Dossier Paru le 30 septembre 2022
BILAN ET PROJECTION

Quelle situation économique en 2022 et pour 2023 dans le Gand Est ?

Baptise Allegrand, directeur régional adjoint de la Banque de France Grand Est, a présenté récemment à Strasbourg la situation économique des entreprises du le Grand Est. Si l’exercice 2021 met en exergue une consolidation des performances, malgré les problématiques de pénuries de matières et de personnel et la hausse du coût de l’énergie, l’année 2022 présente des résultats globalement positifs, tandis que 2023 s’annonce sous le signe de l’incertitude.

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Un contexte régional avec une nouvelle progression d’activité

Pour apporter des éléments précis et concrets, une étude a été réalisée auprès de 27 830 entreprises du secteur Grand Est. Ainsi, 10 053 entreprises du commerce, 8 072 entreprises des services marchands, 4 916 entreprises de la construction et 4 789 entreprises de l’industrie, ont été consultées. Voici l’analyse des données de cette étude :

– La situation économique en 2021 par rapport à 2020 : on note un rebond d’activité en valeur ajoutée de 10 points dans la région Grand Est, par rapport au reste de la France. Plus précisément, l’évolution du chiffre d’affaires a évolué positivement de 13,5 % dans l’industrie, de 6,2 % dans les services marchands, de 11,2 % dans la construction et de 9,6 % dans le commerce. En parallèle, l’évolution positive des effectifs fin 2021 versus 2020, est de 0,1 % dans l’industrie, 1 ,3 % dans les services marchands, 2,0 % dans la construction et 2,5 % dans le commerce.

– La situation économique en 2021 par rapport à l’avant crise (2019) présente une évolution positive du chiffre d’affaire, de 11 % en moyenne, et une croissance d’activité de 2,5 %, soutenue par des effectifs en hausse de 0,8 %.

* Les chiffres d’affaires ont évolué de manière très marquée, sauf dans les services marchands (en lien avec la restauration et l’hôtellerie qui étaient à l’arrêt pendant la pandémie du Covid) : + 0,5 % dans l’industrie, -3,1 % dans les services marchands, + 2,3 % dans la construction et + 6,7 % dans le commerce.

* Sur le plan des effectifs permanents, un rebond est noté en 2021, d’environ 1,3 %. Ceci étant dû essentiellement à la volonté des chefs d’entreprise de préserver leur personnel salarié pendant la crise du Covid, pour pouvoir assurer la production et les services lors de la reprise après les confinements. Une démarche nettement facilitée par le soutien financier de l’État. Le niveau des effectifs se défini ainsi en 2021 : - 1, 6 % dans l’industrie, + 1,5 % dans les services marchands, + 2,4 % dans la construction et + 3,0 % dans le commerce.

* Les résultats financiers fin 2021 comparé à 2019 présentent une évolution positive, même dans le secteur des services marchands : 4,5 % dans l’industrie, 4,3 % dans les services marchands, 2,8 % dans la construction et 2,6 % dans le commerce.

La situation économique en 2021, par secteur d’activité

Le secteur de l’industrie enregistre une solide reprise, se matérialisant par l’évolution du chiffre d’affaires (+13,5 %) et de la rentabilité, malgré des tensions sur les approvisionnements. Le personnel est préservé et les investissements se stabilisent, facilitant le désendettement. L’activité et les performances sont en hausse : la rentabilité EBE/CA est de 9,07 % en 2021 (7,69 % en 2020), et la profitabilité résultat/CA est de 4,24 % en 2021 (2,66 % en 2020). L’étude révèle une réduction du taux d’endettement et une relative diminution des investissements : le taux d’endettement / FP est de 26,77 % en 2021 (31,23 % en 2020), et le taux d’investissement / VA est de 18,24 % en 2021 (21,14 % en 2020)

