I/ Le cadre légal général
Le cadre juridique est fixé principalement par les articles L.52-1 et suivants du Code électoral interdisant toute campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité pendant les six mois précédant le scrutin.
La communication ne doit en aucun cas favoriser un candidat, éviter toute promotion des élus sortants et doit respecter les principes d’égalité entre candidats, de neutralité et de sincérité du scrutin.
Les collectivités et les élus sont concernés dès lors qu’ils utilisent des moyens publics ou officiels dans leurs communications (bulletins municipaux, sites internet institutionnels, réseaux sociaux officiels, etc).
Les candidats doivent veiller à bien séparer leur communication de campagne de leur communication institutionnelle.
Ainsi, l’ensemble de la communication doit conserver sa tonalité habituelle sur tous les supports, y compris pour les newsletters, vidéos, podcasts et autres outils nouveaux ou hybrides.
II/ Les principes applicables à la communication en ligne
A/ La neutralité et l’absence de promotion
Les élus ne doivent pas utiliser les sites internet officiels des collectivités, ni les réseaux sociaux institutionnels pour valoriser leurs actions personnelles, leur bilan ou faire campagne.
La communication sur ces supports doit être strictement informative, factuelle et dénuée de propos électoralistes, prosélytes ou promotionnels.
Les contenus doivent se limiter à l’information des administrés sur les services publics, les démarches, les horaires, les projets en cours, sans références directes ou indirectes aux élections ou aux candidatures.
B/ L’antériorité, la régularité et l’identité
Les mises à jour, publications et messages ne doivent pas changer de rythme, de forme, ni de ton par rapport aux années précédentes. Par exemple, il ne faut pas multiplier les posts ou modifications au niveau du site internet ou d’un réseau social.
Toute nouveauté dans les moyens de communication doit être justifiée par un besoin légitime et ne pas coïncider avec la période pré-électorale pour éviter tout soupçon de campagne déguisée.
La présentation visuelle et éditoriale des supports numériques doit rester conforme à celle habituellement utilisée.
III/ La séparation des rôles
Les élus candidats doivent clairement distinguer entre leur communication personnelle sur leurs comptes privés (s’ils en ont) et la communication institutionnelle réalisée dans le cadre de leur fonction.
Dans leur communication privée et hors temps de service, les candidats peuvent faire campagne, mais doivent éviter toute confusion avec une communication institutionnelle ou une utilisation des moyens publics.
Toute prise de position politique publique sur les réseaux sociaux doit se faire avec prudence en respectant le devoir de réserve lié à leur statut.
IV/ L’utilisation des sites internet
C’est avant tout au regard du contenu du site que le juge se prononce.
Est ainsi interdite la création d’un site vantant les mérites du maire-candidat ou la gestion communale et/ou créé juste avant les élections, sauf s’il reste strictement informatif sur la collectivité.
Depuis le 1er septembre 2025, le contenu du site internet institutionnel de la commune doit s’affranchir de toute promotion des réalisations de la collectivité et de toute mise en valeur de la gestion municipale. Les sites internet des collectivités territoriales n’ont, en effet, pas vocation à participer directement ou indirectement à la campagne électorale des listes qui se présentent aux élections.
À noter que l’utilisation d’un site internet d’une collectivité territoriale pour les besoins de la campagne électorale d’une liste est assimilable à un financement par une personne morale prohibé par le deuxième alinéa de l’article L.52-8.
Les infractions à cet article sont passibles d’une amende de 3 750 euros et d’un emprisonnement d’un an ou de l’une de ces deux peines seulement (article L.113).
Précisons qu’un lien établi à partir d’un site internet institutionnel vers le site d’une liste est assimilé à un avantage en nature de la part d’une personne morale prohibé.
Sur le plan pratique, le juge recherche si le site a été utilisé pour les besoins de la campagne électorale d’un candidat afin d’intégrer au compte de campagne de ce dernier les dépenses relatives au site (article L.52-8 du Code électoral).
