Hausse de la croissance et de l’inflation
Laurent Sahuquet, Directeur Régional de La Banque de France Grand-Est, a présenté les projections macro-économiques des prochains mois, en France. Le scénario central projeté indique une croissance – en PIB réel – positive de 2,3 % en 2022, de 1,2 % en 2023 et de 1,7 % en 2024. De fait, la récession n’est pas prévue pour les prochaines années à venir, selon Laurent Sahuquet. Par ailleurs, la crise ukrainienne n’a pas le même impact que celle du Covid. En effet, 2 % de croissance, lié au contexte ukrainien, sont attendu.
Coté inflation, les chiffres sont moins optimistes. La Banque de France Grand Est prévoie une hausse de l’inflation en 2022, à hauteur de 5,6 %, alors que l’inflation initialement prévue était fixée à 3,6 %. L’inflation devrait baisser à 3,4 % en 2023. « Nous restons inférieur à la moyenne européenne, grâce au bouclier tarifaire, a souligné Laurent Sahuquet ».
Focus sur les difficultés d’approvisionnement
Les difficultés d’approvisionnement ont commencé avant la crise ukrainienne. Notamment suite à la reprise d’activité après les confinements liés à la Covid.
En mai 2022, la part des entreprises du BTP et de l’industrie (automobile, électronique, bois, pharmacie) ayant des difficultés, s’élève entre 55 et 60 %. En cause, l’arrêt de certaines chaînes de production et la pénurie de matériel. Une nouvelle notion opportuniste est apparue récemment dans l’achat de l’approvisionnement : le « quoi qu’il en coûte » ! À savoir, une proposition de vente par les fournisseurs de pièces classifiées en pénurie, avec une offre valable seulement pendant 24H et à un tarif élevé. L’entreprise acheteuse, en recherche de ces pièces devenues rares dans le circuit d’approvisionnement, étant contrainte d’accepter ces conditions d’achat pour continuer à faire tourner ses chaînes de fabrication.
Les difficultés de recrutement sont générales
La part des entreprises indiquant des difficultés de recrutement s’élève à 47 % dans l’Industrie, et à 61 % dans le bâtiment. « Alors que de nombreuses entreprises peinent à recruter, le taux de chômage en France reste structurellement élevé. C’est un paradoxe structurellement inacceptable, a souligné le Directeur Régional de La Banque de France Grand-Est ». Un point relevé par Jean-Luc Heimburger, Président de la CCI Alsace Eurométropole, qui attend de l’État des mesures incitatives, afin de pousser les chômeurs à reprendre une activité professionnelle, notamment en agissant sur le levier financier, en réduisant le montant et la durée de l’allocation chômage.
Le baromètre de santé des entreprises
Des données du baromètre Image PME, extraites à partir de la base Statexpert et réalisées par l’Observatoire du Conseil National de l’ordre des experts-comptables, ont révélé des éléments intéressants et parfois inattendus. Ainsi l’indice de chiffre d’affaire (ICA) calculé à partir des télédéclarations mensuelles et trimestrielles de TVA sur les TPE-PME clientes de la profession, a révélé une augmentation du chiffre d’affaires, tous secteurs confondus. Avec notamment de fortes hausses au 1er trimestre 2022, par rapport au 1er trimestre 2021 :
– Au niveau national : ICA 1er trimestre 2022 versus 1er trimestre 2021 : 110,8. ICA 1er trimestre 2022 versus 1er trimestre 2019 : 112,5
– Dans le Grand Est : ICA 1er trimestre 2022 versus 1er trimestre 2021 : 110,2. ICA 1er trimestre 2022 versus 1er trimestre 2019 : 111,5
– Dans le Bas-Rhin : ICA 1er trimestre 2022 versus 1er trimestre 2021 : 110,0. ICA 1er trimestre 2022 versus 1er trimestre 2019 : 111,2
– Dans le Haut-Rhin : ICA 1er trimestre 2022 versus 1er trimestre 2021 : 110,7. ICA 1er trimestre 2022 versus 1er trimestre 2019 : 112,8
Il faut toutefois garder en mémoire que le 1er trimestre 2021 a été marqué par le 3ème confinement et des mesures de restrictions toujours fortes pour certains secteurs. Certes, les chiffres indiquent que les TPE-PME ont dépassé leur niveau d’avant-crise, mais il faut noter que l’inflation a progressé de 6,5 % sur les trois dernières années selon l’INSEE, et qu’il existe des disparités selon les secteurs.
Grandes disparités entre le bâtiment et les commerces de proximité
« La construction reste un secteur dynamique sur tout le territoire depuis la fin d’année 2020. Nous revenons à des taux de croissance moins impressionnants sur le 1er trimestre 2022 ou en avril 2022, mais tout de même élevés, précise Marc Malard, de l’Observation de la Profession Comptable.