Les services marchands connaissent également une progression de leurs performances. Les difficultés de recrutement limitent toutefois la croissance. Le secteur se démarque par une progression significative des investissements (= 43,3 %) dans un contexte où l’endettement reste relativement stable et se développe moins que les fonds propres. Ainsi, en 2021, la rentabilité : EBE/CA est de 10,35 % (8,56 % en 2020). La profitabilité : résultat / CA est de 5,39 % (4,25 % en 2020). Le taux d’endettement / FP est de 60,84 % (61,07 % en 2020). Et le taux d’investissement / VA est de 21,90 % (16,10 % en 2020)

Dans le secteur de la construction, la dynamique du chiffre d’affaire (+ 11,19 %) s’est répercuté modestement sur la marge et le résultat. L’effet volume améliore très partiellement les différents niveaux de rentabilité (taux de marge brut + 0,83 points). L’actif immobilisé se renforce (+ 29,32 %). Dans le même temps, l’endettement s’infléchit après avoir atteint un pic en 2020. Il est contrebalancé par une trésorerie nette largement excédentaire qui représente 92,9 % des fonds propres. Ainsi, on note une hausse du CA avec une transmission partielle sur les performances, une légère réduction du taux d’endettement, et une relance des investissements en 2021. Concrètement, la rentabilité EBE / CA est de 6,02 % en 2021 (5,19 % en 2020), la profitabilité Résultat / CA est de 2,98 % (2,43 % en 2020), le taux d’endettement / FP est de 55,76 % (56,62 % en 2020) et le taux d’investissement / VA est de 9,67 % (8,30 % en 2020).

Quant au secteur du commerce, il affiche une meilleure productivité. Les acteurs du secteur accompagnent leur rebond économique de recrutements (+ 2,5 %) plus marqués que dans les autres secteurs d’activité. Les différents taux de marge s’incrémentent. Les évolutions bilancielles sont mesurées et teintées de prudence. Les fonds propres se sont consolidés, et l’investissement est resté constant. La rentabilité EBE / CA est de 4,5 % en 2021 (3,7 % en 2020), la profitabilité Résultat / CA est de 2,6 % (1,8 % en 2020), le taux d’endettement / FP est de 37,2 % (41,7 % en 2020) et le taux d’investissement / VA est de 11,5 % (11,7 % en 2020).

Focus sur la trésorerie et les délais de paiement des entreprises

Une étude, basée sur l’enquête mensuelle, réalisée par la Banque de France, souligne des résultats qui sont sujet à de fortes fluctuations. Depuis la crise de l’Ukraine au printemps 2022, le carnet de commande des entreprises s’élevait à des niveaux historiques. Mais actuellement, un effritement de ces carnets de commande est constaté. Toutefois, ils restent à des niveaux supérieurs à la moyenne historique. Un allongement des délais de paiement sur 2021 et fin 2022 a été ressenti. Un tassement progressif des trésoreries reste correct, mais une entreprise sur 5 commence à sentir sa trésorerie se tendre. Toutefois, un certain optimisme est noté chez les chefs d’entreprises.

Les projections pour 2022...

Les données recueillies par la Banque de France, par le biais de l’enquête à mi-année, révèlent les situations suivantes à fin juin 2022 : les attentes haussière émises en début d’année se confirment globalement, six mois plus tard. Elles s’accompagnent d’une préservation des marges pour 59,9 % des entreprises. Les recrutements, difficiles, sont complétés par un accroissement du recours à l’intérim.

...Dans le secteur de l’industrie

2022, pour l’industrie, annonce une croissance d’activité, des marges affectées, un renforcement des effectifs par la voie de l’intérim, et des investissements à minima stables. Les anticipations dynamiques sont légèrement révisées à la baisse. Cependant, par rapport à 2021, 72 % des acteurs notent une hausse des volumes produits malgré l’inflation. Des embauches sont encore souhaitées, mais le contexte incite les dirigeants à se tourner vers des contrats court. Les investissements et la rentabilité s’inscrivent la continuité de 2021.

