Grand Est Paru le 05 août 2022
MÉTIER MÉCONNU

Une plateforme en ligne pour former aux métiers de l’ascenseur

La Fédération des Ascenseurs a annoncé le lancement officiel de sa plateforme en ligne « Être ascensoriste ». Celle-ci a pour objectif de promouvoir et valoriser les métiers de l’ascenseur en fédérant professionnels, établissements scolaires et étudiants sur une même interface. Interview du délégué général Alain Meslier.

Un technicien maintenance - Fédération des Ascenseurs

 

On en parle souvent lorsqu’ils sont en panne : les ascenseurs. Or c’est bien pour ça que ce métier a besoin de techniciens, de spécialistes. C’est le premier moyen de transport en France avec 100 millions de trajets par jour : les ascenseurs constituent un parc de plus de 600 000 appareils dont plus de 12 000 appareils neufs installés chaque année. Une activité dynamique qui regroupe aujourd’hui près de 20 000 salariés. Forte d’un parc en constante évolution, la profession recrute entre 1000 et 1500 techniciens ou techniciennes chaque année.

À ce titre et pour répondre à un besoin de ressources humaines permanent, la Fédération des Ascenseurs a mis au point une plateforme intuitive et ergonomique pour faire le lien entre professionnels, offres pédagogiques et étudiants. Véritable vitrine de la profession, celle-ci a pour objectifs de valoriser les métiers et savoir-faire à travers plusieurs leviers :

- La mise à disposition de nouvelles fiches métiers (installation, montage, modernisation, maintenances des ascenseurs et élévateurs) ;

- La création d’une carte de géolocalisation pour découvrir l’ensemble des établissements scolaires qui forment aux métiers de l’ascenseur et les entreprises adhérentes ;

- Des témoignages de salariés en mettant en lumière la dimension humaine et innovante de ces métiers.

Des métiers riches en possibilités et perspectives

Entre innovations et savoir-faire, les métiers de l’ascenseur sont au service de la mobilité verticale qui structure les villes de demain. Ascenseurs, escaliers mécaniques, monte-charges, élévateurs… les solutions techniques sont de plus en plus nombreuses, performantes et répondent aux enjeux urbains des nouvelles métropoles. À ce titre, la formation et l’emploi sont les clés de voûte de l’industrie des ascenseurs.

Philippe Boué, président de la Fédération des Ascenseurs le répète : « Si les perspectives d’emplois sont nombreuses, les métiers de l’ascenseur restent encore trop méconnus. Nous sommes fiers de lancer cette nouvelle plateforme qui permettra à chacun d’en savoir plus sur ces métiers au service d’une ville et d’une vie plus accessibles. De la conception à l’installation en passant par la main-tenance des appareils, les ascensoristes proposent un vaste panel de métiers qui offrent tous de belles perspectives d’évolutions. » Et pourquoi ne pas le dire avec humour, de belles perspectives d’ascension…

Une fédération centenaire

La fédération des ascenseurs, dont la création remonte à plus de 100 ans, représente l’ensemble de la profession : entreprises in-tégrées, exploitants maintenance, équipementiers ou prestataires de services et supports, y compris depuis 2016 les professionnels des appareils élévateurs. Ce sont donc l’ensemble des solutions de mobilité verticale qui y sont représentées à travers les TPE, PME et groupes. Les 180 entreprises aujourd’hui adhérentes de la Fédération représentent près de 90% de l’activité économique du secteur et environ 20 000 salariés. La Fédération joue en outre un rôle clé dans l’appréhension des enjeux sociétaux et économiques liés au secteur : assurer le rôle d’expert, instruire des dossiers communs à la profession, promouvoir la sécurité et informer les adhérents sur l’évolution de la règlementation, mais aussi les intervenants (prescripteurs, maîtres d’ouvrage, gestionnaires, architectes…) ainsi que les propriétaires et utilisateurs d’ascenseurs. Elle assure également un rôle de porte-parole auprès des pouvoirs publics nationaux et des institutions européennes. Quelques chiffres : le secteur affiche 2,57 milliards de chiffre d’affaires (+6% par rapport à 2020), 218 M€ de ventes pour moderniser le parc existant (-3% par rapport à 2020), 12 600 ventes d’appareils neufs (+0,8% par rapport à 2020).

Interview

Alain Meslier : « L’ascenseur facilite la vie… ascensoriste est un métier proche du quotidien des gens. »

Alain Meslier, délégué général de la fédération des ascenseurs, dans une interview aux Affiches d’Alsace et de Lorraine, raconte ce métier méconnu « proche du quotidien des gens ».

- On connaît peu ce métier. Pourquoi ?

