À la crise structurelle qui touche le monde agricole depuis plusieurs années et qui a donné lieu à des mobilisations d’une ampleur inédite, l’hiver dernier, sont venues se greffer les conséquences d’une conjoncture particulièrement difficile depuis plusieurs mois. Forte hausse des prix agricoles à la production du fait de l’augmentation du coût des intrants (énergie, engrais, aliments pour animaux…), conditions climatiques très défavorables qui ont affecté les rendements (avec de très fortes pertes sur les récoltes céréalières, notamment, et des vendanges qui s’annoncent médiocres), crises sanitaires qui menacent chaque jour davantage les élevages (fièvre catarrhale ovine, maladie hémorragique bovine, influenza aviaire) … La crise agricole frappe désormais la plupart des filières et l’ensemble des régions.
Priorités : un « PGE agricole » et davantage de vaccins
« Nous avons besoin de clarté et de visibilité », a expliqué Arnaud Rousseau, le président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), lors d’une conférence de presse coorganisée avec le syndicat Jeunes Agriculteurs, fin août. « Les agriculteurs attendent toujours des actions concrètes de la part du gouvernement » alors que nombre des engagements pris à l’issue des mobilisations « n’ont pas été tenus ».
Pour les deux syndicats, la priorité aujourd’hui est de pouvoir bénéficier de prêts de trésorerie à taux bonifiés – une possibilité évoquée par le gouvernement au printemps dernier, sans suite. « Nous avons besoin d’un PGE [prêt garanti par l’État] agricole et nous en avons besoin très vite. Il y a urgence parce que les décisions pour le prochain cycle agricole se prennent maintenant. » Autre grande priorité : obtenir des vaccins pour les élevages avant que la pandémie ne soit hors de contrôle. « On voit la vague arriver » et « le moral des éleveurs est très atteint ». « L’État avait commandé une première dose de vaccins, et on le remercie, mais il faut aller beaucoup plus vite. Et c’est à l’État d’agir parce que lorsque l’on fait des commandes massives, on n’obtient pas les mêmes prix et le déploiement est beaucoup plus rapide. »
Une loi « Entreprendre en agriculture » plus ambitieuse que la loi d’orientation
Alors que la dissolution de l’Assemblée nationale a interrompu l’examen du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière alimentaire et agricole, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs ont travaillé cet été à la rédaction d’un texte de loi, intitulée « Entreprendre en agriculture », qui réunit l’ensemble des attentes des agriculteurs. Les équipes des deux syndicats ont travaillé de concert « à construire une loi qui aille un peu plus loin que la loi d’orientation, afin de reprendre l’ensemble des revendications et des demandes portées depuis le début des mobilisations », a expliqué Pierrick Horel, président des Jeunes Agriculteurs.
Le texte de loi formule des propositions législatives sur plusieurs grands axes : conforter la souveraineté alimentaire de la France, accompagner les transitions tout en continuant de produire, garantir les revenus des agriculteurs et renforcer leur compétitivité, proposer un métier attractif et répondre à l’envie d’entreprendre, orienter la transmission et oser l’installation des jeunes, simplifier le quotidien des agriculteurs et alléger leurs contraintes.
Les deux syndicats vont, dès la rentrée, solliciter les nouveaux députés et le prochain gouvernement pour porter cette proposition de loi. Côté agriculteurs, « l’attente est extrêmement forte » et « on va se battre pour que ce soit inscrit à l’agenda du Parlement », a repris le président de la FNSEA. « Les prochaines semaines seront décisives. »
Assurance risques climatiques, PAC et dégrèvements de taxe foncière
Le dispositif de gestion des risques climatiques en agriculture (réformé en 2023) a été activé dès la mi-août, afin d’accompagner les agriculteurs assurés (les pertes sont alors indemnisées par l’assureur et par l’État à 100% au-delà de la franchise) et non assurés (l’État compense alors les pertes à hauteur de 40 % au-delà du seuil de 50 % de pertes). « 275,5 millions d’euros de crédits de l’État ont été inscrits en loi de Finances pour 2024 pour ces dispositifs », précise un communiqué du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, qui ajoute que la commission chargée de statuer sur les demandes se réunira dès septembre afin « de soulager les trésoreries dès cet automne ». La France a également obtenu l’autorisation de verser, dès la mi-octobre, « une avance de 70% pour les aides découplées de la PAC, soit le maximum autorisé par la réglementation européenne ».
Fin août, le ministère de l’Économie a annoncé que des dégrèvements de taxe foncière sur les propriétés non bâties pourront être accordés en cas de perte de récoltes sur pied due à un évènement climatique exceptionnel. Et il a précisé que les services de la Direction générale des Finances publiques étudieraient « avec bienveillance » les demandes de délais de paiement ou de remises gracieuses sollicitées par les agriculteurs en difficulté.
Davantage de vaccins et, peut-être, d’indemnisations
En parallèle, le ministre démissionnaire de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, a annoncé l’extension de la zone de vaccination volontaire contre la fièvre catarrhale ovine et la commande par l’État de 5,3 millions de doses de vaccins supplémentaires fin août, en complément des 6,4 millions de doses déjà commandées début juillet. Dans cette zone, les éleveurs devraient disposer de doses de vaccins dès la première quinzaine du mois de septembre et gratuitement (les tests et la visite vétérinaire en cas de suspicion sont financés par l’État dans toute la métropole). Le ministre a également annoncé le lancement par l’État d’un dispositif de vaccination volontaire contre la maladie hémorragique épizootique et la commande de deux millions de doses de vaccin qui seront mises gratuitement à disposition des éleveurs, « selon une stratégie vaccinale qui sera élaborée rapidement en concertation avec les filières » dans un contexte « de tension autour de la disponibilité du vaccin ».
Enfin, le ministère va lancer des travaux avec le Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) sur les possibilités de poursuite de programmes d’indemnisation des éleveurs d’ovins et bovins touchés par ces maladies. « Pour mémoire, l’État a déjà financé plus de 60 millions d’euros d’indemnisation suite aux pertes liées à la maladie hémorragique épizootique et appuyé un programme du FMSE pour les mortalités dues à la fièvre catarrhale ovine en 2023, à hauteur de plus de 6 millions d’euros », rappelle le ministère.