Si les chefs d’entreprise ont maintenu leur prévision de hausse du chiffre d’affaire à 12,8 %, celle-ci est liée à une augmentation du volume de vente, mais aussi à une augmentation des prix de vente : la prévision du CA en 2022 dans l’industrie est de 12,8 % (actualisation : 3,6 %).

Concernant les effectifs : l’actualisation du nombre des salariés permanents est en baisse (prévisions initiales 1 ,7 %. Actualisations : 0,4 %), par contre le nombre d’intérim est en hausse (prévisions initiales 6,8 %. Actualisation 10,0 %). Cette baisse du nombre de recrutement de salariés permanents est liée aux difficultés de recrutement, qui est pallier par de l’embauche en intérim. Mais aussi au choix des chefs d’entreprise de recourir à l’intérim pour garder une certaine souplesse au niveau de la gestion du volume des effectifs.

Les investissements sont plutôt stables, et beaucoup de projets continuent à voir le jour, notamment en lien avec la collectivité Européenne d’Alsace

Le flux d’activité dans l’industrie reste assez fourni. On note une légère reprise dans le secteur de l’automobile.

La sortie du confinement a marqué une reprise de l’activité dans le secteur du service marchand

La situation s’avère meilleure que celle anticipée. Les entreprises de services marchands tablent sur une croissance accentuée. Les besoins en effectifs, quoiqu’en baisse, persistent, et l’intérim est 3

privilégié. Les programmes d’investissement sont maintenus, appuyés par des performances stables. On enregistre une poursuite des investissements et de la rentabilité, marqué par les difficultés de recrutement.

La production s’annonce supérieure aux prévisions (prévisions 4,0 %, actualisation 5,1 %). Cette hausse est liée à la reprise de la restauration, après la crise Covid.

Les effectifs permanents sont en baisse. Ceci étant notamment lié aux difficultés de recrutement, avec un report sur l’embauche des salariés intérimaires. Prévision initiale du nombre de salariés permanents 2,4 %, actualisation 1,2 %. Prévision initiale des salariés intérimaires 3,4 %, actualisation 4,9 %.

L’investissement marque une stabilité.

La rentabilité est liée à la capacité des chefs d’entreprise à répercuter les coûts sur les effectifs et les prix de vente.

L’actualisation des prévisions dans le secteur de la construction

Bien qu’étant en retrait sur les autres secteurs en terme de croissance, le secteur de la construction révise également à la hausse certains indicateurs. Ces métiers sont les plus importants créateurs d’emploi en 2022 et complètent leurs effectifs par des contrats courts ou alternants. En 2022, la situation est plus favorable que prévue, avec une intensification des recrutements, mais des marges en baisse. En effet, les prévisions étaient enregistrées à la baisse, mais finalement on note une progression de la production de 0,4 %. Concernant les embauches, les chefs d’entreprise espéraient pouvoir recruter des permanents pour moins s’appuyer sur l’intérim, mais cela n’a pas été le cas : prévision des salariés permanents 1,2 %, actualisation 2,3 %. Prévision des embauches en intérim -1,6 %, actualisation + 4,3 %.

La rentabilité et l’investissement en 2022, par rapport à 2021 est stable.

Plus particulièrement, dans le domaine des travaux publics, le niveau d’activité est satisfaisant. Tandis que dans le bâtiment, l’activité était plutôt en retrait en été, elle est plus favorable en automne. Toutefois, les chefs d’entreprises restent très prudents pour la suite du carnet de commande.

Incapacité de payer et défaillances des entreprises

Chaque secteur d’activité défini sa propre stratégie. De fait les taux d’endettement varient d’un secteur à l’autre. En 2021, les entreprises qui avaient pris des PGE de confort (soit 25 % des entreprises les ont remboursés le plus tôt possible. De fait les taux d’endettement sont globalement bons. Lorsqu’une entreprise renégocie sont PGE, cela a un impact sur sa cotation, et la baisse de cotation influencera négativement son éventuelle demande de prêt bancaire pour trésorerie. Toutefois, on note un faible nombre de dossier de demande de négociation de PGE (9 entreprises sur le Grand Est. Deux dossiers dans le Bas-Rhin).