- Alain Meslier : « Je suis ravi de vous faire découvrir ce métier. Le mot ascensoriste n’est pas un mot grand public. On travaille avec des fédérations partenaires autour de l’immobilier, des syndics d’immeuble. Au-delà, sa connaissance est plus aléatoire. Mais il existe pleinement : sa fédération a aujourd’hui 102 ans. On fait partie des seniors de la société. On participe comme depuis le début, à la fin du XIXe siècle, à la construction de la ville. La France s’est beaucoup métropolisée il y a 100 ans. Les concentrations urbaines datent des années 1920. On fait partie de l’évolution des cités, de l’évolution des villes, des pays, de l’urbanisation. Les gens se concentrent dans les villes, même s’il y a aujourd’hui des velléités actuellement de retourner à la campagne. »

- Vous êtes un moyen de transport. C’est de la mobilité verticale ?

- A. M. : « Tout à fait. On est les premiers connecteurs à la cité. Le matin, si je suis dans un immeuble équipé, je passe par l’ascenseur avant d’aller à la cité. Le soir, si je rentre fatigué, avec mes dossiers sous le bras, mes courses, l’ascenseur est le bienvenu. Il facilite la vie de tous, tous les jours. À une question ouverte dans un sondage, c’est quoi pour vous l’ascenseur ? Ce ne sont que des retombées positives, qui se sont exprimées. »

- Malgré les pannes ?

- A.M. : « Nous avons des techniciens pour traiter les pannes. Globalement c’est l’apport à la ville, à la vie de la cité qui est mis en avant par nos concitoyens. »

- Mais cela n’a-t-il pas été battu en brèche par le confinement pendant la crise sanitaire ?

- A.M. : « Paradoxalement, non. Dès le premier confinement, le ministre du Logement M. Denormandie nous avait adressé un message lors d’une réunion en visio avec d’autres métiers. Il demandait clairement : faites-moi vivre les bâtiments. On ne peut pas se permettre d’avoir des difficultés dans les bâtiments résidentiels. La continuité de service s’est imposée. On avait été identifié lors de cette période : on a besoin des ascensoristes pour que la vie continue. À l’évidence, on ne pouvait pas rester chez soi au 7e étage sans ascenseur… C’était important que le bâtiment continue à vivre. »

« Un parc moins fourni qu’ailleurs »

- Quel est le parc actuel en France et quel est son état ?

- A.M. « Il y a environ 630 000 ascenseurs installés. Ce n’est pas beaucoup. Cela fait 8 ou 9 ascenseurs pour 1000 habitants, il y en a 23 pour 1000 en Espagne. Aujourd’hui 8 ou 9 Français sur 10 veulent vieillir chez eux. Comment fait-on, y compris dans les maisons individuelles où il faut 5 ou 6 marches pour rentrer chez soi ? Nous disons, il faut faire un audit d’accessibilité sur l’ensemble du parc immobilier de France, maisons individuelles, immeubles collectifs. Un récent rapport pointait le problème chez les bailleurs sociaux : il y avait un taux de seniors plus important que dans le reste de la société et il y avait un taux d’ascenseurs faible. »

« Un remplacement peut prendre 3 à 6 semaines »

- Pourquoi y en a-t-il davantage en Espagne ?

- A.M. : « L’Espagne, où pour le même nombre de personnes il y a trois fois plus d’ascenseurs, s’est métropolisée beaucoup plus tard. Pour ce qui est de la vétusté du parc en France, on alerte régulièrement les pouvoirs publics sur le sujet. 25% des appareils ont plus de 40 ans. On est le seul lot technique d’un bâtiment qui doit vivre éternellement. La chaudière d’un bâtiment collectif, vous pouvez la changer en été, sans problème pour les locataires. Dans le monde de l’ascenseur on ne peut pas se le permettre : un remplacement d’ascenseur peut prendre de 3 à 6 semaines. C’est une vraie difficulté, pour l’ascenseur c’est plus compliqué. Il faut parfois prévoir de déménager des locataires fragiles qui ont des difficultés de mobilité. Et nous devons faire face à des appareils qui ont 40, 60 ou 70 ans que l’on doit faire durer. »

- Quelle est la durée de vie d’un ascenseur ?

- A.M. : «15 ou 20 ans sur un immeuble de fort trafic. Je pense aux immeubles hospitaliers, immeubles de bureaux dense. Et là ce sont des rénovations très lourdes à réaliser. En copropriété, habitation légère, cela peut durer 25 à 30 ans avant d’envisager une rénovation de l’armoire de commande, ou le groupe de commande avec moteur, câble, poulie. Tout dépend de l’âge de l’installation. Ce qui fait vivre plus longtemps un ascenseur ? Il doit être adapté à son usage. Un même ascenseur 8 personnes standard dans une construction neuve, vous le mettez dans un quartier plus tranquille ou dans un quartier plus difficile, il ne va pas vivre de la même manière. La densité n’est pas la même dans chaque bâtiment. Il faut prendre en compte le trafic que va générer le bâtiment. »

- N’est-ce pas une question d’entretien ?