La publication de contenus à caractère électoral ou valorisant un élu candidat est interdite. Créer un nouveau site ou une nouvelle rubrique exclusivement pour promouvoir un élu ou un programme électoral est par conséquent prohibé.
Les mises à jour du site internet doivent conserver leur périodicité et leur neutralité éditoriale.
A/ Le site institutionnel
Le droit applicable aux bulletins municipaux est transposable à la création, à l’installation et à la mise à jour des sites internet des collectivités, si bien que le site internet institutionnel de toute commune en France doit respecter les principes de neutralité, d’antériorité, de régularité et d’identité.
Les sites internet institutionnel des collectivités doivent servir uniquement à fournir une information neutre et utile aux citoyens.
Il s’agit d’être vigilant, car la mise en ligne d’un nouveau site internet risque d’être assimilée par le juge, en fonction de son contenu, à un avantage indirect consenti au candidat sortant par la collectivité, prohibé, étant, toutefois, précisé que la création d’un site internet par une commune comportant simplement une présentation générale de cette dernière ne constitue pas automatiquement une campagne de promotion publicitaire.
Ainsi, le juge électoral a estimé que la création d’un site internet durant la période des six mois précédant les élections ne constituait pas un procédé de publicité commerciale dans la mesure où le contenu du site n’était accessible qu’aux électeurs se connectant volontairement (CE, 8 juillet 2002, n°239220).
Le Conseil d’État accepte qu’une commune crée un site internet pendant la période pré-électorale, tant que le contenu du site est strictement informatif et neutre (CE 2 juillet 1999, Commune du Portel).
Toute nouveauté (création ou refonte) doit répondre à un besoin objectif, indépendant du contexte électoral. Le site ne doit ni changer de forme, ni de rythme de publication, ni augmenter artificiellement sa visibilité.
Bien que la commune puisse créer son site internet au cours de cette période (CE, 2 juillet 1999, Commune du Portel), il s’agit néanmoins d’être attentif à son contenu. Le maire doit le concevoir comme un nouveau service à la population permettant d’obtenir des informations sur la collectivité.
Aussi apparaît-il nécessaire de conserver toute trace de la décision et de la justification de création du site, en s’appuyant sur un besoin de service public réel (mise en conformité RGPD, accessibilité, sécurité, service à la population, etc.).
Les supports ou fonctionnalités nouveaux doivent être motivés par des raisons techniques ou administratives légitimes, non par des objectifs de communication politique ou électorale.
Si le site est préexistant, la collectivité, au titre du principe de précaution, doit faire preuve d’une vigilance particulière en effaçant toutes les informations susceptibles d’être perçues comme un élément de propagande, même si l’information a été mise en ligne antérieurement à la période pré-électorale.
Le candidat peut utiliser toute sorte d’outils internet pour mener sa campagne, à condition d’intégrer les dépenses à son compte de campagne.
Il peut créer un blog, un site, un compte X (ex-Twitter), une page Facebook, une page Instagram, par exemple, pour soutenir sa propagande, mais il doit veiller à respecter les principes applicables aux moyens de communication traditionnels (délits de presse, cadre de la polémique politique, etc).
Il est conseillé :
▪ de rendre inaccessibles les pages du site internet qui proposent des contenus considérés comme de la promotion pour l’équipe en place, dont au moins l’un des membres se porte candidat.
Si un bilan de mandat a été réalisé et publié sur le site de la commune dans la période précédant celle des six mois, il doit être retiré du site à compter du 1er septembre.
▪ de garder la même régularité dans la mise à jour du site : si celui-ci est actualisé chaque mois, il convient de respecter cette régularité et non d’accélérer le rythme de mise à jour.
▪ de préserver la neutralité du contenu du site.
S’agissant des forums, il est recommandé de les faire figurer dans une rubrique très clairement identifiée comme appartenant aux archives du site, même s’ils ont été créés par la collectivité bien en amont des élections. Car faire apparaître ce forum en page d’accueil avec une large visibilité, surtout si les thèmes présentés le sont de façon favorable à l’un des candidats, pourrait être interprété par le juge de l’élection comme un moyen de promotion publicitaire prohibée.
