendre acte de la démission au moment de la réception de celle-ci et à en informer le préfet.
Aucun pouvoir d’appréciation de l’opportunité de la démission ne lui est, en effet, reconnu. Tout au contraire, en droit (article L.2121-4, al.2 du CGCT), la décision de démission prise par le conseiller concerné est définitive dès sa réception par le maire, sans qu’il soit besoin d’une acceptation ou même d’un accusé de réception par ce dernier. Il n’y a là, par conséquent, juridiquement, aucune place pour exprimer un quelconque éventuel refus de la démission par le maire. Celui-ci ne peut pas s’y opposer.
Il a été jugé que, « nonobstant la fin de non-recevoir que le maire a cru devoir lui opposer », une démission exprimée de manière indiscutable est devenue définitive le jour où la lettre démission a été reçue par celui-ci (CE, 16 janvier 1998, Ciré).
Rien n’interdit, toutefois, au maire, en pratique, lorsqu’il reçoit une lettre de démission, et avant de constater officiellement la réception de celle-ci et d’en informer le préfet, de prendre contact avec le conseiller concerné et de lui demander s’il entend bien prendre de manière définitive cette décision de démission.
On rappellera d’ailleurs, à l’appui de cette pratique, qu’il incombe au maire, en tout état de cause, lorsqu’il reçoit une lettre de démission, de s’assurer de la validité matérielle de cette lettre, de sa portée, et notamment de vérifier qu’elle émane bien de son auteur apparent. Il est donc légitime que le maire s’informe à cet égard en prenant contact avec le conseiller concerné lui-même.
La prudence sera toutefois de n’accorder au conseiller démissionnaire qu’un bref délai de réflexion, et même de lui demander une réponse immédiate en cas de convocation du Conseil Municipal imminente.
Le tribunal administratif de Strasbourg a jugé, dans le cas où un maire avait refusé de transmettre des démissions au préfet, que, « si le maire entendait contester ces démissions, il devait saisir le juge électoral, dans les termes prévus par l’article R.119 du Code électoral » et d’ajouter que « cette saisine n’ayant pas eu lieu, il était tenu de transmettre l’ensemble des démissions au préfet » et « dès lors les démissions remises au maire les 28 août et 2 septembre 2002 sont effectives ».
Le tribunal administratif prononce l’annulation des décisions implicites de refus de transmettre les démissions au préfet (TA Strasbourg, Mme Marie-Jo Zimmermann et autres/Ville de Metz, n°0203394).
Au contraire, si ce sont des conseillers démissionnaires qui agissent contre le refus, explicite ou implicite, du maire de prendre acte de leurs démissions et de les transmettre au préfet, leurs recours ne constituent pas des protestations se rattachant au contentieux électoral (soumis, s’il s’agit d’une décision implicite, au délai de l’article R.120 du Code électoral), mais concernent la légalité de la décision de refus du maire, ainsi que, le cas échéant, des délibérations prises par un Conseil Municipal irrégulièrement composé, ces recours relèvent donc du contentieux de l’excès de pouvoir (s’agissant en l’espèce d’une décision implicite, le tribunal administratif pouvait donc statuer plus de deux mois après l’enregistrement de la demande) - (CAA Nancy, 3 mars 2005, Ville de Metz, n°03NC001111).
C/ Le retrait de la démission
La possibilité pour le conseiller démissionnaire de retirer sa démission était admise sous l’empire des dispositions du Code des communes antérieures à 1982, tant que l’accusé de réception, expressément prévu par l’ancien article L.121-21, n’avait pas été notifié au démissionnaire (CE, 23 avril 1958, Élections municipales des Abymes).
La question se posait de savoir ce qu’il en était en l’état actuel des dispositions de l’article L.2121-4 du CGCT, lequel ne prévoit plus l’envoi d’un accusé de réception comme condition du caractère définitif de la démission.
Le principe nouveau étant que la décision de démission devient définitive à dater de la réception de la lettre de démission par le maire, le conseiller démissionnaire ne peut, juridiquement, se voir reconnaître un droit à retirer sa démission dès le moment où le maire a reçu la lettre de démission.
Une démission ne peut plus être retirée dès le moment où elle est devenue définitive (CAA Nancy, 3 mars 2005, Ville de Metz, n°03NC001111).
Avant d’envoyer une lettre de démission, tout conseiller tenté de le faire doit savoir qu’il ne dispose pas du droit à retirer cette lettre dès qu’elle a été reçue par le maire, et que seul un acte de bonne volonté de ce dernier peut permettre d’effacer l’envoi de la lettre de démission.
