« La reprise se fait attendre » selon l’Insee. Le 14 mars, l’Institut de la statistique rendait publique sa note de conjoncture avec les prévisions pour le premier semestre 2024 : une croissance du PIB nulle au premier trimestre, suivie de +0,3% au deuxième. Tendance majeure, « la désinflation est confirmée », annonce Dorian Roucher, chef du département de la conjoncture de l’Insee. Après avoir atteint 6,3% en février 2023, elle ne devrait pas dépasser les 2,6% à la mi-année. Outre à continuer sa décrue, l’inflation poursuit également sa transformation : elle est désormais avant tout portée par les services qui répercutent la hausse des coûts salariaux sur leurs prix. À l’inverse, après les fortes hausses des deux dernières années, les prix des produits alimentaires et des biens manufacturés s’orientent vers une stabilisation. Exemple avec l’inflation alimentaire : de +12,7% de juillet 2022 à 2023, elle pourrait tomber à +1,2 % en juin prochain, chiffre le plus bas depuis janvier 2022.
En conséquence, la consommation de ces biens – qui avait diminué les deux dernières années – pourrait recommencer à augmenter. Même tendance pour les dépenses en hébergement et restauration. En fait, la décrue de l’inflation devrait se traduire par une augmentation globale de la consommation des ménages. Ceux-ci vont bénéficier d’un « léger regain de pouvoir d’achat », de l’ordre de 0,8 %. Il découle d’une revalorisation – modeste – des salaires réels après deux années de recul, à laquelle s’ajoute une revalorisation des pensions de retraite et des prestations sociales et le dynamisme des revenus de la propriété. Toutefois, le regain de consommation attendu reste modeste (+ 0,3 %, puis +0,4 %). Inquiétude face aux crises géopolitiques ? Crainte devant l’évolution du chômage qui a cessé de diminuer et qui devrait augmenter, pour atteindre 7,6 % au deuxième trimestre, contre 7,1 % fin 2022 ? Quoi qu’il en soit, les ménages restent prudents : leur taux d’épargne (autour de 18 % de leur revenu disponible brut) reste supérieur à son niveau de 2019. Et leur l’investissement (acquisitions immobilières pour l’essentiel) va continuer de diminuer, ce premier semestre.
Prudence des entreprises
Côté entreprises, sur lesquelles avait reposé l’activité depuis la fin du Covid, la tendance est morose. Dans les mois à venir, leurs investissements devraient rester stables (-0,1 % au premier trimestre ; 0,0% au deuxième). « Les entreprises restent prudentes sur leurs intentions d’achat et signalent l’impact nettement défavorable des conditions de financement », soulignent les analystes de l’Insee. D’après les enquêtes, seule la progression régulière des dépenses en services, notamment informatiques,(+0,6 % par trimestre) permettrait à l’investissement des entreprises de se stabiliser. Les autres investissements sont revus à la baisse. C’est le cas de celui en produits manufacturés, et notamment en biens d’équipement, qui continuerait de diminuer (-0,8 % par trimestre). Dans la construction, le recul se poursuivrait aussi, mais à un rythme de plus en plus modéré (-0,6 % au premier trimestre, puis -0,2 % au deuxième), les mises en chantier de bâtiments non résidentiels se stabilisant, depuis quelques mois. Toile de fond de cette prudence des entrepreneurs, un climat des affaires qui se situe un peu en deçà de sa moyenne de longue période, en ce début d’année. Fait nouveau, « nous constatons des divergences inédites » entre les climats d’affaires dans les différents secteurs, pointe Clément Bortoli, responsable de la division Synthèse conjoncturelle au sein du département de la conjoncture de l’Insee. Ainsi, « les secteurs de l’électronique et de l’informatique continuent d’être stimulés depuis la crise sanitaire », explique l’expert. L’aéronautique connaît une situation très favorable (y compris à l’export). A contrario, la situation apparaît encore très critique dans les branches énergo-intensives (chimie, métallurgie...) qui ont le plus souffert de la hausse des prix de l’énergie. Et aussi, dans l’agroalimentaire qui a pâti de deux années de baisse de la consommation.
Autre tendance relevée par l’Insee : en début d’année, la dynamique de l’industrie a été pénalisée par des événements – arrêts de raffineries, difficultés d’approvisionnement dans le secteur automobile – dont le caractère conjoncturel laisse augurer d’une possible reprise.
Les USA confortent leur avance
Sur le plan international, « le décalage entre la conjoncture américaine et européenne se confirme » explique Clément Bortoli. Fin 2023, en effet, l’activité avait bondi aux États-Unis (+0,8% au dernier trimestre) et stagné dans la zone euro, l’économie britannique rentrant, elle, en récession. Pour ce premier semestre 2024, l’Insee prévoit que l’économie américaine poursuive sa progression à un rythme soutenu (+ 0,5%, par trimestre), portée par l’expansion des dépenses publiques. De son coté, l’activité économique britannique devrait repartir aussi assez vivement, grâce à la demande intérieure (+0,3 % par trimestre).
En revanche, dans la zone euro, la reprise serait plus poussive : +0,1 % au premier trimestre, puis +0,3% pour les trois mois suivants. Et les disparités existantes entre les différents pays ne devraient commencer à se réduire qu’au printemps, prévoit l’Insee. L’Allemagne démarrerait l’année avec un trimestre de contraction de son économie ( -0,1 %), poursuivant la tendance des mois précédents, avant de repartir au deuxième trimestre 2024 (+0,2 %). En Italie, la croissance garderait un rythme modéré (+0,2 % par trimestre). L’Espagne elle, devrait poursuivre sa croissance de 2023 pour enchaîner deux trimestres positifs (+0,6 %, puis +0,5 %), grâce au soutien du plan de relance et au potentiel de rattrapage post-pandémie.
Acteur de poids pour l’économie mondiale, la Chine devrait peiner à retrouver son niveau de croissance d’avant la crise sanitaire (+1,1 % par trimestre), notamment en raison de sa « crise immobilière persistante ».
Dans ce contexte, le commerce mondial retrouverait un peu d’élan au premier semestre » (+0,5 % au premier trimestre, puis +0,7 %). Toutefois, « la demande mondiale adressée à la France progresserait de façon un peu moins dynamique (+0,4 %, puis +0,5 %), les exportateurs français étant pénalisés par leur spécialisation géographique vers les économies européennes, et en particulier vers l’Allemagne ».