
Dans l’hôtellerie-restauration, dans le bâtiment, dans de nombreux secteurs industriels, les cris d’alarme des chefs d’entreprise se suivent et commencent à se ressembler dangereusement : ils ne trouvent pas le personnel nécessaire à la poursuite de leur activité. Et les conséquences se font déjà sentir : restaurants fermés trois ou quatre jours par semaine, retards ou annulations de chantiers, remise à plus tard de plans d’investissement… À Strasbourg, la Maison de l’Emploi (MDE), dont l’objectif est de proposer et de mettre en place des solutions concrètes en faveur des publics les plus en difficulté, de la mutation des compétences des organisations et du marché de l’emploi transfrontalier, a décidé de prendre le taureau par les cornes.
Attirer des travailleurs allemands à Strasbourg
Le temps pas si ancien que cela où le taux de chômage dépassait les 10 % dans l’Eurométropole de Strasbourg tandis qu’il était à moins de 5 % à Kehl est désormais révolu. « Aujourd’hui, nous sommes en tension des deux côtés du Rhin, constate Anne- Marie Jean, présidente de la Maison de l’Emploi et vice-présidente de l’Eurométropole en charge de l’économie et de l’emploi. Le taux de chômage est de 3 % dans l’Ortenau et de 7,1 % dans l’Eurométropole. » Résultat les entreprises strasbourgeoises rencontrent désormais presqu’autant de difficultés à recruter que leurs homologues badoises. « Actuellement 7 900 travailleurs frontaliers strasbourgeois traversent quotidiennement le Rhin pour se rendre chez leur employeur allemand, précise Agathe Binnert, directrice adjointe de la MDE. Et on espère aussi pouvoir attirer des travailleurs allemands à Strasbourg. »
Car le rêve de faire traverser le Rhin à des Allemands pour qu’ils viennent travailler en France parait en effet désormais envisageable à l’équipe de la MDE. Même si les conditions salariales restent largement défavorables de ce côté-ci du Rhin. « Dès lors que le salaire est correct, pour un jeune, la rémunération n’est plus que le troisième ou quatrième critère du choix, explique Vincent Horvat, directeur de la Maison de l’Emploi. Un jeune Allemand pourra être tenté par la possibilité d’une expérience professionnelle en France et l’envie de se frotter à une autre culture. » Et c’est bien dans cet esprit que la KaléidosCOOP, tiers lieu transfrontalier de 2 800 m², en cours d’aménagement sur le site de la COOP au Port du Rhin, doit voire le jour au tournant des années 2022 – 2023. « Le KaléidosCOOP peut être le lieu de rencontre où se manifestent de nouvelles envies, espère Agathe Binnert. Nous y voyons l’opportunité de développer un vrai bassin d’emploi transfrontalier. »
Bonnes idées à suivre
« Rendez-vous en entreprise inconnue ». Les conseillers de Pôle Emploi, des CIO, des associations de quartiers… connaissent-ils bien les entreprises vers lesquelles ils orientent les demandeurs d’emploi ? Pas si sûr. Afin d’y remédier, la Maison de l’Emploi de Strasbourg organise pour eux des visites d’entreprises, à l’occasion desquelles ils peuvent rencontrer DRH, managers, salariés et se faire une idée très concrète sur les entreprises concernées… et ainsi mieux en parler aux candidats futurs. Une quinzaine de visites ont déjà été réalisées chez Eiffage, Schroll, RGDS, Keolis, Bouygues Construction, Alsacienne de Restauration, TER Grand Est…
Parcours Maintenance avec l’UIMM. Entreprises de la métallurgie recherchent – désespérément – candidats sur des postes de maintenance. Afin de répondre à cette urgence, le Club Génération Industrie (70 entreprises industrielles et acteurs du développement économique) de la MDE a imaginé un programme de formation qualifiante pour des demandeurs d’emploi ou des salariés en recherche d’évolution de compétences. 50 opérateurs/techniciens de maintenance ont déjà été intégrés dans dix-sept entreprises industrielles. Le 27 juin dernier, une convention entre la MDE et l’UIMM Alsace a été signée afin que la Parcours Maintenance soit déployé sur l’ensemble du territoire alsacien.

Faire rêver dans la propreté
Autre piste franco-française, celle-ci, dans le secteur de la propreté. Comment créer de la motivation chez les candidats pour des métiers à faible rémunération et aux conditions de travail difficiles ? La Maison de l’Emploi de Strasbourg phosphore sur le sujet depuis six mois avec vingt-cinq entreprises du secteur. « Cela passe par des conditions de travail acceptables, des évolutions de carrière, des emplois à plein temps non fractionnés qui évitent aux salariés de courir d’un emploi à l’autre dans la même journée… avance Vincent Horvat. La compétitivité de ce secteur d’activité passe aussi dans la capacité des entreprises à intégrer des candidats qui s’épanouissent dans leur travail. »
Et bien sûr, les clients des dites entreprises ne sont pas oubliés. Ce sont eux qui doivent, par exemple, accepter que le nettoyage de leurs locaux se fassent pendant la journée et non plus en pleine nuit. Cela peut représenter un progrès énorme pour les salariés : accès aux transports en commun, horaires de travail coïncidant avec l’école des enfants et évitant le recours à des solutions de garde compliquées et dispendieuses… Après les premières réflexions engagées avec les entreprises, cette démarche de progrès va maintenant passer à sa réalisation concrète : travail en ateliers en septembre et premières actions d’ici la fin de cette année.
« Nous sommes là pour trouver de nouvelles façons de faire, être inventifs à l’intérieur des cadres, résume Anne-Marie Jean. C’est une capacité que la crise nous a incités à développer. La MDE sait fédérer les forces vives du territoire autour d’opérations innovantes et sur-mesure pour répondre aux besoins des entreprises et à la situation des demandeurs d’emploi. Nous savons imaginer et mettre en oeuvre des idées parfois un peu farfelues permettant de répondre à des problématiques nouvelles ou anciennes. »
La MDE en chiffres
La Maison de l’Emploi de Strasbourg réunit dans son conseil d’administration : 4 collectivités territoriales, l’État, 5 chambres consulaires et têtes de réseau, 12 entreprises, 6 acteurs de l’emploi et 5 partenaires allemands.
Elle est constituée de 9 personnes, chefs de projet.