Jamais depuis les années 1950 la construction de logements neufs n’a été aussi faible. En 2025, l’investissement locatif privé s’effondre, avec une chute de 41 % dans le neuf au premier trimestre par rapport à 2024. Les ventes dans l’ancien sont au plus bas sur la décennie, ce qui impacte durablement le marché locatif, où l’on annonce que l’offre de logements à louer aurait reculé de 12,5 % au premier trimestre 2025, son plus bas niveau en cinq ans. Or, les investisseurs particuliers, souvent modestes et possesseur d’un seul bien, logeraient à eux seuls 58 % des locataires et un quart des Français.
Pourtant, la rentabilité du logement locatif longue durée n’est plus au rendez-vous. Tandis que les prix de l’immobilier ont doublé en 25 ans, l’encadrement des loyers, les obligations de rénovation énergétique accrues, une fiscalité dissuasive, l’explosion des impayés, des délais d’expulsion trop longs et la hausse constante de la taxe foncière poussent les bailleurs privés à délaisser la location nue longue durée au profit de la location meublée courte durée, voire des placements financiers plus attractifs.
Face à cette crise silencieuse mais systémique, les pouvoirs publics semblent vouloir réagir. D’un côté, la proposition de loi de Courson entend créer un statut fiscal du propriétaire bailleur avec des mesures incitatives (I). De l’autre, le rapport Daubresse-Cosson, remis le 30 juin 2025 à Mme Valérie Létard, ministre chargée du Logement, formule une série de recommandations ambitieuses pour redonner de l’attractivité à l’investissement locatif, notamment via des mécanismes d’amortissement inspirés du modèle professionnel (II).
I/ La proposition de loi de COURSON
Charles de Courson, député de la Marne, a déposé une proposition de loi (AN, n°1255) visant à créer un statut fiscal du propriétaire bailleur pour encourager l’investissement locatif et lutter contre la crise du logement, notamment via des avantages fiscaux sous conditions. Ce dispositif, applicable aux compromis de vente signés depuis le 1er janvier 2025, compense la perte de recettes fiscales pour l’État par une taxe additionnelle sur les tabacs.
L’avantage fiscal proposé
Le texte propose une fiscalité plus attractive pour les investisseurs bailleurs, qui pourront, sur option, bénéficier :
• De prélèvements sociaux inchangés à 17,2 % ;
• D’un prélèvement forfaitaire unique (PFU) à 12,8 % sur l’impôt sur le revenu, appliqué aux revenus nets (loyers) après déduction des charges, au lieu d’une imposition au barème progressif ;
• D’une exonération de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) pour les biens concernés.
Les conditions du statut de « propriétaire bailleur »
Pour bénéficier de ce statut, plusieurs conditions sont requises :
1. Bien immobilier neuf ou acquis neuf depuis moins de cinq ans, ou livré depuis moins de cinq ans en cas de VEFA.
2. Usage locatif à titre de résidence principale.
3. Durée du bail d’au moins 9 mois.
4. Plafonnement des loyers selon le régime du « loyer social ».
5. Performance énergétique du bien classée entre A et D.
6. Aucun lien familial (parenté ou alliance) entre bailleur et locataire.
7. Applicabilité du dispositif pendant 5 ans après acquisition ou livraison.
II/ Le rapport DAUBRESSE & COSSON
En février 2025, Mme Valérie Létard a confié à Marc-Philippe Daubresse, sénateur, et Mickaël Cosson, député, une mission d’étude sur l’évolution du statut de bailleur privé et de l’investissement locatif. Leur rapport, remis le 30 juin 2025, formule des mesures destinées à relancer l’investissement locatif privé et à rendre plus attractifs les investissements dans la location nue, répondant ainsi aux besoins de logement.
Les propositions clés du rapport Daubresse & Cosson
1. Amortissement fiscal forfaitaire sur le neuf : 5 % par an, calculé sur 80 % de la valeur du bien (hors terrain), sur 20 ans, voire 6 % si le loyer est fixé 15 % en dessous du marché.
2. Amortissement fiscal forfaitaire sur l’ancien rénové : 4 % par an, sur 25 ans, pour les logements nécessitant des travaux représentant au moins 15 % de leur valeur, également calculé sur 80 % de la valeur (hors terrain).
3. Extension de l’abattement du régime micro-foncier à 50 % (contre 30 % actuellement), dans la limite de 30 000 €/an (contre 15 000 € aujourd’hui).
4. Bonus de rentabilité pour loyers abordables :
• Régime réel : bonus d’amortissement de 0,5 % à 1,5 % ;
• Régime micro-foncier : bonus d’abattement forfaitaire de 5 % à 15 %.
5. Suppression de l’obligation de conventionnement ANAH pour les investissements avec travaux.
6. Augmentation du plafond d’imputation du déficit foncier à 40 000€ (contre 10 700 €).
7. Exonération de l’IFI après 20 ans de détention.
8. Modernisation du décret de 1987 sur les charges récupérables.
9. Amélioration des garanties contre les impayés.
En résumé, la proposition de loi instaure un PFU à 12,8 % et une exonération IFI pour le neuf, sous conditions de performance énergétique et de plafonnement des loyers. Le rapport Daubresse-Cosson, quant à lui, introduit un amortissement comptable plus souple, applicable au neuf et à l’ancien, avec bonifications pour loyers modérés et exonérations IFI conditionnées à la durée du bail. Si ces avancées fiscales sont encourageantes, leur succès dépendra cependant de la bonne gestion des loyers impayés. Investir dans l’immobilier reste un risque, et tant que la sécurisation des loyers et la rapidité des expulsions ne seront pas améliorées, certains investisseurs resteront hésitants.