Quoi qu’il en soit, le juge électoral examinera le contenu et le contexte : tout avantage indu à un candidat expose à l’annulation de l’élection ou au rejet du compte de campagne.
B/ Le site du candidat
Le site de campagne d’un candidat doit faire l’objet d’une déclaration auprès de la CNIL seulement s’il permet la collecte ou la diffusion de données personnelles.
En effet, la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, impose une déclaration préalable à la CNIL avant tout traitement de données à caractère personnel.
Il est d’ailleurs possible d’effectuer cette déclaration directement sur le site de la CNIL par le biais d’une déclaration simplifiée.
À noter que les partis politiques sont dispensés de l’obligation de déclaration de leurs fichiers de membres, d’adhérents ou de personnes qui sont en contact régulier avec eux.
Le site du candidat doit faire mention de l’éditeur du site, du directeur de la publication et des coordonnées de l’hébergeur du site.
L’identification d’un directeur de la publication s’impose au regard de la nécessité de pouvoir répondre aux infractions de presse et de permettre l’exercice d’un droit de réponse.
S’agissant des coordonnées de l’hébergeur, il sera utilement fait référence à la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 (article 6-III) pour la confiance dans l’économie numérique qui vient préciser les mentions qui doivent figurer sur le site en fonction de la catégorie juridique dont il relève (personne physique ou personne morale).
Le décret n°2007-162 du 6 février 2007 relatif à l’attribution et à la gestion des noms de domaine d’internet vient protéger l’utilisation du nom des collectivités territoriales et des EPCI.
Ainsi, le candidat à l’élection ne saurait utiliser comme nom de domaine, le nom de la République française, de ses institutions nationales et des services publics nationaux.
Le nom d’une collectivité territoriale ou d’un EPCI à fiscalité propre, seul ou associé à des mots ou abréviations faisant référence aux institutions locales ne peut être utilisé comme nom de domaine de site de campagne par le candidat, sauf autorisation expresse de l’assemblée délibérante.
Le nom d’un titulaire d’un mandat électoral, associé à des mots faisant référence à ses fonctions électives peut être enregistré par cet élu comme nom de domaine, mais uniquement au sein des domaines de premier niveau du système d’adressage par domaine de l’internet correspondant au territoire national.
V/ L’usage des réseaux sociaux
Les réseaux sociaux institutionnels doivent éviter la publication de contenus à connotation électorale. Les actions de promotion d’un élu ou la mise en avant des réalisations récentes sont également prohibées.
Sur leurs comptes personnels, les élus candidats peuvent s’exprimer politiquement, mais il est recommandé de veiller à la clarté et à une totale transparence pour éviter toute confusion avec leur rôle public.
La page personnelle des élus sur les réseaux sociaux de la commune peut être maintenue, mais en limitant son « évolution électoraliste » au risque qu’elle soit qualifiée de support de propagande.
Le juge a déjà sanctionné ce type de situation (CE, 6 mai 2015, commune d’Hermès, n°382518) dès lors que l’écart de voix entre les candidats était faible et qu’il estimait que l’utilisation de cette page personnelle avait eu une influence sur la sincérité du scrutin.
Néanmoins, la page strictement personnelle et privée du maire sur un réseau social, indépendante du réseau social de la commune, peut être conservée et alimentée par le candidat sortant.
Dans ce cas il n’y a pas de confusion possible entre l’action de la commune et la propagande électorale du candidat.
Il en va différemment de l’utilisation d’une page Facebook créée par un maire sortant afin de promouvoir son action et intitulée au nom de la commune, au regard de son contenu mélangeant informations institutionnelles et propagande électorale, de son ton initialement proche de celui d’un bulletin municipal puis progressivement polémique, qui a été de nature à créer une confusion dans l’esprit des électeurs et a constitué une manœuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin (CE, 6 mai 2015, n°382518).
