Verre à moitié vide ou à moitié plein ? « Il existe de très belles opportunités de développement grâce à la transition écologique », affirmait François Asselin, président de la CPME, en introduction d’une matinée consacrée à « Comment la RSE et la CSRD peuvent être au service de la performance globale des PME ? », le 4 juin, à Puteaux. L’intitulé se veut encourageant. Mais ces sigles sont aussi synonymes de contraintes nouvelles pour les entreprises. Et si le sujet de la RSE, responsabilité sociétale d’entreprise, est devenu familier, aujourd’hui « la CSRD est une nouvelle marche à franchir », précise François Asselin.
Ce mois d’avril, les reportings prévus par la directive européenne Corporate sustainability reporting (CSRD) viennent de faire l’objet d’un premier « test PME », lancé par Bercy et la CPME. Parmi les entreprises qui y ont participé figure La Fenêtrière, PME familiale qui compte 13 salariés, sise à Champigny-sur-Marne. Venue témoigner le 4 juin, sa dirigeante, Catherine Guerniou, fait figure de pionnière en matière de RSE dans le milieu entrepreneurial. À ses côtés, figurait Louis Natter, président d’UEE, l’Unicem entreprises engagées, qui réunit les entreprises mobilisées sur le sujet de la RSE au sein de l’Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction (Unicem). Pour lui, « la CSRD est un sujet d’avenir, et nous commençons à nous y intéresser. Nous voyons que les entreprises qui l’ont intégrée dans leur fonctionnement ont un temps d’avance ».
Autre témoin, Arnaud Habsieger, dirigeant de Osborn Metals SAS, entreprise qui fabrique des tubes en métal à haute performance pour l’aéronautique et la compétition automobile, basée à Provins (Seine-et-Marne). Pour l’instant, il n’a « aucune » implication sur le sujet de la CSRD. « Nous avons déjà beaucoup à faire avec la RSE. Pour nous, avant d’être un sujet idéologique, il s’agit d’une question de survie. (…) Nous orientons principalement nos efforts sur les économies d’énergie, la réduction de notre empreinte carbone », explique le chef d’entreprise. Avec la crise de l’énergie, sa facture énergique qui tournait autour de 400 000 euros a franchi la barre du million. Dans le cadre du plan France Relance, il a pu investir pour remplacer un four à gaz par un autre électrique et diminuer sa consommation d’énergie. Les abeilles sur le site, c’est un plus, pour se faire plaisir...
À La Fenêtrière, la démarche RSE a aussi des impacts positifs sur le business. « Nous avons des clients nouveaux qui viennent en raison de nos engagements. Cela nous différencie par rapport à nos concurrents qui sont des industriels importants », note Catherine Guerniou. Pour autant, dans sa démarche RSE, la cheffe d’entreprise touche à tous les sujets : formation, circuits courts, économies d’énergie, meilleure utilisation des ressources, ancrage de la production – qui se concrétise par l’obtention du label Origine France garantie... Aujourd’hui, elle s’est attaquée au sujet du cycle de vie de ses produits...
Les fédérations, une aide à la structuration des démarches
Au delà des initiatives individuelles des responsables d’entreprises, une démarche partagée, notamment au niveau des filières – plus ou moins avancées sur le sujet – s’avère indispensable en matière de RSE. Impossible, estime Catherine Guerniou, d’avancer seule dans ces actions. Dans l’entreprise, elle a « embarqué » ses salariés, les a formés à la « fresque du climat », a rédigé avec eux la « raison d’être » de la société qui figure maintenant dans ses statuts... Et à l’extérieur des murs de son entreprise, Catherine Guerniou multiplie les engagements. En particulier, elle appartient à la communauté du Coq Vert qui réunit les dirigeants engagés dans la transition écologique sous l’égide de Bpifrance. Et elle est aussi vice-présidente chargée de la RSE à la FFB, Fédération française du bâtiment. « Les échanges sont essentiels pour avancer, et le soutien des fédérations est très important. Constructys, l’OPCO, Opérateur de compétences, de la Construction accompagne les artisans dans une optique pratico-pratique. Il reste beaucoup à faire », explique Catherine Guerniou. Sur le salon Batimat, la FFB organise des Trophées Bâtisseur Responsable qui récompenseront les entreprises de bâtiment adhérentes ayant mis en place des actions et bonnes pratiques RSE. Elle a aussi rédigé une « Charte Bâtisseur Responsable » et propose à ses adhérents de réaliser un « auto-diagnostic » en ligne.
À l’Unicem, la démarche est historiquement ancrée. L’association présidée par Louis Natter regroupe déjà la moitié des 3 500 sites industriels de la filière. Elle est en effet le fruit d’une démarche née il y a une trentaine d’années autour des sujets de l’environnement et d’acceptabilité locale qui s’est élargie ensuite aux autres sujets de responsabilité sociétale des entreprises. Et elle propose des formations, audit, et accompagnement aux adhérents, ainsi qu’un label RSE « carrières et matériaux minéraux ». « Lorsqu’une entreprise effectue ce travail, elle le fait car elle sait que sa responsabilité est fondamentale pour la poursuite de ses activités. Il s’agit d’une question de gestion de risque. Vient ensuite un enjeu de l’image qu’elle renvoie à l’extérieur de son acceptabilité et de sa notoriété, et aussi de son image d’employeur », explique Louis Natter. Pour lui, ce type de label RSE a pour avantage d’aider « à identifier, ce qui est le plus important, et à organiser le progrès de manière méthodique. Il s’agit d’une démarche intéressante comme préparation à la nouvelle directive ».