Nécessité d’un accord de l’inspection du travail
Les articles L. 2411-1 et suivants du Code du travail imposent à l’employeur, lorsqu’il envisage de licencier un salarié protégé, d’en demander l’autorisation à l’inspection du travail territorialement compétente. Cette procédure spéciale doit être suivie, en plus de la procédure habituelle de licenciement. Il en est de même lorsque, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le projet de licenciement concerne au moins 10 salariés sur une période de 30 jours. Dans ce cas, selon l’article L. 1233-61 du Code du travail, un PSE, plan de sauvegarde de l’emploi, doit être élaboré, puis validé par l’inspection du travail.
Dans tous les cas, le licenciement peut être motivé par des raisons économiques. En effet, et contrairement à ce qui est parfois présenté, les salariés représentants du personnel ne sont pas spécialement protégés contre les licenciements pour motif économique. Toutefois, dans ce cas, l’inspection du travail doit contrôler que les motifs invoqués à l’appui de la demande de licenciement respectent les critères définis par la législation et la jurisprudence.
Appréciation du motif lié à « la sauvegarde de la compétitivité »
Depuis la loi du 8 août 2016 (dite « El Khomry »), l’article L. 1233-3 du Code du travail précise les quatre motifs qui peuvent justifier un licenciement économique. Le 3° de cet article mentionne la « réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ».
Depuis l’origine, ce critère a donné lieu à des interprétations divergentes, reconnaissant une plus ou moins grande marge de liberté à l’employeur pour décider de licencier. C’est finalement une approche plutôt libérale du motif économique qui sera retenue par le Conseil constitutionnel (dans une décision du 12 janvier 2002), puisqu’elle permet à l’entreprise d’anticiper des difficultés économiques à venir en prenant des mesures de nature à éviter des licenciements ultérieurs plus importants.
Comme l’indique le Rapporteur public Jean-François de Montgolfier dans ses conclusions sous cette décision, « la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise suppose que celle-ci soit menacée par des éléments actuels et concrets et ne se confond ni avec le simple objectif d’améliorer, voire de préserver, la compétitivité, ni avec la recherche d’économies ou de rationalisation et moins encore avec l’ambition d’améliorer la rentabilité, les marges ou des profits de l’entreprise ».
Quid pour les associations ?
La forme associative d’une activité n’implique pas toujours le bénévolat : au 30 juin 2023, 153 000 associations employaient en France 1,88 million de salariés, pour une masse salariale de 46,5 milliards d’euros, selon le réseau associatif Recherches et solidarités (octobre 2023).
De même, l’activité d’une association, fut-elle non lucrative, n’en est pas moins dénuée de portée économique. Ainsi, les associations sont régulièrement en concurrence avec d’autres acteurs économiques qui exercent, notamment sous la forme de sociétés commerciales. Comme l’indique le Rapporteur public «la concurrence ne se résume pas à la conquête de parts de marché, mais peut prendre d’autres formes, comme l’accès à la commande publique ou à des formes variées de mise en concurrence, tels les appels à projets pour les créations d’établissements ou services sociaux ou médico-sociaux (art. L. 313-1-1 du Code de l’action sociale et des familles,CASF) ou appels à manifestation d’intérêt ». Ainsi résumé « si le but d’une association n’est pas lucratif, l’objet de son activité peut l’être. »
Dans ces conditions, le critère de « sauvegarde de la compétitivité » doit-il s’entendre différemment pour les associations ?
La réponse du Conseil d’État est clairement négative, puisqu’il indique que « la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise, y compris lorsqu’il s’agit d’une association à but non lucratif, peut constituer un motif économique, à la condition que soit établie la réalité de la menace pour la compétitivité de l’entreprise, laquelle s’apprécie, lorsque l’entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d’activité dont relève l’entreprise en cause au sein du groupe ».
Ainsi, pour apprécier la réalité et l’actualité de la « menace sur la compétitivité », l’administration doit prendre en compte la situation de l’entreprise (et notamment sa situation financière et commerciale), mais également la situation du marché sur lequel elle intervient. L’employeur ne pourra envisager un licenciement que si sa propre situation, ainsi que le marché, permettent d’entrevoir des difficultés économiques, en l’absence de réorganisation. Comme l’indique le Rapporteur public : « Pour apprécier cette menace, il est certes nécessaire d’adapter l’application de ce critère selon le contexte économique dans lequel évolue l’entreprise, la nature de la concurrence à laquelle elle est exposée et les difficultés économiques que la réorganisation envisagée entend prévenir. Une telle adaptation relève de l’appréciation des circonstances de fait, et non d’une question de droit. Elle n’est notamment pas attachée à la forme juridique sous laquelle l’entreprise exerce ».
* CE, 3 avril 2024, n° 471271, B