Cette solution serait-elle encore possible après que le maire ait informé le préfet de la démission, au sens des dispositions de l’alinéa 2 de l’article L.2121-4 du CGCT ? Juridiquement, une réponse négative s’impose.
Dès lors que la lettre de démission n’est pas douteuse et qu’il en est officiellement informé par le maire en application explicite des dispositions de l’article L.2121-4 du CGCT, le préfet doit prendre acte de la modification intervenue dans la composition du Conseil Municipal.
Ceci fait, il ne lui est plus possible de revenir sur cette constatation, puisque cela reviendrait, de sa part, à modifier de lui-même la composition du Conseil Municipal en y réintégrant en fait le conseiller démissionnaire.
IV/ Les effets de la démission
La démission, dès que le maire reconnaît officiellement l’avoir reçue fait perdre sa qualité de conseiller municipal au conseiller démissionnaire.
Cet effet se produit à la date de la réception de la lettre de démission par le maire si le démissionnaire n’a mentionné aucune autre date dans cette lettre, ou à la date fixée dans la lettre de démission si le démissionnaire a choisi une date postérieure à l’envoi de celle-ci.
La démission, à compter du jour où elle prend effet, crée une vacance dans l’effectif du Conseil Municipal.
Le conseiller n’est plus membre du Conseil Municipal dès la réception de la démission par le maire : il perd tous ses droits et obligations attachés à cette fonction dès cet instant.
Le conseiller démissionnaire n’a plus à participer aux délibérations ni à remplir aucun acte relevant de son mandat
Lorsqu’un contentieux relatif à une démission est lié à la question de l’appréciation d’une vacance au sein du Conseil Municipal, l’affaire soulève alors un litige en matière électorale.
Ainsi en est-il au cas où il y a lieu un remplacement d’un conseiller démissionnaire, lorsqu’un suivant de liste critique la décision du maire de refuser de le convoquer aux réunions du Conseil Municipal, au motif que le maire a opposé, à tort, une fin de non recevoir à la démission du conseiller en fonction, précédent sur la liste.
En conséquence, ce sont les règles procédurales du contentieux électoral qui s’appliquent au recours ainsi intenté, lequel s’analyse dès lors en une « protestation » au sens du terme dans ce contentieux.
Le conseiller dont la démission est devenue définitive ne peut plus participer aux délibérations du Conseil Municipal, et, cela, alors même qu’il prétendrait retirer cette démission devenue définitive (CE, 4 novembre 1936, Élections de Plestan).
Le conseiller municipal ayant démissionné, il y a lieu de pourvoir à son remplacement.
Le siège devenu vacant est pourvu selon les règles habituelles (par le suppléant suivant sur la liste ou, à défaut, par élection partielle si besoin).
Dans les communes de 3500 habitants et plus, c’est le candidat venant sur la liste immédiatement après le dernier élu qui est appelé à remplacer le conseiller élu sur cette liste dont le siège est devenu vacant (article L.270 du Code électoral).
L’élu est déterminé sur la base de la liste déposée en préfecture et non par rapport à l’ordre des candidats figurant sur les bulletins de vote (CE, 6 mai 1985, Élections municipales de Moreuil).
Le Code électoral n’imposant aucun formalisme particulier pour ce remplacement, il suffit que le maire adresse une convocation à la personne concernée pour la plus proche réunion du Conseil Municipal, l’intéressé n’ayant pas à se manifester ni à signifier qu’il accepte le remplacement.
L’installation du nouvel élu doit être consignée au procès-verbal du Conseil Municipal, lequel doit nécessairement faire l’objet d’un affichage en mairie.
Lorsque le remplacement est devenu impossible, il est alors procédé au renouvellement du Conseil Municipal (article L.270 du Code électoral).
Si la démission est collective et fait perdre le tiers du Conseil Municipal, ou en cas de vacance de tous les sièges d’une liste, des élections partielles doivent être organisées conformément au Code électoral
Ainsi, dans les communes de moins de 3500 habitants, le remplacement par des élections complémentaires au Conseil Municipal s’effectue lorsque le Conseil Municipal a perdu le tiers de ses membres, l’élection complémentaire devant se tenir dans un délai de trois mois à dater de la dernière vacance (article L.258 du Code électoral).
Toutefois, dans l’année qui précède le renouvellement général, les élections complémentaires ne sont obligatoires qu’au cas où le Conseil Municipal aurait perdu plus de la moitié de ses membres (CE, 6 novembre 1996, Commune d’Asnières sur Seine).