- A.M. : « C’est la maintenance. Il faut qu’il soit bien entretenu. Avoir un contrat avec le propriétaire pour qu’il y ait une bonne adaptation de l’installation avec l’exigence du bâtiment. Il faut qu’il soit rénové tous les 20 à 30 ans. Il faut qu’il soit respecté. Et ça fait la longévité de l’ascenseur. Bon, les pannes les plus récurrentes concernent les portes. Un tiers des pannes sont le fait des portes, point sensible de l’ascenseur. Il faut signaler que les câbles et systèmes de parachute (ndlr : contre la chute) sont deux organes qui donnent lieu à des procès-verbaux de visite tous les 6 mois, tous les ans en fonction des organes. »

- Il faut donc beaucoup de personnel ?

- A.M. « De fait, pour faire vivre ces 630 000 ascenseurs dans le pays, on a besoin de salariés compétents, formés. Aujourd’hui la fédération a 180 adhérents, mais on estime le nombre d’entreprises à 250 : de la TPE avec 2 ou 3 salariés, aux groupes internationaux qui ont leur structure en France. Tout ça fait vivre un écosystème de 20 000 salariés environ, dont 70% de l’activité est dédiée à la maintenance. »

« Le lycée Louis Armand de Mulhouse a été un des premiers »

- Comment devient-on ascensoriste ?

- A.M. : « Pour être technicien ascenseur, la filière principale c’est électromécanique et électrotechnique, en bac pro et en BTS avec un vivier qui est extrêmement masculin. On essaie bien de féminiser le métier mais on en est encore très, très loin. On offre une mention complémentaire, un diplôme bac avec un an de formation complémentaire de technicien ascenseur. Il y a 18 lycées en France qui font cette formation complémentaire dont celui de Mulhouse, le Lycée Louis Armand, un des tout premiers à avoir lancé cette formation au début des années deux mille. Il a créé un plateau technique dédié à cette formation. Il y a deux CFA référents : un à Gennevilliers et un à Tours. Et aujourd’hui on essaie de construire d’autres cycles de formation dans le 93, avec la Ville de Marseille, avec un Lycée technique de Montpellier afin d’élargir cette base de formation. »

- Vous avez d’importants besoins de recrutement ? Et c’est difficile de recruter ?

- A.M. : « Nous avons besoin de recruter. Notre métier est en tension. Bon, les groupes ont le plus souvent leur centre de formation intégré. On travaille aussi avec la formation de l’UIMM, car on fait partie d’une activité métallurgique, pour disposer d’un potentiel de formation le plus large possible. Il y a aussi les programmes de reconversion qui peuvent nous aider. Nous devons attirer les jeunes vers ce métier. »

- C’est la vocation de votre plateforme en ligne ?

- A.M. : « Cette plateforme « Être ascensoriste » a pour but de montrer la diversité des métiers, les possibilités de filières, attirer les jeunes pour devenir expert d’un produit particulier, devenir contremaître, chef d’équipe, patron d’agence. Il y a beaucoup de profils qui ont démarré sur le terrain et qui ont pris des responsabilités de management. C’est une des forces de la profession, quand on y est, on y reste longtemps. Même si la fidélité à une entreprise n’existe plus vraiment aujourd’hui, la fidélité à la profession reste forte. Et c’est un métier où existe des échanges avec la clientèle, et des utilisateurs. Il y a une approche service dans ce métier qui a son importance. Cette plateforme est une sorte d’interface entre les établissements, les entreprises et les étudiants. »

- Existe-t-il des entreprises françaises qui fabriquent des ascenseurs ?

- A.M. : « Le plus important est américain avec Otis qui est aussi basé en France à Giens dans le Loiret avec 800 employés, une usine qui livre toute l’Europe. On a des entreprises, des grosses PME comme Sodimas ou Octé qui fournissent des ascenseurs complets à destination du marché des PME puisque les majors ont leur usine en Europe comme Schindler en Allemagne. On a aussi une société qui est le central d’appels pour les prestataires qui est adhérente de la fédération. On a des systèmes de communication en cabine qui nous permettent d’intervenir en cas d’arrêt de l’installation. Ce central d’appels est basé à Strasbourg. »

- Comment évolue votre métier ?

- A.M. « Nous devons renforcer les compétences sur la digitalisation de l’équipement, les appareils sont aujourd’hui connectés. On fait de la maintenance cognitive, on peut intervenir à distance. Cela a donné une nouvelle impulsion à la formation et de nouvelles pratiques dans la maintenance. Cela va faciliter le travail du technicien et permettre d’anticiper des pannes franches. Et je n’oublie pas de rappeler que nous sommes un des seuls métiers du bâtiment à avoir cette obligation règlementaire 24h/24 et 7 jours sur 7. C’est un métier proche du quotidien des gens. »

Alain Meslier (Crédit photo - Fédération des Ascenseurs)

Bernard KRATZ