Les études menées par la Banque de France, font apparaître les données suivantes :

L’évolution du montant cumulé des incapacités de payer des entreprises a tendance à partir fortement à la hausse. Cette situation était assez attendue, au vu des éléments disponibles il y a déjà plusieurs mois.

La situation est identique sur le niveau des défaillances des entreprises, qui a repris depuis 2021. Même si Baptise Allegrand, directeur régional adjoint de la Banque de France Grand Est s’attend à une progression des défaillances, il souligne que le nombre de dossiers déposés est loin des niveaux de 2019. Ainsi le nombre de défaillances recensées sur 12 mois glissants, à fin juillet 2022 est de 34 920 au niveau national, 2 451 dans le Grand Est et 504 pour le Bas-Rhin. Soit un taux de croissance annuel, respectivement de + 24,1% (France), + 17,8 % (Grand Est) et -3,3 % (Bas-Rhin).

Il est aussi à signaler que peu de dossiers ont été déposés pour une médiation : leur nombre est revenu à des niveaux plus modeste. Actuellement, ce sont essentiellement des demandes de restructuration de remboursement des PGE qui sont traitées.

Les entreprises Zombies

Certes le nombre de défaillance d’entreprises a progressé, mais il était attendu 20 000 défaillances de plus en 2022, par rapport au ratio des années précédentes. Ce ne sont pas moins de 50 000 à 60 000 défaillances par an en France, qui ont été enregistrées les années précédentes. Actuellement, environ 30 000 défaillances ont été déposées, soit moitié moins. Ce qui laisse à penser que les entreprises zombies (qui auraient dues faire faillite pendant la crise sanitaire, mais on été maintenues grâce aux aides de l’État), auront du mal à se maintenir en activité. D’autant plus que la hausse des taux d’intérêt aura probablement une incidence sur la stabilité de ces entreprises exsangues. En définitive, la normalisation des taux d’intérêts et ses conséquences donneront une respiration au secteur économique.

Données sur les particuliers, sur le Grand Est

En 2020, le nombre de dossiers de surendettement a très fortement diminué. Puis, en 2021, il a repris de façon modéré, pour finalement s’inscrire avec un très léger recul en 2022.

Plus précisément, cette année, le Grand Est le 3ème département de France qui compte le moins de dossiers enregistrés. Ainsi, le Haut-Rhin se distingue avec un taux de – 12 % par rapport à la moyenne nationale, tandis que le Bas-Rhin se positionne avec un taux de - 5 %.

Un avenir plombé par l’incertitude

Les chiffres d’affaire restent orientés à la hausse en lien avec la hausse des volumes conjuguée aux revalorisations tarifaires, mais avec un indicateur d’incertitude.

Le renforcement des effectifs se réalisera probablement plutôt par la voie de l’intérim que de l’emploi permanent, offrant ainsi plus de souplesse pour le chef d’entreprise.

Quant aux investissements, les prévisions pour 2022 s’orientaient vers la modernisation des équipements. Mais on note une actualisation des objectifs, avec une orientation vers la préservation des investissements réalisés.

L’augmentation des tarifs de l’énergie aura des conséquences sur les développements en 2023. Par ailleurs, la rentabilité moins favorable renvoie le chef d’entreprise sur la base de ses marges, et la capacité de l’entreprise à répercuter la perte sur ses prix de vente. Tous les entrepreneurs s’interrogent sur l’acceptabilité de la hausse des prix de vente, par rapport au coût de production. Ainsi que sur la capacité de ses clients à accepter le nouveau tarif. L’enjeu étant de trouver le juste équilibre entre la rentabilité et le juste prix de vente, car si le tarif est trop élevé, le client décidera de ne pas procéder à l’achat. Un jeu d’équilibriste, qui mettra en danger quelques établissements

CH. BE