Les comptes des candidats et des collectivités doivent être bien distincts afin d’éviter toute confusion entre la communication institutionnelle et la propagande électorale du candidat.
S’agissant du compte de la collectivité, il est conseillé de le transformer, à compter du 1er septembre 2025, en une simple vitrine d’informations générales, car un message dépassant les limites de la polémique électorale ou introduisant un élément nouveau pourra entraîner l’annulation du scrutin si le juge de l’élection considère que sa sincérité a été altérée.
Les publications doivent éviter la répétition excessive, le ton promotionnel ou tout contenu qui pourrait être assimilé à de la propagande.
Précisons que les campagnes publicitaires payantes sur les réseaux sociaux avec les fonds publics sont interdites.
En outre, toute prise de position ou débat politique public doit respecter la neutralité et la modération afin de ne pas engager la collectivité.
En effet, pour éviter que des propos injurieux diffamatoires ou incitant à la haine raciale y soient publiés, il est recommandé au candidat de procéder à une modération systématique des messages diffusés, dans la mesure où, en matière de délits de presse, le directeur de la publication peut être considéré comme auteur principal de l’infraction.
La modération est également utile compte tenu de l’interdiction de la diffusion par voie électronique de tout message ayant le caractère de propagande électorale à partir de la veille du scrutin à zéro heure (article L.49 du Code électoral).
Précisons également que le candidat qui s’estimerait diffamé par le contenu d’un site Internet peut exercer un droit de réponse. Il appartient alors au candidat d’adresser une demande d’insertion de réponse au directeur de publication du site, par le moyen d’une lettre recommandée avec accusé de réception ou par voie d’huissier de justice.
Le directeur de publication doit accepter la demande sous peine de sanction pénale.
Le candidat peut également répondre directement sur le site, par exemple sur un forum de discussion, ou par une publication sur ses réseaux sociaux.
Le candidat peut intervenir directement auprès de l’hébergeur afin de le mettre en demeure de retirer le contenu litigieux, d’autant plus qu’il existe une obligation pour les hébergeurs d’intervenir pour empêcher l’accès à des contenus manifestement illicites, dès lors qu’ils ont été préalablement mis en demeure de le faire.
VI/ L’usage d’un blog
Il faut impérativement distinguer le blog du maire de celui du candidat.
Il ne peut utiliser un blog dont les coûts de gestion sont financés par la commune.
Il revient au candidat de procéder à la création d’un nouveau blog dont les dépenses liées à sa création et/ou à son hébergement sont inscrites à son compte de campagne
Les blogs sont soumis aux mêmes règles que les sites internet (TGI Paris, 17 mars 2006, Commune de Puteaux c/ Christophe G.)
Aussi est-il recommandé que le blog de l’exécutif local, financé par la collectivité, dont la fonction est de réagir sur des sujets d’actualité et de prendre position, soit suspendu à compter du 1er septembre 2025.
Le candidat peut créer son propre blog mais il conviendra alors de geler tout lien avec le blog institutionnel de la collectivité et de s’assurer que la charte graphique du blog du candidat est bien distincte de celle du blog de l’élu et des outils de communication de la collectivité.
VII/ Les sanctions possibles
Le non-respect des règles sur la communication pré-électorale engage la responsabilité des candidats et des collectivités.
Les sanctions peuvent aller de l’annulation du scrutin à des amendes importantes, voire à l’inéligibilité.
La justice électorale apprécie souverainement selon l’impact de la communication sur l’égalité entre candidats et la sincérité du scrutin.
En résumé, les élus candidats doivent adopter une communication numérique prudente, rigoureusement neutre et transparente, distinguant clairement leur rôle institutionnel de leur campagne électorale, en évitant toute forme de promotion à travers les sites internet institutionnels et les réseaux sociaux officiels.
Cette vigilance protège la régularité du scrutin et la confiance des citoyens dans le processus électoral et limite tout risque de remise en cause des résultats de l’élection.