Les commerces alimentaires de proximité accusent des baisses du chiffre d’affaires, par rapport l’année précédente, mais qui sont liés au net rebond du 1er trimestre 2021. Globalement, les résultats sont supérieurs au niveau d’avant crise (2019). Quant à l’activité des pharmacies, elle a bien sûre été boostée par les impacts du COVID. Pour les opticiens, le net rebond du 1er trimestre 2021 explique la baisse du 1er trimestre 2022, et le niveau d’avant crise n’a pas été rattrapé sur certains territoires, comme par exemple le Haut-Rhin. Les magasins de prêt-à-porter ont subis des baisses en partie mécaniques, comparativement au 1er trimestre 2021, marqué par un net rebond d’activité. Toutefois, le niveau d’activité d’avant-crise est loin d’être retrouvé. Il y a une disparité selon la localisation : dans le Bas-Rhin le chiffre d’affaires reste en baisse par rapport à 2019, tandis que dans le Haut-Rhin il est en hausse sur la même période. Le constat est similaire, concernant l’activité de la coiffure.
L’hôtellerie-restauration marque une explosion du chiffre d’affaires au 1er trimestre 2022, par rapport au 1er trimestre 2021 où l’activité était au plus bas. De fait, cette situation en trompe l’oeil, n’est pas représentative. Toutefois, le chiffre d’affaires des Hôtels et des restaurants est encore loin de leur niveau d’avant-crise.
A contrario, l’activité des auto- écoles a rattrapé son niveau d’avant-crise, et cela sur tout le territoire français ».
A priori la trésorerie des entreprises est bonne
Lorène Vivin, Vice-Présidente du Tribunal Judiciaire de Colmar, a expliqué le rôle de la Chambre Commerciale du Tribunal judiciaire de Colmar : chaque formation de jugement est composée d’un magistrat professionnel et de deux magistrats consulaires qui instruisent des procédures collectives et des contentieux commercial. La procédure est soumise aux dispositions de droit local, qui diffèrent sur certains points du droit français général. Le nombre de procédures amiables et collectives au Tribunal Judiciaire de Colmar, ont connu une baisse significative en 2021. Ceci est lié aux mesures mises en place par l’État, pour le maintien de l’activité des PME. Ainsi en 2021, 87 liquidations judiciaires, 13 redressements, 4 mesures de sauvegarde, 10 conversions, 1 plan de cession et 3 résolutions de plan ont été enregistrés. « D’une manière générale, les entreprises ont pu maintenir leur activité, car leur trésorerie est restée relativement élevée. La trésorerie est le nerf de la guerre : grâce à celle-ci les entreprises ont assuré la survie de leur structure, explique Lorène Vivin ». En effet, d’après les éléments disponibles, l’augmentation de trésorerie dans les PME du Grand Est s’élèverait en moyenne à + 40 % . Mais la Vice-Présidente du Tribunal Judiciaire de Colmar reste toutefois prudente : « beaucoup d’entreprises n’ont pas encore déposé leur bilan. Les retombées se verront sur les prochaines années. Nous nous attendons à voir un nombre de saisines en augmentation d’ici la fin de l’année : le frémissement est déjà perceptible depuis mars 2022. Nous n’avons pas encore perçue la vague attendue, car actuellement seules quelques saisines ont été déposées par des salariés, des créanciers et directement par les entrepreneurs. Le pic de procédures attendu sera probablement effectif en janvier 2023, avec la saisine par l’URSSAF, suite aux difficultés de paiements des cotisations par les entreprises ». Les secteurs d’activités concernés car ils ont énormément soufferts sont : les salles de sport, l’événementiel, les pâtisserie-salons de thé (qui n’ont pas pu bénéficier de l’aide accordée aux restaurateurs), les boulangeries, le bâtiment et le transport.
Les liquidations judiciaires des entreprises sont en hausse
« Les procédures collectives sont un baromètre, souligne Tony Fasciglione, Président de la Compagnie des Juges Consulaires de Strasbourg. En 2020 et 2021, les entreprises se sont mieux portées que les années précédentes, grâce au Quoi qu’il en coûte de l’État. Depuis avril/mai 2022, il y a une hausse des inscriptions pour liquidation, au tribunal de Strasbourg. Nous avons noté une hausse très importante des dossiers enregistrés, qui ne seront traités qu’en juin et juillet, et cette augmentation de procédures s’annonce linéaire jusqu’à la fin de l’année. En effet, les mois de mars et d’avril 2022 marquent le commencement du remboursement du PGE (Prêt Garantis par l’État), créant une difficulté au niveau de la trésorerie des entreprises. Ce constat n’est pas uniquement régional, car au niveau national, les chiffres sont confortés. Ainsi en 2021, 6500 redressements et 20 000 liquidations étaient enregistrés dans les tribunaux. En 2022, on note déjà une augmentation de 35 % des liquidations, et de 50 % des redressements.
