• Accueil
  • Économie
  • Très fragilisée, la filière du logement entend faire front commun pour se faire entendre
Économie Paru le 05 juillet 2024
LOGEMENT

Très fragilisée, la filière du logement entend faire front commun pour se faire entendre

Confrontés à de grandes difficultés économiques, les professionnels de l’habitat, de l’immobilier et du cadre de vie s’affichent unis et combatifs, notamment via l’Alliance pour le logement.

© lovelyday12-stock.adobe.com

Crise du marché immobilier et de l’accession à la propriété, en particulier pour les primo-accédants, crise de la construction neuve et chute des permis de construire, hausse des prix des matériaux de construction… Les difficultés et l’inquiétude des professionnels de la maîtrise d’ouvrage et de l’aménagement publics et privés (promoteurs, constructeurs, bailleurs sociaux et privés, aménageurs) interrogés pour le Baromètre MOV[E] 2024 se font de plus en plus fortes. À la question « Pour les mois à venir, êtes-vous plutôt op­timiste ou pessimiste pour votre activité ? », ces derniers se sont ainsi déclarés pessimistes à 52%, incertains à 25% et optimistes pour 23% seulement. Or, ils avaient été interrogés au printemps 2024, avant l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale et la crise politique qui ont brutalement interrompu toutes les dis­cussions et projets lancés avec le gouvernement.

Une alliance pour porter ensemble la voix de la filière

Les résultats de ce sondage reflètent très fidèlement la teneur des nombreuses alertes lancées par l’Alliance pour le logement qui, depuis 2022, réunit tous les acteurs de la filière (*) afin de porter, ensemble, auprès des pouvoirs publics, leurs préoccupations et leurs propositions. Selon le Baromètre MOV[E] 2024, les trois principales attentes des professionnels de la maîtrise d’ouvrage et de l’aménagement publics et privés sont une pause normative et une simplification des normes (58%), des aides à l’accession à la propriété (54%) qui ne soient pas restreintes à l’immobilier ancien ou au logement collectif, et le renforcement des dispositifs de soutien à la construction neuve (49%) pour remplacer ceux qui vont disparaître (à l’instar du dispositif Pinel, fin 2024).

Entreprises en difficulté, licenciements… un lourd bilan

« Le neuf coule et la rénovation énergétique patauge », a résumé Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment (FFB), lors de la séance d’ouverture des Assises nationales du logement et de la ville, qui a réuni les professionnels de la filière de l’habitat, de l’immobilier et du cadre de vie, le 25 juin dernier, à Paris. En l’espace d’un an, « 12 000 entreprises du bâtiment ont été placées en redressement ou en liquidation judiciaire, et nous avons aujourd’hui 40 000 salariés de moins qu’il y a un an ». Avec l’Alliance pour le logement, « cela fait trois ans que nous nous battons pour le logement, cela fait trois ans que l’on observe du mépris et la stigmatisation de la filière du logement, et nous n’avons pris que des claques avec le CNR Logement » – le Conseil national de la refondation consacré au logement, lancé en novembre 2022 et auquel tous les acteurs de la filière ont beaucoup contribué.

« Les dépôts de permis de construire sont en chute libre et les mises en chantier suivent le même mouvement », a déclaré la présidente de l’Union des architectes, Laure-Anne Geoffroy- Duprez. « Les architectes sont en difficultés et des entreprises d’architecture déposent le bilan et licencient. » Dans l’industrie de la production immobilière, « nous sommes passés d’environ 120 000 à 50 000 maisons par an, sur le moyen-long terme, et c’est pareil pour le logement social où nous sommes très en deçà de ce qu’il faudrait faire », a poursuivi le président du pôle Habitat de la Fédération française du bâtiment (FFB), Grégory Monod. Résultat : « en une année nous avons perdu à peu près 10 000 emplois chez les constructeurs de maisons individuelles, ce qui représente environ un tiers des emplois des constructeurs de maisons individuelles ». Aujourd’hui, « nous sommes en colère et un peu désabusés suite à ce simulacre de consultation qu’a été le CNR Logement, mais nous restons combatifs ».

Un secteur qui a besoin de stabilité et de visibilité

« Le logement est un secteur qui a besoin de stabilité et de visi­bilité pour investir », a rappelé le président de l’Union d’économie sociale pour l’accession à la propriété (Procivis), Yannick Borde. Or, aujourd’hui, « dans les métiers de production, il est quasiment impossible de travailler du fait de l’absence totale de visibilité sur la construction comme sur la rénovation ». Autre grande préoccupation liée à la destruction d’emplois dans l’ensemble de la filière : « le jour où ça redémarre, il faut que la chaîne de production fonctionne, il faut que les entreprises soient encore là, il faut que les promoteurs aient les reins solides pour lancer les opérations… il faut que tout le monde remette du carburant dans la machine parce que ce sera très difficile de relancer une production ».

Une énorme vague qui a tout emporté

L’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale a été un nouveau coup dur pour la filière. « Il y avait un petit frémissement avec le projet de loi logement [déposé au Parlement le 6 mai der­nier], avec le ministre Guillaume Kasbarian, qui était à l’écoute », et « cette dissolution, c’est une énorme vague qui emporte tout », a expliqué le délégué général de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), Didier Bellier-Ganière. « Je ne crois pas que la question du logement sera traitée en priorité par la nouvelle Assemblée nationale, et l’on va encore perdre énormément de temps, alors que nous n’en avons plus beaucoup. »

« Le CNR Logement nous a permis de remettre à jour nos pro­positions, nous avons travaillé très dur pendant six mois et nous avons désormais beaucoup de choses sur la table », a relevé la présidente de l’Union sociale pour l’habitat (et ancienne ministre du Logement), Emmanuelle Cosse. « La question est : qui va s’en emparer demain et dans quel timing ? Est-ce que l’on va être en­tendus et est-ce qu’il va y avoir un sursaut ? » Dans ce contexte, « on ne va pouvoir compter que sur nous-mêmes » et « je pense qu’il faut miser énormément sur la solidarité, à commencer par la solidarité au sein de l’Alliance pour le logement », a déclaré Didier Bellier-Ganière. « Il faut vraiment que nous, professionnels, on se serre les coudes parce que nous sommes tous dans le même bateau ».

(*) L’Alliance pour le logement réunit la Fédération française du bâtiment (FFB), le Pôle Habitat de la FFB, l’Union sociale pour l’habitat (USH), la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), l’Union d’économie sociale pour l’accession à la propriété (Procivis), l’Union des syndicats de l’immobilier (UNIS), l’Union nationale des notaires employeurs (UNNE), l’Union des architectes (UNSFA) et l’Union nationale des économistes de la construction (Untec)

Miren LARTIGUE