Perspectives floues et incertitude
L’Adira suit les entreprises dans l’accompagnement de leurs projets. De fait, l’institution a une perception de la situation économique actuelle.
Franck Becker, Directeur Général Délégué Adira, affiche un bel optimisme. Avec 411 projets traités, et 327 nouveaux projets encours d’accompagnement, 4 871 emplois crées ou maintenus et 1 760 601 000 € d’investissement, le résultat est plutôt positif. Toutefois, les perspectives restent floues. « Les chiffres sont bons, mais est-ce logique ? Nous n’en comprenons pas forcément les ressorts ! Actuellement, nous voyons une surchauffe, liée à un fort investissement. Une démarche qui serait liée, soit à l’anticipation de marchés porteurs, soit au souhait de présenter un bilan économique dynamique. Dans le contexte de pénurie actuel, l’entrepreneur n’achète pas forcément pour assurer les marchés obtenus, mais plutôt pour éviter des pénuries. Il peine également a recruter du personnel, mais en parallèle, on note un niveau de chômage partiel important en Alsace : c’est une incohérence, détaille perplexe, Franck Becker ».
L’export, le nouvel Eldorado ?
Jean-Luc Heimburger, Président de la CCI Alsace Eurométropole, a mis en exergue la forte attractivité de notre territoire, pour expliquer son optimisme concernant l’activité du tourisme en Alsace. Tout en reconnaissant que les touristes lointains (Chine, États Unis...) sont absents. Dans le secteur de l’industrie, il exhorte à amener de plus en plus d’entreprises à faire de l’export, car il existe encore des possibilités d’expansion. « Il faut reconnaître à notre gouvernement précédent, la volonté de soutenir les entreprises, grâce à la baisse de l’impôt de production et la baisse de l’impôt sur les sociétés. Ça va pas mal, mais tout de même moins bien qu’auparavant, avec en plus la grande inconnue concernant le coût de l’énergie. Donc j’invite les entrepreneurs à développer l’autoproduction énergétique. Nous sommes dans un mode qui change vite et l’entrepreneur doit constamment s’adapter », a martelé Jean-Luc Heimburger.
Comment éviter l’écueil ?
Il faut changer les mentalités ! Un entrepreneur en liquidation judiciaire n’est pas en échec. Au contraire, il a fait une expérience. Il existe des mécanismes de prévention des difficultés pour les entreprises, mais celles-ci ne les sollicitent pas suffisamment en amont. Le Tribunal, actuellement dans une démarche de développement de la prévention, invite les entrepreneurs en difficulté à rencontrer le juge consulaire, afin d’agir avant la situation ultime de la liquidation judiciaire. Car des solutions existes ! Rappelons que le juge consulaire est un entrepreneur (en activité ou à la retraite), qui a une délégation du tribunal de commerce. A ce niveau d’intervention, l’entrepreneur en difficulté aura la possibilité d’échanger avec un expert-comptable, un avocat ou encore un banquier spécialisé, pour connaître les possibilités qui s’ouvrent à lui. Il pourra également demander un accompagnement pluridisciplinaire. Toute cette procédure est gratuite, grâce aux accords concluent avec les différents organismes. Pour cela, il suffit de prendre contact avec la Compagnie des Juges Consulaires de Strasbourg, en se rendant sur le site https://accueiljusticecommerciale.fr
Comment rebondir ?
Le Groupe R&D technology (85 collaborateurs, 4 000 m² d’atelier, 18 M€ de chiffre d’affaires) a pour mission d’accompagner les entrepreneurs dans l’idéation de nouveaux produits et process. Lors de cette rencontre économique, l’équipe a présenté les prestations de services proposées. Cette structure développe des solutions innovantes en robotique, machines spéciales et équipements de production clé en mains, à l’unité ou en série, dans une démarche « industrie du futur ». Contact : www.rd.technology
Pour retrouver ces éléments chiffrés et suivre les indicateurs
À partir du mois de juillet, le site www.imagepme.fr diffusera un premier niveau d’information, accessible à tous les publics. Quant aux experts-comptables, ils pourront accéder gratuitement à tous les résultats et analyses disponibles.
Pour retrouver ces éléments chiffrés et suivre les indicateurs
À partir du mois de juillet, le site www.imagepme.fr diffusera un premier niveau d’information, accessible à tous les publics. Quant aux experts-comptables, ils pourront accéder gratuitement à tous les résultats et analyses disponibles.